Chapitre 12 : "Je t'aime trop pour te laisser partir."
Être humain -Nekfeu-
"Je m'rendais même pas compte que je vous faisais du mal, excusez-moi"
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Pdv Ken
Mardi 10 novembre 2015
Ça fait dix minutes que je contemple la porte devant moi. Je ne sais même pas ce que je fais là. Il y a encore une heure, j'étais à une soirée chez une connaissance de connaissance. Il y avait au moins une trentaine de personnes qui se serrait dans le salon et un nuage de fumée dans tout l'apart'. J'étais arrivé deux heures plus tôt et je me faisais royalement chier. J'écoutais distraitement ce que me racontait la blonde sur mes genoux en cherchant Sneazz' du regard. Ce con avait absolument voulu qu'on sorte ce soir. Pour me "changer les idées" apparemment. Mais évidemment, ça ne faisait même pas un quart d'heure qu'on était là qu'il avait déjà disparu.
La main de la blonde sur mon genou m'avait ramené au présent. Je m'étais penché vers son oreille avant de chuchoter :
- Tu n'veux pas qu'on bouge?
Elle m'avait souri en hochant la tête. On s'était levé et vingt minutes plus tard elle tapait le code de son immeuble en m'entraînant vers son appartement.
À peine la porte refermée, je l'avais plaqué sur celle-ci, m'emparant de sa bouche. Elle avait passé sa main dans mes cheveux faisant tomber ma casquette par terre. J'avais attrapé ses hanches pour l'attirer vers moi en grognant contre ses lèvres. Mais alors que j'ouvrais les yeux pour lui enlever son tee-shirt ce n'était plus là fille de la soirée qui se trouvait devant moi, mais une brune aux cheveux bouclés et aux yeux noisette. J'avais refermé mes yeux, mais le visage d'Alya restait imprimé sur ma rétine. Je m'étais alors écarté brutalement faisant vaciller ma conquête du soir qui m'avait regardait bizarrement.
- Ça ne va pas ? M'avait-elle demandé.
- Non. J'suis désolé, il faut qu'je parte.
- Quoi ? Mais j'ai fait quelque chose de mal?
- Non, non. Je suis désolé.
J'avais ramassé ma casquette et avais quitté précipitamment l'appartement sous le regard étonné de la blonde. Je ne sais même pas comment elle s'appelle.
Et maintenant. Maintenant ça fait dix minutes que j'hésite à toquer à la porte devant moi. Si ça se trouve elle n'est même pas là. Putain, mais qu'est ce que je fous là. Elle va me tej' c'est sûr. J'imagine que la fumée omniprésente dans l'appart de tout à l'heure aide à mon sursaut de courage qui me fait finalement cogner contre cette foutue porte. Je n'attends que quelques minutes avant qu'elle ne s'ouvre sur une Alya à moitié endormi. Son pyjama ne cache pas grand chose de ses formes et je dois me mordre la lèvre pour ne pas me jeter sur les siennes.
- Ken? Mais qu'est-ce que tu fous là ? Il est deux heures du matin.
- Désolé.
- Qu'est-ce que tu veux, elle répète.
- Je ne sais pas, je... Je sais plus.
- T'as fumé ?
- Quoi ? Non. J'étais à une soirée et c'était un peu un aquarium. Tu sais que j'ai arrêté.
- Sois honnête. On sait tous les deux que tu as recommencé.
- Comment tu sais ça toi ?
- Sneazz'. Il s'inquiétait pour toi et il voulait que j'aille te parler. Et puis, je te connais. Je sais comment tu fonctionnes.
- Pourquoi t'es pas venu?
Elle soupire en se pinçant l'arrête du nez.
- Parce qu'on est plus ensemble Ken. Je te dois rien.
- Je ne suis pas d'accord. T'as décidé ça toute seule. À aucun moment, tu m'as laissé m'expliquer.
Elle m'observe quelques secondes avant de prendre mon bras et de me tirer à l'intérieur. Je sursaute quand elle claque la porte.
T'es vraiment un putain de connard Ken! Ça faisait combien de temps qu'on se voyait plus que pour se disputer ou baiser hein ? T'en avais plus rien à foutre de moi! Je rentrais de voyage et tu me sautais dessus comme un putain d'affamés ! J'étais crevé, mais je prenais sur moi ! Je supportais tes crises de jalousie complètement infondé sur mes collègues, tes remarques sur mes tenues, soit disant trop courte, sur mes amies, sur ma famille, sur mon travail ! J'étais à deux doigts de craquer, mais je prenais sur moi ! Parce que je t'aimais putain ! Et je savais que toi aussi alors je me disais que ça allait se calmer. Que tout redeviendrait comme avant. Que tu apprendrais à me faire confiance. Mais non ! Monsieur Nekfeu, le bogoss du rap français est tellement meilleure que tout le monde qu'il ne prend même pas le temps de parler avec sa copine et préfère lui écrire des putains de chansons dans lesquelles il décrit leur putain de vie sexuelle ! Et moi, j'étais sensé faire quoi ? Hein Ken, dis moi ?
Elle s'arrête de parler, essoufflée. Je ne dis rien. Je suis trop choqué. Je n'avais aucune idée de ce qu'elle vivait.
Elle baisse la tête et essuie rageusement une larme qui coulait et je sens mon cœur se briser en voyant cette scène.
Je m'approche doucement d'elle et prends délicatement son menton entre les doigts. Ses yeux rouges se plantent dans les miens et je prends conscience de ce que j'ai fait. J'ai brisé cette fille.
- Je suis tellement désolé Alya. Si tu savais à quel point je m'en veux. Je ne sais pas quoi faire. Ça me tue de te voir dans cet état à cause de moi.
- Pourquoi t'as mis autant de temps avant de venir ?
- Tu voulais que je vienne ?
Pour toute réponse, elle ferme les yeux et se laisse tomber contre mon torse. Elle s'accroche désespérément à mon tee-shirt et je sens ses larmes le mouiller. Je referme mes bras autour de son corps et la sert le plus fort possible.
Je ne sais plus quoi penser.
Elle relève la tête et mes yeux dévient vers ses lèvres. Je sais que je ne devrais pas. Mais putain, j'en peux plus.
- Désolé, je murmure. Pour ce que je t'ai fait vivre, et pour ça.
Et je pose mes lèvres sur les siennes pour l'embrasser doucement.
Mais, alors que je pensais qu'elle allait me repousser, elle répond à mon baiser. Je l'attire vers moi, mes mains retrouvant leurs places sur ses hanches, comme par automatisme. Les siennes passent dans mes cheveux, les tirants légèrement. Je grogne contre ses lèvres.
J'ai l'impression d'être de retour à la maison.
À bout de souffle, on finit par se séparer. Mes yeux plongent dans les siens. Elle me regarde d'un air surpris, comme si elle venait de réaliser ce qu'il s'était passé. Puis ses yeux se remplissent de larmes et mon cœur qui était remonté sur son petit nuage rechute brutalement.
- Non, non, non. Ne pleure pas. S'il te plaît. Je déteste te voir pleurer. Surtout quand c'est ma faute, dis-je en posant mes mains sur ses joues. Je n'aurai pas dû faire ça. Je suis désolé. Tellement désolé.
Je pose mon front contre le sien et souffle longuement en fermant les yeux.
- Ken, tu ne peux pas rester là. Tu ne peux pas. Je ne supporterai pas une nouvelle déception. Tu m'as fait trop mal, dit elle en passant ses mains autour de mon cou. T'es quelqu'un de formidable, mais je ne suis pas la personne qu'il te faut. T'as besoin de stabilité, de quelqu'un qui te soutienne quoi qu'il arrive et qui soit là pour toi. Moi, je suis la moitié du temps à l'étranger. Et, quoi qu'on en dise, je n'ai toujours pas réussi à accepter ton mode de vie. J'aurais aimé que ça marche. Je te le jure, mais ce n'est juste pas possible. Je suis désolée.
Au fur et à mesure de ses paroles, j'avais senti une colère folle monter en moi. Elle ne pouvait pas faire ça. Elle ne pouvait pas foutre tous nos sentiments, nos presque deux ans de relations, mes espoirs à la poubelle. Pas comme ça.
Je m'écarte brusquement de son corps. Elle me regarde, les yeux larmoyant. Ces yeux noisette dans lesquels je me suis noyé tant de fois.
- Donc c'est tout. C'est vraiment la fin ?
Elle baisse la tête et se tord les mains. Je passe mes mains dans mes cheveux et me mets rageusement à faire les cent pas.
Je m'arrête subitement et pointe un doigt vers elle, cherchant mes mots.
- Je pars, me coupe-t-elle.
- Quoi ?
- Je pars. J'ai accepté un contrat d'un an aux USA. C'est trop dur de rester ici sans toi.
- C'est une blague c'est ça ?
Elle baissa la tête et recula d'un pas.
- Tu te rends compte que t'es absolument pas logique Alya? Tu me dis que tu veux plus de moi, que tu m'aimes plus, mais d'un autre côté, tu te barres parce que "C'est trop dur sans moi"? Mais qu'est-ce que je suis sensé faire? Laisser la meuf que j'aime mettre un putain d'océan entre nous? C'est ça que tu veux?
- C'est la meilleure chose à faire Ken. On ne peut pas rester ensemble. C'est juste pas possible.
- Tu pars quand?
- Dans un mois.
Le silence s'installe entre nous et je passe ma main sur mon visage en soufflant.
- Dans deux jours, je pars à Lille pour un concert, mais je te jure que quand je reviens, on discutera plus calmement. C'est hors de question que tu partes. Tu m'entends Alya, je reprend en attrapant ses mains. Je t'aime trop pour te laisser partir.
Elle retire ses mains et finit par hocher la tête. Je l'attire vers moi et dépose un baiser sur son front et sort de son appartement en lui jetant un dernier regard. Elle est toujours au milieu de son salon, les bras ballants. Même de dos, elle est magnifique. Je suis vraiment piqué, c'est chaud.
[...]
Vendredi 13 Novembre 2015
- Merci Lille ! C'était incroyable ! À bientôt !
Je sors de scène avec les gars. On se congratulent de toute part à coup de grandes tapes dans le dos. Comme d'habitude, c'était un incroyable concert. C'est sur scène que je me donne le plus et à chaque fois, que ce soit pour une petite scène ou Zénith, c'est la même sensation grisante qui me possède.
Je rigole avec Haks et Fram' quand Sneazz' qui regardait un truc sur son téléphone blêmis tout à coup et se tourne vers nous.
- Les gars, y a eu un attentat à Paname.
Silence dans la salle. Il y a eu quoi ?
Hakim s'empresse de demander des renseignements plus précis à Mo' qui replonge dans son portable pendant que je sors le mien précipitamment. Je cherche le plus rapidement possible le numéro de mes parents dans mon répertoire.
Je finis par trouver le numéro de mon père et appuie sur l'icône.
Je me ronge les sangs tandis que les sonneries retentissent.
- Ken !
- Papa...
- Tu vas bien ? Tu es à Paris là ?
- Non, on est à Lille avec les gars. Vous avez eu Camille ?
- Oui, elle va bien. Tu vas remonter là ?
- J'ai un concert en Suisse demain normalement. Mais je vais le faire sauter je crois. Il s'est passé quoi ?
- Ça c'est passé au Bataclan, il me semble. On essaye encore d'en apprendre plus. T'as appelé Djamila et sa mère ?
- Non, je vous ai appelé en premier. Maman va bien ?
- Oui ça va. Choqué évidemment, mais elle va bien.
- Ok, je te laisse, j'ai d'autre personne à appelé.
- Pas de souci. Fais attention à toi fils.
- Bien sûr. Je vous aime.
- Nous aussi.
Je mets fin à la conversation et appelle ma deuxième mère qui me rassure puis Djamila qui va elle aussi bien.
- Mec! T'as appelé Lyla? Me demande Deen.
- Non, je le fais tout de suite.
Au fur et à mesure que les sonneries retentissent dans le vide, je sens mon ventre se contracter douloureusement.
Salut c'est Lyla, vous êtes bien sur mon répondeur. Laissez-moi un message.
Je réessaye deux fois, mais tombe à chaque fois sur son répondeur.
- Bigo, elle ne répond pas.
- J'appelle Gabi.
Je le regarde chercher le numéro de la brune puis lever son téléphone à son oreille.
- Gab'! Tu vas bien ?
- ...
- Non, on est à Lille pour un concert.
- ...
- Ouais, il est là.
- ...
- T'as eu Diab' ? Il est à Paname aussi.
- ...
- Et t'as eu Lyla ? Elle répond pas à Nek.
- ...
- Quoi ? Non, hors de question, tu restes chez toi !
Je lui prends le téléphone des mains et l'apporte à mon oreille.
- Gabi? C'est Ken. T'as pas eu Lyla?
- Salut, non, j'arrive pas à la joindre. Mais je vais aller chez ses parents voir.
- Tu te fous de moi ? C'est hors de question. Tu ne sors pas dehors ! Pas maintenant !
- T'es pas mon père Ken. Et là y a ma petite sœur qui ne répond pas alors je vais aller chez elle et c'est tout. T'as rien à dire. T'aurais fait la même chose!
- Putain, mais moi je ne fais pas 30 kilos tout mouillé !
- Tu vas faire quoi ? T'es à des centaines de kilomètres ? Et en plus, je ne suis peut-être pas très grande, mais je sais me défendre ! Alors commences pas.
- Mais t'es vraiment sérieuse en fait ?
- Évidemment ! C'est de Lyla qu'on parle là !
- Putain, mais qu'elle tête de nœuds !
- Gabrielle, dit Deen en me reprenant le téléphone, on peut rien faire d'ici donc vas-y, mais on veut un message toutes les cinq minutes, c'est clair?
- ...
- Et, par pitié, ne meure pas parce que ça fera trop de mal à Lyla. Et à nous aussi. Compris?
Il raccroche et je me tourne vers les gars qui sont tous au téléphone avec nos amis ou leur famille.
- Haks! Votre grand-mère va bien ?
- Ouais, c'est bon. J'ai eu Lo' et Elliott aussi.
- Zeuja et Flav vont bien aussi, lance Sneazz'.
Un bruit derrière moi me fait me retourner.
Hugz est assis par terre, son téléphone à côté de lui, et pleure à gros sanglots.
Je me laisse tomber à côté de lui et le serre contre moi. Fais chier.
- Hugo? C'est qui ?
- Ma sœur, m a sœur sanglote-t-il.
Je le serre plus fort contre moi. Putain, je connaissais bien Alicia. Elle venait d'emménager avec son gars. Elle ne méritait tellement pas ça.
Mon téléphone, qui sonne, me fait me relever. C'est Gabi.
- Vous allez bien ? Dis-je en décrochant.
- Oui, tout va bien. J'ai croisé que des keufs. Lyla va bien aussi. Elle avait laissé son tel dans sa chambre.
- Putain, on a flippé.
- Tout va bien de votre côté. Vos potes vont bien, vos familles ?
- La sœur de Hugz y était.
- Merde, putain, je suis désolé.
- Ça va aller, tu connais personne qui y était ?
- Non, personne.
- Ok, on va remonter, je pense. On se voit au Stud' demain ? On viendra vous chercher en gova.
- D'accord. À demain Ken.
- À demain, fais un câlin à Lyla pour nous.
Je retourne alors dans mon répertoire et cherche le numéro d'Alya. Elle ne me répond pas et je sens mon cœur se serrer pour la deuxième fois de la soirée. Je réessaye deux ou trois fois, mais elle ne me répond toujours pas. Ce n'est qu'à la quatrième fois que je l'appelle qu'elle décroche.
- Allo ?
- Putain Alya, pourquoi tu ne réponds pas ? J'ai eu trop peur !
- Je suis désolé, je ne suis pas Alya.
- Quoi ? Ma voix tremble et les gars se retournent vers moi.
- Je suis vraiment désolé, la personne a qui appartient ce téléphone a été admise en soin intensif. Il y a eu une fusillade et...
Je n'écoute pas la suite et mon téléphone se fracasse sur le sol quand je le laisse tomber.
- Ken? C'était qui, me demande Deen.
Mais je n'entends rien. Alya est en soin intensif. Putain c'est pas possible. C'est pas possible. J'étais sensé la voir après demain pour qu'on discute de nous.
Je suis tiré de mes pensées par Hakim qui me tourne vivement vers lui en me tenant les épaules.
- Ken ! C'était qui ?
Je relève la tête vers lui.
- Alya, je murmure.
Tout le monde se tait dans la salle.
- Quoi Alya? Elle a quoi ?
- Soin intensif.
Bizarrement, je ne pleure pas. Parce que c'est impossible qu'Alya me laisse. C'est impossible parce que c'est Alya. Elle s'est battue pendant trop longtemps pour abandonner maintenant. Alors, non, je ne pleure pas. Parce que je n'y crois tout simplement pas.
~•~
Désolée... Je ne pouvais pas écrire quelque chose qui se passe en 2015 sans en parler...
💙
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