CHAPITRE N°11
Centre-ville de Périgueux - Mercredi 21 Février 2017
Louis Tomlinson
Je sens mon coeur s'arrêter en voyant le canon d'un flingue appuyé contre mon jeans et j'étouffe un cri en croisant le regard de Gemma à ma droite.
-Roule, toi et moi, nous devons parler.
Je sens mon coeur faire un bond dans ma poitrine. J'ouvre la bouche, incapable de parler face à cette scène qui me semble surréaliste. Je ne m'étais absolument pas préparé à ça. Pourtant, elle est là, à côté de moi, et elle braque une arme contre ma cuisse. Je sens le canon froid de son pistolet contre ma peau à travers le tissu de mon pantalon. Mon souffle commence à me manquer et mes mains tremblent sur le volant. Je vais manquer d'air, je vais véritablement m'étouffer si je ne retrouve pas comment fonctionnent mes poumons !
Elle me fixe avec ses grands yeux sombres, attendant que je démarre. Elle ne parle pas, et ne me lâche pas du regard. Elle me fait peur, elle me fait terriblement peur. J'ai l'impression de me retrouver face au double maléfique de Harry que j'ai découvert il y a quelques jours. Elle exerce une pression contre ma jambe pour m'inciter à l'écouter et à prendre la route mais je ne peux pas bouger, je suis tétanisé !
J'aurais dû me douter que je me retrouverais avec une arme pointée sur moi avant la fin de cette histoire ! Pourquoi faut-il que ça m'arrive quand Harry n'est plus avec moi à Périgueux ?
Bon sang !
-Démarre.tout.de.suite, répète-t-elle froidement en découpant chacun de ses mots.
Je secoue la tête en relevant mes mains tremblantes du volant et je retourne mon attention vers elle. Je m'agite en la regardant et je réponds, effrayé :
-Non, enlève-moi ... ça !! Je ne roulerai pas avec un flingue pointé sur moi !
Faire l'amour à côté d'une arme m'a assez marqué comme ça. Je n'ai pas besoin de revivre une expérience aussi désastreuse. Cette arme doit s'éloigner de moi. Vite.
Elle roule des paupières en soupirant et retire son arme. Je la vois la coincer entre l'élastique de sa jupe et son chemisier, laissant bien la crosse du pistolet en évidence, pour me montrer qu'il est bien là en cas de besoin. Je la déteste déjà.
Elle marmonne quelques mots que je n'entends pas et je repose mes mains sur le volant essayant de calmer mes tremblements. Je ferme les yeux quelques secondes en me mordant l'intérieur de la joue, me retenant de crier ou de fondre en larmes. Je presse mes paupières pour retenir mes émotions, mon cœur cherchant à s'échapper de ma poitrine vue la vitesse à laquelle il bat.
Je hoche lentement la tête de haut en bas et murmure alors :
-On va où ?
-N'importe où, mais on doit parler. Seul à seul. Alors roule, réplique-t-elle froidement.
J'approuve d'un signe de tête, avale difficilement ma salive et je démarre en tournant la clé. Je passe la marche arrière, sors de la place où je viens de me garer, et je repasse la marche avant. J'appuie sur l'accélérateur et je prends une direction au hasard. Instinctivement, je pars vers chez moi. Elle ne fait pas de commentaire, se contente de m'observer depuis la place passager. Le temps me semble durer une éternité. Je ne sais pas combien de temps je roule, ni où je vais exactement, mais quand je me retrouve au milieu de la forêt après avoir quitté la ville, puis sa banlieue, je comprends que je me retrouve dans une putain de merde.
-Tu n'as pas été facile à avoir, entre ta disparition après notre passage, ton séjour à Los Angeles puis à Rome, j'ai cru que je n'arriverai jamais à mettre la main sur toi.
-Un appel gentil et civilisé aurait suffi, je murmure en faisant référence à la manière dont elle était montée dans ma voiture.
Elle sourit en coin et j'aperçois une fossette sur sa joue gauche. La même que celle de son frère, je suis certain qu'en regardant Gemma plus attentivement, je retrouverais le visage de Harry. La première fois que je l'ai vu, leur ressemblance m'avait frappé. C'est de cette manière là d'ailleurs que j'avais réalisé l'identité de la personne qui se trouvait en face de moi ce jour là. Je secoue la tête à cette pensée et je ne suis pas étonné de ne pas l'entendre répondre.
Je ralentis petit à petit en arrivant sur des petites routes de campagne. Les virages se font plus serrés et ma vitesse est réduite. Nous approchons de la maison de repos où ma grand-mère est restée. Je sais qu'il y a des aires de départ de randonnée vers là-bas. Nous serons proches de la civilisation. Si je crie... peut-être qu'on m'entendra!
Je prends à droite en direction de l'ancien château et elle m'interpelle en voyant un parking désert sur ma gauche. Je ralentis, mets mon clignotant et coupe le moteur en m'arrêtant. J'avale difficilement ma salive et tourne la tête vers elle. Gemma me fixe quelques secondes et retire son flingue de sa ceinture. Elle le pose sur le tableau de bord et reprend finalement la parole.
-Je laisse ça là pour te prouver que je ne veux pas te descendre. Ok ? me demande-t-elle alors d'une voix bien plus douce que celle qu'elle avait employée avec moi jusqu'alors.
Je hoche la tête sans un mot et je me détache. Je suis de toute façon, incapable de parler pour le moment. Je descends de voiture et attends qu'elle fasse de même. Vu le temps qu'elle met, j'imagine qu'elle doit cacher son pistolet dans la boîte à gants ou je ne sais quoi. Je sursaute en entendant la portière claquer dans mon dos et je me retourne. Une fois que je suis face à elle, je réalise qu'elle est plus petite que moi et est tout de suite moins impressionnante et imposante sans son arme !
Elle est moins stricte que la fois où elle était venue à la maison avec les autres agents. Elle porte toujours une jupe de tailleur de couleur sombre, un chemisier et un manteau, mais cette fois-ci, elle est maquillée et ses cheveux sont lâchés. Elle semble plus avenante. Mais ce n'est pas pour autant que j'ai envie de lui faire confiance...
-Avance, nous allons aller marcher un petit peu.
Je ferme ma voiture à distance et commence à emprunter un des chemins de randonnée. Il fait déjà à moitié nuit et je ne m'éloigne pas trop du parking en terre battue qui est illuminé par un réverbère.
-Asseyons-nous, dit-elle ensuite en me montrant une table de pique-nique en retrait par rapport au chemin.
Je la suis en silence et m'installe en face d'elle. Elle m'observe quelques secondes avant de prendre la parole sans me quitter du regard.
-Nous sommes dans le même camp, Louis. Je ne cherche pas mon frère pour l'arrêter mais pour le mettre en sécurité.
Pardon ?!
Elle vient de me pointer avec une arme, me menaçant de m'en tirer une dans la cuisse pour ensuite me dire qu'elle n'est pas la méchante de l'histoire ! Qu'elle veut juste mettre son frère en sécurité ! Mais c'est quoi ce bordel ?!
Si je suis acteur c'est que pour ce genre d'histoire m'arrive dans des films, pas dans la vraie vie.
J'ai clairement du mal à croire qu'elle soit là pour le bien d'Harry. Vraiment. Mais elle reprend la parole en voyant que je ne lui réponds pas. En même temps, c'est elle qui voulait parler non ?! Alors qu'elle parle !
-Je n'ai jamais vraiment fait partie de la mafia, Louis.
A ses mots, je fais les gros yeux en me redressant d'un geste. Elle est sérieuse ?!
-Comment ça ?! Je m'exclame.
D'après son frère, Gemma a été la première à s'investir dans les affaires familiales. Depuis toute petite elle ne parlait que de ça, vouait un culte pas possible à sa famille et ne rêvait que de reprendre le flambeau après son père. Harry me l'a dit ! Quand lui s'en est éloigné, elle s'est enfoncée et engagée jusqu'au bout ! Elle se serait vendue corps et âme pour faire partie de cette famille si ça n'avait pas été le cas.
Ca n'a pas de sens par rapport à la version de Harry !
-J'imagine que mon frère a dû te le dire, donc tu dois être au courant. J'ai passé le même test que lui à mes 14 ans. Cependant, ce qu'il ne sait pas, c'est que je l'ai foiré, exactement de la même manière que lui. Crois-moi, mon père ne s'en est pas vanté, ni même ceux qui étaient là à l'époque. Mon père ne voulait pas que son aînée soit cataloguée comme une trouillarde. Surtout qu'Hazza qui n'avait que dix ans, revendiquait déjà son droit de s'émanciper de notre famille. Mon père ne pouvait pas prendre ce risque.
-Attends, attends, tu as loupé le test ? je demande en la regardant étonné par cette révélation.
-Techniquement, oui. Mais mon père s'est arrangé pour que ce ne soit pas le cas. Ou tout du moins pour que personne ne le sache.
Je hoche la tête, intrigué sans réellement savoir si tout ce qu'elle va me raconter aujourd'hui est vrai. Quand je vois la version que m'a donné Harry et ce qu'elle est en train de me dire, nous sommes à des années lumières l'un de l'autre. Je n'arrive tout simplement pas à réaliser. Mais peut-être qu'en assemblant les deux versions, j'arriverai à avoir le fin mot de l'histoire. Je n'ai plus qu'à espérer que les explications de Gemma soient claires et véridiques... parce que je ne sais pas si je peux lui faire confiance.
-Ils font faire la même chose à chaque gamin. Comme si c'était facile de tirer une balle en pleine tête de quelqu'un quand on a cet âge là. Ca nous détruit ! Je ne voulais pas le faire ! Je ne le pouvais pas ! Pourtant, depuis ma plus tendre enfance, je ne vivais que pour cette famille et ma future place en son sein. Sauf que le jour où je me suis retrouvée face à ça ... j'ai été incapable de tirer. J'avais l'arme en main, je l'ai regardé dans les yeux et... j'ai jeté l'arme. J'ai regardé ce pauvre gars mourir de faim et de soif pendant des heures et des jours. Mon père était fou de rage. Depuis que j'étais jeune, je ne vivais que pour cette famille et ma future place en son sein. Et quand je me suis retrouvée face à ça ... j'ai été incapable de tirer. J'avais l'arme en main, je l'ai regardé dans les yeux et... j'ai jeté l'arme.
-Tout cela ne fait que confirmer le fait que tu es bien rentré dans la mafia, malgré tout, je lui fais remarquer en fronçant les sourcils.
Elle hoche lentement la tête avant de glisser une main dans ses cheveux. Je vois alors une bague avec un magnifique diamant briller à sa main gauche. Harry m'a parlé de Daniel, son fiancé. Pourquoi porte-t-elle toujours cette bague, des mois après son départ de l'île ? Harry m'a dit qu'il avait appris que c'était ce gars qui avait repris la tête de leurs affaires là-bas. Alors je ne vois pas pourquoi Gemma porterait toujours cette bague... à moins qu'ils ne soient toujours ensemble !
-J'avais quinze ans quand on a commencé à sortir ensemble avec Daniel, dit-elle en voyant mon regard sur sa bague.
Elle tend la main face à elle, observant le bijou en soupirant largement. Je vois la tristesse se dessiner sur son visage. Daniel lui manque, je le sais, et je le sens. Ça se voit comme pas possible. Elle se pince les lèvres et agite lentement ses doigts pour faire briller la pierre avec les derniers rayons de soleil de la journée. Il s'agit d'un magnifique solitaire en or blanc. Et le diamant doit valoir un bon paquet de fric...
-C'est lui qui a eu l'idée, continua-t-elle en relevant les yeux vers moi et croisant les bras sur la table.
-L'idée? j'interroge en fronçant les sourcils.
-Après le test que j'ai échoué, j'ai caché la vérité à beaucoup de monde. Les gens pensaient vraiment que j'étais la personne que je laissais voir. Cette fille sans cœur et calculatrice capable de vendre sa mère pour avoir ce qu'elle veut. Daniel aussi était comme ça. En apparence. Je crois que j'ai toujours été amoureuse de lui... et c'est lui qui a été le premier à découvrir le masque que je m'étais forgée. Un soir, j'ai craqué. Je me suis effondrée. On rentrait d'une mission débile. J'avais quinze ans et je ne voulais qu'une chose : avoir une vie d'ado normale ! Il a rapidement compris les choses et j'ai découvert qu'il jouait au même jeu que moi. Ca nous a rapproché, énormément et ... nous avons commencé à sortir ensemble. Mais malgré notre force de caractère commune et notre envie d'en finir avec cette vie, nous nous sommes rendus à l'évidence que nous n'y arriverions jamais seuls. Nous étions enfermés dans un cercle vicieux. Et nous ne voulions pas fuir ... Alors, nous nous sommes rendus à la police. J'avais dix-huit ans, et lui vingt. Nous étions vraiment à bout.
-Vous... vous êtes dénoncés ? Je murmure, abasourdi.
-Exactement. Sauf que ce n'était pas si simple. Lui, comme moi, avions déjà les mains sales de tout ce que nous avions fait, du sang que nous avions fait couler. Tu sais, même en faisant le minimum, on se retrouve toujours dans des histoires pas possibles. Il n'y a qu'Hazza qui a réussi à rester plus ou moins clean et je ne sais pas comment il a fait. Et le deuxième problème et que nous étions déjà majeurs ! Avec du recul, je pense que nous aurions dû le faire bien plus tôt. Daniel le voulait... mais j'avais peur... Nous avions donc deux solutions : soit nous faire arrêter et juger pour nos actes, soit nous pouvions trouver l'immunité si nous acceptions d'intégrer la brigade qui s'occupait du démantèlement de tout le réseau de mon père. Tu sais, ces affaires étaient très sales. Prostitution, armes, mises à prix, drogue... je ne sais pas si Harry te l'a dit mais nous avons grandi dans un bordel pas possible...
-Vous êtes devenus des agents sous couverture, je comprends alors.
Elle approuve mes dires en acquiesçant lentement.
OH PUTAIN.
Le puzzle commence rapidement à se dessiner dans mon esprit. Gemma a toujours joué un double jeu et n'a jamais été aussi impliquée qu'Harry pouvait le penser. Mais pourquoi ne le lui a-t-elle pas dit ?! Lui qui a toujours voulu s'éloigner de cette vie, de cette famille et de leurs affaires sordides ! Elle aurait dû le lui dire. Mais cela ne répondait pas aux deux questions principales que je me pose depuis le début de cette discussion. Qui a tué leurs parents et pourquoi cherche-t-elle Harry ?!
-Je vois que tu te poses encore beaucoup de questions, mais ce n'est que le début de l'histoire...
-Bien... j'écoute la suite alors.
Elle hoche la tête et reprend la parole au bout de quelques secondes. Comme pour chercher les bons mots ou pour reconstituer l'histoire dans son esprit avant de me la conter.
-Quand nous nous sommes rendus à la police, nous avons négocié. Il n'était pas question que nous prenions le moindre risque. Nous voulions l'assurance que nous pouvions mettre en sécurité de ceux que nous désirions. Daniel n'avait personne mais ... moi j'avais Andrea. Nous avons mis du temps à nous mettre d'accord avec les forces de l'ordre. Ca a mis des mois, peut-être même un an ! En échange de notre immunité et de celle de mon frère, nous devions nous fondre dans nos familles respectives. Prendre la place que nous aurions dû avoir dès le départ. Et cela ... sans aucune restriction. Nous avions quartier libre. Ils savaient que nous ne pourrions jamais faire les choses correctement sans nous impliquer complètement. Le plan n'était pas seulement d'arrêter le parrain, mon père, mais tous ses associés et les membres les plus influents et dangereux du cartel. Tu sais ce qu'on dit, en coupant la tête de l'hydre, nous en avons trois qui repoussent. Tout le monde devait être mis hors d'état de nuire.
-Vous aviez besoin de preuves pour incarcérer toutes ces personnes, je compris en hochant la tête. Le tout en protégeant ceux que vous vouliez épargner. C'est pour cette raison que tu n'as rien dit à Harry, tu ne voulais pas qu'il s'implique au risque qu'il se fasse lui aussi arrêter à l'issue de l'enquête. Il devait rester clean !
Gemma sourit tristement et hoche la tête. J'imagine le poids qu'elle a dû porter pendant tout ce temps. Mentir à son père, sa mère, et son frère ... pour descendre leur père et protéger son frère. Elle s'est en quelque sorte sacrifiée pour lui. C'est pour cette raison qu'elle l'a toujours soutenu dans ses choix de rester éloigné de sa famille. C'était pour elle l'assurance de sa sécurité.
Le puzzle continue doucement à s'assembler dans mon esprit.
-J'ai tout fait pour le soutenir quand il a voulu s'éloigner de notre famille et de la mafia. S'il s'était impliqué, je n'aurais rien pu faire pour lui. Quand il s'est installé avec Michael, je lui ai prêté de l'argent pour qu'il parte de la maison, parce que notre père n'était pas d'accord avec ça. Je l'ai poussé à continuer ses études et à s'éloigner. Je lui ai même dit qu'il devrait peut-être continuer en métropole ... mais il n'a jamais quitté l'île. Je pense qu'il aurait fini par le faire parce que sa relation avec Mic' s'essoufflait. Il n'aurait plus eu de raison de rester. Je voulais attendre qu'il parte, qu'il soit loin au moment du démantèlement.
-Mais ça ne s'est pas passé comme prévu, j'imagine?
-Tu as tout compris. Avec Daniel et les services secrets, nous avons travaillé des années à l'élaboration de notre dossier. Nous avions commencé par établir le tableau des personnes d'influence à arrêter. Nous amassions petit à petit les preuves contre toutes les personnes les plus hautement placées et les plus dangereuses. Nous devions aussi établir le plan. Tout le monde devait être arrêté en même temps pour ne pas courir le moindre risque de fuites ou de représailles.
-Vous avez dû mettre des années.
-Oui. Les preuves étaient très rares et ces personnes là sont très prudentes. Ce sont des pros « en nettoyage » comme on dit. Crois-moi, 'ils ne laissent pas souvent de traces derrière eux. En plus, nous devions tout faire pour ne pas éveiller le moindre doute chez eux. Alors nous enchainions les contrats. Mais...
-Votre père a tout découvert et c'est bien toi qui l'a tué, je souffle.
C'est forcément ça. Avec le temps, Daniel et Gemma ont commencé à être plus confiants, leurs gestes aguerris et ils ont fait moins attention. Le parrain a remarqué ce changement de comportement et à mener son enquête avant de comprendre que sa fille cachait quelque chose. Il a découvert le pot au rose, et elle a tiré avant que lui ne le fasse.
-C'était lui ou moi. Si je ne le descendais pas, c'était moi qui me retrouvais six pieds sous terre.
-Comment ça s'est passé?
-Simplement. Mon père a rapidement compris que je tramais quelque chose. Fort heureusement, il n'a pas remarqué que Daniel était lui aussi impliqué. Il a fait sa propre enquête et quelques semaines plus tard, il comprenait que je n'étais pas celle qu'il pensait. Quand il a tout découvert, il m'a invité à dîner un soir à la maison. Il n'avait informé personne de sa trouvaille, je pense qu'il voulait m'éliminer sans faire de trace et faire disparaître mon corps. La trahison est la pire chose que nous pouvons faire dans ce milieu, tu sais... Mon père n'aurait pas voulu que ça se sache, il aurait tout gardé pour lui, et personne n'aurait posé de question. Donc, je me suis rendue là-bas sans me douter de ce qui allait se passer.
-Tu n'avais aucun soupçon ?
Elle secoue lentement la tête en baissant les yeux sur sa bague et inspire profondément en se pinçant les lèvres. Elle prend quelques secondes avant de me répondre en tout honnêteté.
-Ca allait faire dix ans que nous faisions ça, Louis, tu sais, c'était bien rodé pour nous. Nous étions à deux doigts d'arriver à tout faire coïncider. Nous étions vraiment fatigués et pressés d'en terminer. Notre attention s'en est ressentie ... malheureusement, j'ai été moins prudente que Daniel. Mon père n'a eu aucun soupçon vis-à-vis de lui. J'étais la seule dans son viseur. Quand je suis arrivée chez mes parents, j'ai rapidement compris que quelque chose clochait ce soir là. Il n'y avait que deux couverts. A la maison chacun à sa place à table, et mon couvert n'y était pas. Il n'y avait que celui de mon père et de ma mère. La maison était silencieuse et j'avais l'impression d'être seule. Mais, mon père est finalement arrivé dans la salle à manger.
Gemma s'arrête dans son récit et je la vois trembler. Tout ceci s'est déroulé il n'y a même pas un an ! J'imagine qu'elle doit encore revivre la scène en boucle dans son esprit, et qu'elle ne doit pas en dormir la nuit. Je ne sais pas comment elle peut vivre avec ça. Avec le fardeau d'avoir tué quelqu'un de sa famille. J'ai vécu avec celui-ci pendant longtemps vis-à-vis de mes propres parents et je sais qu'il n'est pas facile à porter !
Je glisse instinctivement ma main sur la sienne pour serrer ses doigts, et elle m'offre un sourire triste avec un regard voilé. Rien qu'à ce dernier, je sais qu'elle me dit la vérité, je ne connais aucun acteur capable de me simuler ce regard là, aussi bon soit-il. Je le sais, parce que j'ai eu ce regard pendant des mois... des années.
Je l'ai entendu légèrement renifler et elle a repris.
*
Flash Back
île de Corse - Eté 2016
-Et si tu prenais une chaise et que nous parlions un petit peu toi et moi, déclara le Diegu Lucciani en regardant sa fille droit dans les yeux.
La jeune femme comprit bien rapidement que quelque chose ne tournait pas rond. Elle ne se posa cependant pas de question et tira la chaise à laquelle elle aurait normalement dû s'installer. Son assiette était peut-être manquante, mais au moins sa chaise était toujours là.
La jeune Corse s'assit en face de son père en avalant difficilement sa salive. Ce dernier attrapa la carafe de vin face à lui pour se servir un grand verre. Sans quitter sa fille du regard, il porta son verre à ses lèvres avant de murmurer d'une voix à glacer le sang :
-Sais-tu ce qui arrive aux gens comme toi, jeune fille ?
Gemma fronça les sourcils en entendant sa question et se redressa d'un geste, sans pour autant se lever. Elle sentit son souffle se couper et sa poitrine s'emballer "les gens comme toi, jeune fille".
Il savait. Il avait compris, et si son assiette n'était pas là, que son couvert n'était pas mis, c'était parce qu'il avait aucunement envie de partager son repas avec elle. Si elle était là, c'était pour qu'il l'élimine. Parce que c'est exactement ce qu'on faisait "aux gens comme elle".
Et la théorie de la jeune Lucciani fut rapidement prouvée lorsqu'elle vit son père attraper l'arme qu'il gardait toujours sur lui. Il se redressa lentement pour se lever et pointa le canon de son pistolet sur sa propre fille.
Trahi par la chair de sa chair. Jamais il n'aurait pu croire une chose pareille arriver. Il aurait tout misé sur la loyauté de son aînée. Si quelqu'un avait du le trahir, c'était son fils ! PAS ELLE. Même si elle avait eu du mal à entrer dans le moule avec le test de ses quatorze ans, elle s'était finalement révélée des années plus tard. Sa meilleure recrue ! Elle lui avait prouvé qu'elle méritait la place qu'elle avait. Elle s'était battue pour être à ses côtés, pour devenir une de ses plus proches conseillères, pour être indispensable... pour finalement lui tirer une balle dans le dos.
-Il est tellement cruel de douter de la loyauté de ceux que nous avons honorés de notre confiance ,Gemma. Jamais j'aurais pu croire que tu me fasses cela, commença Diegu en contournant bien lentement la table en gardant sa fille en joue.
Gemma ne bougea pas d'un pouce, paralysée par la peur de cette homme qu'elle ne reconnaissait plus. Il n'avait plus rien du père qui l'avait élevé. Elle se retrouvait face à l'homme noir, le mafieux prêt à tout pour venger son comportement, sa trahison. Pour la punir de son comportement, pour la tuer, sa propre fille.
Nous pouvions accuser Diegu d'énormément de choses, mais certainement pas de ne jamais avoir aimé ses enfants, malgré sa passion pour la violence et la mort, il avait toujours tout fait pour eux. Et les avait terriblement aimé. Sûrement même trop aveuglément, puisqu'il avait découvert la trahison de sa fille dix ans plus tard.
-J'aurais mieux fait d'adopter un chien le jour de ta naissance, lui, au moins, ne m'aurait pas trahi. Tu sais pourtant qu'il s'agissait là d'une des qualités que je te pensais muni. Tu me déçois tellement... je n'ose même pas imaginer la peine de ta pauvre mère quand je lui dirai que tu as décidé de mettre fin à tes jours , Gemma.
-Tu... n'oseras pas, souffla-t-elle en le voyant s'avancer vers elle tel un prédateur devant sa proie.
Incapable de se lever, la jeune femme commença à sentir sa respiration se bloquer. Son coeur tambourinait à une telle vitesse dans sa poitrine qu'elle en avait des vertiges. Son regard se voilà rapidement en comprenant jusqu'où son père était sur le point d'aller. Il n'allait pas hésiter. Quand il arriverait à sa hauteur, il allait pointer son arme sur elle, coller le canon à son front ou sa tempe et appuyer sur la détente.
-Crois-moi, je ne vais pas hésiter, Gemma. La bravoure et le courage ne suffisent pas. Cela ne suffit jamais dans ce genre d'histoire. Ce n'est pas parce que tu as cru que tu pourrais me renverser que tu allais y arriver. Tu sais, on dit qu'il n'y a rien de plus simple que de mimer la loyauté, parce qu'elle paraît toujours sincère de la bouche des traîtres, murmura-t-il d'une voix d'outre-tombe en arrivant à la hauteur de sa fille. Comme toi, Gemma et crois-moi que ...
Mais la jeune femme n'entendait plus les paroles de son père.
Quand elle vit le canon du flingue se rapprocher de sa tempe, les larmes commencèrent à rouler le long de ses joues. Elle avait joué et elle avait perdu. Le métal froid vint se presser contre sa peau. Tremblante comme une fille, assise, face à son père, Gemma vit sa vie défiler devant ses yeux.
-ECOUTE-MOI QUAND JE TE PARLE ! s'exclama la voix de son père en tirant la chaise sur laquelle elle était assise.
La jeune femme fut bousculée en arrière et elle comprit que si elle voulait s'en sortir vivante, elle devait agir. Tout de suite. Elle n'aurait pas d'autre occasion. Son père ne devait pas penser qu'elle serait capable de tirer. Les mains tremblantes, elle arriva à attraper son arme dans son Holster de ceinture, la pointa face à elle et elle appuya sur la détente. Sans hésitation.
Quelques secondes plus tard, elle s'écrasa au sol sous le poids de la carcasse de son père. Son coup venait d'exploser sa carotide. L'arme du mafieux tomba à ses côtés, détonnant un nouveau coup qui alla ricocher dans le mur en face avant de se loger dans un meuble. Trempée du sang de son père et de ses larmes, la jeune Lucciani repoussa le corps inerte de Diegu pour le faire rouler sur le côté. Elle se redressa difficilement, tremblante, réalisant ce qui venait de se passer.
C'était elle ou lui. Elle avait choisi de vivre.
*
Retour dans le présent
Louis Tomlinson
-Mais... et Daniel dans tout ça ? j'interroge à la fin de son récit tremblant comme une feuille.
Après avoir retrouvé Dylan, Harry a appris que c'était Daniel qui avait reprit le flambeau après la mort de Diegu Lucciani. Pourtant, après l'histoire que vient de me conter Gemma, je ne comprends pas comment ça a pu arriver. Il aurait normalement dû soutenir sa fiancée. Pourquoi a-t-elle fui après cet évènement alors que lui est resté sur l'île ?
-Je l'ai appelé dès que j'ai réalisé ce qu'il venait de se passer. Je venais de descendre le parrain en personne et ça allait rapidement se savoir. Heureusement que nous étions seuls à la maison. Je pense qu'il ne s'attendait réellement pas à ce que je riposte, il n'avait pris aucune précaution. Daniel m'a dit de contacter la brigade avec laquelle nous travaillions pour les retrouver et de disparaître. Un mort dans la famille Lucciani allait être synonyme de représailles. J'allais être la première accusée. Puis... ce serait Andrea qui suivrait. J'ai demandé à Daniel d'appeler Hazza et de lui dire que nos parents avaient été tués et qu'il devait partir. Je pensais que j'aurais le temps de l'intercepter avant qu'il parte pour lui raconter tout ça, ou bien que je le retrouverais facilement, mais Andrea a été plus rapide que moi parce que j'ai été ... interrompu.
-Interrompu.
-Exactement, ma mère.
-Anne, je souffle en hochant la tête, me souvenant du prénom qu'Harry m'avait donné.
Et je réalise alors que Gemma venait de me dire qu'elle avait tué son père mais... leur mère ? En voyant mon regard s'arrondir et mes sourcils se froncer, elle comprit que je m'interroger sur ce qu'était ensuite advenu de leur mère !
-Nous n'étions pas réellement seuls dans la maison. Ma mère était arrivée peu de temps avant moi à la maison. Mon père ne l'avait pas entendu. Elle ne savait même pas que j'étais censée venir dîner avec eux... enfin, tu parles d'un dîner, dit-elle amèrement avant de reprendre en soupirant. Elle était en train de se changer à l'étage dans leur chambre pendant notre discussion. Ce sont les coups de feu qui l'ont alerté. Elle est descendue discrètement et elle a entendu mon coup de fil avec Daniel. Je crois qu'elle était encore plus choquée que je ne l'étais. Dan' a mis presque dix minutes à me raisonner au téléphone...
-Elle est ...
-Vivante, dit-elle en hochant la tête de haut en bas.
Mais ?
Pourquoi Harry est-il certain que sa mère est décédée en même temps que son père ?
Pourquoi tout le monde l'a cru ?
-Mais comment ?
-Quand elle a compris la situation, elle a hissé le drapeau blanc face à moi. Je ne sais pas si mon frère t'a expliqué son histoire, mais elle s'est retrouvée impliquée là-dedans sans le vouloir. Elle ne connaissait pas l'appartenance de mon père quand ils sont tombés amoureux, ni quand elle est tombée enceinte de moi. Elle n'a jamais participé à quoi que ce soit et s'est contentée de taire tout ce qu'elle savait. Alors nous sommes parties, toutes les deux. Après avoir mis le feu à la maison.
-Pour faire croire à un incendie.
Elle hoche lentement la tête de haut en bas tout en se pinçant les lèvres.
-Si je suis là c'est parce que nous sommes sur le point de boucler notre enquête. Quand je suis partie, la première chose que j'ai négociée a été de mettre ma mère sous protection. Elle est protégée par le service de protection des témoins. Elle vit en Bretagne depuis quelques mois, dans un village paumé au bord de la mer. Des agents la protègent en attendant la fin de l'affaire. Tant que nous n'aurons pas tout réglé, elle sera protégée. Après ça, j'ai revu Daniel, pas plus de quarante-huit heures après la mort de mon père. Il avait réussi à camoufler mon acte, et à faire croire à la mort de mes deux parents, pas seulement celle de mon père, mais bien celle des deux. Pour épargner ma mère et pour que personne ne la recherche. C'est là que je lui ai dit que s'il prenait la tête de toute l'organisation, il serait beaucoup plus simple pour nous de pouvoir régler les choses rapidement. Avant de disparaître, j'ai réussi à mettre la main sur des documents que mon père tenait secrets. J'ai tout embarqué et je suis partie avec ma mère.
-Mais... si vous êtes sur le point de boucler cette affaire et de démanteler le réseau, pourquoi chercher Harry, dans quelques semaines, il ne risquera plus rien si je comprends bien.
Elle soupire en secouant la tête, la manière dont elle me regarde ensuite me fait penser que je suis un idiot. Je lève les yeux au ciel, prêt à lui rétorquer que je ne comprends tout simplement pas cette logique, mais elle me prend de court en me répliquant :
-Deux raisons : La première, et la plus importante, il ne sait pas que notre mère est vivante.
Oui bon... elle a raison sur ce point là.
-Ensuite, nos têtes ont été mises à prix. Daniel n'a pas pu l'empêcher. S'il s'était opposé , il aurait rapidement pu être catalogué de traître lui aussi. Alors il a pris ce virage, pour ne pas décrédibiliser sa nouvelle place, nous avons besoin de lui là-bas. Sans ça, nous n'arriverons JAMAIS à trouver la paix et à avoir une vie normale, me dit-elle clairement. Et si je le cherche, c'est qu'il y a toute une équipe de mafieux à sa recherche. Et il vaut mieux pour lui que je sois la première à le retrouver pour le mettre en sécurité.
Je me pince les lèvres en soupirant largement. Est-ce que je dois croire toute cette histoire ? J'ai réussi à assimiler tout ce qu'Harry m'avait raconté. Si on ajoute les morceaux que vient de me donner Gemma, je pense pouvoir dire que toute cette histoire tient la route. Ce serait même logique. Les points qu'Harry n'a pas réussi à élucider viennent de m'être éclairés par sa sœur.
Je pense qu'elle ne me ment pas. Mais... une question me turlupine.
-Le mettre en sécurité ? Ca veut dire quoi exactement ?
-Je veux lui offrir la même sécurité que celle que j'ai réussi à négocier pour ma mère. Il rejoindra maman en Bretagne pour le service de protection avant de disparaître. Ailleurs.
Je hoche la tête de haut en bas, parce que sa réponse me semble tout à fait logique en fait maintenant que j'y pense. Mais ... ça me parait peut-être même trop beau pour être vrai ! Je secoue la tête avant de reposer le regard sur elle pour l'étudier et l'examiner.
Elle m'a paru tellement sincère pendant tout son récit. J'ai vu une larme rouler sur ses joues lorsqu'elle m'a raconté être responsable de la mort de son père. Même si elle voulait le démantèlement de tout leur réseau, elle ne voulait pas le tuer. Elle voulait lui donner un procès équitable. J'ai vu la terreur que ça a dû être pour elle. J'ai vu qu'elle ne s'en remettrait sûrement jamais.
En me voyant hésiter, elle glisse sa main à l'intérieur de son manteau. Je la vois en sortir une grosse enveloppe en papier kraft qu'elle ouvre. Elle me glisse un passeport que j'attrape rapidement en fronçant les sourcils. Je découvre alors la photo de Harry en le feuilletant. Le papier d'identité est au nom de Harry Styles ... je relève le regard vers elle et elle me sourit.
-Une véritable nouvelle identité, avec de vrais papiers. Avec ça, il pourra faire ce qu'il veut, où il veut. Il y a tout le nécessaire à l'intérieur et... deux lettres. Une de ma main, et une de la main de maman. Il ne pourra pas nier l'évidence.
Je me mordille l'intérieur de la joue, referme le passeport et le lui rends. Elle le glisse dans l'enveloppe, rabat la partie collante et plonge son regard dans le mien.
-Je voudrais simplement que tu lui donnes cette enveloppe et que tu lui racontes ce que je viens de te dire, Louis. Je veux juste qu'il sache la vérité. Avec ce qu'il y a là-dedans, dit-elle en pointant l'enveloppe, il peut disparaître en toute légalité, ou m'appeler pour que je le mette en sécurité pour m'assurer de sa survie.
Elle glisse devant moi une petite carte rectangulaire où elle y a noté ses coordonnées à la main. Je pose les yeux sur elle. Gemma se lève sans me quitter du regard et murmure alors :
-J'espère que tu feras le bon choix, Louis. Vraiment.
-Quel choix ?
-Celui de m'aider à organiser une entrevue entre mon frère, ma mère et moi et à lui faire accepter cette proposition d'asile. Sinon, il risque de se faire descendre. J'espère sincèrement qu'il n'est plus en ville, parce que certaines têtes connues ont débarqué et nous avons dû mettre votre domaine sous surveillance rapprochée.
Je la vois alors me faire un signe de tête et s'éloigner pour me laisser seul au milieu de la forêt à cette table en bois. Je secoue la tête d'un geste, me redresse et me lève. Je m'apprête à l'interpeller mais je la vois s'arrêter à la hauteur d'une berline noire qui vient de se garer à côté de mon Macan. Elle se retourne vers moi avant de monter et m'adresse un signe de la main.
Et elle disparaît.
Je serre l'enveloppe et la carte qu'elle m'a laissé entre mes doigts, sans savoir ce que je vais pouvoir faire de tout ça.
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#ARBHfic _ et voila, vous savez maintenant tout de la version de Gemma; A savoir si elle dit la vérité ou pas maintenant. Je ne sais pas quoi vous dire de plus vis à vis de ce chapitre TRES important pour l'histoire. Je sais que Cindy et Amélie ne s'attendaient pas spécialement à ce que les choses se soient déroulées comme ça du pdv de Gemma !
Donc, Gemma, gentille? méchante? A Louis de décider ce qu'il va faire maintenant !
Je tiens à remercier Amélie pour ses corrections ! :)
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