Rachel et moi marchons dans un parc, non loin de chez moi. Pour une fois, c'est moi qui l'ai invitée. Il faut bien que je confirme ma supposition. On est mercredi et il doit être aux alentours de 15h. J'ai fait ma muscu, alors le frais me fait du bien. Je n'ai pas revu Angel depuis notre altercation d'il y a un peu plus d'une semaine. Il est très discret, donc il se peut que je l'ai loupé plusieurs fois. Même à midi, je ne l'ai pas aperçu dehors une seule fois. On s'assoit sur un banc. Il y a quelques enfants accompagnés de leurs parents qui jouent sur les aires de jeux.

- Rachel, à propos de lundi dernier...

- Je sais, j'ai complètement pété les plombs. Mais de toutes les filles, il a choisi celle de qui je suis la plus proche !

- Justement, tu serais pas...

- Énervée ? Si. Je veux dire, il avait le choix ! Y en a des plus méritantes !

- Tu aimes Steve ?

Elle se tait et me regarde avec des yeux comme des soucoupes.

- D'où tu tiens ça ?

- C'est vrai ?

- Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

- Pas mal de trucs dans ton comportement et ta manière de parler. Du coup, c'est vrai ?

- ... Toi et ton sale esprit de déduction...

- Genre ! Toi ? T'es amoureuse de ce crétin ?

- C'est ton ami, je te signale !

- Bah je l'appelle comme je veux, il s'en remettra. Je sais qu'il casse du sucre sur mon dos aussi de toute façon.

- Oui, mais bon...

- Qu'est-ce que tu lui trouves ?

- Je sais pas... J'ai pas voulu ça moi. Enfin, il est gentil, hein ! Mais j'ai pas choisi de l'aimer. Après, ça me permet de voir ses bon côtés.

- Lesquels ?

- Il est gentil, compréhensif à sa manière, beau sa mère, on va pas se mentir, il est assez sérieux quand il le faut, et tout.

- Oooh, t'es mignonne quand t'es comme ça.

- Tais toi !

On discute encore quelques heures. Ça faisait longtemps que l'on avait pas discuté honnêtement entre nous. Je dois dire que ça me manquait.

- Et toi là, je t'oublie pas ! J'ai pas eu l'échos d'une seule crasse faite entre toi et Angel ! Y a même un truc qui court comme quoi on vous aurait vu marcher ensemble.

Je pâlis. Voilà, je le savais. Tout ce que je fais est su par le lycée en un instant. Je ne peux pas me permettre certaines choses.

- On est retourné au lycée ensemble la semaine dernière, c'est tout.

- Et comment se fait-ce ?

- Parce que.

- Roooh, je t'ai avoué pour Steve, tu peux bien me dire ça !

- On mangeait, pour ainsi dire, ensemble.

Apparemment, c'était la réponse la moins probable à ses yeux, vu la tronche qu'elle tire.

- D'où ?

- Oh, ça va , changeons de sujet.

- Mais c'est qui pour toi ?

- Lâche moi.

- Non mais, imagine deux secondes. J'embrasse un gars à une soirée. Ta conclusion ?

- Y a au moins un flirt, il te laisse pas indifférente.

- Ensuite, quelques temps plus tu apprends que je mange avec lui. Ta conclusion ?

- C'est en bonne voie.

- Pour ?

- J'en sais rien. Couple ?

- Voilààà. C'est bien ce que vous avez fait ?

- Mais non, qu'est-ce que tu...

Oh meeerde... J'ai un comportement qui porte à croire qu'on FLIRT ?! On peut finir par penser ça ?! Bon, demain je le trouve et je lui dis que discuter, c'est OK, mais en privé.

- Ça y est ? Illumination ?

- Oh, la ferme.

Le lendemain, au lycée, je me mets de suite à chercher le blond. Je vais voir aux toilettes, dans les couloirs et devant les salles, sans le trouver. Je finis par me rappeler qu'il s'est trouvé ce local, encore plus tranquille que les toilettes. J'y vais et pousse la porte en vérifiant que personne ne me voit. J'entre et referme derrière moi, puis un souffle exaspéré se fait entendre du bout de la pièce. Bingo.

Je me dirige vers la source du bruit et tombe sur Angel, assis entre deux seaux, toujours aussi heureux de me voir. Je me laisse tomber en face de lui.

- Pourquoi, Diable, ne me laisse tu pas en paix ?

- J'ai un truc à te dire.

- Tu est follement amoureux de moi ce qui fait que tu te sens obligé de me suivre partout ?

Il va regagner ses surnoms lui, il va rien comprendre. En plus ça fait plus d'une semaine que je ne l'ai pas cherché. Avec pas mal d'efforts, je le concède, mais, ça, il le saura pas.

- Non, mais il s'avère que suite à nos derniers rapprochements, certaines personnes peuvent s'imaginer que l'on est pas seulement des amis.

- On est des amis ? demande-t-il avec un haussement de sourcil.

- Là n'est pas la question. Pour nos discussions, ce sera dans un endroit discret. T'as une idée ?

Le blond en fasse de moi prend un air plus qu'exaspéré et agite les bras. Je le regarde avec incompréhension. Il se tape la tête avec une main.

- Ici, ça irait ?

- Ah, bah... ouais.

- Ce niveau d'idiotie, quand même...

- Je t'entends.

- Bah encore heureux !

C'est vrai que je suis pas l'aiguille la plus fine de la pochette.

- T'étais où à midi ?

- Chez moi.

- Je t'ai pas vu passer.

- Je suis passé derrière toi.

- Tu m'évitais ?

- Possible.

J'esquisse un sourire. Simple et franc. Tout à fait lui. Une autre de ses caractéristiques est d'avoir le nez collé à son téléphone, un écouteur vissé dans l'oreille gauche.

- Y a quoi de plus intéressant que ma personne sur ton doudou électronique ?

- Tu te poses vraiment la question ?

- Oui.

- Tout ce qu'il y a dans cette pièce est plus intéressant que toi. Si tu veux savoir ce que je regarde, demande le.

- Tu regardes quoi ?

- Mêle toi de tes fesses.

Prévisible. Bon, bah, il ne me reste plus qu'à lui voler le petit objet, ce que je fais assez aisément. Il essaie tout de suite de le récupérer.

- Rends moi ça !

- Laisse moi voir !

- Nan !

J'essaie de regarder l'écran, mais il me grimpe dessus et bloque mon bras contre le mur, ce qui lui permet de récupérer facilement son téléphone. Zut. J'ai du réveiller son côté vaniteux car il arbore un air satisfait, le même que j'ai envie de détruire depuis le début de l'année.

- Ça fait donc ça de flatter son ego... Je pourrais presque pardonner des conneries.

- Ouais, ouais.

Je regarde le plafond blanc, incrusté de petite tâches, pour oublier les rumeurs qui courent et le fait que le blond est à califourchon sur moi, alors que je suis adossé au mur, et qu'il ne semble pas prêt de bouger. J'ai beau essayer de chercher une logique chez ce gars, le dédale de ses pensées m'effraie un peu trop.