Je ne sais pas combien de temps ça dure. L'ambiance a radicalement changé en un instant. Angel s'applique à malmener mes cheveux en les tirant doucement et c'est plutôt agréable. Rares sont les espaces entre nos bouches qui nous servent essentiellement à respirer. J'ai tout un tas de questions en tête qui trônent à l'arrière-plan, ce que je fais ayant toute mon attention. Mes mains appuient son dos de façon irrégulière, le faisant bouger sur moi. Sa tête est au-dessus de la mienne, ce qui rend cette situation différente des précédentes, mais pas moins plaisante.

Je ramène mes mains sur ses hanches et tire sur son pull avant de passer une main dedans. Il ne s'y attendait pas, et sursaute, mais ne me repousse pas. Avec mon autre main, j'attrape la sienne, pris d'un doute. Elle est brûlante, cet idiot est entrain de mourir de chaud avec son sweat. Je prends l'initiative de le lui enlever. Il est un peu réticent au début, mais il doit avoir bien trop chaud, donc il se laisse faire. Il porte toujours un T-shirt blanc fin à manches longues qui ne laisse aucun doute quant aux formes de son corps.

Vient finalement le moment où Angel pose sa tête contre le mur et se laisse retomber sur mes jambes. J'ai chaud, particulièrement au niveau du visage. Ses mains sont fermement accrochées à mes épaules et je l'entoure de mes bras, ne sachant pas quoi faire d'autre. On redoute tous les deux la discussion qui va avoir lieu, qui doit avoir lieu. Je lui caresse le dos, geste qui m'est venu naturellement. Sa tête est maintenant appuyée sur mon épaule droite et aucun de nous ne bouge. Il décide néanmoins de se redresser après quelques minutes, tout en restant sur moi. J'aperçois dorénavant son visage teinté de rouge à pas mal d'endroits. Je prends la parole, déterminé à ne pas fuir, cette fois-ci.

- On fait quoi, maintenant ?

À aucun moment, j'ai dit que ce serait bien.

- Je sais pas... répond-t-il.

- Ça t'a aidé ?

J'ai l'impression qu'il sonde mon âme avec ses yeux bleus.

- Et toi ?

Il me prend à revers. Je n'avais pas pris le temps d'y réfléchir, dans le feu de l'action. Peut être bien.. Sûrement même. Ça m'a mis encore plus dans la merde, mais ça me convainc qu'il y a un truc que je ne peux plus ignorer chez moi.

- Je suppose...

- Monsieur le convoité de service n'est plus si convoitable.

- Et Monsieur je-suis-un-couillon-sûr-de-moi est en fait un humain sensible.

- Connard.

- Un connard avec quelques avantages alors.

Il me fixe de nouveau.

- Je ne veux plus ressentir ce manque.

- Et tu n'auras plus à le faire.

- T'es pas un si gros connard.

- Le moindre compliment t'arrache la bouche, on dirait.

- Je n'ai aucune raison de t'en faire.

- C'est vrai ce mensonge ?

- Va te faire foutre.

Il détourne le regard, et je prends le temps d'observer le contour d'un corps que je n'avais encore jamais vu. Comme il me semblait, il n'est pas maigre du tout. Il est simplement mince et a une fine musculature. Je suis forcé de reconnaître que cet idiot est rudement beau. Je pose mes mains sur ses épaules pour m'assurer que ce n'était pas simplement le hasard qui a fait qu'il n'a rien senti. Non, il me juge, mais il ne crie pas. Je fais descendre mes doigts le long de ses bras, puis de ses mains. Il me regarde faire, en silence. Je remonte le long de son dos et redescend le long de ses jambes, mais c'est quand je touche sa cuisse gauche qu'il tressaute et grimace avant de retirer ma main.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- Rien, t'as juste appuyé à un endroit sensible.

- Mouais.

Il se retourne, me forçant à écarter les jambes, et s'adosse à moi, assis par terre. Il rallume son téléphone et parcours les réseaux sociaux. Il ne publie pas, mais il regarde beaucoup de trucs. Je sers de dossier, alors je ne me gêne pas pour regarder par-dessus son épaule. C'est essentiellement des montagnes et mêmes sur des séries et des animés. Il y a de tout, que je connaisse ou non. Il semble quand même avoir plutôt bon goût. Vient tout de même rapidement le moment où je dois aller en cours, je commence à 9h, contrairement à l'autre chômeur. Ça sonne dans cinq minutes et Angel ne semble aucunement décidé à bouger de son dossier improvisé, à savoir moi. Je tente de le pousser, mais il résiste. Je soupire.

- Faut que j'y aille.

- Pourquoi ?

- Parce que, comme tu l'as si bien dit, les absences vont sur Parcoursup.

- Comme tu l'as si bien dit, je te donnerai un coup de pied et t'iras à l'infirmerie.

Il me fatigue. Je le prends par les hanches et le déplace à la droite. Il est peut-être musclé, mais il reste léger. Ses jambes sont toujours entre les miennes mais, au moins, je peux me lever.

- Eh !

- Il faut que j'y aille, ça sonne, je dis en désignant la porte dont l'interstice du bas nous permet d'entendre le bruit étouffé de la sonnerie.

Je ramasse mon sac que j'avais laissé par terre entre deux balais. Il se lève à son tour et se dirige vers moi.

- Bon bah à toute à-

Il me coupe avec un baiser, avant de retourner s'asseoir et regarder son écran. Surprenant, je songe en passant la porte du local, un sourire aux lèvres. Je croise Steve dans le couloir qui est en train de discuter avec Adèle. Leurs têtes de débiles dépravés et heureux disent tout de l'activité nocturne à laquelle ils se sont adonnés.

- Hey, Ethan ! Tu commences à 9h ?

- Ouaip, et toi ?

- À 10h, mais je vais t'accompagner parce que je suis un ami incroyable.

Tous des chômeurs. Il embrasse la jeune fille et nous nous dirigeons vers un escalier.

- Quoi de neuf ? je lance.

- J'ai couché avec Adèle, c'était bien, mais pas autant que d'autres. Par contre, elle accepte de tout tester et ça c'est génial.

- Je vois... Passe moi les détails.

- T'es pas drôle.

Quelqu'un d'autre a prononcé cette même phrase il y a moins d'une heure. Mais la situation était... légèrement différente. Je sens que mes pommettes sont un peu plus rouges que d'habitude. Et ça n'échappe pas à mon ami, malheureusement.

- Ouuuh, mais tu aurais une nouvelle touche ?

- Non.

- Mais siii...

- Non.

Il me laisse à ma salle et repart. L'heure passe tranquillement et, à la récré, je descends les escaliers en bâillant, lorsqu'on me tire par le bras.