Chapitre 59

Lorsque je me réveillai, j'étais seul. Je me sentais infiniment mieux. Reposé, frais, toute douleur oubliée. Mes jambes ne cédèrent pas sous moi lorsque je me levai. Je n'avais, certes, pas retrouvé toute mon énergie mais ce que j'avais me suffisait amplement pour l'instant.

Je sortis de la Serre et tentai de savoir de quel côté je devais aller pour trouver Ariel. Si déjà en vivant ici je n'étais pas fichu de m'y retrouver, après plusieurs mois sur Terre, j'étais totalement perdu.

Je partis sur la droite en espérant retrouver un endroit familier. Ce qui n'arriva pas, évidemment. Je dus demander mon chemin plusieurs fois. En temps humain, je dus bien mettre deux heures à trouver un maudit bureau.

Ma difficulté à trouver où aller me permit d'observer les Cieux, d'en ressentir l'atmosphère bizarre. Je ne comprenais pas pourquoi tous les anges n'étaient pas aussi détendus et joyeux que je les avais laissés. Les chœurs d'angelots résonnaient contre tous les murs, tentant de dissiper la tension. Que se passait-il ?

Je pensai à poser la question à Ariel mais décidai contre. Il risquait de faire comme il l'avait fait avec les démons. Il amènerait mon attention sur autre chose sans me dire ce qu'il se passait réellement. Je pouvais comprendre ses raisons. Cependant, je voulais des réponses directes.

Je retins un ange qui passait. Ses yeux s'écarquillèrent de surprise.

- Qu'est-ce qui se passe ? murmurai-je. Pourquoi tout le monde est si nerveux ?

- À cause des archanges.

Je parvins à peine l'entendre tant il parlait bas.

- L'Archange Michael et l'Archange Gabriel ne cessent de se battre. Les éclairs ont déjà détruit plusieurs bureaux et des appartements. Personne ne sait ce qu'il se passe.

Je le remerciai. Je songeai à lui demander mon chemin avant qu'il ne reprenne sa route.

Pourquoi les archanges se battaient-ils ? Ils devraient être contents que nous ayons fait leur boulot. Ça n'avait pas de sens. Il devait y avoir autre chose.

Le bureau d'Ariel apparut enfin. Je frappai à la porte et patientai. Il me traîna à l'intérieur dès qu'il m'aperçut après avoir ouvert. Son visage se transforma en un masque d'inquiétude qui me prit au dépourvu.

- Tu n'aurais pas dû remonter ! souffla-t-il à toute vitesse. S'ils savent que tu es là, tu es fini !

- Pourquoi ? Qu'est-ce qui se passe ici ?

Ariel s'affala dans sa chaise ; je pris place en face de lui. Il passa une main sur son visage.

- Je pensais que Meriel reviendrait en premier. Que je pourrais lui dire de te prévenir de ne pas remonter. Pas tout de suite, en tout cas. Il faut que l'Archange Michael se calme.

- Pourquoi est-il en colère ? Il devrait être heureux de savoir que la porte de l'Enfer est fermée.

- Lucifer est en liberté, rétorqua mon patron. L'Archange Michael vous blâme pour ça. Certes, c'est une victoire d'avoir refermé les portes infernales. Mais ce n'est pas une bonne nouvelle que Lucifer soit sorti. Loin de là. On ne peut pas le renvoyer en Enfer donc il va falloir le détruire. Ce que Michael n'a jamais voulu faire. Aussi mauvais soit-il, Lucifer demeure son frère.

- N'est-il pas le tien aussi ?

- Théoriquement, oui. La différence d'âge entre nous fait que nous n'avons jamais été en contact. Il avait déjà déchu lorsque j'ai été créé.

Je me sentis hocher la tête. J'avais des questions qui me brûlaient les lèvres. Notamment sur la création des premiers anges. Sur Dieu. Je n'avais jamais cru en Dieu. Même en étant un ange, je n'y croyais pas vraiment. Il me faudrait une preuve tangible de son existence pour que j'y crois. Après tout, la vie après la mort n'était pas un concept étranger. De même que la réincarnation. Les deux possibilités ne me perturbaient pas, j'avais accepté que nous étions faits d'énergies.

Par contre, Dieu ? Un personnage tout puissant qui aurait créé le monde, la race humaine et tout ce qui allait avec ? J'avais des doutes. Je ne parvenais pas à imaginer un être au-dessus de tous les autres, capable de créer tout ce que nous avions sur Terre. Tant que je ne l'aurais pas vu, je doutais de parvenir à y croire.

Pourtant, je ne posai pas la question. Je la gardai tout au fond de moi et me concentrai sur ce qui comptait vraiment.

- Toujours est-il, reprit Ariel, que tu dois te faire discret. Avec un peu de chance, l'Archange Gabriel réussira à calmer son aîné et ils te laisseront tranquille.

Au moment où il finissait sa phrase, la porte s'ouvrit avec violence. Je faillis tomber de ma chaise. Ariel bondit de la sienne. Je me redressai, les jambes soudain flageolantes. Je pouvais sentir l'électricité dans le bureau.

Derrière moi se tenait celui que je supposais être l'Archange Michael. Ses ailes brillaient tellement que je ne voyais qu'une lumière rouge. Je ne voyais rien de son corps. Tout ce qu'il y avait devant moi était un amas de plumes d'un rouge profond qui brillaient beaucoup trop fort.

Instinctivement, je reculai.

- C'est parfait, gronda la voix de l'Archange Michael. Nous allons perdre peu de temps puisque tu es déjà là.

- Moi ? couinai-je.

- Oui. Toi. Tu as désobéi et entraîné d'autres anges à te suivre. Tu as poussé l'ange Meriel à voler un dossier confidentiel. Tu as révélé des informations secrètes à des anges. Tu as dissimulé la présence d'une sorcière dans l'environnement immédiat de ta charge. Tu as dissimulé l'identité d'un traître dans nos rangs et continue de la dissimuler. Tu t'es mêlé d'une affaire qui ne te concernait en aucun cas. Tu as laissé des démons et leur leader sur Terre alors que les portes des Enfers sont toutes closes. Tu as causé la perte de centaines d'anges en te mêlant d'une guerre qui n'était pas la tienne.

- Je n'ai pas eu le choix ! protestai-je.

Il leva une main et je me retrouvai incapable de continuer. Pourtant, il n'avait fait ni usage de ses pouvoirs ni de menace. Il y avait quelque chose en lui qui m'obligeait à me soumettre à sa volonté. Je détestais ça. Lui et moi n'allions pas devenir copains.

- Contente-toi d'accepter ta punition, me conseilla posément l'Archange Gabriel, apparaissant derrière son frère.

- Rahel, coupa Ariel lorsqu'il vit que j'allais répondre.

J'inspirai profondément pour me calmer. C'était injuste ! Je n'avais rien fait de mal ! Techniquement, en tout cas. Pouvaient-ils réellement me tenir rigueur des quelques infractions que j'avais faites ? Pouvaient-ils m'accuser du fait que les autres soient venus se battre ? Non ! Parce que, eux, alors que la menace était sérieuse sur Terre, n'avaient rien fait ! Les humains avaient eu besoin d'eux et ils n'avaient pas bougé. Comment osaient-ils me punir d'avoir fait ce qu'il fallait ?

- J'avais pensé, tout d'abord, à tout simplement, te renvoyer dans les limbes, reprit Michael.

Un frisson dévala ma colonne vertébrale. Il ne l'avait pas dit comme ça mais il avait songé à me tuer. Cassiel avait volé ma vie humaine et Michael voulait ma vie angélique. Ma seconde chance.

- Je l'ai obligé à revoir son idée, dit posément Gabriel. Il n'aurait pas été sage de ne pas reconnaître l'implication positive qu'ont eues tes exactions sur les humains.

- J'ai donc atténué ta punition, reprit Michael.

Je me mordis la langue pour ne pas rétorquer le moindre mot. Ils se moquaient de moi, c'était impossible autrement. Ça n'avait pas de sens. Je devais être en train de faire le rêve le plus stupide que j'aie jamais fait.

- Plutôt que de te renvoyer dans les limbes, tu vas descendre au plus bas de l'échelle.

- Ce qui signifie concrètement ? questionnai-je prudemment.

- Tu vas t'occuper des Cupidons.

Je tombai de ma chaise.

- Pardon ?!

- Tu m'as entendu. À partir de maintenant, tu t'occuperas des Cupidons. Tu seras formé en arrivant dans leur secteur. Jusqu'à nouvel ordre, tu n'auras plus de contact avec les autres anges et encore moins avec les humains. Tes seuls contacts seront avec ton superviseur et avec les Cupidons.

C'était encore pire que ce que j'avais cru. J'avais toujours pris la menace de Ariel à la légère. Je n'avais pas cru que je finirais à m'occuper de gamins à plumes parce que j'avais sauvé la Terre.

- C'est n'importe quoi ! explosai-je. J'ai fait votre boulot ! Cassiel m'a fait tuer pour que je le fasse ! Je ne serais jamais devenu un ange si vous aviez accepté la réalité ! Je n'aurais jamais été dévoré par des chiens si vous aviez eu assez de courage pour faire face à votre frère !

Le Séraphin m'assena une gifle si forte que j'allais m'écraser contre le mur. Mes dents avaient entaillé ma langue et je crachai du sang.

- Ne me donne pas de raison de revenir sur ma décision. C'est un conseil que je te donne.

Il tourna les talons et partit sans un mot de plus.

La main gracile de l'Archange Gabriel m'aida à me relever. Il en profita pour me soigner d'un rapide toucher sous mon menton.

- J'ai conscience que tes actions étaient faites pour le bien de l'Humanité. Malheureusement, Michael a pris sa décision. Je suis parvenu à te garder en vie. Si tu ne veux pas que cela change, fais-toi discret. Quant à ta charge, Meriel s'en occupera.

Il jeta un regard pointu vers Ariel qui dut hocher la tête en assentiment. C'était déjà ça de gagné. Je pouvais être un peu plus à l'aise en sachant que Declan et Ava seraient sous la surveillance de Meriel. Il saurait se débrouiller.

- Maintenant, va dans tes quartiers. Tu commences à ton nouveau poste demain.

Je hochai la tête et quittai le bureau, plus vaincu encore que quand Lucifer m'avait laissé dans la boue comme un jouet cassé.

THE END

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NdlA : Et voilà ! C'était le dernier chapitre ! J'espère que ça vous aura plu ! J'ai hâte de savoir ce que vous en avez pensé et quelles théories vous avez pour la suite !

J'essaierai de poster la partie des défis mercredi mais je ne promets rien. J'ai commencé mon nouveau boulot aujourd'hui alors il va falloir que je m'adapte aux horaires. Sinon, si ce n'est pas mercredi, j'essaierai de le faire au moins avant la fin de la semaine !

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