Chapitre 4 : "On dirait un enfant qui n'a pas eu son bonbon"
Galatée -Nekfeu-
"J'obtiendrai ton sourire le seul témoin d'ma victoire"
______
Pdv Gabrielle
Lundi 28 Septembre 2015
La première fois que j'ai vu Ken Samaras ça devait être sur youtube quand il débutait avec 1995. J'avais beau ne pas écouter de rap je devais bien avoué qu'ils se débrouillaient bien. Les instrus était pas mal et le flow de ces jeunes bien loin du gros rap américain qui m'exaspérait plus qu'autre chose. Alors j'avais suivi de loin leur progression et les avais regardé gravir les échelons et se faire peu à peu connaître. Puis en juin dernier, il avait sorti Feu et ça avait été l'explosion. "On verra" avait résonné dans toutes les radios tout l'été et j'avais, je l'avoue, bien-aimé l'album. Mais ce n'est un secret pour personne que le fameux Nekfeu n'est qu'un coureur de jupon sans arrêt à la recherche de nouvelles conquêtes. Alors quand je l'avais vue débarqué chez moi derrière ma petite sœur, j'avais pris peur. Elle avait tout sauf besoin de se mettre à traîner avec ces rappeurs. J'avais pété un plomb et je le regrettais amèrement. Lyla avait besoin de sa grande sœur pas d'une hystérique qui ne sait pas se contrôler. Elle m'avait pardonné mon écart et je lui avais fait promettre de ne pas les revoir. C'était sans compter ce foutu destin qui semblait s'acharner sur nous.
- Lyla ? Qu'est-ce que tu fais là ?
- Elle est venue me voir. C'est ma boutique. Tu cherches quelque chose de particulier ?
Il semble surpris que je lui parle sans crier et un coup d'œil à Lyla m'apprend qu'elle aussi est étonné. Je reporte mon regard sur le jeune homme qui me regarde attentivement comme s'il cherchait à me sonder. Je soupire imperceptiblement.
- Alors ?
- Pardon, non, je ne sais pas exactement ce que je cherche. T'aurais quelque chose à me proposer ?
Je lui fais signe de me suivre, laissant Lyla perplexe derrière nous.
- J'allais te proposer "Le Horla" mais j'ai cru comprendre que tu l'avais déjà lu.
- T'as écouté mon album ?
- En fait je te connaît depuis 1995.
Il me regarde, surpris.
- Ça parait si impossible que je vous connaisse ?
- C'est juste que généralement quand les filles qui me voient pour la première fois c'est pas pour m'engueuler pour rien.
- Je t'ai pas engueulé pour rien.
Il hausse un sourcil et me regarde, goguenard.
- Peut-être que je t'ai engueulé, mais pas pour rien.
- Ah bon ? C'est quoi alors ton excuse ?
- Je ne veux pas que vous vous approchiez de Lyla.
- Pourquoi ?
- Parce qu'elle n'a pas besoin d'une troupe de pseudo rappeurs qui l'emmène dans des bails chelou.
- T'es un peu violente avec les "pseudo rappeurs", dit-il avec un sourire en coin. En plus si tu nous connais depuis 1995 et que t'as écouter mon album en entier et pas que "On verra" et "Ma dope ", c'est que t'aime bien, non?
Idiot. Évidemment que j'aime bien. Je soupire en me pinçant l'arrête du nez.
- Et puis jamais on emmènerait Lyla dans des bails chelou comme tu dis.
- Et qu'est-ce qu'il me le prouve ?
- Rien.
Je lâche un rire sans joie.
- Mais ta sœur elle m'a touché et je veux savoir ce qu'il lui arrive.
- On n'obtient pas toujours ce qu'on veut dans la vie monsieur le rappeur.
- Ça veux dire quoi ça ?
- Ça veux dire que je ne veux pas de vous auprès d'elle.
- Ça a un rapport avec le fait qu'elle a peur du contact des hommes ?
- Comment tu sais ça ?
Le retour du sourire en coin. Putain, je me suis fait avoir comme une débutante.
- De toute façon c'est pas ton problème.
Je me retourne, attrape un livre et lui tend.
- C'est quoi ?
- "La horde du contrevent" de Alain Damasio, c'est de la science-fiction.
- Je lis plus trop de science-fiction.
- On en reparlera quand tu l'auras lu.
Sur ces mots, je retourne au comptoir où Lyla est toujours assise, les sourcils froncés. Elle parait surprise de voir que Ken est toujours vivant. Je passe derrière la caisse et enregistre son livre. Il paye, toujours son petit sourire en coin rivé sur ses lèvres. Il récupère le bouquin et nous lance un "À bientôt les filles !" Sans aucune pression. Ce mec va me tuer.
- Tu m'expliques ?
- Qu'est-ce que tu veux que je te dise Lyla ? C'était un client comme les autres.
- Tu te fous de moi ? Vous êtes resté au moins un quart d'heure à discuter.
Je passe mes mains sur mon visage et soupire.
- On s'en fout. Il ne reviendra pas et c'est très bien comme ça.
- Il a dit "À bientôt".
- Lyla ? Il ne reviendra pas. T'en préoccupe pas.
Mais la vérité c'est qu'il reviendra. Et quand il le fera, je lui ferais comprendre que ça ne peux pas continuer. C'est bon pour personne.
[...]
Samedi 03 Octobre 2015
Ça fait cinq jours que Ken est venue à la boutique et pour être honnête, je l'avais un peu oublié. Mais quand il passe la porte, sa casquette vissée sur la tête ça me revient d'un coup.
Il se dirige directement vers moi et balance le livre qu'il a acheté la dernière fois sur le comptoir. Je le regarde, étonné.
- Dis-moi qu'il y a une suite.
Ah ok, je comprends mieux.
- Malheureusement, non, dis-je en souriant. Mais il a écrit d'autres livres si tu veux.
- Si ça finit comme celui-ci non merci ! Je vais y penser pendant au moins deux mois-là ! Dit-il excédé.
- Fait un son dessus.
Il me regarde comme pour vérifier si je plaisante ou pas. En vérité, je pense que c'est trop compliqué de faire un seul son sur ce livre. Il faudrait en faire au minimum un album.
- On peut en discuter ? J'ai besoin d'extérioriser là.
- Bah va dans un club de lecture et laisse moi tranquille.
- C'est pas sensé être ton travail de discuter de bouquin?
- Non mon travail c'est d'en vendre et j'ai réussi à te vendre celui-là, donc je suis contente. Maintenant si tu pouvais sortir de ma boutique et de notre vie par la même occasion, ce serait sympa.
- Je suis pas quelqu'un de sympa.
- Alors là, c'est la meilleure Samaras ! Il est passé où ton petit discours "Je suis trop gentil j'ai ramené ta sœur alors qu'elle était pas bien, laisse moi l'aider" ?
Il ne devait pas s'attendre à ce que je m'emporte puisqu'il a un mouvement de recul, mais il se ressaisit vite et son fidèle sourire en coin réapparaît.
- Je me disais bien que la fille hystérique que j'avais vue quand je t'ai rencontré ne devait pas être loin.
- Je ne suis pas hystérique.
- Parce que crier sur un parfait inconnue c'est pas être hystérique peut-être?
- Mais tu n'es pas un inconnu, c'est ça que tu ne comprends pas ! Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, ta réputation te précède.
- C'est donc ça le problème.
- Et qu'est-ce que tu croyais que c'était ?
- Bah que t'était juste une gosse hystérique.
- Pardon ? Une gosse ?
- T'as quel âge ?
- 23, mais je vois pas le rapport.
- Bah t'es une gosse.
- Non mais redescend là ! J'ai que deux ans de moins que toi, vieillard.
- Parce qu'en plus, tu connais mon âge ? Mais t'es une vraie fangirl en fait !
- Ma meilleure amie est complètement fan et elle me bassine avec vos conneries depuis quatre ans, c'est tout. Mais je ne sais même pas pourquoi je me défends !
Je pose mes coudes sur le comptoir et enfouis mon visage dans mes mains.
- Eh... C'est pas grave d'être fan de nous, tu sais? On est génial, c'est compliqué de ne pas nous aimer.
Putain, mais quel arrogant. Je relève la tête et rigole en voyant son sourire suffisant.
- Alléluia ! J'ai réussi à faire rire Gabrielle je-connait-pas-son-nom-de-famille!
À ses mots, il se met à faire une sorte de danse de la joie ridicule dans la boutique sous mes yeux ahuris. Mais qu'est-ce que c'est que ce mec ?
- Bon pour être un peu plus sérieux, je comprends que t'es pas envie de nous faire confiance, mais je te jure que j'ai vraiment envie d'aider ta sœur. Et Deen, c'est pareil. Qu'est-ce que je peux faire pour avoir ta confiance ?
- Rien.
Il réfléchit quelques instants puis son regard s'éclaire. Je le sens mal.
- Je sais ! Tu vas passer une journée avec Deen et moi comme ça, on fera connaissance comme il se doit!
J'avais raison d'avoir peur.
- C'est hors de question.
- Mais pourquoi ?
- On dirait un enfant qui n'a pas eu son bonbon.
- S'il te plaît Gabrielle. Si t'es pas convaincue à la fin de la journée, promis, on vous laisse tranquille.
Je réfléchis quelques minutes. S'il tient sa promesse, on sera enfin tranquille. Ça vaut peut-être le coup.
- Tu me promets qu'on entendra plus parler de vous ?
- Promis, enfin sauf dans les journaux quoi.
- Ok, j'accepte.
- Yes !
Et c'est repartit pour sa petite danse ridicule dans toute la boutique. Je secoue la tête en soupirant. Dans quoi est-ce que je me suis encore embarqué ?
[...]
Dimanche 04 Octobre 2015
Le lendemain, quand j'arrive devant ma boutique, je trouve un bout de papier coincé dans le rideau de fer.
" Salut madame je-connais-pas-ton-nom ! On passe te chercher mardi à 11h devant chez toi. Sois à l'heure ! "
Et il a signé "Tu sais qui". Le gars s'est pris pour Voldemort. Je suis fatiguée d'avance par cette journée. Heureusement, aujourd'hui, on est dimanche. Ce qui veut dire que Lou, ma meilleure amie, ne travaille pas et n'a pas cours. On passe généralement le dimanche ensemble dans ma librairie à se raconter des ragots sur nos vies respectives et j'ai hâte de la voir.
Elle pointe le bout de son nez vers 10 heures et me saute dessus en riant comme si on ne s'était pas vue depuis des siècles.
- Casse toi grosse vache, tu m'écrases avec ton gros cul !
- Ouais bah au moins j'ai quelqu'un qui l'aime mon cul ! Toujours personne en vue ?
Je soupire. J'adore Lou, mais elle est l'archétype de la fille parfaite et c'est parfois épuisant. Elle est magnifique avec ses cheveux blonds et ses yeux verts. Elle n'est ni trop grosse ni trop maigre. Et par-dessus tout, elle est avec un mec depuis un an, ils ont emménagé ensemble il y a deux mois et ils s'aiment comme au premier jour. Lou croit dur comme fer au prince charmant et aux coups de foudres. Mais moi je suis très bien toute seule donc je ne vois pas pourquoi je devrais me priver de ma liberté pour être avec quelqu'un.
- À part quelques mecs trouvé en boîte, non.
Le pire, c'est que j'ai menti. Et elle le sait. Je déteste aller en boite. Tous ces gens collés les uns aux autres sur fond de musique pop, non merci. Elle secoue la tête comme une maman désespérée par sa fille. Je m'empresse alors de changer de sujet et lui demande comment ce passe ses études. Elle fait des études de médecine et elle est complètement passionné. C'est toujours impressionnant de la voir me raconter ce qu'elle a fait dans la semaine, des étoiles dans les yeux. C'est un peu pareil que Lyla avec sa passion pour l'espace.
On passe deux heures à discuter de tout et de rien quand ma petite sœur passe la porte, un grand sourire aux lèvres.
- Lyla ! S'exclame Lou. Je suis trop contente de te voir ! Comme tu vas choupette ?
- Ça irait mieux si tu arrêtais de m'appeler choupette.
- Mais quelle rabat-joie !
Lou adore Lyla. Elle l'a adopté en même temps que moi et la considère comme sa petite sœur. En même temps, c'est compliqué de ne pas aimer Lyla. Avec ses joues d'enfants, ses cheveux bruns qui lui tombent sur les yeux et son petit mètre cinquante c'est compliqué de ne pas tomber sous son charme.
Je passe derrière le comptoir pour enlacer ma petite sœur, mais elle tressaille à mon contact. Je l'interroge du regard et elle grimace. Je vais taper son connard de père. Je ne comprends pas comment on peut faire du mal à son enfant. Et encore moins quand son enfant, c'est Lyla.
- Ça va les cours lylouche ? Lui demande Lou.
- Ma prof de philo me soûle mais à part ça, ça va.
- Ah, je te comprends, la philo qu'elle horreur ! Je ne comprends pas comment t'as pu faire un bac littéraire Gab'.
- Et moi, je ne comprends pas comment vous faites pour aimer les maths !
- Sinon vous avez entendu qu'apparemment Nekfeu va faire une réédition de "Feu" ! C'est trop bien !
Et voilà. Impossible pour Lou de ne pas parler au moins une fois par jour du génial Nekfeu.
Lyla roule des yeux. Elle déteste le rap. Pour elle, rien de mieux que le rock. Elle n'écoute que ça et refuse tous simplement d'entendre parler d'autre style musicaux. Au moins je sais qu'elle n'a pas capté que Ken et Nekfeu n'était qu'une seule et même personne.
Les filles sont restées avec moi le reste de la journée, mais l'heure de la fermeture arrive bien trop vite et je me retrouve de nouveau seule face à ma solitude. Pas que ça me dérange, je suis quelqu'un de plutôt solitaire.
Je ferme le rideau de fer et me dirige vers mon appartement. En entrant, j'envoie valser mes chaussures et me laisse tomber dans mon canapé. Je ne peux m'empêcher de penser à cet idiot de Ken Samaras. Je ne sais pas quoi penser de lui. Autant les premières fois que je l'ai vue, il avait l'air super sérieux, mais à la librairie, c'est comme si c'était un autre homme que je voyais devant moi. Une sorte de grand gamin.
Je souffle, je sens que la journée de mardi va être longue. Au moins ils viennent me chercher à 11 heures et pas plus tôt. Par contre, je ne sais pas comment il a su que le mardi était ma journée de repos.
Bon, il faut vraiment que j'arrête de m'en faire avec toute cette histoire. Comme dirait un certain rappeur à casquette, on verra bien ce que l'avenir nous réservera.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top