Chapitre 27
Une mauvaise surprise m'attendait lorsque nous rentrâmes chez mon protégé. Je sentis sa présence avant même d'être arrivé dans l'allée. C'était puissant, me giflant comme une tornade d'énergie angélique. Je déglutis.
Dans le salon, la lueur dansante sur les murs auraient pu faire croire à un incendie. Je laissai mon protégé gagner sa cuisine et inspirai profondément avant de gagner le salon. Je reconnus l'ange qui se tenait face à la fenêtre, dos à moi, les bras croisés. C'était celui qui était sorti du bureau d'Ariel. Celui aux ailes en flammes qui tourbillonnaient autour de lui si vite et si puissamment qu'il en devenait impossible de voir ses traits.
Il se tourna vers moi qu'il m'entendit – me sentit ? – pénétrer dans la pièce. L'unique trait supplémentaire que je parvins à distinguer fut une masse de cheveux oscillant entre le blond polaire et l'argenté. Il n'avait toujours pas de visage. Pour ce que j'en savais, il pouvait très bien être une femme. Cependant, il émettait une énergie qui me faisait penser au masculin.
- Qui êtes-vous ? questionnai-je.
Ce n'était pas une façon de s'adresser à un Trône, un ange de la première Sphère, troisième Chœur. Malgré tout, je n'avais pas envie d'être poli et autres avec lui. J'ignorais qui il était, comment il m'avait trouvé, ce qu'il me voulait. Sans compter que je n'avais aucune envie de gâcher le moment auquel je venais d'assister à cause d'un haut placé. Je me sentais plus calme et rassuré depuis que je l'avais vu baigner sous la pluie, un sourire sur les lèvres, magnifique dans son plaisir évident.
La présence du Trône n'allait pas m'aider à conserver la moindre sérénité. Pourtant, j'en avais bien besoin.
- Aie un peu plus de respect pour tes supérieurs, jeune gardien.
- J'ignore qui vous êtes ou pourquoi vous êtes ici. Pourquoi vous montrerais-je le moindre respect ?
- Tu n'ignores pas qui je suis. Je le sais. Nous nous sommes déjà rencontrés.
- Je ne pense pas que se croiser à la sortie d'un bureau puisse compter comme une rencontre.
Le feu de ses ailes s'énerva, tournant plus vite et plus violemment autour de lui. J'ignorai sa réaction et m'installai dans le sofa. Je refusais de le laisser se douter qu'il me mettait mal à l'aise. Il devait se douter que je n'étais pas tranquille à lui faire face en sachant qu'il était parmi les anges les plus proches de Dieu ou peu importe ce qui les guidait jour après jour.
- Je suis Cassiel, Archange des Trônes, dit-il, ses ailes plus brûlantes qu'avant, tournant encore plus vite. Et tu n'es qu'une âme humaine récupérée avant son envoi dans les Limbes. Tu ferais bien de te comporter correctement.
Je haussai les épaules. Il avait besoin de moi. Il ne pouvait pas se permettre de m'envoyer dans les Limbes. S'il me tuait, il allait devoir trouver quelqu'un d'autre pour reprendre le travail du début et ça lui ferait perdre du temps. Du temps qu'il n'avait pas. De fait, j'avais l'avantage. Au vu de son attitude, j'allais devoir en user et en abuser pour obtenir des informations.
- Qu'est-ce que vous faites ici ? Qu'est-ce que vous me voulez ?
- J'ai appris que tu avais découvert bien plus que tu n'aurais dû en apprendre sur ta mission. Je vois que Ariel a cherché à te protéger. Il n'aurait pas dû faire cela. Sortir une telle lame... Cela n'aurait jamais dû arriver.
- Cette arme m'a sauvé la vie ! me récriai-je. Si Ariel ne me l'avait pas donnée, je serais mort et Declan aussi !
Le feu se figea soudainement. Les tourbillons cessèrent de bouger, la fumée cessa de s'élever. Il s'était entièrement statufié. Deux yeux dépourvus de couleur m'épinglèrent sur place. Sous ce regard, je me sentis comme un papillon cloué dans un cadre.
- Quelle est cette histoire dont je n'ai pas entendu parler ?
Je n'eus pas le courage de rouler des yeux. Pourtant, ce n'était pasl'envie qui me manquait.
- Nous avons été attaqués pendant qu'il était en train de travailler, répondis-je. Des enfants. Qui ont pu appeler la foudre et ont bien failli me terrasser. Sans l'arme prêtée par Ariel, mon protégé et moi serions morts.
- Que s'est-il passé lorsque tu as usé de la lame sur eux ?
Il y avait un intensité dans ses mots, dans son attention qui me fit gigoter dans mon siège. Des dizaines de fourmis couraient sur ma peau et je ne pouvais m'y soustraire. C'était une torture d'être le centre d'attention d'un archange.
- Ils ont brûlé. Tout le quartier a brûlé, en vérité. C'était...
Il leva une main pour m'interrompre et commença à faire les cent pas. Les flammes de ses ailes se remirent à tourbillonner et il disparut à mon regard. De temps à autres, je pouvais apercevoir une main ou un coude.
Au moins les fourmis avaient-elles disparu...
- C'est impossible, marmonna-t-il. C'est tout simplement impossible...
Je n'osai pas le contredire. Ce que j'avais vécu était encore gravé dans ma mémoire. Qu'il veuille le croire ou non, c'était réel et il avait plutôt intérêt à s'en charger.
Brusquement, il tourna sur ses talons et me rejoignit. Il s'arrêta à quelques millimètres de moi. Je me reculai dans le canapé, tentant d'éviter à la fois les flammes et ce visage qui était apparu entre elles, juste devant mon nez. Il plaqua sa paume moite contre mon front. Son énergie se propulsa dans mon crâne et je la sentis tirer de moi des moments passés et je n'avais aucun contrôle sur ce qu'il faisait. Je ne pouvais rien faire contre son pouvoir qui m'arrachait tout ce qu'il voulait de mon esprit.
Je m'effondrai dans le sofa lorsque Cassiel me relâcha. Il semblait totalement insensible face à ce qu'il venait de se passer. Si ça ne lui avait rien fait, ce n'était pas mon cas. Je me sentais épuisé, vidé, souillé. Il s'était introduit dans mon esprit sans me demander mon avis. Il l'avait fouillé, trituré et il en tiré ce qu'il voulait.
La colère explosa en moi et je lui décochai un coup de poing qu'il para avec une aile. Je ne cherchai pas à retenir le juron qui jaillit de ma bouche lorsque les flammes de ses ailes me brûlèrent. Il m'attrapa par la gorge et me maintint à bout de bras, ses doigts serrant ma trachée, m'empêchant de respirer.
- Qui crois-tu être pour t'en prendre à un archange ?
Les mots que je voulais lui cracher au visage sortirent en un borborygme humide et incompréhensible. Cassiel me relâcha et je m'écroulai au pied du canapé, une main me tenant la gorge par réflexe.
- Vous êtes peut-être un archange mais ça ne vous donne pas le droit d'entrer dans mon crâne à votre gré !
Ses chaussures cirées firent ressortir chaque postillon qui avait jailli de ma bouche.
L'archange pencha la tête en m'observant tandis que je me relevai avec le peu d'amour-propre qu'il me restait. Il m'avait arraché ce qu'il restait de fierté, d'intégrité, de dignité. Il allait me falloir du temps avant que je ne parvienne à cesser de penser à ce qu'il venait de se passer.
- Je peux faire ce que je veux. Tu n'es qu'une âme.
- Je demeure une personne ! J'ai le droit au respect ! Et avoir quelqu'un fouiller dans ma tête sans me demander mon avis, c'est l'une des pires choses que l'on peut faire à quelqu'un ! Je suis peut-être un pion pour vous mais ça ne change rien au fait que je suis une personne ! Vous auriez au moins pu me demander ! Mais non ! On préfère me traiter comme un objet et me retirer tout contrôle que je pourrais avoir sur mon esprit !
Il pencha la tête et m'observa longuement. Ça ne m'aida pas à me calmer. Au contraire. J'avais encore plus envie de le frapper. De lui arracher la tête. Ça n'avait rien de très digne d'un ange mais je n'étais pas à blâmer. Tout était de sa faute.
De toute façon, je n'avais jamais agi comme un ange.
- Je ne comprends pas ce que tu dis. Peu importe. J'ai bien plus important à gérer.
Il disparut dans un bruissement d'ailes, un filet de fumée.
Je hurlai de rage et de frustration. Il m'avait tout simplement ignoré ! Si la chance m'était donnée de recroiser sa route, mon épée ne resterait pas dans son fourreau. De ça, il pouvait être sûr. Je lui ferais payer ce qu'il m'avait infligé.
Je sursautai lorsque la voix de mon protégé résonna derrière moi, moqueuse :
- Tu ressembles à une luciole prise d'épilepsie lorsque tu es en colère, tu le sais ?
Je le fusillai du regard, outré. Toutefois, le sourire qui flottait sur ses lèvres étouffa toutes les invectives qui auraient pu jaillir de ma bouche. Il avait encore les cheveux humides bien qu'il se soit changé, sûrement après une douche pour se réchauffer. Il tenait une tasse de café fumant dans les mains. Je détournai les yeux et relâchai un long souffle.
- Calmé ? s'amusa-t-il.
Si seulement il pouvait sentir mon regard noir lui transpercer le crâne !
- Glenn et James ont appelé. Il ont des nouvelles, apparemment. On se retrouve tous chez Lizzie. Elsie sera là aussi. Elle est décidé à parler de... ce qu'il s'est passé.
Sa possession. Ça ne pouvait qu'être ce moment. Je m'en souvenais un peu trop et je détestais devoir y refaire face.
Beahan se rapprocha et s'installa dans le canapé. Là où je m'étais assis avant que Cassiel ne s'en prenne à moi. Ses longues jambes effleurèrent les miennes lorsqu'il les étira devant lui. Je ne pus que m'étonner de sa capacité à ressentir ma présence, à deviner où j'étais. Nonobstant, c'était la première fois qu'il était si près volontairement. Ça me laissait quelque peu interdit.
- Je ne sais pas si je suis capable de lui faire face, murmura mon protégé. Pas après ce qu'il s'est passé au Texas. Elle a été une de ces... choses. J'ai beau savoir qu'elle ne l'a pas choisi... Je ne peux que revoir les corps de ces enfants... Pourquoi eux sont-ils morts et pas Elsie ? Je devrais être heureux qu'elle soit toujours en vie mais je ne peux que me demander pourquoi. J'ai l'impression d'être un être horrible à dire ça...
Je pris place à côté de lui et posai une main sur son bras. Les muscles de ses épaules et de sa nuque se détendirent légèrement. Ce ne fut qu'un frémissement mais je le sentis sous mes doigts, dans son énergie.
Il renversa la tête en arrière, contre le dossier, et ferma les yeux. Mon regard se perdit sur la courbe dessinée par sa gorge et sa pomme d'Adam. J'eus du mal à me concentrer sur autre chose, à vrai dire.
- Je n'arrive pas à oublier ces gamins. Ils sont morts par ma faute. Si je n'avais pas été dans cette ville, ils ne seraient pas morts.
Ma main se crispa sur son bras. J'aurais aimé pouvoir lui dire qu'il avait tort. Ce n'était pas sa faute. Il n'était en rien responsable de la possession de ces enfants. Qu'il ait été à Providence Village ou non, ils avaient été possédés par de puissants esprits et qu'il leur ait fait face ou non, les séquelles auraient été probablement pires que la mort.
Cependant, j'ignorais comment le lui faire comprendre. Ce n'était pas comme s'il pouvait m'entendre. Il allait falloir que je trouve un autre moyen de communiquer avec lui. Il devait savoir que ce n'était pas de sa faute. Qu'il n'avait rien provoqué.
S'il y avait une chose que j'avais remarqué chez Declan Beahan, c'était son réflexe maladif de se blâmer de tout ce qui ne fonctionnait pas. Je n'étais plus étonné de sa solitude. Il devait chercher à éviter de mettre ses amis en danger. Je pariais qu'il se blâmait aussi de ce qui était arrivé à Elsie alors que, depuis qu'il avait commencé son enquête, il ne l'avait vue qu'une seule fois avant sa possession.
Je me penchai pour récupérer son téléphone dans sa poche. Il haussa un sourcil mais ne chercha pas à m'interrompre. Il s'était habitué à moi. Ça me faisait bizarre. Il me faisait assez confiance pour ne pas réagir tandis que je sortais son portable de sa poche. C'était plus que je n'aurais osé espérer de sa part après autant de temps à veiller sur lui.
Je ravalai l'émotion et me concentrai sur l'objet dans mes mains. J'allais devoir être prudent pour ne pas le faire griller. Il en avait besoin. J'avais bien compris que ces objets dont j'avais appris l'existence durant mes premiers entraînements sur le terrain étaient très importants pour l'humanité. Je n'étais pas convaincu de leur utilité si ce n'était pour les moments de danger où mon protégé aurait besoin de contacter les secours. Je m'estimais heureux d'avoir une charge qui vivait dans le monde réel et non le nez collé à son écran. C'était trop rare, dans sa génération.
Je laissai mon pouvoir faire son travail, traduisant ce que je ne pouvais dire en lettres sur l'écran noir.
P A S F A U T E
Oui, bon, je n'étais pas né à une époque où ces objets existaient. Je parlais parfaitement anglais. C'était la machine qui ne captait que la moitié de ce que je voulais dire. Je n'y pouvais rien.
Beahan secoua la tête.
- Comme si tu allais me le dire si c'était de ma faute. Tu es censé être gentil avec moi, me protéger envers et contre tout, y compris moi-même.
Je ne résistai pas et lui donnai un coup dans la tempe à l'aide de mes ailes. Il grimaça.
- Hé !
S T U P I D E
Ce n'était pas exactement ce que j'avais voulu écrire mais soit la machine était trop polie soit mon lien avec les Cieux avait interféré.
Jurer à volonté me manquait.
- Tu n'es pas très sympa, pour un ange. Vous n'êtes pas censés être perpétuellement gentils et compréhensifs et tout le tralala ?
H O N N E T E
Il haussa un sourcil. L'écran grésilla et je le laissai tomber sur ses cuisses. Il le récupéra et le posa sur l'accoudoir à côté de lui.
- Je suppose que c'est mieux comme ça. Que tu sois honnête avec moi. Que tu me secoues quand j'en ai besoin. Mais je persiste à dire que j'ai ma part de responsabilité pour ce qui est arrivé à ces gamins. Et arrête de me frapper, nom de Dieu !
Je ne le frappai que plus fort. Il pesta à qui mieux mieux en se frottant la tête. Malgré tout, un sourire demeurait sur ses lèvres, créant de fines ridules au coin de sa bouche et plissait légèrement son nez.
Depuis quand remarquais-je ces infimes détails ?
- D'accord ! D'accord ! Arrête de me frapper ! Je dois aller me sécher avant que James n'arrive. Si Lizzie apprend que je suis resté sous la pluie, elle aussi va se mettre à me frapper. Pas étonnant que j'ai une araignée au plafond, avec tout le monde qui me tabasse !
Il s'échappa avant que je ne puisse lui remettre un coup. Son rire résonna dans la cage d'escalier. Je ne pus que sourire en réponse.
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NdlA : Nouveau chapitre ! Rien d'exaltant mais j'espère qu'il vous a plu ! Que pensez-vous de Cassiel ?
PS : N'oubliez pas d'aller voter sur mon sondage ! Le lien est dans mes conversations !
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