Chapitre 13 : "Je crois que t'as assez bu pour ce soir Ken"

Danger de mot - Lonepsi

"À quoi servent les mots à celui qui est face à la mort"

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Pdv Gabrielle

Dimanche 14 Novembre 2015

Le lendemain de l'attentat on a annulé notre séance studio habituel. Personne n'avait la tête à ça. On s'est dit qu'on se verrait une autre fois et que pour l'instant il valait mieux que chacun reste chez soi.

J'ai appelé Hugz pour savoir comment il allait. Il m'a demandé si on pouvait venir à l'enterrement de sa sœur avec Lyla. J'ai beau n'avoir rencontré toute cette bande que depuis quelques semaines ils nous ont accueilli avec tellement de naturel que j'ai l'impression de les connaître depuis plusieurs années.

J'avais évidemment répondu par l'affirmative. J'avais beaucoup discuté avec lui la semaine dernière et il était évident que j'allais être là pour lui. Hugo, c'est quelqu'un d'extrêmement gentil et altruiste.

J'ai décidé de fermer ma librairie pour la semaine. De toute façon personne ne viendra.

Ça fais donc deux jours que je n'ai pas quitté mon appartement. Celui-ci est rempli de souvenirs que j'ai ramené des mes voyages. Que ça aille d'un masque Mahori, de coquillages de toutes les couleurs ou bien de simple babioles trouvés dans des marchés. J'ai aussi mes deux planches de surf contre le mur de ma chambre. Mais malgré ça, je ne crois pas que je vais supporter de rester enfermé. J'ai besoin de sortir tous les jours. Pour aller travailler ou tout simplement pour aller marcher. Sur ce point, je ressemble pas mal à Ken mais contrairement à lui, j'ai du mal avec Paris. Normalement, lorsque je suis rentré d'Inde, j'étais sensé habiter à Hosgor. Mais j'ai rencontré Lyla et je n'ai pas pu repartir et la laisser seule ici. Mais je lui ai promis qu'un jour je l'emmènerai loin.

Je suis tiré de mes réflexions par mon téléphone qui sonne. C'est Ken. Il ne m'appelle jamais généralement. J'espère que tout va bien.

- Allo?

- Ouai, salut. C'est Ken.

- Je sais que c'est toi Ken.

- Super...

- Qu'est-ce qu'il se passe ? Tu vas bien ?

Je l'entends soupirer au téléphone et je commence à m'inquiéter sérieusement. Qu'est-ce qu'il lui arrive ?

- Laisse tomber. Je suis trop con t'en a rien à foutre de toute façon.

- Quoi ? Mais qu'est-ce que tu racontes ? Bien sûr que j'en ai quelque chose à faire. Qu'est-ce qu'il se passe ?

- Je suis en bas de chez toi.

- Je t'ouvre.

Je raccroche et jette un regard à l'heure affiché sur le four. 23 heures 41. Qu'est-ce qu'il fout devant chez moi à 23 heures 41 ?

J'ouvre la porte quand il frappe à celle-ci et mes yeux s'écarquillent. Il a des cernes énormes, ses cheveux partent vraiment en couille et il n'a pas de casquettes. Ce qui, pour Ken, est quand même étonnant. Les yeux vitreux comme s'il avait fumé et une bouteille de Jack Daniel's à la main.

- J'ai emmené à boire, dit-il en me désignant sa bouteille.

- Je crois que t'as assez bu pour ce soir Ken, dis-je en lui prenant délicatement.

- Ouais t'as sûrement raison. Mais au pire dans vingt minutes on est demain alors on pourra boire à ce moment-là qu'est ce que t'en penses ?

Je ne réponds rien et le fixe en fronçant les sourcils. Qu'est-ce qui a bien pu se passer pour qu'il soit dans cet état ?

Il sourit légèrement quand il voit que je ne vais pas répondre.

- Tu dois sûrement me trouver pathétique hein ?

-Pas du tout. J'aimerais juste savoir ce qu'il s'est passé.

- Ah ouais, t'aimerai savoir ? Et bah putain moi je veux oublier...

Je l'attrape doucement par la main et le dirige vers mon salon, fermant la porte derrière lui. Je l'assois sur le canapé et retourne dans la cuisine pour prendre un doliprane et un verre d'eau. Lorsque je reviens dans le salon, je le trouve en train de regarder fixement ma Map Monde sur laquelle j'ai mis des punaises dans toutes les villes où je suis allée.

- T'es allé dans tous ces pays ?

- Oui, mais la plupart, c'était avec mon père et mon frère. Tiens, avale ça, dis-je en lui tendant le verre et le médicament.

- Je ne savais pas que t'avais un frère.

- T'as jamais demandé.

- C'est vrai. Même en ami je suis une merde, c'est dingue hein?

Il soupire et ferme les yeux. Quand il les ré ouvre il prend le médicament et le verre et me sourit faiblement.

- Merci.

- C'est normal. Tu ne veux pas t'asseoir?

- Je ne vais pas t'embêter Gabrielle. Je suis désolé d'être venu. C'est juste que t'es la première personne à qui j'ai pensé.

- Tu ne me déranges pas.

Il baisse la tête et joue avec le verre vide entre ses mains. Je lui prends doucement des mains et le guide vers le canapé où il se laisse tomber. Je m'assois à coté de lui et attrape sa main. Je trace des petits cercles sur sa paume et il se détend imperceptiblement.

- Pourquoi c'est moi que t'es venue voir?

- Tu te rappelles quand tu m'avais dit que c'était plus facile de parler à quelqu'un qui ne te connaît pas bien.

J'acquiesce. 

- Il s'est passé un truc et je sais que je ne peux pas en parler avec les gars.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

- C'est Alya.

- Ton ex ?

- Ouais. Elle était sur la terrasse d'un café vendredi.

Oh non, s'il vous plaît, ne me dites pas que c'est ce que je pense. 

- Elle s'est fait tirer dessus. Elle n'est pas morte, mais c'est comme si.

Je ne dis rien et me contente de serrer sa main plus fort. Il a toujours les yeux fermé et sa tête repose contre le dossier du canapé.

Les médecins disent qu'ils ont fait tout ce qui ai en leur pouvoir, mais qu'elle est condamné. Elle est vivante, mais elle a mal. Sa mère veut le débrancher. Ils vont le faire demain. Putain, mais je suis sensé faire comment sans elle moi ?

Il se redresse et plante son regard dans les miens et je tressaille face à la détresse que j'y lis. 

- Je t'en supplie Gabrielle, j'ai besoin d'aide là !

Et il fond en larmes. Je me précipite pour le prendre dans mes bras. Je caresse doucement son dos en le serrant contre moi et en chuchotant des paroles apaisantes. Je ne sais absolument pas quoi faire. Je ne connais pas Alya, mais d'après ce que les gars m'ont dit, c'était quelqu'un d'extrêmement gentil qui a fait beaucoup de bien à Ken, malgré leur nombreuses disputes ils ont toujours réussi à s'en sortir. Jusqu'à leur rupture. J'avais eu un aperçue du mal que ça a fait à Ken quand on était allé marcher ensemble, mais lorsqu'on se voyait, il faisait comme si tout aller bien, mais personne n'étais dupe, sauf peut-être Lyla.

- Ken? Ken, écoute moi. Ça va aller ok ? Tu vas t'en sortir. Et moi, je serai là pour t'aider à aller mieux. Mais pour l'instant, on va aller dormir et demain on ira la voir ensemble. Si tu n'y vas pas tu le regretteras plus tard.

- Je ne peux pas, il marmonne contre mon épaule, je ne peux pas y aller Gabrielle.

- Bien sûr que si tu peux. Je serais avec toi, tout va bien se passer. Viens avec moi.

Je me lève et le guide vers ma chambre. Je lui enlève ses chaussures et m'allonge à coté de lui en le serrant du plus fort que je peux contre moi.

Quelques instants plus tard, sa respiration se calme. Il s'est endormi. Comment est-ce que c'est possible que le destin s'acharne comme ça sur deux jeunes qui n'ont rien demandé à part d'avoir le droit de s'aimer ?

[...]

Lundi 15 Novembre 2015

Lorsque je me réveille Ken n'est plus dans le lit. Je me lève et le trouve dans la cuisine, me tournant le dos, les mains appuyées sur le plan de travail. Je pose une main sur son dos et il sursaute violemment.

- Je suis désolé, ce n'est que moi. Comment tu vas ?

Il se retourne vers moi et je sens mon cœur se serrer face à la détresse dans ses yeux.

- Ça va aller. Je suis là d'accord ?

Je le prends doucement dans mes bras et il laisse sa tête tomber dans le creux de mon épaule. On reste comme ça pendant quelques instants. On se sépare et je pose ma main sur sa joue tandis qu'il laisse son front contre le mien en fermant les yeux. J'essuie une larme qui s'échappe de son œil. Il se racle la gorge et s'écarte de moi en soufflant légèrement.

- J'ai fait du café.

- Je vois ça, dis-je en voyant les quatre tasses vides et les deux remplis derrière lui, t'a réussi à dormir un peu quand même ?

- Je me suis levé y a trois heures.

Je jette un regard à l'heure. Huit heures. J'attrape la tasse de café qu'il me tend.

- Je ne sais pas comment te remercier Gabrielle.

- En allant mieux. C'est tout ce que je te demande. Mais je t'aiderais.

Il se frotte les yeux doucement en soufflant.  

- Tu sais que je prépare la réédition de Feu, me demande-t-il subitement. 

- Oui, je sais.

- Il y a un morceau qui s'appelle 7:77 am que j'ai fait avec 86 Joon qui est...

- Un rappeur ricain, je sais.

- Comment tu sais ça toi ? Il rigole légèrement.

- J'aime beaucoup ce qu'il fait.

- Je savais pas que t'aimais ce genre de truc toi.

- Y a beaucoup de choses que vous ne savez pas sur moi.

- Comme le surf par exemple ?

- Comme le surf par exemple.

- Il va falloir qu'on discute un peu plus je pense... Bref, pour revenir à 7:77 am, ça commence comme ça : « Cette nuit, je n'ai pas dormi, on m'a appris un décès. Un ange nous a laissé. J'repense à toutes les fois où j'ai dit "Je suis pressé". Au lieu de la voir quand je zonais sur le PC. » C'est pas de moi dont je parle, mais d'un ami à moi que tu ne connais probablement pas. Il a perdu sa mère et il l'a très mal vécu. Je ne m'inspire pas que de moi pour mes textes, mais aussi de ce qui m'entoure et de ce que vit mon entourage. Ce texte, je ne l'ai pas écrit pour moi, mais j'ai l'impression que c'est tout comme.

- Je suis tellement désolé, Ken.

- T'as pas à l'être. 

On se tait quelques instants puis je reprends la parole.

- Tu veux manger un truc ?

- Non merci, je n'ai pas vraiment faim.

- T'as pas trop la gueule de bois?

- J'étais vraiment rébou hier ?

- Et défoncé. T'avais pas arrêté toutes ces merdes?

- Si... Mais j'ai recommencé quand elle m'a quitté.

- Oh Ken...

- Passer du temps avec Lyla ça m'aide pas mal.

- Ah oui ?

- Je peux pas être là pour elle si je suis constamment défoncé ou si j'ai trop bu alors je fais attention quand je suis avec elle. Et puis ça m'empêche de penser à...

Il s'arrête et baisse la tête. Il faut que je trouve un truc pour lui changer les pensées.

- Tu veux prendre une douche ?

Ok, c'est nul. J'ai paniqué. Je le laisse se doucher et prends mon téléphone. Je crois que j'ai une idée.

Une fois qu'on est tous les deux prêts, on se dirige vers l'hôpital. Je prends sa main dans la mienne alors qu'il rabat sa capuche sur sa tête. Il marche la tête baissé et son autre main dans sa poche. Lorsqu'on arrive devant l'hôpital, je me charge d'aller demander le numéro de la chambre d'Alya à l'accueil.

À côté de la porte, se trouve une femme assise sur une chaise en train de pleurer. La main de Ken se resserre autour de la mienne.

- Marie?

- Oh Ken... Comment tu vas ?

- Je vais bien...

Putain, mais quel menteur. J'ai pas l'impression que la dénommée Marie le croit.

- On peut entrer ? Je demande.

- Je ne crois pas que je vous ai déjà rencontré mademoiselle ?

- Oh oui, excusez-moi, je m'appelle Gabrielle, je suis une amie de Ken.

- Vous connaissiez Alya ?

- Je n'ai pas eu cette chance, mais on ne m'en a dit que du bien...

- Est-ce que vous pouvez arrêter de parler d'elle a passé ? Marmonne Ken.

- On en a déjà parlé Ken, je ne peux pas la laisser souffrir comme ça.

Il y a tellement de souffrance sur les traits de cette petite femme. Je n'imagine pas combien ça doit être horrible pour elle. Je me tourne vers Ken qui fixe la porte un air indescriptible sur le visage. S'il n'était pas en train de me broyer la main, je pourrais presque croire que ça ne l'atteint pas.

Il prend alors une grande inspiration et m'entraîne à sa suite dans la chambre. Une jeune fille métisse est étendue sur le lit. Son corps est relié par de nombreux tubes ou fils aux machines qui la maintiennent en vie. Je sens mon cœur se compresser à cette vue. Je n'imagine pas ce que dois ressentir Ken à cet instant. Il s'avance vers le lit et s'assoit sur la chaise. Il prend la main d'Alya dans la sienne, lâchant la mienne par la même occasion. Je la pose donc sur son épaule, lui montrant que je reste là. Il baisse la tête, caressant doucement la main de la jeune fille.

- Salut, il murmure, je ne sais pas si tu m'entends. Les médecins me disent que oui, mais je ne sais pas si j'ai envie de les croire vus qu'ils n'ont même pas réussi à te sauver. Putain, je parle comme si t'étais déjà morte. C'est ce qui va arriver et ça me tue à un point que tu ne peux même pas imaginer. Ça a toujours été ça mon problème. Je m'attache trop aux personnes que j'aime et, quand ils finissent par m'abandonner, je me retrouve comme un con à vouloir tout casser autour de moi et à me ruiner la santé. Tu vas me dire que je ne suis pas seul, j'ai les gars, ma famille, Djamila.... Mais pourtant, j'ai jamais eu autant l'impression d'être seul.

J'ai envie de lui dire que c'est faux, qu'il n'est absolument pas seul, que les gars sont là pour lui, que Lyla peut être là, que je peux être là...

- Je sais même pas ce que je raconte. Je dis de la merde, je crois. Je sais pas ce que je dois te dire. Tout ce que j'aimerais te dire, tu le sais déjà. Je vais quand même te rappeler que je t'aime. Vraiment. Je n'ai jamais cessé de t'aimer. Malgré tout ce qui nous est arriver, je n'ai jamais cessé de t'aimer. Je ne pense pas pouvoir un jour t'oublier. T'es mon premier amour. Le vrai, les autres n'était que des brouillons à côté de toi... Je n'est même pas les mots pour exprimer tout ce que j'aimerais te dire.

Il sort alors son téléphone et ses écouteurs.

- Je ne sais pas si j'ai le droit, mais au pire, je m'en fous. C'est toi qui m'avais fait découvrir cette musique. Toi et ton amour sans bornes pour France Gall. Qu'est-ce qu'on a pu se foutre de ta gueule quand même. Je suis un sale hypocrite parce que moi aussi, j'aime beaucoup.

Il lui met les écouteurs et appuie sur on. J'ai le temps de voir le titre de la musique avant qu'il n'éteigne son téléphone. « La déclaration d'amour ». 

Durant toute la musique ni Ken ni moi ne prononçons un mot. Je vois ses épaules s'affaisser. Il récupère son téléphone et dépose un baiser sur la joue d'Alya puis se redresse et sort de la chambre. Des larmes coulant sur ses joues. Je m'approche du lit et me penche vers l'oreille de la métisse.

- On ne s'est jamais rencontré Alya, et je le regrette amèrement. Je m'appelle Gabrielle, je suis une amie de Ken. Je te promets que je vais veiller sur lui. Il va s'en sortir, ça va être dur, mais il va s'en sortir. Il est très bien entouré et on ne le laissera pas s'enfoncer dans sa dépression.

C'est quand une larme s'écrase sur la joue de la jeune fille que je me rends compte que je pleure. Je caresse la joue d'Alya et sort de la chambre après lui avoir jeté un dernier regard.

Une fois dehors, je trouve Marie, toujours sur sa chaise, mais aucune trace de Ken.

- Il est descendu.

Je hoche la tête et descends dans les escaliers. Je finis par le trouver dehors. En train de se fumer une cigarette.

Je m'approche de lui. Il a les yeux fixés devant lui. Les larmes coulant sans discontinuer, sa cigarette entre les lèvres.

- Tu me fais confiance ? Je lui chuchote.

Il acquiesce silencieusement.

- Ok, alors viens avec moi, j'ai quelqu'un à te présenter.

~•~

Salut les cocos !

Pour être totalement honnête je deteste la première partie de ce chapitre. Pas à cause de ce qu'il s'y passe (un peu quand même) mais je le trouve affreusement mal écrit. Enfin bref !

(M'en voulez pas trop promis je vais me rattraper après)

Cœur sur vous ! 💙

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