Chapitre 20 : "Distorsion de la réalité"
Chanson d'amour - Nekfeu
"Je t'emmènerai un de ces quatre
Dans le village de mon grand-père, là-haut c'est calme"
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Pdv Gabrielle
Jeudi 31 Décembre 2015
Il n'est que trois heures du matin mais ça fait au moins trois quarts d'heure que je suis réveillé et que je me retourne dans mon lit sans réussir à retrouver le sommeil. Il y a trop de pensées qui tournent dans ma tête.
D'abord l'histoire entre Lou et Hakim. Après s'être engueulé comme du poisson pourri hier, ils sont montés dans notre chambre et ils ont discuté pendant au moins deux heures. D'après ce que Lou m'a expliqué ils se sont avoué qu'ils ressentaient quelque chose pour l'autre. Il est encore trop tôt pour définir ce "quelque chose" mais il est bien là et il suffit de voir les regards qu'ils se lancent pour capter qu'il y a plus que de l'amitié entre ces deux-là. Ils ont décidé de laisser passer le séjour sans prise de tête. Ils font ce qu'ils veulent sans se mettre de barrière et advienne que pourra. Seule ombre dans le tableau : Yannis. Mais Lou n'a pas manqué de clamer que ce con devait être bien tranquille dans leur canapé en train de fricoter avec l'autre tchoin donc on va dire qu'il ne compte plus. Elle ne veut pas le quitter par message, mais pour elle, elle n'est plus en couple et est donc libre de faire ce qu'elle veut. Soit. De toute façon c'est pas mes affaires. Si elle a besoin de mon avis elle viendra me voir et si toute cette histoire finit mal je serais là pour qu'elle puisse pleurer sur mon épaule, c'est à ça que serve les amis.
Deuxième "problème" : Lyla. Elle ne me donne pas trop de nouvelle et j'ai beau savoir que c'est uniquement parce qu'elle s'éclate avec ses cousins je ne peux pas m'empêcher de m'inquiéter pour elle. C'est mon côté maman poule qui ressort. D'ailleurs, j'ai bien vu que Ken s'inquiétait aussi.
En parlant de Ken. Après notre discussion dans la cuisine hier matin il a fait comme si rien ne s'était passé, et même si je sais que c'est ce que je devrais faire je ne peux m'empêcher de repenser à ce qui aurait pu potentiellement se passer. Je suis complétement paumé. Je nous revois, dans la cuisine, nos souffles se mêlant et nos yeux fixés sur ceux de l'autre. Si je dois être honnête ça fait plusieurs semaines que j'ai senti une évolution dans ma manière de voir Ken. Mais ça a été tellement progressif que je ne l'ai en fin de compte pas vue venir. Enfin, pas avant notre discussion avec Mekra dans la boite le jour de notre arrivée.
Je repousse la couverture et décide de descendre me prendre un verre d'eau. De toute façon je n'arrive pas à dormir. Je descends à pas de loup dans la maison endormi et resserre les pans de mon gilet autour de moi avant de sortir sur la terrasse dans le but d'observer les étoiles. Je m'accoude à la rembarre et lève les yeux vers le ciel. Évidement on ne voit rien avec toute cette pollution.
- Tu ne dors pas ?
Je sursaute et me retourne vivement. Ken est assis contre le mur, ses écouteurs dans les oreilles et un carnet dans les mains.
- Je suis désolé, je ne voulais pas te faire peur, sourit-il.
- Je ne t'avais pas vue.
- J'avais cru comprendre.
- J'arrive pas à dormir, et toi ?
- Non plus.
- Mais ça t'arrive souvent les insomnies ?
- Plutôt ouais. Je pense à trop de trucs. D'habitude, je vais marcher, mais je ne connais pas du tout Chicago et flemme de me perdre à cinq heures du mat dans des ruelles bresson. La nuit, c'est le moment où je suis le plus inspiré curieusement.
- C'est différent la nuit, dis-je en m'asseyant à côté de lui. On ne perçoit pas la réalité de la même façon.
- Distorsion de la réalité.
- Exactement.
On ne dit rien pendant un instant et je ferme les yeux en laissant ma tête reposer contre le mur. Profitant du léger vent qui souffle sur mon visage.
- J'ai toujours aimé la nuit, dit-il soudainement. Quand j'étais môme je faisais flipper mes parents parce que je sortais le soir pour marcher alors que je n'avais même pas douze piges. Je ne sais pas pourquoi mais je trouve qu'il y a quelque chose de fascinant dans la nuit.
- On est différent la nuit, je souffle.
- Ouais... Pour moi y a deux rencontres, celle dans la journée et celle dans la nuit. Tu ne connais vraiment quelqu'un que quand tu l'as vue face à l'obscurité.
Je ne réponds rien et laisse le silence nous envelopper.
- Un jour je vous emmènerai dans l'île de mes grands-parents avec Lyla, souffle-t-il.
- Pourquoi ?
- Pour qu'elle nous explique l'univers.
C'est marrant mais depuis tout à l'heure, on parle en chuchotant, comme si on ne voulait pas gâcher le silence qui nous environne.
- Tu crois que l'univers peut être expliqué ?
- Non évidemment. C'est beaucoup trop grand et puissant pour nous. On est que de pauvres humains insignifiants après tout. C'est pas ce que je voulais dire. Je voudrais qu'elle nous explique sa vision de l'univers. Une vision étriquée et réductrice évidemment, mais sa vision à elle.
- Le jour où l'humain aura compris l'univers la vie n'aura plus aucun sens.
Encore une fois il se passe quelques minutes avant que Ken ne reprenne la parole.
- Tu crois en Dieu ?
Je suis un peu surprise par sa question qui arrive d'un coup alors je prends le temps de remettre mes idées en place.
- Je crois qu'il y a une raison pour laquelle on est ici, mais je ne crois pas en Dieu. Je n'aime pas vraiment l'idée du "Tout puissant" ou du "Destin". Ça m'embête de ne pas être maître de ma propre destinée. Par contre quand j'étais en Inde je me suis beaucoup intéressé au Bouddhisme et ça m'a ouvert aux autres formes de religion. Je me retrouve dans certaines idéologies ou par le message général mais je suis complètement opposé à d'autres. Mais non. Je ne crois pas en Dieu. Et puis la religion ça a toujours servit d'excuse pour commettre des actes ignobles. Et je ne parle pas que des musulmans, je rajoute en voyant qu'il allait prendre la parole. Les chrétiens ont fait pareil et dans des temps plus ancien les Grecques ou les Romains aussi.
Je fais une pause et scrute le ciel pour voir si je reconnais des constellations.
- Et toi ? Tu parles pas mal de religion dans tes morceaux.
- Moi je crois en Dieu. Je vais te dire ce que j'ai l'impression d'avoir répété des millions de fois en interview, mais je n'appartiens pas à une communauté religieuse. C'est un peu comme toi en fait. Je me retrouve dans beaucoup d'idéologie mais tellement que je ne pourrais pas en "choisir" une. Et puis dans l'équipe je suis entouré de tellement de croyance différente que j'ai un peu l'impression d'appartenir à toute au final. Mais c'est ça qui fait notre force. On ne croit pas aux mêmes choses mais ce n'est pas pour autant qu'on va dénigrer les croyances des autres.
- C'est beau.
Et on continua de discuter de tout et de rien pendant une bonne heure, mais je sentis mes paupières se fermer alors je m'appuyais contre lui en fermant les yeux. Il passe alors son bras autour de mes épaules pour me rapprocher de lui et je sens les battements de mon cœur s'accélérer. Il n'y a même pas deux jours ça ne m'aurai rien fait mais depuis ce qu'il s'est passé mardi et notre discussion d'hier, j'ai comme un goût d'inachevé dans la bouche. Comme s'il y avait un énorme non-dit dans notre relation. Je donnerai tout pour qu'on revienne à ce qu'elle était il y a un mois. Je ne me posais pas de question. Mais depuis hier je ne fais que ressasser ce qu'il m'a dit. "Une sacrée erreur".
Je frissonne.
- T'as froid ? Tu veux rentrer ?
S'il savait à quel point je n'ai pas envie de rentrer. Je suis tellement bien là, dans ses bras à discuter de tout et n'importe quoi. Merde mais qu'est-ce qu'il m'arrive ? Depuis quand je suis devenue aussi niaise ? Ça ne va pas du tout. Il faut absolument que je me ressaisisse. Je vais rentrer me recoucher et tenter d'oublier cette discussion nocturne. Mais apparemment mon corps en a décidé autrement puisque je me contente de me coller un peu plus à lui.
Je me laisse aller et ferme les yeux. Après tout, on ne fait rien de mal.
- Gabrielle ? T'es en train de t'endormir là non ? Je n'aurai pas la force de te ramener dans ton lit. Gabrielle ?
Mais je n'ai absolument pas envie de remonter dans mon lit.
- Bon, d'accord.
Je le sens alors me soulever dans ses bras et me porter jusque dans le canapé du salon mais alors qu'il allait partir je lui attrape la main.
- Reste.
Il se rassoit à côté de moi et j'ouvre les yeux. Je le distingue à peine dans l'obscurité ambiante.
- S'il te plaît, je murmure.
- Ok...
Il s'allonge alors et je sens ses bras se refermer autour de moi. Ce canapé et bien plus agréable que le mien à Paris.
- Bonne nuit Atá.
~•~
Salut la compagnie !
J'adore ce chapitre, c'est probablement l'un de mes préférés depuis le début.
Au départ il était beaucoup plus grand, il faisait quand même 3509 mots ce qui est plutôt conséquent. Du coup je l'ai coupé en deux et vu que ça fait deux chapitres bien plus petit, je vais publier le deuxième juste après.
À tout de suite donc !
💙
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