Chapitre 56 : "Deux cons chacun de son côté"

😭😭😭

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Alunissons - Nekfeu

"Comment on a pu en arriver là ? 
Malgré une infinité d'trajectoires possibles 
Le destin a choisi d'nous mener à cet instant précis dans l'univers 
Qui aurait pu prévoir c'que le passé nous réservait ?"

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Pdv Gabrielle

Vendredi 2 décembre 2016

Quand tu te lances dans une relation, qu'importe sa nature, amoureuse, fraternel, ou simplement amicale, il faut discerner à quelle catégorie elle appartient. Il y a trois catégories : tout d'abord les relations qui ne sont pas destinées à durer, les relations passagères, celles dont on gardera un souvenir flou ; ensuite il y a celles qui marquent pour la vie, celles dont on se souviendra toujours, celles avec des gens qui nous correspondent assez pour qu'on ne puisse pas imaginer notre vie sans eux ; et la troisième catégorie, la pire, les relations qui appartiennent à la deuxième catégorie, mais qui finissent comme la première. Celles-ci sont celles qui nous font le plus souffrir. C'est pourquoi il est crucial d'arriver à discerner dans quelle catégorie notre relation avec une tierce personne se place. Malheureusement pour nous, il est très dur d'arriver à voir la troisième catégorie. Tout simplement car la personne appartient d'abord à la deuxième, il est donc inconcevable de se dire qu'elle va se finir. On se voile alors la face, on fonce tête baissée, on ne se protège pas, et tout explose.

Ma relation avec Ken était comme ça. Sauf que dès le début, je le savais. Et c'est bien naïvement que j'ai préféré me dire qu'on allait survivre. Naïvement ou stupidement ? J'imagine que ça dépend du point de vue.

C'est probablement ça qui me fait le plus de mal. Ce n'est pas notre rupture, qui a été horrible, ne nous mentons pas, ce n'est pas non plus le fait que je ne vis plus qu'à moitié ou que la seule chose qui me permette de tenir debout soit mon travail où je prétends être quelqu'un de complètement différent. Non, ce n'est rien de tout ça. Ce qui me fait le plus de mal, c'est que j'avais toutes les cartes en main pour ne pas avoir à vivre ça, et que je n'ai rien fait.

Plus le temps passait, plus je savais qu'on courait à notre perte. Et plus le temps passait, plus je fermais les yeux. Plus le temps passait, plus je savais que JE courrais à ma perte. Plus le temps passait, plus j'ignorais mes problèmes et me construisais un sourire de façade. Le seul qui arrivait à voir derrière, c'était Ken. Sauf qu'au lieu de le laisser m'aider, je fermais tous les accès à mon esprit. Parfois, je laissais échapper une goutte, histoire de brouiller les pistes. Je suis devenue tellement forte à ça que j'ai fini par me convaincre moi-même que j'étais heureuse bien qu'un peu secoué par les événements.

Bullshit.

Aujourd'hui, nous sommes le deux décembre 2016. Date maudite. Aujourd'hui, Nekfeu fait son Bercy. Aujourd'hui, il sort son deuxième album studio. Aujourd'hui, plus que depuis maintenant deux mois, il me manque. Affreusement. Et je me déteste parce que je vais rompre ma promesse d'aller le voir faire le concert le plus important de sa carrière. Mes amis et ma famille le savent, quand je promets quelque chose, je le fais. Même si je le regrette, je le fais. J'avais promis à Lyla de parler de son père à personne. Je n'en ai parlé à personne. Et j'ai regretté.

Ça fait trois heures que je suis dans mon canapé, un album de Jazz tournant en boucle et un verre de Rhum dans la main. Un verre qui se remplit miraculeusement à intervalle régulier. Et je me déteste d'être dans cet état.

Je suis ridicule putain.

Mon regard se perd au fond du verre vide et je tends la main vers la table pour attraper la bouteille qui est déjà aux trois-quarts vide. Je me ressers un verre et bascule la tête en arrière. Je me déteste. Le jazz me rend trop mélancolique, c'est une très mauvaise idée d'en écouter maintenant. Mais qu'est-ce que j'y peux ? J'aime ça.

J'allais me resservir pour la énième fois quand de grands coups sur ma porte me font sursauter. Hors de question que j'aille répondre.

Les coups continuent et j'augmente le volume de la musique. Si seulement ils pouvaient me laisser tranquilles. J'ai juste envie de dormir.

- Gabrielle putain ! Je sais que t'es là connasse !

Idriss, évidemment.

- Ta gueule, elle ne voudra jamais venir si tu parles comme ça ! Gabi, ouvre nous s'te plait !

Mohamed. Shit.

Je me lève péniblement et pose mon verre sur la table basse. J'avance d'une démarche chancelante vers la porte et tourne la clé dans la serrure. De toute manière, ils n'abandonnent jamais ces deux-là.

J'ouvre la porte et ils cessent soudain de se crier dessus pour se tourner vers moi.

- Gabi, putain, murmure Id' avant de m'attirer dans ses bras.

Il y a un mois j'aurai probablement pleuré, mais maintenant je suis vacciné contre les crises de larmes. C'est fini. Je suis juste complètement vide.

- Je croyais que t'allais mieux Gabrielle, murmure le Kabyle en me serrant contre lui.

- Je vais mieux.

Et rien que ma voix éraillée prouve le contraire. C'est d'ailleurs ce qu'il semble penser au vu du regard qu'il me lance en s'écartant de moi.

Mo' n'a pas prononcé un mot et se contente de ma prendre la main pour m'emmener dans la salle de bain.

- À la douche, immédiatement. T'as dix minutes, dit calmement Moh avant de ressortir.

Je fais ce qu'il dit dans un état second et sort en peignoir dans le couloir sept minutes plus tard. Ils sont tous les deux là, appuyés contre le mur, le visage fermé. Je marmonne une blague comme quoi les filles sont capables d'aller vite quand elles le veulent, mais ils n'esquissent même pas un sourire. Idriss me tend des fringues et je soupir de soulagement en voyant qu'elles ne sont pas trop courtes. En fait, c'est juste des fringues à moi, basique. Un jean, un sweat, mes docs, ma doudoune. Basique.

- T'as fait quoi du sweat que j'avais, je demande à Moh.

- Je l'ai mis à la machine, dit-il calmement.

- Mais ! Pourquoi ! C'était un pull à-

- Ken, me coupe-t-il. Je sais. Mais là, tu vas voir l'original alors t'en a pas besoin.

- Je vais pas aller le voir Mohammed.

- Oh que si tu vas aller le voir Fernandez, intervient Idriss. Tu vas aller le voir parce que tu lui as promis. Depuis une semaine, il est dans tous ses états à cause de ça. Donc tu vas y aller.

- Idriss...

- Je ne veux rien savoir Gabrielle, dit-il sèchement. J'en ai marre de vous voir vous morfondre comme deux cons chacun de son côté. Donc tu vas bouger tes mignonnes petites fesses et tu viens avec nous.

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Pdv Ken

Ces derniers mois, j'avais peu à peu perdu toutes mes convictions vis-à-vis de Gabrielle Fernandez. Mais s'il y avait une chose dont j'étais certain, c'était que Gabrielle ne rompait jamais ses promesses. Une fois qu'elle a décidé de faire quelque chose, elle le fait. Sauf qu'aujourd'hui, je n'ai aucune idée de ce qu'elle va faire. Va-t-elle venir ? Je n'en sais rien. Et putain qu'est-ce que ça me fait chier.

- Nek, t'as pas vu Mo' et Fram, me demande Antoine en passant sa tête par la porte.

Je secoue la tête en guise de négation et il peste que le concert commence dans une heure avant de tourner les talons.

Je prends ma tête entre mes mains et tente de calmer mon pied qui tressaute. Je suis une vraie boule de nerf. Impossible de rester calme. Je me lève d'un coup et commence à faire les cent pas dans la loge, faisant tourner mes chevalières autour de mes doigts à toute vitesse.

J'aimerais tellement pouvoir rester calme, me concentrer sur le moment présent. Bercy putain, depuis le temps que j'en rêve. Et je suis là avec tous mes amis, ma famille, Lyla. Tous ceux que j'aime sont là.

Tout le monde sauf Gabrielle.

Putain, mais arrête de penser à elle ! Vous n'avez même pas passé un an ensemble. C'était rien, tu vas t'en remettre. T'en as eu des ruptures difficiles dans ta vie, et à chaque fois t'as l'impression que tu ne vas pas t'en sortir, et tu le fais.

Oui mais là c'est pas pareil. Là, on parle de Gabrielle Fernandez. Cette espèce de connasse au grand cœur qui fait toujours tout pour les autres. Qui est capable de ruiner sa santé si celle de ses amis est bonne. Celle qui prend tout sur elle. Celle qui a horreur de son corps. Celle qui complexe. Celle qui aime porter des vêtements informes. Cette femme pourtant magnifique et forte. Celle qui sait parler trois langues couramment et qui trouve ça normal. Cette surfeuse de talent. Cette femme qui a une culture musicale aussi profonde que le sac sans fond d'Hermione dans Harry Potter, et merci mon neveu pour la ref.

Cette femme dont je suis profondément, infiniment, amoureux. Cette femme que j'ai laissée filer. Cette femme que j'ai abandonnée.

Malakíes.

Je suis trop con. Je suis bien trop con pour ce monde, pour elle.

J'ai quand même tout donné pour ce putain de concert. C'était incroyable. Je n'avais jamais vécu une telle ambiance dans un concert. La salle était tellement immense. Comme d'habitude, le stress s'est évaporé à la minute où j'ai posé le pied sur la scène. Le public était chaud. J'ai stressé de nouveau au moment où la pochette de Cyborg est apparue sur les écrans géants après le décompte, mais tout va bien.

Après le dernier "j'en ai rien à foutre de rien" et un dernier remerciement, je retourne dans les coulisses où les gars me sautent dessus. Ça cris, ça se bouscule, ça fait limite des pogos, ça crie, ça rigole. C'est l'ambiance d'après concert avant que l'adrénaline ne redescende. Mes parents arrivent pour me prendre dans leurs bras. Puis c'est au tour de Lyla qui me promet d'écouter mon album même si le rap ça reste de la merde en boite, selon ses mots.

Je commence à ressentir le contre coup quand Mo' attire mon attention et indique un coin de la salle.

Une silhouette est appuyée contre le mur. Une silhouette qui porte des docs qui m'ont écrasé les pieds à de maintes reprises.

Mon cœur est tellement serré que je crains un instant d'être en train de faire une crise cardiaque. Et elle relève la tête. Et nos yeux se croisent.

J'ai l'impression que tout l'oxygène à quitter la pièce. Je suffoque. C'est excessif putain.

Je fais un pas en avant, deux en arrière. J'entends à peine Idriss dire à tout le monde de déserter la salle, mais quand je regarde autour de moi je me rends rapidement compte que nous sommes à présent seuls.

Je panique. Qu'est-ce que je suis sensé faire ?

- Tu... T'es venue ?

Après cinq minutes de silence, j'avais fini par murmurer ces trois stupides mots qui voulaient dire tellement de choses.

- J'avais promis, dit-elle sur le même ton.

- Tu tiens toujours tes promesses, dis-je à mi-voix.

Elle hoche la tête et le silence reprend place entre nous. Je me recule pour m'appuyer contre le mur derrière moi. J'ai besoin de soutien. Ça fait deux mois que je ne l'ai pas vu autrement que sur insta et dans mes rêves. Et elle a l'air d'aller mal, si mal. Ses beaux yeux ambrés ont perdu leur étincelle.

- Ken, dit-elle finalement, me faisant sursauter. Je ne regrette pas.

- Moi si.

- Laisse-moi finir. Je ne regrette pas de t'avoir quitté, mais je regrette de ne pas l'avoir fait plus tôt.

Couteau dans le cœur.

- Ça faisait tellement longtemps que je le sentais venir et peut-être que si je l'avais fait plus tôt, on n'en serait pas là.

Coup de feu dans le cœur.

- Mais...

Je suis suspendue à ses paroles. J'ai l'impression d'être à un entretien d'embauche putain.

- Mais tu me manques, dit-elle brusquement.

Et elle éclate en sanglots. Je me précipite vers elle, mue par un vieil instinct, mais m'arrête à quelques centimètres d'elle. Mes bras levés de manière à l'attirer vers moi, mais sans la toucher. La tension entre nous est tellement palpable qu'on pourrait la mettre en pot.

Elle relève ses yeux vers moi, me brisant le cœur pour énième fois. Tant de tristesse ce n'est pas possible.

- Tu me manques aussi, tellement, je chuchote.

Et, comme si c'était écrit, on tomba dans les bras l'un de l'autre, mêlant nos larmes et nos doutes.

Qui sait de quoi sera fait le futur ? En tout cas pour l'instant ce qui est sûr c'est que le présent me suffit.

~•~

Okay. Je vais pas parler longtemps les gars parce que je vous ai concocter un chapitre de remerciement de 40 pages. Mais bon, voilà, this is the end

Petite anecdote quand même : Cette histoire est partie de cette phrase d'Alunissons : "Mais tes yeux sont noir, l'encre à remplacé la sève". Et j'ai enfin réussi à caler la ref au dernier chapitre, il était temps. (Au cas où vous l'auriez pas c'est quand je dis : "Ses beaux yeux ambrés ont perdu leur étincelle."). 

Gros gros gros cœur sur vous, à tout de suite. 

💙

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