Démarre -$-Crew-

"Mets le coco et on démarre"

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Pdv Ken

Mardi 06 Octobre 2015

Franchement, je ne pensais pas que Gabrielle accepterait aussi facilement de passer la journée avec nous. Pourtant la voilà, un pull Trasher sur le dos et ses cheveux bruns lui tombant devant les yeux. Elle nous cherche du regard et lève les yeux au ciel en nous voyant appuyé contre la voiture d'Hakim.

- Évidemment, vous poussez le stéréotype du rappeur jusqu'à la voiture, nous lança-t-elle. Je vais trouver des filles en bikini dedans ?

- En fait on comptait sur toi pour ça.

J'éclate de rire aux mots de Deen tandis que Gabrielle hausse un sourcil. Je lui ouvre la porte passager avec un sourire.

- Madame...

- Trop aimable, dit-elle avant de s'asseoir et de claquer la porte.

- Et bah gros, on va pas s'ennuyer avec elle! Sourit mon frère.

Je me pose sur les sièges arrière tandis que Deen prend place derrière le volant.

- Bon, honnêtement, vous l'avez volé à qui cette voiture ?

- On l'a pas volé, commence Deen.

- On l'a emprunté, nuance.

- Et la personne à qui vous l'avez emprunté est au courant ? Se marre la jeune fille.

- Non mais tu nous prends pour qui ? C'est Mekra qui nous la prêter.

- Si c'est Mekra alors, tout va bien !

- Tu sais qui c'est ? S'étonne Deen.

- Oui je sais qui c'est. Le frère de Framal et membre du S-Crew.

- T'es incollable sur nous en fait ! T'avais raison Nek, c'est vraiment une fangirl !

- Vous pensez vraiment que c'est en vous foutant de ma gueule que je vais accepter que vous passiez du temps avec Lyla ? Il faudrait peut-être que vous repensiez vos tactiques les gars...

On se marre, mais elle n'a pas tort. J'ai vraiment envie d'aider cette petite alors faudrait peut-être qu'on se calme.

- Whoa ! J'ai pourri l'ambiance, c'est top ! Sinon vous m'emmenez où ?

- Ah ah ! C'est une surprise chérie !

- Commence pas à m'appeler chérie le fennec !

- Laisse-le, c'est un gamin. On va chez moi à Auber et ensuite, on ira au ciné. Et c'est toi qui choisis le film !

- Quelle grandeur d'âme ! Merci Mikael, c'est trop gentil.

- Donc nous, on n'a pas le droit de se foutre de ta gueule, mais par contre toi c'est pas grave?

- C'est comme ça que ça marche Mikachou.

- Mikachou ? Sérieusement ?

- Mec t'a perdu toute ta street cred là, je me marre depuis l'arrière de la voiture.

- T'inquiètes pas Nekichou y en a pour tout le monde!

Ça ne fait que me faire rire encore plus fort. Cette fille est barrée, c'est génial. Deen lance alors la radio et "On verra" sort des hauts parleurs. Il s'apprête à changer en voyant mon regard mais Gab' l'en empêche.

- Attends j'ai envie d'entendre Nekflamme chanter ses "hein hein" moi! Tu nous fais la version live Nekichou ?

- Surement pas ! T'es trop méchante ! Si tu arrêtes de m'appeler Nekichou y'a peut être une infime chance que j'accepte, mais en attendant, tu peux toujours rêver !

- T'es pas drôle! Puisque que c'est comme ça, c'est moi qui choisis la musique ! Il doit bien y'avoir du Bluetooth dans cette BMW de merde.

Elle finit par trouver comment ça marche et des notes de guitare se font entendre.

- Maintenant les gars, on se tait et on écoute religieusement Radiohead. Si vous voulez impressionner Lyla, ce n'est pas avec votre rap de gamin que vous allez y arriver. Elle ne jure que par le rock et refuse complètement d'écouter un autre style.

- Je connais Radiohead, tu m'as pris pour un inculte ou quoi ?

Elle me jette un regard par le rétro et ses yeux semblent me clamer que, oui, elle m'a pris pour un inculte.

- Tant mieux pour toi Nekichou.

- Il va vraiment falloir que tu arrêtes avec tes surnoms là, je vais pas tenir longtemps!

Un regard vers son sourire satisfait m'apprend que c'est exactement le but recherché alors je me tais. Elle est forte la gamine.

[...]

Après une demi-heure de trajet, ponctué par de grands cris pour le choix de la musique et de surnoms débiles on finit par arriver chez Deen qui se dirige vers la cuisine en me criant de mettre les couverts.

Gabrielle est restée devant la porte et est concentré sur son téléphone.

- Tu parles à ton mec ?

- Jaloux ?

- Pourquoi je serais jaloux d'un mec qui sort avec une gamine hystérique? Et puis j'ai déjà une copine donc...

Enfin, je crois que j'ai toujours une copine. Elle ne veux plus trop me voir depuis que j'ai sorti Feu.

- Alors de un je ne suis pas une gamine, encore moins hystérique et de deux, t'as une copine? Je veux des infos là!

- Qu'est-ce que ça peux te faire, je rigole.

- Comme ça je peux aller revendre les infos à un magazine people! Je suis sûr que tout le monde serait ravi de savoir enfin qui est la fille de Égérie !

- Alors, dis-je en prenant une voix aiguë, de un qu'est ce que t'en sais que c'est la fille d'Égérie et de deux de toute façon tu sauras rien.

- Je parle pas comme ça.

- Je parle pas comme ça nianiania !

- Bon les gamins vous venez manger ou ça se passe comment là !

Je me dirige en riant vers la cuisine avec Gabrielle sur mes pas qui ne se gène pas pour me bousculer en passant à côté de moi. Une gamine je vous dis.

Je mets la table en quatrième vitesse et m'installe tandis que Deen pose un plat fumant devant nous.

- Qu'est-ce qu'on mange Mikachou ?

- Du curry et arrête de m'appeler Mikachou.

Elle rigole avant d'attraper sa fourchette et goutte avec prudence le mélange. Un sourire se dessine sur son visage.

- Eh, mais c'est super bon!

- Tu vois Ken ? C'est comme ça qu'on fait pour se faire aimer des filles.

Je lève les yeux au ciel avant de commencer à manger. C'est vrai que c'est vachement bon.

- Dit, tu n'aurais pas un peu de piment Deen ?

- De piment ? C'est pas assez épicé pour toi mademoiselle?

- Et depuis quand tu l'appelles Deen ? Il est passé où le Mikachou ?

- Oui du piment parce que j'aime bien manger épicé. Et môsieur Nekichou, je l'appelle Deen depuis qu'il m'a fait ce curry qui casse la baraque.

Mon pote se marre en se levant pour aller chercher des épices.

- "Qui casse la barque" ? T'as de ces expressions toi.

- C'est quand même rare de trouver des gens qui aiment manger épicés. T'as toujours été comme ça ? Lui demande Deen.

- J'ai toujours aimé manger épicé, mais j'ai vécu un an en Inde alors j'imagine que ça a aidé.

- C'était comment l'Inde ?

- Magnifique ! C'est complètement dépaysant ! Mais ça fait du bien parfois de s'éloigner de Paris.

Je secoue la tête et Gabrielle se tourne vers moi.

- T'as un problème Barbie ?

- Je l'attendais celle-là... C'est juste que je ne comprends pas trop comment on peut en avoir marre de Paname.

- Moi je comprends.

Je me tourne vers Deen, étonné. Lui qui dit ne plus vouloir partir de sa ville de cœur.

- Je ne me vois pas partir de Paname Nek, fais pas cette tête. C'est juste que je comprends qu'on puisse vouloir changer d'air. Si on y réfléchit bien, c'est ce que j'ai fait. Bon après, c'est vrai que y'a une différence entre quitter Toulon pour Paris et quitter Paris pour l'Inde.

- En fait je suis parti pour une mission humanitaire. C'est incroyable les conditions dans lesquels la plupart des Indiens sont obligés de vivre.

- Mais t'avais quel âge ?

- 19 ans. Je suis parti après que j'ai eu mon Bac. Et quand je suis revenu, j'ai ouvert ma librairie parce que je ne me voyais pas faire des études après ce que je venais de vivre.

- C'est dingue, en te voyant, on n'imagine pas du tout que t'es ce genre de fille.

J'acquiesce aux mots de mon frère. Un sourire se dessine sur ses lèvres.

- Ah ouais ? Et on imagine que je suis quel genre de fille, messieurs les rappeurs?

- Un genre de gamine hystérique.

Immédiatement, je me prends sa serviette sur la tête et Deen en profite pour se foutre de ma gueule.

Le repas se poursuit dans une bonne humeur enfantine et Gabrielle nous raconte plein d'anecdotes sur son séjour en Inde.

On finit par se lever et retourner à la voiture pour aller au cinéma. Comme à l'aller, c'est un gros bordel pour choisir la musique. Nous, on ne jure que par le rap tandis que la jeune fille veut nous faire l'entièreté de la playlist de Lyla. On finit par arriver devant le cinéma. Gabrielle examine les films à l'affiche en grimaçant quand mon téléphone sonne. Je m'écarte en décrochant.

- Allô ?

- Ken, c'est Alya.

- Oh, salut. Tu vas bien ?

- T'es chez toi ?

- Non, je suis avec des potes pourquoi ?

- Il faut qu'on parle.

- Écoute si c'est à propos de la chanson, je me suis excusé des milliers de fois qu'est ce que tu veux que je fasse ?

Elle soupire.

- Justement Ken. Il n'y a rien que tu puisses faire. J'en peux plus moi. Tout le monde ne parle que de ta foutue chanson dans le milieu. J'en peux plus de devoir faire comme si je ne savais rien. J'ai besoin de prendre mes distances.

- T'es vraiment en train de me quitter par téléphone là ?

- Non. Je passe chez toi ce soir ok ?

- Quelle heure ?

- 21 heures.

- Ok, à tout à l'heure. Je t'aime.

Seulement un bip me répond. Putain.

- Ken ?

Je tourne la tête vivement et mes yeux rencontrent ceux de Gabrielle. J'avais jamais remarqué leur couleur. On dirait un peu la sève d'un arbre.

- J'ai choisi le film, tu viens ?

- Ouais désolé, je devais répondre à cet appel.

- T'es sur que ça va ?

- Oui, t'inquiètes, t'as choisi quoi ?

- L'homme irrationnel, c'est le dernier de Woody Allen.

- Connais pas.

- Tu ne connais pas Woody Allen ?

- Juste de nom. C'est un truc chiant non ?

- Mais t'es sérieux ? Woody Allen c'est un putain de génie!

- Si tu le dis. On y va ?

- Je t'attend depuis tout à l'heure moi !

- Bon, vous foutez quoi tous les deux ? Dit mon pote en arrivant derrière nous.

- Mais c'est lui là. Il connaît pas Woody Allen ce con !

- Bah moi non plus je connais pas.

- Alors là les gars, vous redescendez dans mon estime. Déjà que de base vous étiez pas super haut la vous êtes carrément sous terre !

Sur ces mots, elle attrape son billet des mains de Deen et se dirige vers l'entrée.

[...]

Je dois bien avoué que c'était pas mal son film. Pas aussi bien qu'un Miyazaki, mais c'était pas mal. À voir son sourire réjouit, elle a aimé.

- Alors vous avez kiffé votre vie ?

- Ça va, ça passe.

- Menteur, ça se voit que t'as aimé Deenou.

- Tiens! Un nouveau surnom ! Ça faisait longtemps.

On a ensuite passé trois heures à traîner dans les rues à parler de tout et de rien. J'avais vraiment l'impression de voir une nouvelle Gabrielle. Rien à voir à celle que j'avais vue chez elle et rien à voir non plus à celle de la librairie.

- J'ai faim les gars.

- Moi aussi.

- Deen ça compte pas, t'as tout le temps faim.

- C'est pas faux. Regardez y a une boulangerie ! Je rêve d'un éclair au chocolat ! S'exclame mon pote.

- Un éclair au chocolat, sérieux ? Se marre Gabrielle.

- Bah oui pourquoi ?

- Pour rien Deenou, pour rien. 

Elle se dirige alors vers la boulangerie en riant.

- Frère, j'ai pas eu le temps de te demander, c'était qui au téléphone tout à l'heure?

Putain, j'avais oublié avec tout ça. Je soupire et fixe le sol.

- C'était Alya. Elle veut qu'on discute. Je crois que c'est la fin là. J'aurais jamais dû aller aux festivals cet été et la laisser toute seule.

- Mec, tu t'entends là ? Le rap, c'est toute ta vie. Si cette fille t'empêche de vivre ta passion, c'est que c'est pas la bonne et puis c'est tout. J'ai beau bien l'aimé Alya, c'est pas de ta faute.

- Je sais. Mais, enfin, c'est Alya quoi. Je me projetais avec elle.

- Vraiment ?

- Bah ouais. Alya, c'est la première fille que j'ai ramené que vous avez tous validé, je me sentais bien avec elle, c'était pas trop prise de tête. Alors ouais, je sais pas trop ce que je m'imaginais, mais de toute façon j'ai tout foutu en l'air.

- Qu'est-ce que t'as foutu en l'air ?

Je me tourne vers la petite voix qui s'est élevé à côté de moi.

- Rien qui te concerne gamine. C'est des pains au chocolat ?

- Peut-être.

- Vas-y fait pas la radine!

- T'en auras pas, t'es trop méchant, dit-elle avant de me tirer la langue.

- Mais à quel moment je suis méchant wesh !

- Je suis pas une gamine.

- Ah bon ? Parce que me tirer la langue c'est pas un truc de gamine peut-être?

- Je m'en fous ! T'es méchant. Et tu m'attraperas pas!

Et la voilà qui détale, ses cheveux volant au vent et le sac de viennoiseries dans la main. On se jette un regard avec Deen avant de lui courir après en lui criant d'arrêter de faire la gamine. Mais seul un éclat de rire nous répond.

Notre course-poursuite continue pendant dix minutes avant qu'on ne la coince dans une ruelle où elle s'avoue vaincue. On finit par aller se poser sur les quais pour manger et profiter des derniers rayons de soleil automnale. Il doit être 17 heures 30 quand le téléphone de Deen sonne.

- Ouai ?

- ...

- T'es sérieux là ? Ça peux pas attendre demain?

- ...

- Ba ouai, je suis avec Nek et Gabrielle là.

- ...

- Ouais c'est ça.

- ...

- Ok, j'arrive. Je suis là dans 20 minutes.

Il se tourne vers nous un air désolé sur le visage.

- Les gars faut que j'aille au studio, Hugz a besoin de moi pour je sais plus quoi.

- C'est pas grave Deenou, de toute façon, il est tard là. Je vais rentrer.

- Tu veux pas venir au stud' ?

- Bah non, je vais pas m'inviter comme ça.

- Tu sais c'est pas la première fois qu'on invite une fille au studio, ça posera pas de problèmes aux mecs, dis-je en souriant à moitié.

- Je m'en doute. Ça doit être le fantasme de toute les filles qui vous tournent autour. Mais il faut que je rentre.

- Comme tu veux. Allez vient, en voiture Simone.

- Et après tu te fout de mes expressions? 

- Tait-toi, gamine.

Je me prends une claque derrière le crâne quand elle passe à côté de moi en riant et je souris. Cette fille est décidément folle.

Deen s'arrête devant l'immeuble de la jeune fille. Et on descend tous.

- Vous allez pas me raccompagner jusqu'en haut, si?

- Non mais je crois qu'on doit parler de quelque chose, tu crois pas?

- Je vois pas de quoi tu parles Mikachou.

- Lyla, dis-je en soupirant.

- En fait, je ne comprends pas pourquoi vous voulez autant l'aider. Elle va très bien.

- Nous prends pas pour des con s'il te plait Gabrielle. Il faut être soit aveugle soit complètement stupide pour ne pas remarquer qu'elle ne vas pas "bien" comme tu dis. Et pour répondre à ta question, je ne sais pas pour Deen mais Lyla elle me rappelle un peu moi au même âge, mais sans les conneries. J'étais vraiment pas bien, d'ailleurs c'est pour ça que je me suis barré de chez mes parents. Mais la grande différence entre Lyla et moi c'est que moi j'avais tous mes amis pour m'aider et ils m'ont permis d'aller mieux. Lyla, tu me dis si je me trompe, elle a l'air très solitaire Je ne pense pas qu'elle ait beaucoup de personne sur qui compter. Et je ne pense pas que ses parents soient là pour elle. Parce que sinon quand je l'ai trouvé elle m'aurais demander de la raccompagner chez eux et pas chez toi qui n'est même pas sa vraie sœur. 

- Comment tu sais ça?

- C'est pas le sujet. T'as pas passé une bonne journée?

- Pour être honnête c'est la meilleure journée que j'ai passé depuis longtemps et je vous aime bien tous les deux. Mais Lyla, elle n'a peut-être que 17 ans, mais elle a vécu des trucs vraiment pas cool et je me sens responsable d'elle. J'ai peur qu'elle souffre.

- Pourquoi elle souffrirait avec nous, lui demande Deen.

- Je sais pas.

Un temps

- Si vous me promettez de ne pas la forcer, ni de l'emmener dans vos délire de merde, je veux bien que la voyez.

Alléluia!