Chapitre 38 : "Dis pas n'imp"
Faites gafe au point de vu ;)
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Tout dedans - Deen Burbigo
"Paraît qu'on peut soigner l'cancer avec des fruits"
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Pdv Mikael
Mercredi 17 février 2016
Ça fait vingt minutes que je suis réveillé et que je regarde Lyla dormir. Je profite de cet instant de répit. Quand elle dort, elle paraît tellement sereine. Elle redevient l'ado qu'elle est censée être.
Dans le squa y a pas mal de gars qu'ont eu des grosses galères dans leurs vies, il n'y a qu'à voir Sneazz' et son daron ou Nek qui s'est fait jeter dehors à dix-sept piges. On a même failli perdre 2Zer quand ils traînaient dans leurs bails bressom. Mais on a toujours été ensemble. Quoi qu'il arrive, on montrait un front uni face aux merdes de la vie. Je ne suis pas du genre à pleurnicher sur le passé, je laisse le soin à Feu de le faire, pourtant, je n'ai aucun mal à avouer que ces gars sont devenus bien plus que des amis. Ils sont ma famille.
Mais Lyla, avant qu'elle nous rencontre, elle n'avait personne. Depuis toujours, elle a appris à ne jamais se plaindre. À encaisser. À prendre sur elle et à ne jamais demander de l'aide. On a été bien naïf de croire qu'il suffisait qu'on envoie son daron en prison et qu'elle habite chez Gab' pour aller mieux. Faut dire qu'elle est bonne actrice. Je pense même que s'il n'y avait pas eu toute cette histoire de poids, je ne m'en serais pas rendu compte.
Elle bouge contre moi et repose sa tête dans le creux de mon cou. Je caresse ses cheveux distraitement. Je ne sais plus à quand remonte ma dernière copine "sérieuse", c'était avant Jeune entrepreneur ça, c'est sûr, et je ne crois pas avoir été aussi proche d'une fille depuis. Pas que ça me dérange. J'ai juste plus l'habitude.
Je n'ai pas dormi de la nuit, trop occupé à ressasser les événements du soir. Je ne l'avais jamais vu dans cet état. Et ça fait peur. Ce n'est pas qu'elle me fait peur, c'est que j'ai peur pour elle. Je suis pieds et poings liés. À part être présent, tenter tant bien que mal de lui changer les idées, je ne sais pas quoi faire. Et ça me fais chier d'une puissance.
Je jette un œil au réveil. Neuf heures. Je vais la laisser dormir. Moi, j'ai besoin de conseils. Et la meilleure personne pour ça, c'est ma mère. Je passe par la salle de bain pour prendre une douche et me changer et descend dans la cuisine me faire couler un café. Je la cherche dans la maison avant de la trouver dans le salon en train de lire un livre.
- Salut, dis-je en m'installant devant elle.
- Coucou mon grand, bien dormi.
- Bof.
Elle me jette un regarde désoler. Avec tout le bruit qu'à fait Lyla hier, ils doivent se douter de quelque chose.
- Tu veux en parler ?
- Ouais.
Elle me regarder, étonné. Je peux compter sur les doigts d'une seule mains les fois où je lui ai demandé de l'aide. Fierté à la con.
- C'est à propos de Lyla j'imagine.
- Vous avez entendu quoi hier ?
- On vous a entendu crier, mais c'est tout.
- Je sais pas par quoi commencer, et si tu me dis "par le commencement" j'me barre.
- C'est pas mon genre, rigole-t-elle.
- À peine...
- Je ne sais pas Mika... T'as fait quelque chose qui l'a mis dans cet état ?
- Je crois pas. C'est pas moi le problème. En fait, elle s'est mit en tête qu'elle m'empêche d'être heureux parce qu'elle m'a vue avec Séléna. Elle est persuadée que c'est de sa faute tout ce qui lui est arrivé.
Je ne devrais même pas parler au passé parce que ça continue. Ce n'est clairement pas fini, et je ne sais pas si ça le sera un jour.
J'explique alors à ma mère tout ce qui s'est passé. Son père qui la battait, sa mère absente, notre rencontre, comment elle s'est ouverte peu à peu à nous. Puis l'hôpital. Le déménagement chez Gabrielle et le changement de lycée. Et enfin, la perte considérable de poids et mon idée de l'amener ici pour lui changer les idées et tenter de lui faire reprendre un peu.
Elle m'a laissé parler sans m'interrompre, me laissant exposer à quel point Lyla a probablement plus souffert que n'importe quel enfant de dix-sept ans. Pourtant, elle aurait pu avoir une enfance heureuse. C'est pas comme les gars qui sont, pour la plupart, nés dans la misère, sa famille à elle avait de l'argent et aurait pu lui offrir une enfance heureuse. Au lieu de ça, ils se sont fait bouffer par ledit argent. Une fois que j'ai fini, je relève le regard vers ma mère qui, je le vois bien, est profondément touché par ce que je viens de lui dire.
- Chéri, je ne savais pas que c'était si grave, murmure-t-elle.
- Je ne sais pas quoi faire...
- Il faut que tu parles avec elle. Et pas juste cinq minutes où tu lui dis que tu tiens à elle. C'est important qu'elle comprenne que c'est ton choix de l'aider. Que tu ne restes pas avec elle seulement parce que tu t'y sens obliger.
- Elle ne voudra jamais parler.
- Alors oblige la. Et pour son histoire de poids. Je pense que c'est surtout son corps qui nous envoie un appel à l'aide. Il faut absolument qu'elle se remplume cette petite.
- Je sais, dis-je en me laissant tomber contre le dossier du fauteuil. Elle me fait peur.
Elle m'adresse un regard compatissant et je ferme les yeux pour me refaire le fil de ce qu'il s'est passé hier.
- Elle m'a pris pour son père hier soir, je reprends.
- Pourquoi ?
- Elle était en train de complètement vriller, elle me faisait super peur, j'te jure. Elle faisait les cent pas en s'agitant dans tous les sens et en disant qu'on ne pouvait pas comprendre. Alors je lui ai attrapé les poignets pour qu'elle arrête.
Je déglutis en repensant à ce que j'ai ressenti en me rendant compte que je pouvais facilement en faire le tour.
- Et là, elle m'a regardé comme si j'étais le diable en personne. Alors je l'ai lâché et elle s'est foutue en boule à l'autre bout de la chambre. J'ai vite compris qu'elle me prenait pour son père. Ça me tue maman. Elle a vraiment pensé que j'aurai pu lui faire du mal.
Je pose mes coudes sur mes genoux et laisse tomber ma tête entre mes mains. Jamais je ne lui aurai fait du mal, jamais. D'ailleurs, jamais je n'oserai lever, ne serait-ce, que le petit doigt sur une femme. Même la pire des connasses. Ma mère m'a élevé mieux que ça.
- Deen, murmure une petite voix depuis la porte.
Je relève la tête vivement. Lyla se tient là, un gros sweat que je soupçonne 'appartenir à Nek sur le dos et les cheveux en bordel.
- Lyla, je murmure. Ça va ?
Elle acquiesce en silence et baisse les yeux vers le sol.
- Je vais vous laisser, intervient ma mère. Il y a de quoi manger dans la cuisine. Je rentre pour midi. Tu feras à manger Mika ?
Je hoche la tête, les yeux toujours fixés sur mon amie qui s'obstine à poser les yeux partout dans la pièce sauf sur moi. Ma mère passe à côté d'elle, mais elle ne bouge pas d'un millimètre. Une fois ma mère sortit, je me lève doucement et m'approche d'elle à petit pas.
- Lyla, tu veux bien me regarder, je demande doucement.
- Je ne peux pas, murmure-t-elle.
- Pourquoi ?
J'essaye d'être le plus calme possible. Hors de question qu'elle panique à nouveau.
- Je ne veux pas que tu me regardes avec pitié.
- Je n'ai pas pitié de toi. J'ai peur par contre.
Elle tressaille à mes mots et j'attrape doucement sa main et la sers dans la mienne.
- J'ai peur pour toi Lyla.
- C'est pire. Je ne veux pas que tu aies peur pour moi. Je veux que tu vives comme n'importe qu'elle personne de 28 ans. T'as le droit de vivre.
- Parce que toi non.
Et merde. Je sens la colère monter, comment peut-on être aussi borné ?
- Arrête Deen.
- Non, toi arrêtes.
Je soupire. J'ai parlé plus sèchement que je l'aurai voulu.
- Désolé. Je ne voulais pas le dire comme ça. Tu ne veux pas qu'on aille manger et on discute après ?
- Je ne sais pas si je peux.
- Tu peux. Je vais t'aider. Je ne te lâche pas Lyla, ok?
- Hum...
- Lyla ?
Elle relève enfin les yeux vers moi et mon cœur loupe un battement quand je me prends son trop plein de sentiments dans la gueule.
- Ça va aller.
C'est plus une affirmation qu'une question. Je l'entraîne vers la cuisine et l'assois sur une chaise et plonge le nez dans le frigo.
- Qu'est-ce que tu veux manger ?
- Je ne sais pas.
- T'es sûr ? Y a rien qui te fais envie ?
- J'ai pas envie de manger quelque chose si c'est pour le vomir après.
- Quand j'avais treize ans, je me suis fait opérer des dents de sagesse et du coup, je pouvais manger que des choses liquide ou molle. On ne pourrait pas faire ça pour toi ?
- Hein ?
L'incompréhension se lit sur son visage.
- Genre des smoothies.
Je suis trop fière de cette idée. Quand on mange des trucs liquide, on vomit moins, non ? Bon, je ne suis pas sûr à cent pour cent de cette théorie mais le visage de Lyla s'est éclairé alors c'est tout ce qui compte.
- Pourquoi pas ! En plus, j'adore les smoothies !
- Bah nickel ! Tu veux quoi dedans ?
Au final on a juste fait un jus d'oranges et de clémentines pressés parce que y avait pas grand-chose mais on s'est dit qu'on irait acheter de quoi faire des smoothies, des soupes et autres trucs liquides cet aprèm. J'ai quand même réussi à lui faire avaler deux tartines.
Une fois le petit dèj' finit, on est retourné dans le salon et je lui ai fait écouter mes derniers sons pour le prochain album. Evidemment, elle s'est contentée de grimacer en me disant que c'est sympa. On ne la changera pas. Le rock sera toujours Numéro un dans son cœur. Mais j'ai espoir de lui faire écouter un peu plus de rap.
Assis tous les deux dans le canapé, je l'écoute m'expliquer, je sais plus trop quoi sur les lois de l'univers. Ses yeux pétillent et ses bras s'agitent dans tous les sens. On dirait Nek quand il parle du dernier bouquin obscur qu'il a lu.
- Lyla, je la coupe.
- Désolé. Je sais, je suis chiante quand je parle de ça, me dit-elle d'un air penaud.
- N'importe quoi. J'adore t'entendre parler comme ça. C'est grave bien que t'aies une passion comme ça. En plus maintenant que y a plus ton daron, tu vas pouvoir faire ce que tu veux.
Une ombre passe sur son visage.
- Faut qu'on discute.
- Je sais, souffle-t-elle tandis que j'ouvre de grands yeux.
- Sérieux ? Enfin, je veux dire, tu veux bien ?
- Non.
Évidemment, c'était trop beau.
- Mais je sais que tu ne vas pas me lâcher.
- C'est vrai.
- Il s'est passé quoi hier soir ? J'étais tellement à côté de la plaque que je ne me rappelle plus rien.
Comment lui expliquer ?
- T'as un peu vrillé.
- Un peu ?
- Ok, beaucoup. Si tu t'excuses, je te bute, j'ajoute rapidement avant qu'elle n'ouvre la bouche.
- Je me sens tellement nul, dit-elle en fixant ses pieds.
- Pourquoi ?
- Parce que t'es super gentil avec moi depuis le début et que moi, je fais que de la merde.
- Dis pas n'imp, je grogne. Tu ne fais pas de la merde.
Elle me jette un regard équivoque. C'est fou ce manque de confiance en elle. Et moi comme un con, je ne sais pas quoi dire pour la rassurer. C'est Nek qui gère ce genre de blème d'habitude. Notre psy à domicile comme on l'appelait avec les gars. Ironique quand on sait qu'il va toutes les deux semaines chez sa psy.
- Dans tous les cas, arrête de culpabiliser pour R. Si je suis là, c'est que je l'ai décidé. Tu fais partit de la miff' et on abandonne sa miff'. C'est comme ça, c'est tout.
- On dirait Hakim.
- Vas-y ta gueule, je rigole. J'essaye d'être sérieux et toi tout ce que tu trouves à dire, c'est que je ressemble à Hak's L'Éventreur.
Elle rigole face à mon air outré et je souris. Au moins elle rigole encore.
- Ok Deenou, dit-elle en se calmant. On peut parler. Je ne sais juste pas quoi te dire.
- Pourquoi tu ne veux pas nous laisser t'aider ?
- J'en sais rien. Peut-être parce qu'on m'a jamais aidé alors je n'ai juste pas l'habitude que des gens se préoccupent de moi. Et puis, j'ai pas envie de vous embêter avec mes histoires. Déjà que je vis chez Gab' et que je l'empêche de sortir comme elle veut.
- J't'arrête tout d'suite. Gabi est super heureuse que tu sois chez elle. Et si tu veux tout savoir, tu lui sers grave d'excuse pour pas sortir vue qu'elle n'aime pas ça.
- Même, elle doit nourrir une bouche de plus, et c'est pas rien. Et puis Ken culpabilise de fou alors je ne veux pas lui montrer que je suis encore plus mal que ce qu'il pensait.
Un large sourire prend place sur mon visage.
- Pourquoi tu souris comme un con ?
- C'est la première fois que t'avoue que tu vas mal.
- C'est un secret pour personne, dit-elle en haussant les épaules.
- Peut-être, mais tu l'as jamais dit. De toute manière Lyla, faut que t'arrête de penser comme ça. C'est pas possible. Tu te fais trop de mal. Et la seule chose que tu peux faire pour vraiment nous faire plaisir, c'est d'aller mieux. Alors, si pour ça, il faut que j'annule des sessions au stud', s'il faut qu'on te paye des séances de psy ou même s'il faut qu'on t'emmène à l'autre bout du monde, on le fera.
Ses yeux débordent de larmes et je l'attire contre moi.
- Merci Mikael, merci, murmure-t-elle à mon oreille.
- C'est normal p'tite tête.
Normalement, j'engueule tous ceux qui m'appelle par mon prénom. Privilège pour mes darons. Même Jek' m'appelle Deen. D'ailleurs ça me fait penser que ça fait un bail que je ne l'ai pas vue ce con. Encore avec sa meuf cette espèce de canard. Mais je ne sais pas pourquoi, ça ne me dérange pas que Lyla m'appelle comme ça. Gabi aussi m'appelait comme ça au départ, mais je lui ai rapidement demandé d'arrêter. Bon, évidemment elle continu avec ses "Mikachou", mais bon, c'est Gabrielle. On s'habitue.
- On fait quoi maintenant ?
- On fait à manger pour ce midi.
Elle fronce les sourcils et j'attrape ses mains.
- Je te jure qu'on va y arriver Lyla.
- Tu me le promets, me demande-t-elle d'une petite voix.
- Promis.
J'embrasse son front et l'entraîne dans la cuisine.
[...]
- Ils disent que le gingembre, c'est grave bon sur le site, je dis à Lyla en lui montrant mon téléphone.
- Oh ouais trop cool ! J'adore le gingembre, sourit-elle.
Après avoir mangé, ou plutôt grignoter pour Lyla, avec ma mère, on s'est dirigé vers le premier super marché qu'on a trouvé pour aller acheter de quoi faire des smoothies pour Lyla.
Je rajoute donc deux branches de gingembre dans notre sac déjà bien rempli de toutes sortes de fruits et de lait. Elle a voulu tester tous les laits dispos, incluant lait d'amande, de soja et je ne sais quelles autres conneries.
- Vient on prend de la goyave aussi, m'interpelle-t-elle.
- De la quoi ?
- De la goyave, dit-elle en articulant exagérément. Tu sais, le fruit de la Réunion.
- Je sais ce que c'est de la goyave, je grogne. Je suis pas con.
- La question se pose Deenou, dit-elle dans un éclat de rire avant de rajouter le fruit avec les autres.
Je secoue la tête en souriant. Une fois les fruits pesés, elle m'entraîne je ne sais où et prend un truc en photo avant de se tourner vers moi en souriant.
- C'est quoi, je lui demande en indiquant le truc qu'elle tient à la main.
- Du yaourt grec ! J'ai entendu dire que c'était bon dans les smoothies. Du coup, je l'ai pris en photo pour Ken. On représente sa culture là !
J'éclate de rire face à son regard tout fière.
- C'est bien Lyla, c'est bien, dis-je entre deux éclats de rire.
- Arrête de te foutre de ma gueule, dit-elle en croisant les bras sur sa poitrine.
- Moh... Bébé.
Je la prends dans mes bras en tentant de calmer mon fou rire qui m'a pris en la voyant si fière de son idée. On continue nos courses en rigolant, prenant aux passages toute sortes de soupes et de gaspacho. Bon, c'est pas trop de saison le dernier, quoique les goyaves non plus vous allez me dire.
En sortant, elle me retient en m'attrapant la main.
- Eh, Mika ?
- Ouais ?
- Merci, dit-elle en se collant à moi. Pour tout.
Une bouffée d'amour me prend et je la sers contre moi.
- De rien Lylouche.
~•~
Surprise !
Un point de vue de Deenou tout chaud tout beau ! Ne vous y habituez pas, ça n'arrivera pas souvent que je change de mes trois pdv habituels. Là ça aurait fait quatre points de vues de Lyla à la suite et ça aurait fait un p'tit peu beaucoup je pense. Et puis c'était important qu'on ai les points de vues de Mikachou face à la situation. Vous en avait pensé quoi de ce changement de pdv ??? (Y a beaucoup trop de fois "point de vue" dans cette phrases)
Allez, bon mercredi et kiss sur vos fesses !
💙💙💙
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