Chapitre 55 : "T'as le droit d'aller mal"
Avant dernier chapitre olalalaaa
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Placebo - Dinos
"Un peu d'bleu dans mon feu, un peu d'rouge dans mes yeux
J'pense à toi, à nous deux, j'vais pas bien"
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Pdv Ken
Dimanche 30 octobre 2016
Enfermé dans un placard dans une chambre de la baraque qu'on a loué avec les gars, je termine de poser mon couplet pour un son.
- Celle-là était vraiment top Ken, me dit Diabi dans mon casque.
- Ouais ?
- Carrément. Tu veux venir écouter ?
- Ouais, j'arrive.
Je dépose le casque sur le micro et le rejoins dans la chambre. Ça fait un peu plus d'une semaine qu'on est arrivé et je n'ai jamais autant enregistré et en si peu de temps de ma vie. En sept jours, j'ai dû enregistrer facilement une douzaine de sons. Je sais pertinemment qu'un tiers va passer à la poubelle, mais ça a au moins eu le mérite de faire redescendre la pression. Je gratte comme j'ai jamais gratté. Apparemment, ma rupture avec Gabrielle a débloqué un truc en moi. Il faut essayer de voir le positif dans toute cette merde j'imagine, même si j'ai du mal.
- Alors, gros ? T'en penses quoi ?
- J'sais pas, j'aime pas, dis-je en me concentrant sur ma voix qui retentit dans la chambre.
- Mais c'est quoi qu't'aimes pas, me demande Haks qui est assis dans un coin.
- J'sais ap, je vais la refaire.
- T'es sûr que ça va, me demande Lo' en posant une main sur mon bras.
- Ouais, ouais, t'inquiètes.
En vérité, je suis pas sûr d'aller bien. Je veux dire, quand elle m'a... quitté, j'ai complètement vrillé. Heureusement que les gars étaient là. Comme deux cons, on s'était reposé sur l'autre dans l'espoir qu'il nous permette de garder la tête hors de l'eau, mais évidemment si l'un des deux plonges, l'autre le suit. Et Gabrielle a plongé, très profond. Aveuglé par mes propres problèmes et mes propres considérations, je ne l'ai non seulement pas vu, mais je ne l'ai pas aidé. Je n'ai pas fait mon job, je l'ai complètement abandonné. Résultat : on est tous les deux au fond du trou. Au moins, j'ai de quoi sortir un album en décembre. Super n'est-ce pas ?
J'évite soigneusement le regard des gars et retourne en cabine pour refaire pour au moins la vingtième fois mon couplet. Enfin, je le crache plus que je le rap. Je le répète inlassablement jusqu'à ce que la voix de Diabi dans mes oreilles me conseille d'arrêter. Il a raison, j'arriverai à rien aujourd'hui. Je sors de la cabine et mets ma veste et mes chaussures, j'ai besoin d'air.
- Nek ? Tu vas où, me demande Théo.
- J'sais pas, dis-je en grognant.
- Tu veux qu'on vienne avec toi ?
- Nan.
Je claque la porte derrière moi. Je sais très bien que je vais regretter de lui avoir parlé comme ça. J'irai m'excuser en rentrant. Ça a toujours été ça mon problème, je prends tout trop à cœur. Quand je suis heureux, je suis trop heureux. Quand je suis triste, je suis trop triste, quand je suis énervé, je suis trop énervé. Et je change d'humeur en trois secondes. Je ne comprends pas comment les gars font pour me supporter.
"Un amour infini pour mes proches, ceux qui m'pardonnent mes tics"
L'une des phrases les plus vraies que j'ai jamais écrite.
Les mains dans les poches et une prod dans les oreilles, je marche dans la capitale nippone en essayant tant bien que mal de rester calme.
Je ne sais pas pendant combien de temps j'ai erré dans les rues, mais j'ai fini par me retrouver complètement perdue avec la nuit qui était tombée bien plus vite que prévue.
- Bien joué Samaras, marmonnais-je.
C'est parfait, j'en étais venue à me disputer moi-même. Juste parfait.
Je m'appuyais contre le mur d'un immeuble et levais le nez vers le ciel noir. Aucune étoile visible, juste la luminosité de la ville. Penser aux étoiles me fit penser à Lyla et je sortis mon téléphone.
Il devait être dans les quatorze heures en Suisse, soit pas du tout une heure pour appeler une étudiante. Étudiante putain, ça me fait toujours aussi bizarre de me dire que la petite meuf que j'ai rencontrée il y a maintenant plus d'un an dans une ruelle et qui était complètement flippée des hommes est maintenant étudiante en astronomie dans une université ultra réputé en Suisse, et en couple depuis six mois. Non vraiment, je ne m'y fais pas.
Mais contre toute attente, la voix de celle que je considère comme ma petite sœur retentit dans mon oreille.
- Ken ?
- Salut princesse, ça va ?
- Ça va, dit-elle doucement. Et toi ?
- Ça va, ça va. T'es pas censé être en cours ?
- Ken, on est dimanche.
Putain, je suis tellement déphasé que j'en oublie quel jour nous sommes.
- Ah ouais, j'suis con.
- Ken ? T'es sûr que ça va ?
- Oui, t'inquiètes pas.
- Bah si je m'inquiète, dit-elle et je peux entendre le sérieux dans sa voix.
- Tu sais que tu peux me parler ? Et que t'as le droit d'aller mal ?
Je soupire et mets mon téléphone dans ma poche pour continuer à lui parler via mes écouteurs. Je reprends ma marche et me perds encore plus dans les rues de Tokyo.
- Je le sais. J'ai mal Lyla. Mais qu'est-ce que tu veux que je fasse ?
- Tu veux en parler, dit-elle après un silence.
- Pas vraiment, dis-je en soupirant.
- Pourtant, je suis presque sûr que tu n'en as parlé avec personne. Sauf peut-être Mo' en deuspi y a deux semaines.
- Depuis quand tu dis "deuspi" toi, dis-je en rigolant.
- Depuis Maxime Castelle, soupire-t-elle. Mais c'est pas la question. T'en as parlé avec quelqu'un oui ou non ?
- Tu poses vraiment la question ?
- Je m'en doutais.
Un ange passe et je soupire.
- Écoute Lyla, honnêtement j'ai pas du tout envie de parler d'elle. J'y pense déjà assez.
- Comme tu veux, dit-elle et je peux presque la voir grimacer. Pourquoi tu m'as appelé du coup ?
- Je sais pas, on ne voit pas les étoiles ici alors je me suis dit que tu pourrais me raconter ce que t'apprends.
- Tu vas rien comprendre, dit-elle en ricanant.
- Probablement, mais j'aime bien t'écouter parler de la Fac. T'as l'air tellement passionné.
- Je le suis.
On discuta pendant presque une heure de ce sur quoi elle travaillait en ce moment, de ses cours, de comment elle vit son quotidien d'étudiante. Elle tenta de m'expliquer une notion obscure et je ne compris qu'un mot sur trois de ce qu'elle m'expliquait, mais la passion dans sa voix était bien plus importante que le reste. Entre temps, j'avais trouvé un parc ouvert la nuit et un banc sous un cerisier, téma le cliché japonais.
- Et avec Max, ça va, je finis par lui demander.
- Ça va. C'est un peu chiant parce que le rythme de la Fac est super intense alors quand je remonte à Paris, on ne peut pas se voir longtemps. Mais il est descendu trois fois ici et on a pu passer un peu de temps ensemble.
- Et ça va ? C'est pas trop dur, vous tenez le coup ?
- Pour l'instant ça va, mais...
- Mais ?
- Je ne sais pas si on pourra continuer comme ça bien longtemps, souffle-t-elle.
Et merde. Je peux sentir la douleur dans sa voix. Ces deux-là se sont particulièrement bien trouvés. C'est fou quand on y repense. Je ne suis pas trop le genre à croire aux coups de foudres, mais faut avouer que pour Maxime et Lyla, c'est bien ce qu'il s'est passé. À peine deux semaines après qu'ils se soient rencontrés, ils étaient ensemble et depuis lors, ils ne se sont pas lâchés. Quand Lyla nous a annoncé qu'elle partait en Suisse pour ses études, on a tous régit plus ou moins de la même façon. À la base, on n'était pas d'accord, tel les gros emmerdeurs macho de première que nous sommes. Deen, Haks et moi en premier, on pensait que c'était une mauvaise idée qu'elle parte si loin sans personne qu'elle connaît. Même si la Suisse ce n'est pas si loin. Mais Gabrielle était de son côté, et quand tu as Gabrielle de ton côté, tu fais ce que tu veux.
Mais celui qui nous a le plus surpris, c'est Jehk. On pensait tous qu'il allait la faire chier en lui disant de rester à Paname avec lui. Sauf que non, il était super heureux pour elle et l'a encouragé à y aller pour suivre ses rêves. Ça a d'ailleurs été le premier à être au courant.
- Comment tu faisais toi pour supporter de ne pas voir tes copines quand vous étiez en tournée, me demande-t-elle.
- Bah, je ne supportais pas, dis-je en soupirant.
De toute façon, ça ne sert à rien de lui mentir. Vaux mieux être 100 % honnête.
- Je ne supportais pas du coup, je faisais que de la merde. T'as bien vu avec Gabrielle, je reprends en refrénant du mieux que je peux les tremblements de ma voix. Je ne les appelais pas, je laissais passer une, deux, ou même trois semaines sans donner de nouvelles. Quand j'étais plus jeune, il m'est arrivé de les tromper aussi.
Gros con que je suis.
- Tu dis ça tranquille toi, genre, c'est normal, m'interrompt-elle.
- Ah non. Non, non, non. C'est pas normal du tout Lyla. J'étais le pire des cons et j'en avais rien à foutre des conséquences. Remarque, je suis encore le pire des cons vu ce que j'ai fait à Gabrielle.
- Arrête, me coupe-t-elle. Tu n'as rien fait du tout.
- Justement, c'est là le problème.
- Ken, dit-elle doucement. Je ne dis pas que t'étais tout blanc dans cette histoire. Mais arrête de penser que c'est uniquement de ta faute. Même si t'avais vraiment voulu l'aider, il aurait déjà fallu qu'elle te laisse faire.
- De toute façon, je n'ai rien vu. Ou pire ! Je le savais, mais j'ai fait comme si de rien n'étais.
Elle soupira dans le téléphone et je sentis les larmes remonter. Il ne fallait pas, j'avais assez pleuré.
- Ken, souffla Lyla.
- Non, c'est bon. J'ai dit que je ne voulais pas en parler.
Je laissais passer un silence avant de reprendre la parole.
- Il ne faut pas que tu t'inquiètes. Maxime n'est pas comme moi. Lui, il t'aime comme il faut. Moi, j'aimais mal. Dans toutes mes relations, ça a toujours été comme ça. J'aimais trop l'autre et au final ça marchait plus parce que notre amour devenait néfaste. Maxime et toi, ce n'est pas pareil. Ça se voit que vous vous aimer comme il faut. Vous cherchez uniquement le bonheur de l'autre, mais contrairement à moi et Gabrielle, vous n'oubliez jamais le vôtre. Ce qui fait que votre relation est équilibrée. Vous vous aimez, mais vous n'êtes pas dépendant l'un de l'autre. Votre relation, elle est saine. Voilà, c'est le mot, elle est saine. Moi ça n'a jamais été le cas.
Ça y est, je pleure. Putain de fragile.
- Je l'ai cru au début avec Gabrielle, dis-je en essuyant mes larmes comme je peux. Mais elle était trop brisée. Et ça faisait trop longtemps qu'elle le cachait à tout le monde. Même à elle-même, je pense.
- Mo' t'a dit pour sa grand-mère, me demande-t-elle d'une petite voix.
- Il m'a dit, dis-je en soupirant. Tu vois, c'est ce que je te disais, elle en a parlé à personne de sa grand-mère. Mais bref, notre histoire à nous, elle était vouée à l'échec. Vous deux c'est pas pareil. Vous méritez de rester ensemble.
- Je sais pas Ken... Parfois, je me dis que je l'empêche d'avancer. Il est au début de sa carrière, il a probablement envie de plus de liberté.
- Tu le penses vraiment, lui demandais-je en grimaçant.
- Je sais pas...
- Écoute moi bien Lyla. Maxime t'aime tellement que s'il sent que tu l'empêches d'avancer, il te quittera parce que la dernière chose qu'il voudra, c'est de te faire du mal.
- Tu crois ?
- J'en suis sûr.
On discuta pendant encore un petit moment avant qu'elle ne raccroche car elle avait des "trucs à faire". Ayant entendu une voix masculine à côté d'elle, je me doute bien que ce truc n'est autre que le frère de Deen.
Mes discussions avec Lyla ont toujours le même effet à la fois apaisant et chamboulant. Elle arrive toujours, par je ne sais quel stratagème à me faire parler pendant des heures de ce dont je ne veux justement pas parler.
Mue par une inspiration soudaine, je sortis le carnet et le stylo qui ne me quittait jamais et m'empressait de coucher sur le papier tout ce qui me venait à cet instant. Probablement que je n'allais jamais utiliser ça, mais c'était le seul moyen que j'avais trouvé pour éviter la crise de nerf. Et les gens aiment. Donc au final, tout le monde est gagnant.
~•~
Bon. Kennou va pas bien, zero nouvelle de Gabrielle, Lyla s'inquiète de sa relation avec Max. Décidemment y a rien qui va... Je vous entends presque vous torturer les méninges pour savoir comment je vais clôturer cette histoire. La réponse lundi !
Oui je suis méchante. Mais ça vous fera un cadeau pour bien commencer la semaine ! Ou mal... Ça depend du point du vue. Et puis j'ai un bonus dans ma poche que je posterai juste après mes remerciements ;)
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