Chapitre 13

Je compte pas abandonner comme ça. Il m'a remis d'aplomb, c'était à ses risques et périls, bien que je l'en remercie. Je le rejoins et m'accroupis en face de lui.

- Bordel, je t'ai aidé, laisse moi maintenant.

- Pas tant que tu m'expliques pas ce qui m'a valu une engueulade.

- Tu peux rêver. De toute façon, ça va bientôt sonner.

- Je bloquerai la porte et on ira pas en cours, je m'en fous.

- Mais ça va sur Parcoursup les absences injustifiées, abruti !

- On ira à l'infirmerie, on dira que je me sens pas bien et que tu m'as accompagné.

- Mais fous moi la paix !

- Pas tant que tu ne m'auras pas dit.

- Tu peux toujours courir.


Il m'énerve à la fin !

- Pourquoi tu me dis pas ?

- Parce que ça te regarde pas, merde !

- Oui, mais quand même.

- De quoi, "quand même" ? Mêle toi de tes affaires !


Je ne réponds pas et ne bouge toujours pas.

- Tu sais quoi ? Tu me saoules.


Il tente de se relever , mais je le saisis par les épaules et le maintiens assis. Il pousse de nouveau un cri. Je ne comprends pas et, face à mon immobilité, il m'envoie son pied en pleine tête. Je le lâche et il se remet dans la position de tout à l'heure. J'ai bien mal, je me suis mordu la langue. Je fixe ma main légèrement tâchée.

- Bah, au moins, on sera crédible à l'infirmerie, je lance en tâtant mon menton endolori et en essuyant le petit filet de sang qui coule de ma bouche.

- Pourquoi tu me fais ça ?

- Pour savoir.

- Ethan, y a des moments où il faut savoir s'arrêter. Comme maintenant.


Je lève les yeux vers lui. J'ai devant moi un blond recroquevillé sur lui même, avec un air sérieux dans lequel je peux déceler un peu de peur. Mais qu'est-ce qu'il cache ? Je ne proteste pas, conscient que je suis le seul en tort.

- Merci, je murmure.

- Pourquoi encore ?

- Pour ce que t'as fait là-bas, je réponds en désignant le bout de la pièce.

- C'est rien, même toi, je pouvais pas te laisser comme ça, dit-il en se relevant.


Je l'imite. J'avais presque oublié que je fais une tête de plus que lui parce qu'on fait à peu près la même taille assis.

- Qu'est-ce que tu regardes ?

- T'es petit.

- Je sais, merci !


La musique signant la fin de la récré sonne finalement. Le blond en profite pour ouvrir la porte et partir. Il s'arrête cependant au dernier moment et se tourne vers moi.

- Et puis... Fais pas attention à leurs regards. Surtout s'ils ont aucune idée de ce qu'il s'est passé. Si ça peut te rassurer, y a pas écrit "j'ai embrassé Angel de TG3" sur ton front.


Sur ces mots , il s'en va et j'esquisse un sourire. J'attends quelques minutes pour sortir et part en direction de l'infirmerie. Si ça peut me faire louper la philo, c'est toujours ça de gagné. À midi, je sors, comme d'habitude. Je pars le chercher mon repas à la supérette et vais me poser sur mon banc. La vie des gens qui passent ne m'intéresse cependant pas, la mienne a déjà pris un tournant suffisamment compliqué. J'ai beau chercher, je ne sais pas comment m'en sortir. Je pourrais demander à Rachel, mais, même si elle a parfois de bon conseils, sa manie de tout le temps exprimer son avis me gêne un peu. Ma seule solution est donc de trouver tout seul.


Je mastique ma nourriture en regardant la mer, qui m'apaise un peu. Les passants ne font pas attention à moi, chacun a sa vie, et je n'en fais pas partie. L'ado vêtu de noir apparaît, comme chaque midi. Je sais qu'il ne va pas à la cantine, il est bien trop asocial pour ça. Je me prends à songer que lui qui partage mon problème pourrait peut être m'aider. Mais je ne peux pas accepter le fait de me confier à lui, vu la relation de merde que l'on a depuis septembre. Il passe devant moi sans m'adresser un regard et disparaît dans une rue, comme à chaque fois. Je soupire et finis mon sandwich. J'ai l'habitude rentrer le plus vite possible au lycée, mais, aujourd'hui, je veux juste être tranquille. Je reste donc à regarder l'océan jusqu'à ce qu'un léger bruit de bois qui craque se fasse entendre à ma droite.


Je n'ai pas besoin de regarder pour savoir que la face d'ange m'a rejoint. J'ai appris à savoir quand c'est lui. Il boit une briquette de jus de pomme et a un sandwich ridiculement petit dans l'autre main.

- T'as que ça ?

- C'est suffisant.

- Même toi, tu mérites mieux, je dis en lui tendant deux BN.

- Merci.


Il se tient de manière bizarre sur le banc. Un peu comme ce personnage de Death Note. Il a par ailleurs retiré sa capuche, laissant ses cheveux presque blancs bouger avec le vent.

- Pourquoi t'es ici, aujourd'hui ?

- Pas envie de rester chez moi.

- T'habite près du lycée ?

- Ouais.


Il mâchonne son pain sans grande conviction.

- T'as quoi aux épaules ?

- Commence pas.

- Dis moi juste si c'est de ma faute ou pas.

- Hhh... Non.


Bon, j'ai obtenu une info, c'est déjà ça.

- Pourquoi Lucie est pas scolarisée ici ?

- Comment ça se fait que tu saches autant de choses, toi ?

- Elle est venue me parler pour m'expliquer que t'étais bizarre et j'ai eu son nom. On la remarque tout de suite alors, comme je l'avais jamais vue avant, c'était sûr qu'elle est pas ici.

- Elle vit pas avec moi.

- Pourquoi ?

- Pour te faire causer.


On était pourtant en bonne voie. J'assumerai jamais la façon dont je l'ai su, mais je pose une nouvelle question.

- Pourquoi tu t'es coupé les cheveux ?

- Tu m'as espionné ces trois dernières années ou quoi ?

- Non. Alors ?

- Ils me gênaient.

Je pourrais continuer à essayer d'en savoir plus, mais ils s'y met.

- À mon tour de poser des questions. Je peux savoir pourquoi tu m'as embrassé au bal ?

- On jouait à Action ou Vérité et la copine de Steve m'a défié de le faire. Donc je l'ai fait.

- Et la deuxième fois ?

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top