Chapitre 2

Le choc fut violent. Aucun de mes os ne céda mais ça ne rendit pas l'atterrissage moins brutal. Heureusement, la terre était humide et donc, plutôt molle. Ça aida quelque peu à amortir. Toutefois, je me retrouvais avec de la boue plein les vêtements. Il allait falloir que j'arrange ça avant d'arriver.

Je secouai mes ailes pour les dégourdir et les débarrasser d'un maximum de boue tout en regardant autour de moi.

J'avais atterri au milieu d'un champ en friche pour l'hiver. Je pouvais distinguer la silhouette d'une ville à l'est et une autre un peu plus loin au sud. Et bien sûr, Whitewich était au sud de ma position, perdue à l'entrée de la forêt...

J'étirai mes ailes, testant les courants d'air. Ils étaient froids et plutôt bas mais ils pourraient peut-être m'aider à accélérer mon voyage jusqu'en ville. Techniquement, je n'étais pas censé voler autrement que pour descendre car les humains seraient plus à même de me repérer. C'était l'une des raisons pour lesquelles nous ne volions pas. Les ailes émettaient des lumières lorsqu'elles battaient et vibraient dans le vent. Souvent, ceux qui les voyaient croyaient voir des fantômes ou des orbes et ils en faisaient tout un plat. Mais bon, ils en étaient arrivés au point où un grain de poussière qui se reflète sur l'écran de leur caméra devenait un esprit qui essayait de communiquer. Désolé de vous le dire les gars, mais c'est bel et bien de la poussière. Jamais les âmes en transit ne se manifesteraient par de la lumière !

Non, je n'avais cru en rien quand j'étais encore en vie. Oui, ça expliquait beaucoup de choses.

Je vérifiai que j'étais bien seul dans les alentours et m'élançai. Je planai sur plusieurs centaines de mètres avant d'avoir à recommencer. Je préférais cet enchaînement de sprint, saut et planage que marcher bêtement le long de la route.

Quant aux approximations de Rikbiel, je préférais ne pas en parler. Il y avait plus que « quelques kilomètres » à parcourir pour atteindre Whitewich. Même en planant, je n'y arriverais pas avant le lever du jour. Peut-être n'était-ce pas plus mal. Ça me donnerait l'occasion de découvrir mon protégé dès son réveil.

Whitewich se révéla être une petite ville blottie près de Dallas. La forêt la surplombait, vaste, sombre et majestueuse. Elle n'avait pas l'allure de la forêt des Cieux mais elle avait sa propre magnificence. Elle projetait son ombre sur les villes alentour tant elle était haute et massive.

En lui-même, l'endroit n'avait rien de spécial. C'était une petite ville américaine blottie au milieu de la nature. Les maisons étaient espacées entre elles si ce n'était pour le cœur de la ville. Pour la plupart, elles étaient larges, avec des cheminées et des parterres soigneusement délimités. Malgré tout, elles avaient du charme et la ville recelait quelque chose de spécial, une atmosphère mystérieuse et sombre qui ne pouvait qu'amener l'intérêt lorsqu'on la traversait.

La demeure des Beahan était somme toute assez banale. La façade était d'un blanc légèrement jauni, les volets en bois naturel, un sorbier centenaire soutenait une balancelle dans la cour du devant, des rosiers épousaient le dessous des fenêtres... C'était une maison à l'allure familiale et dans laquelle je m'attendais à trouver une famille joyeuse et unie. Le genre de cliché dégoulinant de guimauve qui me donnait envie de vomir.

Je poussai la porte. Les verrous ne me posaient aucun problème. Je ne cherchai pas à visiter la maison. Le soleil commençait à peine à se lever et je devais m'occuper de mes vêtements. D'accord, il n'allait pas me voir de toute façon mais, soyons francs, personne n'a envie de se balader avec une tenue pleine de boue. Pas même un ange invisible aux yeux des mortels. J'avais un peu plus de fierté que ça.

Il n'y avait que quatre pièces à l'étage. Le bureau était en face de la chambre, la salle de bains se trouvait à gauche de la chambre et, en face d'elle, une chambre d'amis qui servait de débarras pour des dizaines et des dizaines de cartons.

Je profitai du fait qu'il dorme encore pour me débarrasser d'un maximum de boue et retrouver une allure à peu près présentable.

C'était toujours étrange pour moi de revenir sur Terre après avoir passé autant de temps dans les Cieux. Dès que je m'adaptais à un environnement, je devais retourner dans l'autre et me réadapter. C'était un cycle sans fin.

Je sursautai lorsque la silhouette de Beahan se dessina dans le miroir. Il ressemblait aux photos tout en étant différent. Il paraissait plus pâle et ses yeux, plus larges et bleus que sur les photos. Il avait aussi pris des épaules depuis la prise des photos.

- Il faut vraiment que j'arrête de bosser aussi tard si j'en oublie d'éteindre la lumière, marmonna-t-il.

Il se frotta le visage avant de secouer la tête et de rejoindre le lavabo. Je l'observai quelques secondes. Il avait l'air épuisé. Une petite barbe assombrissait sa mâchoire et sa tignasse était un nid de corneilles. Il était si négligé qu'il semblait prêt à se jeter d'un pont. Peut-être était-ce un problème de dépression, que j'allais devoir gérer. Cependant, j'en doutais. Appelez ça l'intuition.

Contrairement à tout être humain normal, après la salle de bains, il ne descendit pas prendre un petit-déjeuner. Il partit directement dans son bureau. Il s'était réveillé dix minutes plus tôt ! Personne ne commençait à travailler si vite après être sorti du lit ! Pas étonnant qu'il ait l'air au bord du gouffre !

Je demeurai figé sur place en découvrant l'antre du blogueur. Sur les murs, des panneaux en liège étaient couverts d'articles de journaux et de photos de jeunes hommes et femmes. Des post-it colorés pleins d'une écriture serrée égayaient le tableau.

Beahan alla allumer ses deux ordinateurs et ses trois écrans avant de ressortir de la pièce aussi vite qu'il y était entré. Je descendis au rez-de-chaussée avec lui, découvrant la maison en même temps.

Elle était plutôt dépouillée. Peu ou prou de décorations, des meubles dépareillés, une couche de poussière impressionnante sur la plupart des surfaces dont la télé... Dans sa cuisine, ce n'était pas mieux. Il n'avait presque rien à manger. Ce qu'il remarqua aussi puisqu'il marmotta quelque chose à propos de courses à faire. Sur le four, l'horloge affichait 04 : 40. Il allait devoir se taper sur le ventre jusqu'à l'ouverture d'un diner en ville.

Par défaut, il se servit une tasse de café qu'il sirota, les coudes sur le plan de travail, devant la fenêtre qui donnait sur la cour arrière. Il y faisait trop noir pour que quoi que ce soit puisse être discernable. Toutefois, j'avais l'impression qu'il ne cherchait pas à voir. Il était juste perdu dans ses pensées, pas encore tout à fait réveillé.

Ce que j'aimais le moins dans le boulot d'ange gardien, c'était les premiers jours. Découvrir le protégé, découvrir quels aspects de sa vie posaient problème et comment les gérer. Avec mes cas précédents, j'avais eu l'avantage de savoir quel était le problème. Ici, rien. Je devais analyser chaque petite chose de la vie de Declan Beahan et observer si c'était ce qui avait fait atterrir son dossier devant moi.

Je n'appris pas grand-chose de mon protégé durant les premiers jours si ce n'était qu'il n'avait pas énormément d'interactions sociales. Il passait la majeure partie de ses journées enfermé dans son bureau à étudier des crimes aussi divers que variés. Pas étonnant qu'il ne dorme pas beaucoup. Toutes ces morts devaient le hanter de nuit comme de jour.

Il recevait tous les jours des appels de sa mère. Il lui mentait sans vergogne, lui assurant manger correctement et prendre l'air et se socialiser. Il ne faisait rien de tout ça. Il restait chez lui à enquêter. Ça devenait un peu... solitaire. Il fallait que je le fasse sortir de chez lui. Pour ça, j'allais devoir être créatif.

Il était si concentré sur ce qu'il venait d'imprimer qu'il tomba de sa chaise lorsque je fis tomber un livre. Ce dernier fit tomber des feuilles du bureau et une carte de visite atterrit juste à côté de la main de Beahan. Non, la physique n'aurait jamais permis un tel enchaînement de chutes. Heureusement j'étais un ange donc la physique ne pouvait rien contre moi.

Je me frottai les mains en voyant mon petit protégé ramasser la carte et l'examiner. J'ignorais exactement à quoi elle faisait référence mais je me souvenais l'avoir vu faire des recherches sur ce type. D'une manière ou d'une autre, il était relié à l'affaire sur laquelle enquêtait Declan donc c'était un moyen de le pousser à sortir de chez lui.

Je ne pus retenir une petite danse de la victoire lorsqu'il partit enfiler une tenue correcte pour sortir. J'avais réussi du premier coup ! Je le suivis jusqu'à sa voiture et m'installai sur le siège passager. J'espérais qu'il n'était pas de ces personnes qui ne mettaient que la radio en voiture parce qu'il allait en ressortir avec une sacrée migraine. J'avais tendance à brouiller la réception. Énergie angélique et tout le toutim. Ça compliquait les choses, parfois.

Par chance, Declan préférait sa playlist personnelle dans sa clé USB parmi laquelle il chercha un petit moment avant de se décider pour Angel With a Shotgun de The Cab. Ah ! L'influence angélique ! Il ne s'en rendait même pas compte. Pour lui, il avait simplement envie d'écouter cette chanson en particulier. En vérité, il ressentait ma présence à côté de lui et cette chanson devait être la plus proche (entendre la seule au vu de ses goûts musicaux) du divin.

Il ne roula pas longtemps avant de se garer. Je considérai la petite maison envahie d'arbres et de fleurs. Une forte énergie s'en dégageait. Jamais encore je n'avais ressenti une telle chose. La familiarité avec laquelle Beahan poussa la porte sans frapper était encore plus saisissante. Il traversa l'enfilade de pièces jusqu'à une véranda en verre envahie de plantes en tous genres. Plantes aromatiques, tropicales, vertes... Il y en avait de tous les côtés.

Au milieu de cette explosion de verdure se tenait une jeune femme aux cheveux d'une couleur unique entre le blanc, l'argenté et le lilas. J'aurais bien été incapable de décider sur l'un des trois puisqu'ils ne cessaient de changer de couleur sous les lumières. Des bracelets d'argent et de pierres alourdissaient ses poignets. Sa robe noire affinait les légères rondeurs qui s'étaient installées sur les hanches. Elle offrit un large sourire à Beahan en l'accueillant d'une étreinte.

La sorcière. Ava Au-Nom-De-Famille-Imprononçable. Ça devait forcément être elle. La meilleure amie de Beahan. Soudain, l'abondance de plantes faisait sens. C'était une chose essentielle pour les sorcières. De tous temps, elles avaient utilisé les plantes dans leurs sorts. Que Ava Machin-Truc en cultive autant était, en rétrospective, parfaitement normal.

Un tatouage d'un septogramme couvrait son épaule gauche. Ses yeux d'un bleu-gris trop clair se fichèrent sur moi. Le maquillage très sombre qu'elle portait ne faisait que rendre la couleur de ses iris encore plus imperceptible.

En cet instant, je fus sûr d'une chose.

Elle me voyait.

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NdlA : DUN DUN DUUUUUUUUUUUUN !!! Alors, ce second chapitre ? Il vous a plu ? On en découvre un peu plus !

Autre chose, je tente de faire revivre ma page Facebook d'auteur ! Venez grossir les rangs ! Le lien est dans mes conversations !

Les Chantilly Awards sont toujours ouverts alors venez voter pour moi en fantasy et en roman d'amour !

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