Chapitre 25
C'est quoi cette merde...? Il a une écorchure d'au moins trois centimètres de long au niveau de la tempe droite qui saigne pas mal et un hématome sur la partie gauche du front. Il me fixe sans rien dire. Son regard est vide mais pesant. J'attrape mon portable et compose tout de suite le numéro des urgences, mais Angel me l'arrache des mains et l'éteint complètement, me prenant par surprise.
- Mais qu'est-ce que tu fais ?!
- T'appelles rien du tout, et surtout pas les urgences.
- Mais tu pisses le sang !
- Je pisse pas le sang, je saignotte. Si c'était plus que ça, je me serais écroulé sur un trottoir.
- Attends, t'es venu ici à pied ?!
- Comment sinon...?
- Non, y a pas de "mais", j'appelle les urgences.
- Ethan, je te jure que, si tu fais ça, je ne pourrai pas te pardonner.
Il ancre mon regard dans le sien. Je comprends, à ses yeux, que la situation est plus grave qu'une simple écorchure. Après, pourquoi ? Je ne pense pas obtenir l'information aussi facilement. Mais un désagréable frisson me parcourt, me rappelant des souvenirs que je souhaite oublier. Bref, Ethan, tu penses à autre chose que ta pomme pour une fois et tu aides le gars blessé devant toi.
- Bon, je soupire. Tu vas prendre une douche et je vais te prêter des vêtements parce que t'as l'air d'en avoir bien besoin. Par contre, je veux qu'on ait une discussion après.
- D'accord...
J'ouvre de grands yeux. Il a accepté si facilement ? Bah, c'est vrai qu'il n'est pas vraiment en mesure de négocier si on réfléchit bien... Même si je ne souhaite le forcer à rien. Je l'aide à se relever et observe une légère boiterie qu'il essaye de cacher. J'ai l'impression que ma cage thoracique est oppressée. Je n'aime vraiment pas ça du tout. Je ne suis plus si sûr de vouloir discuter. J'essaie de l'aider à marcher en passant son bras par dessus mes épaules et le mien autour de sa taille. Il grimace un peu au contact de ma main contre sa hanche, mais sans plus alors on continue à avancer vers les escaliers comme ça. L'ascension des seize marches se fait assez lentement et pas forcément de manière agréable pour le blond. On arrive finalement en haut et je lui montre la salle de bain. Il pénètre dans la pièce tandis que je pars chercher des vêtements dans mon armoire. Et il s'est fait l'heure de marche entre ici et chez lui, pieds nus et sous une grosse averse, au milieu de la nuit. Je retourne vers la petite pièce et entrouvre discrètement la porte pour poser le tas d'habits sur un meuble. Je jette un œil au passage et voit le jeune homme de dos, son T-shirt dans une main. Il est appuyé devant le miroir et effleure l'écorchure de son autre main en se mordant la lèvre pour retenir des gémissements de douleur. Je suis partagé entre l'admiration pour ses contours bien dessinés et le mal être face aux bleus qui les décorent. Tu m'étonnes que je devais pas lui toucher les épaules, je pense en observant les marques presque noires dessus.
Il remarque ma présence et se retourne. Je pose le tas et m'en vais, mais un bruit de pas boitant résonne et une main me retient. Je me retourne et voit sans surprise Angel me tenir le bras.
- Je peux t'aider ?
- Ouais, je... Tu peux m'aider avec ça ? demande-t-il en désignant sa tempe droite.
- Oui, bien sûr.
Je retourne dans la salle de bain et ferme la porte derrière moi. Je vais chercher la trousse de secours dans le placard (je suis trop bête de pas y avoir pensé plus tôt) et reviens vers le blond qui fixe de nouveau son reflet. Je sors des compresses et de l'alcool en lui demandant de soulever ses cheveux qui gênent. Je remarque au passage qu'ils cachaient quelques autres cicatrices plus anciennes. Mon cœur se serre et je commence à m'occuper de la plaie.
- Qu'est-ce qui t'a fait ça ?
- Tu vois une table en bois ?
- Ouais ?
- Tu vois un coin bien pointu de table en bois ?
- Ouais ?
- Bah voilà.
Je grimace. Ça fait bien mal ces saloperies. Je me risque à lui poser la question qui me hante depuis tout à l'heure.
- Tu t'es fait ça tout seul ?
Il ne répond pas pendant quelques secondes avant de soupirer.
- Ce serait te mentir de nier. Et je t'ai suffisamment menti comme ça.
- Menti ?
- C'est pas du tout par choix que je les ai coupé, mes cheveux, par exemple.
Mon estomac se contracte.
- Du coup...?
- Mon père m'a envoyé sur le coin de table.
Un horrible frisson me parcourt et je lâche ce que j'avais dans la main. Je n'avais rien remarqué. Maintenant tout s'explique. Et, au fond, je m'en suis douté dès le moment où il a posé le pied ici. Il avait les mêmes signes que moi. Je ramasse ce que j'ai fait tomber et continue sous son regard que je suppose interloqué face a ma maladresse.
- De... Depuis combien de temps ?
- Je sais pas... Mes 13-14 ans, je crois.
- Et... Pourquoi ?
- Il s'énerve facilement. Depuis le divorce, il est vrillé. Là, j'avais pas fait suffisamment de courses en son absence, enfin je crois, je sais jamais vraiment.
Je recule et m'assois contre la baignoire. Il me faut de l'air. Je me retourne et ouvre la fenêtre en grand avant d'inspirer un grand coup. L'enfer. Il vit une forme d'enfer. Enfer qui peut le briser en mille morceaux. Enfer que j'ai trop longtemps connu et dans lequel il a été plongé au moment où on m'en a sorti. Enfer dans lequel il semble être piégé contrairement à moi qui avait une mince issue pour m'échapper. Une main se pose sur mon épaule.
- Fallait me le dire que tu supportais pas la vue du sang, je me serais démerdé, tu sais.
- Je... Non, c'est pas ça.
Je me retourne vers lui et finis de m'occuper de l'écorchure. Je quitte finalement la pièce pour le laisser seul et je pars m'allonger sur mon lit. Je ne suis pas censé être le plus effondré et, pourtant, me voilà en train de faire couler des larmes sur mon lit alors que je suis le seul de nous deux à ne pas être blessé physiquement.
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