Chapitre 14
Je comprends maintenant en quoi mes questions sont plus que chiantes. Il me fixe dans l'attente d'une réponse que je ne peux pas lui refuser.
- Parce que... tu voulais que je fasse quelque chose que j'aurais décidé sans subir d'influence.
- Et pourquoi tu as fait ça en particulier ?
- ... C'est la première chose qui me soit venue à l'esprit...
- Je vois...
Je ne mens qu'à moitié. C'est bien à ça que j'ai pensé en premier, mais parce que ça occupait mon esprit depuis pas mal de temps déjà.
- Et toi, ce n'était qu'une impression que tu me rendais ce baiser ?
- Non, t'as plus de force que moi, donc ça sert à rien d'essayer de me barrer, et t'embrasse plutôt bien, donc autant en profiter.
- C'est pas exactement ce que montrait ton visage quand je t'ai rendu ton bonnet...
- Et toi, t'avais une bosse dans le pantalon tout le temps pendant lequel on sauvait ta précieuse réputation, donc t'es pas très honnête non plus...
Je détourne la tête, sentant mon visage s'enflammer au souvenir de ce moment, et plus encore lorsque je me rends compte que, faute de mémoire, je ne suis pas en mesure de lui donner tort. Verdict, on se ment tous les deux à nous-même. Enfin...
- Comment t'as su ?
- Su quoi ?
- Que t'étais...
Il hausse un sourcil.
- Tu peux prononcer le mot, ça va pas te tuer, hein.
- Comment t'as su que t'étais gay ?
- J'ai commencé à me poser des questions quand je regardais Game of Throne et qu'au lieu de mâter les seins des actrices, j'étais occupé à fantasmer sur les mecs. Et puis, au collège, je ne trouvais rien d'attirant chez les filles, dans le sens où je les trouvais jolies, mais c'est tout. Alors qu'un jour y a un gars qui est arrivé dans notre classe, et là, tout mon être est parti en vrille. Voilà, en gros. Pourquoi ?
- Pour savoir, je réponds, étonné de l'avoir entendu parler aussi longtemps.
Il est compliqué, cet ado. Il est asocial, mais très bavard.
- Au moins toute cette merde a eu un truc positif !
- Quoi ? je demande.
- On peut rester dans la même pièce sans ce sauter à la gorge et on peut même discuter. C'est toujours ça de gagné.
- C'est vrai...
On se tait tout les deux. On peut discuter, mais encore faut-il savoir de quoi parler. Le silence autour de nous n'est percé que de bruits naturels, ça fait du bien. Le jeune homme, décidément très bavard, se met à parler de nouveau.
- Pourquoi tu ne m'appelles jamais par mon nom ?
- Je n'ai pas envie.
- Est-ce que tu as déjà pensé à moi avec autre chose que ton surnom débile ?
- Je suis forcé d'admettre que non.
- Est-ce que tu pourrais essayer ? "Démon", "face d'ange" ou tous ceux que tu peux me donner, ça devient chiant... Surtout que je ne les mérite plus étant donné que je t'emmerde plus.
- Le deuxième te colle pourtant très bien à la peau.
- S'il te plaît.
- Hhh... D'accord...
- Merci.
L'heure de reprendre approche et je me lève pour partir. J'entends des pas derrière moi et trouve le bl- Angel en train de remettre sa capuche, debout, lui aussi.
- Qu'est-ce que tu fais ?
- Bah je retourne en cours.
- Vas y en premier, j'irai après.
- Bon, mon coco, va falloir que tu comprennes un truc. J'ai une énorme non-motivation à t'emmerder. Je suppose que toi aussi. Il reste six mois de cours, et je vais certainement pas les passer à partir en premier à chaque fois qu'on parlera. Donc tu viens, et on y va ensemble.
- Mais ils vont-
- Je te répète qu'il n'y a pas écrit que tu m'as embrassé sur ton front. Ils ne peuvent pas savoir.
- ...Soit...
- Bah voilà !
Il commence à marcher vers le lycée et je le suis d'un pas hésitant. J'ai l'impression que le regard des autres est fixé sur moi. Ils semblent surpris de me voir passer avec Angel. Je serais surpris moi aussi. Lui se met à parler pour que je me concentre sur autre chose, parce qu'il doit en avoir marre de me voir pétrifié à cause des gens que je regarde joyeusement d'habitude. Je n'en peux plus et finis par le dépasser pour marcher devant. Mais qu'est-ce qu'il se passe ?
Je rentre dans le bâtiment et vais me mettre dans le même local que ce matin. Pourquoi affronter leur regard alors qu'ils ne savent rien est si dur ? Pourquoi du jour au lendemain, je me retrouve à fuir ces mêmes personnes à qui je tapais la discute juste avant les vacances ? La porte s'ouvre soudainement avant de se refermer. Je me retourne et vois le blond, un air énervé sur le visage.
- Ethan, je comprends que ce soit compliqué pour quelqu'un qui n'a jamais douté de ses actions, mais, bordel, comment tu comptes finir l'année en faisant ça ? Pense sur le long terme !
- Mais leur regard-
- Oui, je sais ce que ça fait de se faire regarder de travers. On encaisse et on s'en fiche. Le fait est que ces gens ne te regardent aucunement se travers. C'est dans ta tête.
Je le fixe, étonné de cette leçon de morale que je reçois.
- Crois les paroles de quelqu'un qui a réellement connu des regards malfaisants. Ils sont tous gentils ici.
Je ne réponds pas, perdu dans mes pensées. Il hausse un sourcil, patiente, et lance finalement :
- Oh, et puis tu m'énerves ! Sors un quart d'heure après si ça te chante, j'en ai rien à foutre.
Il me laisse seul sur ces mots. Je regarde la porte. J'étais un ado cool un peu con avant les vacances, un vrai connard pendant le bal et maintenant j'en suis réduit à me morfondre dans un placard. Alors non. Je vais reprendre les choses en mains et retrouver ma vie d'avant. Ils ne peuvent pas savoir et ne sauront jamais. J'ouvre la porte et sort de la petite pièce. Je marche dans le couloir et croise Steve. Il faudrait que je pense à aller récupérer mon argent auprès de Rachel.
- Eh, Ethan ! Comment tu vas depuis ce matin ?
- Ça va, et toi ?
- Je me suis mis avec Adèle ! Tu sais, la nana très proche de Rachel au CVL.
- Ah oui.
Rachel passe d'ailleurs à ce moment-là. Elle nous ignore royalement, et je plante Steve pour la suivre. Elle sort dans la cour, déserte à cette heure-ci, et je l'attrape par le bras.
- Eh, attends ! Qu'est-ce qui va pas ?
- Tout va bien ! C'est juste la copine de ce crétin de Steve qui m'énerve !
- Mais tu l'aimes bien Adèle, non ?
- C'est pas ça le problème ! Il se tape la moitié du lycée sans se poser de questions, alors que s'il faisait un peu attention, il pourrait voir qu'il compte beaucoup pour certaines personnes...
- Tu penses à quelqu'un en particulier ?
- Pas du tout ! Qu'est-ce qui te fait croire ça ?
Rachel a beau faire semblant, je sais qu'on lui a fait pas mal de déclaration depuis cette année. Elle n'a jamais été en couple et refuse toutes les propositions, sans oublier qu'elle hait chaque copine de notre ami. Ça parait évident maintenant, mais comment j'ai pu ne pas remarquer qu'elle était amoureuse de Steve ?
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