Chapitre 9 : "Je n'ai pas vraiment le choix"

Du vécu -$-Crew-

"17 ans, j'étais un SDF, moi qui pourtant détestais perdre
J'ai eu de l'aide et j'oublie pas les gestes des frères"

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Pdv Ken

Dimanche 01 Novembre 2015

C'est les rayons de soleil qui se sont chargés de me réveiller. Je suis avachi sur le canapé de Gabrielle, celle-ci s'est endormi sur mon épaule et Diabi dort à point fermé dans le fauteuil en face de nous. Les rideaux de la fenêtre qui donne sur la rue ne sont pas fermés et je peux déjà entendre les bruits de la ville qui s'éveille. Je tente d'attraper mon téléphone sur la table sans réveiller Gabi qui marmonne quelque chose avant de se rendormir. Il est 8 heures. Je crois que c'est la première fois que je me réveille aussi tôt depuis Alya. Généralement, c'est plus l'heure à laquelle je m'endors. Il faut croire que j'étais vraiment crevé. Je m'arrange pour allonger Gabrielle correctement sur le canapé et me lève en réprimant un gémissement. Dormir dans un canapé avec quelqu'un à moitié allongé sur soi ce n'est pas super. Je sens que je vais avoir mal au dos toute la journée. J'attrape ma veste et mon téléphone et enfile mes chaussures. Je vais aller acheter quelque chose à manger pour tout le monde. Je descends les marches de l'immeuble et sort dans le soleil de novembre. Je rabats ma capuche sur la tête, flemme d'être reconnu aujourd'hui. En plus, je dois avoir une tête de cul avec la nuit que j'ai passé. Je marche rapidement dans les rues de ma ville, les mains dans les poches et la tête baissé. Je finis par apercevoir une boulangerie mais alors que j'allais entrer mon téléphone se met à vibrer dans ma poche. C'est Mekra.

- Ouai ?

- Yo, t'es où là Nek ?

- À une boulangerie pourquoi ?

- Qu'est-ce que tu fous à une boulangerie ? 

- T'occupes. Qu'est-ce qu'il y a ?

- Je voulais te rappeler qu'on a une réunion avec Polydor à 10 heures.

Merde, j'avais complètement zappé cette réunion.

- Nek, t'avais oublié c'est ça ?

- Ouais. Mais tranquille je serais là.

- Essaye de ne pas être en retard cette fois.

- Ouais, ouais, t'inquiète. À tout à l'heure Haks.

- À tout.

Bon bah faut que je me bouge du coup. En plus j'ai presque plus de batteries. Je me dépêche de prendre de quoi manger sous le regard insistant de la boulangère qui semble m'avoir reconnu. Je lui adresse un petit sourire et repars aussi vite que je suis venu. Je monte les escaliers de l'immeuble de Gabrielle quatre à quatre. Heureusement que j'ai retenu le code et que j'ai chopé les clés en partant. Lorsque j'entre Gabi et Diabi sont toujours dans la même position, mais je trouve Lyla assise à la table de la cuisine, une tasse dans la main. Je lui souri et agite fièrement mon sac de viennoiseries. Un grand sourire éclaire son visage et elle m'invite à venir m'asseoir à côté d'elle.

- Gabi doit avoir du café quelque part si tu veux, me chuchote-t-elle.

- Je vais aller voir.

Je me lève et dépose un bisou sur son front avant de me diriger vers la cuisine. Je fais couler assez de café pour tout le monde et sort du jus d'orange du frigo. J'attrape quatre verres et trois tasses et retourne à table avec mon butin. Je m'assois à côté de Lyla et attrape un croissant.

- Ken ?

- Oui ?

- Il s'est passé quoi hier ? Je me rappelle que vous mangiez dehors avec Gabi et qu'il y avait Diabi avec moi, mais après plus rien. 

Je réfléchis quelques instants. Je ne sais même pas moi-même ce qu'il s'est passé exactement, mais je décide de lui expliquer ce que moi j'ai compris.

- Je ne sais pas exactement. J'étais avec Gab' quand Diabi nous a appelés parce que tu faisais une crise de panique. Alors on est rentré en catastrophe et Gabi a fait je ne sais quoi avec toi avant de te mettre au lit.

- Je suis vraiment désolé. Vous avez dû vous inquiéter.

- T'es vraiment incroyable Lyla. Tu fais une crise de panique au point ou Diabi a cru que tu allais crever dans ses bars et toi, tu t'excuses parce que tu nous as fait peur.

Je secoue la tête.

-  Lyla, je ne sais pas ce que ce qu'il t'arrive, mais j'avais tort quand je disais que tu me faisais penser à moi. C'est mille fois pire ce qu'il t'arrive et je ne sais pas comment faire pour t'aider. Ça ne fait peut être pas longtemps que je te connais Lyla mais je t'aime vraiment beaucoup et crois moi quand je te dis que je veux t'aider. Mais pour ça, il va falloir que tu m'aides un peu aussi. Parce que là, je m'enterre dans mes interrogations et je commence à imaginer des trucs tous plus pire les uns que les autres.

Elle baisse la tête et je vois une larme couler le long de sa joue. J'attrape doucement son menton entre mes doigts et relève son visage pour qu'elle me regarde.

- Lyla, il ne faut pas que tu pleures pour ça. Nous, on est là pour t'aider, pas pour te faire du mal. Si vraiment, c'est trop dur d'en parler, on attendra. Mais je veux que tu saches que, quoi qu'il arrive, on sera toujours là pour toi. Que ce soit moi, Deen ou Diabi. D'accords ?

Elle hoche la tête et prit d'une inspiration subite, je la prends délicatement entre mes bras. Si elle se raidit au début, elle finit par se relâcher un peu et je caresse doucement son dos. On reste je ne sais combien de temps dans cette position. Je finis par la lâcher et caresse doucement sa joue. Séchant les dernières lames qui s'y trouvaient.

Elle me chuchote un remerciement quand un grand bruit nous fait nous retourner. Diabi est étalé de tout son long par terre. De toute évidence, il est tombé du fauteuil. Il se redresse en grognant tandis qu'on se fout royalement de sa gueule. Le bruit a également réveillé Gabrielle qui s'étire comme un chat en baillant.

- Plus jamais je dors dans ton fauteuil Gabi, grogne Diabi.

- Et plus jamais je te laisse t'endormir sur moi, j'ajoute.

- Désolé les gars, nous lance-t-elle, c'est quoi cette odeur ? Quelqu'un a fait du café?

- Oui, moi. Et je suis allé chercher des croissants aussi.

- Nek, je t'aime frère!

- Grave moi aussi frère, renchérit Gabrielle. 

On éclate de rire avec Lyla. Il faut dire que ça ne colle pas vraiment au personnage de petite libraire d'à peine un mètre soixante.

- Bon il va falloir que j'y aille les gars, je reprends, j'ai un rendez-vous à dix heures avec Polydor pour le $.

- Il va surtout falloir que tu m'expliques ce que c'est Polydor et le $, rigole Gabrielle.

- Désolé, je rigole. Polydor c'est le label qui permet la distribution de nos album et là c'est pour le $-Crew.

- Je croyais que vous vous auto-produisiez ? Vous avez monté votre label non?µ

- Oui, "Seine zoo", Polydor c'est juste ceux qui nous permettent de distribuer nos squeud.

- Ah, mais c'est pour ça que vous vous baladez tous avec vos sweats "Seine Zoo", réalise Lyla.

- Ouais, c'est ça, désolé, on a tendance à oublier que vous ne savez pas exactement comment on fonctionne." Je rigole.

Je finis par checker Diabi et Gab' et embrasse le front de Lyla avant de sortir de l'appartement.

[...]

Je marche rapidement dans les rues de Paris Ma tête dissimulée sous ma capuche. J'étais sensé retrouver Lyla à la Concorde il y a déjà un quart d'heure. J'arrive en vue du pont et l'aperçois assise sur un banc, un gros bouquin sur les genoux.

- Salut Gamine.

Elle relève vivement la tête et un sourire illumine son visage.

- Ken ! Ça va ?

- Ça va, désolé pour le retard, je devais finir un truc au stud'.

J'étais en train d'enregistrer pour le deuxième album du $, mais j'étais parti avant qu'on ait terminé et je m'étais d'ailleurs fait engueuler par Hakim qui ne voit pas d'un très bon œil tout le temps que je passe avec Lyla. Sois disant qu'elle m'éloigne du rap. Ce n'est pas forcément faux. Depuis que je la connais, je passe beaucoup moins de temps au studio avec les mecs. Mais ce n'est pas pour autant que j'ai arrêté d'écrire. Toute cette histoire m'inspire énormément. Et puis passer du temps avec Lyla me permet de ne pas trop penser à Alya et c'est pas plus mal. J'ai recommencé à fumer. Je m'étais promis d'arrêter et j'avais d'ailleurs réussi, mais depuis qu'elle m'a quitté, c'est compliqué. Si je m'écoutais je resterais toute la journée enfermé chez moi à écrire avec mon pilon à porter de main. C'est pour ça que mes rendez-vous avec Lyla me sont tellement bénéfique. Ça me fait sortir de chez moi et m'empêche de fumer. Que du bénéf'.

- Oh, t'inquiètes pas, j'avais de la lecture, reprend-elle en me montrant son livre.

- C'est quoi ?

- C'est sur les mécaniques astrales, c'est super intéressant!

- Je ne savais pas que tu t'intéresser à ça, dis-je en m'asseyant à côté d'elle.

- Oh, si j'adore tout ce qui à un rapport à l'espace. C'est tellement passionnant. Il y a tellement de choses que nous ne savons pas encore! Tu savais qu'il y a entre 200 et 400 milliards d'étoiles dans notre système solaire ? Et je ne te parle même pas des autres systèmes! Et tu savais que la plupart des étoiles que tu vois dans le ciel sont déjà morte? En fait, tu regardes le passé ! C'est pas incroyable?

- Si ça l'est, dis-je en rigolant.

- Je suis désolé, quand j'en parle, j'ai tendance à m'exciter un peu trop, dit-elle en rougissant.

- Mais t'excuse pas voyons! Je trouve ça géniale que tu ais une passion comme ça. Tu comptes en faire ton métier?

- J'aimerais bien, mais ça ne vas pas être possible. Il faut que je reprenne l'entreprise de mon père. Je n'ai pas vraiment le choix.

- Comment ça?

Elle soupire en se passant les mains sur son visage.

-  Mon père possède un réseau assez important de banques privées et il veut que je prenne sa succession à sa retraite.

- Mais tu n'es pas obligé Lyla. Fait ce que tu veux, c'est ta vie pas la sienne.

- Je n'ai pas le choix Ken. Je suis fille unique, mes parents n'ont pas réussi à avoir d'autres enfants après moi.

- J'ai un peu du mal à te suivre là. Qu'est-ce qui t'empêche de faire ce que tu veux?

- Tu ne peux pas comprendre.

Ça me rend ouf les parents qui ne laissent pas leurs enfants faire ce qui leur plaît. En plus, ce n'est pas comme si elle voulait faire quelques choses qui pourraient la faire se retrouver dans la merde.

- Je ne sais pas si tu le sais, mais quand j'avais 17 ans mon père m'a mis dehors.

Je ne sais pas ce qui me prend de lui raconter tout ça. 

- Je faisais pas mal de conneries au lycée et j'ai fini par me faire virer. Alors quand j'ai dit à mes parents que de toute façon, je ne voulais pas reprendre les cours et que je voulais faire du rap, ils ne l'ont pas très bien pris.

Je me repose contre le dossier du banc et jette un regard vers Lyla qui me regarde attentivement. 

- Tu vois, mes parents n'ont pas vraiment eu la chance de faire de longues études, mais ils se sont juré que ma sœur et moi n'auront pas ce problème. Mon père n'a pas supporté que j'abandonne tout comme ça. Alors il m'a jeté dehors.

Je ferme les yeux me remémorant cette journée horrible. Ma mère pleurait, mon père criait et je n'avais même pas eu l'occasion de dire au revoir à ma petite sœur qui était encore au collège à cette heure-là.

- Pendant un an, j'ai enchaîné les boulots de merde pour avoir assez pour m'acheter un appart'. Je vivais chez des potes ou dans des cages d'escaliers quand personnes ne pouvait m'accueillir. C'est à ce moment-là que j'ai rencontré ma "deuxième" famille. Je te les présenterais un jour. . Cette période de ma vie a été vraiment dure, mais il n'y pas eu un moment où j'ai abandonné l'idée de faire ce que je voulais. Le rap, c'était la seule chose pour laquelle j'étais bon et qui me plaisait réellement. Alors j'ai persévéré. C'est à ce moment-là qu'on a créé 1995 avec des amis que tu n'as pas encore rencontré et je continuais de faire des trucs avec mes potes du $-Crew. J'ai repassé mon Bac en candidat libre l'année de mes 19 ans que j'ai eu avec mention assez bien. Aujourd'hui ça va mieux avec mes parents. Ils ont plus ou moins accepté que je ferais du rap ma vie. Tout ça pour te dire Lyla, je n'ai jamais abandonné ce que je voulais faire, malgré ce que tout le monde me disait, malgré que c'était "complètement inconscient", malgré que mes parents ne me suivent absolument pas et malgré tous les obstacles que j'ai pu rencontré, je me suis accroché, et regarde où j'en suis maintenant. Mon album est disque d'or, j'ai plusieurs millions de vues sur mes clips et je suis sélectionné pour les victoires de la musique. Crois-moi quand je te dis qu'il faut que tu fasses ce que tu as envie et pas ce que les autres veulent.
- C'est pas si simple Ken. Mais merci de m'avoir fait confiance pour me parler de tout ça.

J'attrape sa main et la sers doucement. Elle me sourit doucement avant de baisser la tête pour regarder ses pieds. Elle prend alors une grande inspiration et marmonne quelque chose d'inintelligible.

- Pardon ?

- Est-ce que... Est-ce que tu peux me faire un câlin ?

- Bien sûr, viens là.

Je l'attire contre mon torse et referme mes bars autour de son petit corps. Elle se blottit contre moi et dépose sa tête dans mon cou. J'ai l'impression d'avoir un animal blessé dans les bras.

C'est à cet instant que j'ai compris quelque chose. Jamais je ne laisserai quelqu'un faire du mal à Lyla. Jamais. Parce qu'on ne touche pas à la miff'.

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