Chapitre 42: Penumbra (Pénombre)
Résumé:
Valjean pose une simple question à Javert et obtient plus que ce qu'il avait prévu ; Thénardier réalise que son plan a mal tourné.
***Avertissement concernant l'utilisation d'insultes raciales.
"Condemnant quod non intellegunt."
-Inconnu
( Ils condamnent parce qu'ils ne comprennent pas .)
***
"Tiens, dit Javert en revenant à l'étage, j'ai réussi à nous grappiller ça."
Il posa le plateau qu'il portait au bout du lit de Valjean. Il avait trouvé une demi-miche de pain, un morceau de jambon fumé et du fromage, ainsi qu'un pichet d'eau.
"Merci", murmura Valjean.
Javert lui servit une tasse de thé et se mît à tout découper pour faire des sandwichs. "Je pense que tu préférerais du whisky ou autre chose, vu ton état, mais il n'y a pas une goutte d'alcool en bas. En plus, les placards sont presque vides."
Il avait tiré une vieille bergère déglinguée à droite de la tête de lit, légèrement tournée vers l'intérieur, et il s'y assit en allongeant ses longues jambes. "J'espère que ça ne la dérange pas qu'on débarque à l'improviste et qu'on prenne sa nourriture", dit-il en prenant une bouchée.
"Cela ne la dérangera pas. Elle sera juste surprise, voilà tout. Et puis, je pourrai la rembourser plus tard."
Javert ne pouvait pas parler pour Valjean, mais lui-même n'avait rien mangé depuis presque un jour entier, et après la nuit précédente, il était affamé.
Il n'avait pas dormi depuis encore plus longtemps, et à mesure que sa panique se dissipait, et qu'il mettait un peu de nourriture dans son ventre, ce fait commençait à lui apparaître clairement.
"Ugh, mon dieu ; je suis épuisé ", gémit-il en s'adossant dans son fauteuil et en fermant les yeux.
"Il y a une autre chambre au bout du couloir, si tu veux", proposa Valjean.
"Non. Je ne te quitterai pas des yeux."
"Ne préfères-tu pas un lit ?"
"Je préfère ne pas avoir à me lever."
Il entendit Valjean émettre un souffle amusé. "Tu pourrais juste tirer le matelas ici."
"Trop fatigué", il bailla. "ce siège me convient très bien."
"Eh bien. Repose-toi un peu, alors."
"Mm." Il laissa ses paupières se fermer, et laissa un peu de tension quitter ses muscles endoloris. "Fais-moi une faveur."
"Quoi ?"
"Évite de mourir pendant que je dors."
"Je ferai de mon mieux."
***
Les yeux de Javert s'entrouvrirent.
Il avait dû dormir longtemps, parce que le soleil avait disparu, et les rues étaient calmes. Son cerveau était embrouillé, et il se frotta les yeux avec un grognement somnolent, essayant de se remémorer la situation.
En tournant la tête, il trouva Valjean encore endormi à ses côtés.
Qu'est-ce qui l'avait réveillé, alors ? Il fronça les sourcils.
Puis un craquement se fit entendre dans les escaliers, juste derrière la porte, et un frisson lui parcourut l'échine.
Quelques secondes plus tard, un autre craquement, puis un autre, et un autre, lent et prudent.
Son cœur s'emballa.
Lorsque la poignée de la porte commença à tourner, il avait déjà son pistolet à la main, les yeux écarquillés dans l'obscurité.
Tout à coup, la porte s'ouvrît. Une silhouette sombre se tenait là, avec un bras dépassant de l'ombre. Le canon d'un fusil scintillait dans la lumière de la lune.
L'ombre poussa un cri, Javert poussa un cri. Ils pointèrent leurs armes l'un sur l'autre.
Valjean se redressa dans le lit à côté de lui avec un souffle, reculant contre la tête de lit. "Ne tirez pas !" s'exclama-t-il en levant les mains.
Le canon du fusil s'inclina. "Doux Jésus", souffla l'ombre, "c'est vous?" C'était une voix de femme, réalisa Javert. "Monsieur Fauchelevent ?"
"Pour l'amour de Dieu, madame, posez ça !" plaida l'homme. "Et..." Ici, il s' embarrassa. "...c'est Valjean, en fait, mais oui."
La femme sortie de l'embrasure de la porte et se retrouva dans la lumière, laissant tomber la bouche du fusil sur le sol. "Que voulez-vous dire par 'c'est Valjean' ?" siffla-t-elle. "Et par Dieu, qui est-ce ?"
"C'est un inspecteur de police, c'est mon ami. Il s'appelle Javert. S'il vous plaît, pouvez-vous juste—Javert, pouvez-vous mettre cela de côté ?"
Javert cligna des yeux. Il ne s'était pas rendu compte qu'il pointait toujours le pistolet sur elle, ni que sa main tremblait autant. Laissant échapper une respiration fébrile, il baissa le bras et rangea le pistolet dans sa ceinture.
"Vous m'avez fait une peur bleue !" les accusa la femme. "Ça fait presque un an que je ne vous ai pas vu, et maintenant vous débarquez comme ça ! Pourquoi n'avoir pas envoyé un billet ?"
"Je vous demande pardon, madame, mais..."
"Il y avait une sorte d'urgence", coupa Javert.
"Quel genre d'urgence ?"
"Le genre où les gens essaient de vous tuer."
Il y eut une pause. "Oh." Puis : "Pardi, vous êtes vraiment sérieux ?"
"Tout à fait."
"Bon Dieu."
"Mais personne ne sait que nous sommes ici", interjeta Valjean, la voix tendue maintenant que la panique l'avait quittée. "C'est pour cela que nous sommes venus."
"Vous allez bien ? Vous avez l'air malade."
"Il s'est cassé quelques côtes."
"Ah ! Que s'est-il passé ?"
"Croyez-moi quand je vous dis que c'est quelque chose qu'il vaut mieux ne pas savoir", dit Valjean.
"Et qu'en est-il de votre fille ? Où est-elle ?"
"Elle est chez elle avec son mari, et ne sait rien de tout cela. Je préférerais que cela reste ainsi. Je ne sais pas... comment m'expliquer avec eux."
"Vous vous êtes mis dans ce pétrin tout seul, n'est-ce pas ?"
"Je..." Il laissa échapper un soupir. "D'une certaine façon."
"Ce n'est pas entièrement de sa faute", marmonna Javert, croisant les bras et s'enfonçant dans le fauteuil. "Même si ça aiderait s'il ne passait pas derrière le dos des gens."
"Javert, je voulais seulement..."
"Oh, chut."
La portesse posa une main sur ses hanches et les examina tous les deux. "Vous pouvez rester, mais je n'aime pas l'idée que des gens vous courent après."
"Croyez-moi," dit Javert, "nous non plus."
La femme brandit son fusil. "Je suppose que je devrais garder ça sous la main alors, hein ?"
"Ce serait souhaitable."
"Je suis désolé de vous déranger de la sorte", souffla Valjean. "C'est tout ce que nous pouvions faire en si peu de temps."
"C'est pas grave", soupira la femme en posant la crosse de son arme sur le sol. "Je suis juste contente d'avoir attendu avant d'appuyer sur la gâchette." Elle inclina la tête vers lui. "Dites, vous avez besoin de quelque chose ? Vous avez l'air de souffrir un peu."
"Le laudanum ne fait probablement plus effet", dit Javert. "Je vais devoir en mesurer une autre dose. Pouvez-vous nous apportez des bougies ?"
"Bien sûr." Elle se retourna et se dirigea vers la porte, puis s'arrêta et regarda en arrière par-dessus son épaule. "Au fait, monsieur, pourquoi diable voulez-vous que je vous appelle 'Valjean' ?"
"Euh... C'est une longue histoire. Peut-être une prochaine fois."
Après qu'elle soit partie, Valjean se tourna vers lui et leva une paume ouverte. "Tu avais une arme sur toi pendant tout ce temps ?"
"'Bien sûr que j'avais une arme sur moi ; j'ai toujours une arme."
"Alors pourquoi ne pas l'avoir utilisé avant ?"
"Qu... ? Parce que c'est..." Il poussa un soupir exaspéré et leva une de ses paumes. "Ce n'est pas fait pour tirer sur les gens !"
"Alors pourquoi tu l'as pointé sur elle ?"
"Qu'est-ce que j'étais censé faire d'autre, lui jeter mes bottes dessus ?"
***
La deuxième fois que Javert se réveilla, c'était dans des circonstances beaucoup plus calmes. C'était la lumière du soleil traversant les rideaux et le gazouillis des oiseaux qui l'avaient tiré du sommeil.
Une grande partie de son stress s'était dissipée après un bon repos. Cependant, son corps n'en était que plus douloureux, comme s'il avait attendu le bon moment pour exprimer son mécontentement. Et il s'était tellement enfoncé dans le fauteuil que c'était un miracle qu'il n'ait pas glissé à travers les fentes des coussins pour disparaître complètement.
Gémissant, il se pencha en avant et passa ses mains sur son visage, constatant qu'il sentait encore la fumée.
"Tu es réveillé ?" entendit-il Valjean demander.
"Mm."
"Tu as dormi encore plus longtemps que moi."
"Pour ma défense, la douleur n'est pas propice au sommeil."
"Non, mais les opiacés oui. Comment te sens-tu ?"
Javert leva un sourcil vers lui. "Comment je me sens ? Comment tu te sens?"
"J'ai mal à la poitrine, mais ça pourrait être pire."
"C'est un euphémisme, si j'en ai jamais entendu un."
"Je ne suis pas mort, en tout cas."
"Oui", dit Javert avec un sourire en coin, "c'est déjà ça." Il prit une inspiration et laissa échapper un long soupir de lassitude, en étirant ses membres. Faisant craquer quelques unes de ses cervicales, il se réinstalla dans le fauteuil et recommença à se frotter le visage. "Pourquoi paie-tu encore le loyer de cet appartement ?"
"Honnêtement ? Pour des situations exactement comme celle-ci."
"Même après avoir été gracié ?"
"Les vieilles habitudes ont la vie dure, je suppose."
"Je te maudirais pour tout l'argent que tu gaspilles si ce n'était pas si pratique."
"Eh bien, j'avais payé un certain nombre de mois à l'avance."
***
La concierge s'assura qu'ils avaient eu un bon repas avant de partir travailler comme cuisinière dans un restaurant voisin.
Quand elle fut partie, ils débattirent pendant un certain temps sur ce qu'ils devaient faire.
Valjean ne voulait pas rentrer chez lui dans son état, parce que cela bouleverserait Cosette, et surtout parce qu'il ne savait pas quoi lui dire. Elle ne savait toujours rien des récents agissements de Thénardier, et n'était même pas au courant de sa présence dans la ville. Compte tenu de son passé, personne n'avait voulu l'alerter à ce sujet.
Quant à la police, pour autant qu'elle le sache, Javert était toujours en train d'espionner les rues et de tenter de traquer l'homme. Il avait l'intention de leur soumettre un rapport, bien sûr, mais il avait aussi l'intention de rester aux côtés de Valjean jusqu'à ce que l'homme soit en sécurité - en sécurité signifiant ici lourdement protégé.
Il serait assez facile de se procurer des gardes, mais la question qui préoccupait Javert était d'attraper Thénardier. Si l'homme était suffisament avide ou rancunier, il y avait une chance qu'ils puissent utiliser leur propre situation malheureuse pour lui tendre un piège. Mais Javert n'était pas sûr que ce plan fonctionnerait, ni même de la façon dont il devrait être mis en place. Il ne savait pas non plus combien de temps ils devaient ou pouvaient faire profil bas.
Il resta assis en silence, retournant ces questions encore et encore dans son esprit.
Valjean le sortit enfin de ses pensées par un soupir. "C'est une belle pagaille dans laquelle nous avons réussi à nous mettre, toi et moi. N'est-ce pas ?"
Javert regarda l'homme, qui gisait immobile sur le lit, soutenu par une pile d'oreillers. Il avait l'air hagard, et Javert ne lui en voulait pas. "Pour être juste, la majeure partie de notre histoire consiste en de belles pagailles. Cela ne sort pas de l'ordinaire."
Valjean lui lança un sourire de travers. Après un moment, il s'effaça, et ses yeux bruns redevinrent sombres. "Quand même. Je suis désolé."
"Désolé ? Pourquoi ?"
"C'est entièrement de ma faute. Si j'avais juste..." Il déglutit et détourna le regard. "J'aurais dû aller à la police quand j'ai trouvé cette lettre. Mais, pour être honnête..." Il parlait avec difficulté, comme si cela lui faisait mal de l'admettre. "... la police n'a jamais vraiment été une solution dans mon esprit. Tu vois ?"
Ces mots furent un choc inattendu pour Javert. L'idée qu'une bonne personne puisse avoir peur de la police, au point de ne pas demander son aide quand elle en a besoin, c'était terrible ! L'idée que la police soit considérée comme une brute qui inflige des punitions, plutôt que comme la gardienne de tout ce qui est juste, fit frémir Javert.
Les criminels, les malfaiteurs, les maraudeurs, tous avaient raison de craindre la police. Ils le devaient ! Mais Valjean n'était plus un criminel, plus un homme avec de la malice dans le coeur. (L'avait-il jamais été ?) Et pourtant, il avait été conditionné de telle sorte qu'il s'attendait à des répercussions lorsqu'il avait affaire aux représentants de la loi. Et cette croyance, réalisa Javert avec un sursaut, n'avait jamais été corrigée. Elle n'avait jamais pu être corrigée.
Combien d'autres personnes ressentaient la même chose ? Combien de crimes n'avaient pas été signalés à cause de cette peur instinctive ? Des images de visages dansaient dans son esprit. Javert pouvait se souvenir de tant d'entre eux. Assez pour remplir une mer. Des visages de malheureux, de pauvres, de maltraités. Ils le regardaient, lui et ses collègues policiers, avec les yeux exorbités d'animaux face à leurs prédateurs. Ils prenaient soin d'éviter la police quand ils le pouvaient. Ils tremblaient lorsqu'ils étaient acculés, ils suaient de peur. Ils bégayaient et reculaient contre les murs.
Javert avait toujours pensé que tout cela était une preuve de culpabilité, de comportement criminel caché. Mais, s'inquiétait-il maintenant, était-ce toujours le cas ? Ou était-ce simplement parce qu'ils n'avaient jamais eu, dans leur vie, l'occasion de voir que les policiers étaient des gens qui étaient là pour les aider ?
Peut-être que ces personnes n'avaient rien fait. Mais, peut être avaient-elles vu des membres de leur famille, ou des amis, être traînés par la police, ou brutalisés, ou intimidés d'une manière ou d'une autre ? Peut être avaient-elles vu de près les conséquences du crime et que cela les avaient marqués.
Raisonnablement, Javert aurait dit que cela n'avait servi qu'à leur faire du bien, en leur rappelant de ne pas s'écarter du chemin de la loi et de la droiture. Mais il se pouvait que cela ait eu d'autres effets. Et il se pouvait que quelqu'un qui n'avait jamais commis de crime, ou qui n'avait jamais eu l'intention d'en commettre un, puisse finir par être terrifié par la police, à tort. Ou à raison. Il ne savait pas.
Et il n'y avait pas que les innocents ! Disons, peut-être, qu'un vrai criminel ai été témoin du crime d'un autre. Même s'il avait le sentiment que c'était mal, le signalerait-il ? Probablement pas, Javert s'avoua.
Parce que la police ne se présentait pas comme une solution.
C'était un problème. Ce n'était pas quelque chose à quoi il s'attendait.
Comment l'aborder ?
Javert était sur le point de se perdre dans ces révélations lorsqu'il entendit à nouveau la voix de Valjean, et réalisa que l'homme parlait toujours, mais qu'il avait cessé d'y prêter attention.
"C'était une chose stupide de l'affronter seul", disait l'homme. "Je sais. Mais j'étais juste tellement... en colère. Utiliser le passé d'un homme pour faire du mal à ses enfants - les faire chanter avec les erreurs de leur famille - comment pouvais-je supporter cela ? M'utiliser contre eux ! Les menacer ! Je préférerais m'arracher le bras plutôt que de laisser une telle chose se produire. Et en plus de cela, l'homme avait une histoire avec moi. Les choses étaient devenues beaucoup trop personnelles."
"Je voulais lui faire comprendre que je n'étais pas quelqu'un avec qui il fallait badiner. Je voulais instiller la crainte de Dieu dans son cœur. Alors j'ai pris les choses en main." Il secoua faiblement la tête sur l'oreiller. "C'était une erreur. Et maintenant, je n'ai fait que mettre tout le monde encore plus en danger. Pourquoi..." Il tourna un regard plein de douleur vers Javert. "Pourquoi est-ce que j'ai l'impression que c'est la seule chose pour laquelle je suis bon, parfois ?"
Javert fronça les sourcils avec sympathie.
"Il est vrai que j'ai pris de mauvaises décisions dans le passé", continua Valjean, s'adressant maintenant à lui-même, "et que j'ai fait du mal à certaines personnes. Mais j'ai fait tout ce que j'ai pu pour me repentir, et j'ai abandonné ces pensées il y a longtemps. Pourquoi le monde ne me laisse-t-il pas vivre en paix ?"
"Je ne sais pas", fut tout ce que Javert put dire. Parce qu'il a oublié comment pardonner. Parce que la justice est aveugle.
"Mais, Valjean - ça n'aurait rien changé même si tu étais allé à la police. Il n'y a rien qu'ils puissent faire. Le chantage n'est pas techniquement illégal. D'ailleurs, il vaut mieux que tu ne l'ai pas fait, vu les ennuis que cela causerait à ton gendre. Ce que tu aurais dû faire, c'est les mettre au courant de ton complot pour le débusquer. C'est déjà un homme recherché, qui a mérité la peine de mort. Ils l'auraient arrêté, si ce n'est que pour ça."
"Ah, oui... C'est vrai. Je n'y avais pas pensé."
"C'est parce que tu as l'habitude de courir dans l'ombre", dit Javert. "Je sais. Mais tu n'as plus à le faire. Tu devrais essayer de t'en souvenir."
L'homme fit un signe de tête consciencieux.
"Tu sais que tu peux venir me voir pour ce genre de choses. Si tu ne pouvais pas en parler à la police, tu aurais dû au moins m'en parler. J'aurais pu m'en occuper discrètement. J'essayais de m'en occuper discrètement. Et je n'aime pas... je n'aime pas que tu me caches des choses. Faire des choses stupides comme ça dans le dos de tout le monde."
"Je suis désolé", dit Valjean. "Mais..." Il se tourna vers lui avec une sorte de regard étrange. "Tu m'as caché des choses à moi aussi. Tu chassais Thénardier en même temps que moi."
"Parce que c'est mon travail , imbécile", le réprimanda Javert. "Et je ne t'ai pas mêlé à l'affaire parce que... eh bien, à quoi cela aurait-il servi ? À part t'embêter. Je ne savais même pas que tu étais au courant."
"Et je pensais que Marius te l'avait caché", admit Valjean. "Je savais que tu serais furieux si tu le découvrais. Et je savais que Marius avait essayé de me le cacher. Je voulais donc m'en occuper personnellement."
Javert laissa échapper un long soupir de lassitude. "Nous avons tous deux les mêmes penchants, il semblerait. Nous nous ressemblons parfois plus que nous ne le voudrions. " Il secoua la tête. "Comment as-tu découvert le chantage ?"
"J'ai trouvé une lettre cachée dans un livre de droit à la bibliothèque."
"Quel idiot", grogna Javert. "Je lui ai dit de les brûler."
"Je ne pense pas qu'il ait réalisé où elle était."
"Quand même ! Il a été négligent. C'est sa faute si on est dans ce pétrin."
"Non," répliqua Valjean. "C'est la mienne. J'aurais pu ne rien faire. Mais ma fierté et ma colère ont eu raison de moi."
"Non, non, ce n'est pas ta faute. Ce n'est la faute d'aucun d'entre nous. Le blâme de nos malheurs repose uniquement sur les épaules de ce vil Thénardier, ce petit scélérat intrigant au cœur noir, et sur personne d'autre."
Valjean lui lança un regard bizarre, puis jeta un coup d'œil coupable vers le mur. "Je suppose qu'en fin de compte, tu as raison."
"Mm. Ne parlons plus de culpabilité et de fautes ; laissons cela derrière nous. Je ne veux même plus consacrer un autre mot à ce rat avant de l'avoir sous les verrous."
***
Valjean ne savait pas combien de temps s'était écoulé avant qu'il ne s'en souvienne. Ces voix, comme un écho lointain au fond de son cerveau. Elles étaient toutes enchevêtrées les unes dans les autres, et inintelligibles, mais une en particulier le ramenait sans cesse en arrière.
C'était celle de Javert, haletante et effrayée, et inquiète d'une manière qu'il n'avait jamais entendue auparavant. Et elle murmurait quelque chose...
"Qu'est-ce que ça veut dire ?" demanda-t-il finalement.
Javert reposa son regard sur lui. "Qu'est-ce que quoi veut dire ?"
"Ferkó", articula-t-il . "Qu'est-ce que ça veut dire ?"
L'homme eut un sursaut et détourna le regard. "Je pensais que tu n'avais pas entendu cela", marmonna-t-il.
"Alors ?"
"Ça veut dire..." Il se passa les doigts dans les cheveux. "Ugh, bon sang. Je ne voulais pas vraiment... Écoute, je déteste ce nom. Je ne veux pas qu'on m'appelle comme cela. Je te le dis seulement parce que tu me l'as demandé, compris ?"
"C'est d'accord."
Javert grogna dans son souffle. Lorsqu'il parla, les mots étaient hésitants et sonnaient maladroitement dans sa bouche. "Eh bien, ça veut dire 'français', en gros. La version écrite est 'Ferenc', mais on ne m'a jamais appelé comme ça." Il fit une pause, son expression s'assombrissant. "Il y a une autre signification," dit-il. "'Celui qui est libre'."
Celui qui est libre...
"Ce n'est pas un mauvais nom," pensa tout haut Valjean. "Pourquoi le détestes-tu tant ?"
" Pourquoi je ... ?" Il se coupa lui-même. "Non, je suppose que tu ne comprendrais pas."
"Quoi ?"
"Eh bien. Ce n'est pas exactement un nom français, n'est-ce pas ? Réfléchis à cela"
"Que veux-tu dire ? Je souffre trop pour les énigmes en ce moment. Tu n'es pas français ?"
"Je suis français, et je ne le suis pas. C'est bien là le problème." Soudain, son accent se transforma en quelque chose d'entièrement différent. "Je suis un manouche , et je suis un gadjo . Embrassé ni par les manouches ni par les gadjés." Il parlait avec amertume, comme s'il s'était déjà dit cela plusieurs fois auparavant. "Ça n'a jamais aider les choses."
Sur ce, son accent français revint, et il était si doux et sans défaut qu'il était difficile de concevoir qu'il ait jamais été interrompu par autre chose.
Les sourcils de Valjean se froncèrent alors qu'il tournait la tête pour le regarder. "Je ne ... qu'est-ce que tu dis ?"
Javert fixait le sol - à travers lui, plutôt, comme s'il regardait quelque chose d'autre. Il refusait de croiser son regard.
"Ma naissance est aussi basse que la tienne. Non, plus basse." Il serra les dents. "Ma mère, elle était une tsigane. Mon père... il était un galérien." Il laissa ces mots suspendus dans l'air, épais et empoisonnés. "Un criminel, depuis avant ma naissance."
Valjean ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais se limita à "Ah."
"Ma mère aussi, c'était une criminelle. Elle a été condamnée à la servitude pénale, pour avoir dit la bonne aventure. Elle m'a donné naissance en prison. C'est là que j'ai passé les quatre premières années de ma vie, jusqu'à ce qu'elle ait purgé sa peine. C'est bien pire que de naître dans une famille de pauvres bûcherons", dit-il en ricanant. "Mais là où tu as choisi de tomber dans les profondeurs de la société, je me suis élevé. Comme celui qui est né honnête est devenu un criminel, celui qui est né criminel est devenu honnête. Et maintenant nous sommes ici."
"Tu n'étais pas..." Valjean cherchait ses mots. "Pourquoi dis-tu cela ? Tu n'es pas né criminel."
Javert leva la tête pour le regarder. Dans ses yeux - un bleu froid et lumineux contre une peau brune - il y avait à la fois une triste résignation et du défi. "Vraiment ?"
Il soutint son regard, sans ciller. "Non," dit-il, "tu ne l'as jamais été".
Javert le fixa un moment de plus avant de se détourner et de laisser retomber sa tête.
"Les circonstances de la naissance d'une personne n'ont aucune importance", insista Valjean. "Ce n'est pas.... juste parce tes parents ont fait des erreurs qu'elles se transmettent à toi. Que quelque chose en toi est intrinsèquement mauvais. Et ce n'est pas parce que la société traite mal la race de ta mère que ce traitement est mérité. Tu ne peux pas choisir ton ascendance, ou la façon dont elle est perçue. Comment peut-on te reprocher cela ? Nous sommes seulement ce que nous faisons de nous-mêmes. Et tu as fait de toi un homme bon et décent ; mieux, même - un citoyen honnête, un protecteur du peuple !"
"Et comment suis-je censé croire cela, avec un nom comme Ferenc ? Il ne sert qu'à me rappeler des choses que je voudrais oublier. "Tu es libre." C'est important, car ton père ne l'est pas. Parce que, pendant les premières années de ta vie, ta mère ne l'était pas. Même toi ne l'étais pas. "Tu es français", on ne le remarque que parce que ta mère ne l'est pas. Parce que, si tu te regardais dans un miroir, tu ne saurais pas que tu l'es."
"Comment peut-on donner ce nom à un enfant et espérer qu'il lui fasse croire tous ces mensonges sur lui-même ? Pourquoi aurait-il besoin qu'on les lui rappelle s'ils étaient vrais ? Non," grogna-t-il, "je ne peux pas lui pardonner de m'avoir donné ce nom - de m'avoir marqué comme quelque chose d'autre, quelqu'un dont l'identité dépendait de ce qu'il n'était pas autant que de ce qu'il était."
"N'essaie pas de me convaincre que je ne suis pas né aussi bas qu'eux - un produit du péché, entre pécheurs. Un enfant du caniveau. Je me suis élevé parce que je n'avais pas le choix ; il n'y avait que les barreaux de cette cellule ou la liberté d'un travail honnête. Tu étais soit celui qui recevait les coups de fouet, soit celui qui tenait le fouet. Lequel penses-tu que j'ai décidé d'être ? Un homme comme moi n'est bon que lorsqu'il est juste. Quand il est mieux que juste. Quand il est la justice elle-même."
Les sourcils de Valjean se fronçèrent . "Un homme comme ... ?"
"Tu vois ce que je suis," murmura Javert. "Ce dans quoi je suis né. Il n'y a pas de juste milieu pour de telles personnes. On est soit foncièrement mauvais, soit irréfutablement vertueux. C'est ainsi que vont les choses."
"Ce n'est pas vrai !"
"N'est-ce pas juste !" s'exclama-t-il en lui faisant face avec des yeux d'acier. "Si j'avais décidé de devenir autre chose que ce que je suis, comment penses-tu que la société m'aurait perçu, avec l'apparence que j'ai ?".
Valjean n'avait pas de réponse à cette question.
"Même maintenant, dans les commissariats, crois-tu que je ne les entends pas chuchoter dans mon dos ? "Ce vieux bonhomme, Javert, cette canaille, ce bohémien", cracha-t-il, "tu ne peux te fier à lui que dans la mesure où tu peux le jeter ; il y a une raison pour laquelle il aime jouer les espions." Il laissa échapper une sorte de rire mauvais. "Le savais-tu ? T'en souviens-tu ? A Toulon, ils m'appelaient tous 'le Pharaon'."[1]
Son regard se transforma en une indignation vertueuse, il releva le menton. "Mais il y a une raison pour laquelle ils ne peuvent pas me dire ces choses en face ; il y a une raison pour laquelle je suis traité avec respect. Et c'est parce que je ne leur ai jamais rien donné - rien, tu comprends ? - pas une seule chose qu'ils pourraient utiliser contre moi." Ses yeux étaient terribles. "J'étais irréprochable. Irréprochable ! Jusqu'à ce que tu arrives ."
Valjean ne trouvait toujours pas de réponse appropriée.
Javert jeta un regard noir au plancher. "Toute ma vie, c'est ce que j'ai cherché à être. Exemplaire. Sans reproche. Je suis devenu ce que je devais être pour y parvenir. Pour que personne ne puisse jamais me regarder avec dédain. Je pensais en toute justice avoir réussi. Et pourtant..." Ses yeux se plissèrent. "Et pourtant."
"Tu peux apprendre la langue des autres, l'imiter si parfaitement que ton héritage ne peut être discerné à ta façon de parler - l'ancrer si complètement dans ton esprit que tu penses même en elle... mais tu n'oublieras jamais ta langue maternelle. Tu n'oublieras jamais les premiers mots que tu as mis sur tes réconforts, sur tes peurs ; elle se dressera en toi dans les pires moments. Et il ne te sera jamais permis d'oublier ce que tu es."
"Tu t'injurieras toi-même, sachant que, quelle que soit l'ampleur de ta transformation, tu ne peux échapper à tes origines. Tu ne peux pas échapper à la couleur de ta peau. Le fait que tu es et seras toujours un paria, la lie de la société. Vivre avec cette connaissance... c'est une sorte spéciale d'enfer. Tu ne sais pas ce que c'est."
Valjean le quitta du regard pour fixer ses propres mains usées par le temps, retournant une paume marquée. "Je pense que dans une certaine mesure, je le sais", marmonna-t-il.
Javert lui lança un regard noir. Il laissa échapper une raillerie. "Toi ? Tu ne pourrais jamais comprendre une chose pareille. Tu es né dans un autre milieu," grogna-t-il. "Ne prétends pas savoir ce que je sais, ressentir ce que je ressens. Parce que tu ne le peux pas."
Valjean supporta sa rancœur avec une admirable patience.
Il lutta pour se redresser dans le lit. "Je ne prétendrai pas que c'est la même chose, commença-t-il, mais je sais ce que c'est que d'essayer d'échapper à son passé, en sachant pertinemment que ce ne sera jamais tout à fait possible. Je sais ce que c'est que d'être jugé sur son apparence plutôt que sur sa personnalité. D'être mis à l'écart de la société, d'être rendu "autre"..." Il griffa son épaule droite. "d'être marqué au fer rouge."
Javert avait d'abord eu un air de confrontation, mais à ce moment-là, son expression vacilla ; il se replia sur son siège comme s'il était brûlé.
"Je sais ce que l'on ressent lorsque l'on naît dans des circonstances indépendantes de notre volonté", poursuivit Valjean. "De faire ce qu'il faut pour survivre dans un monde qui manque de pitié. D'être condamné, considéré comme irrécupérable et abandonné comme si l'univers voulait vous oublier. Je sais ce que c'est que d'être voué à l'échec aux yeux des autres, malgré tous ses efforts."
Sa voix se tendit. "Donner tout ce que l'on a, encore et encore, pour faire quelque chose de soi-même - et voir ces efforts jetés à ses pieds et réduits en poussière sous ses yeux par une autorité insensible qui ne voit que ce qu'elle souhaite et ignore ce qui n'est pas conforme à ses croyances. Aller au bout de sa vie et avoir le sentiment de n'avoir rien gagné malgré tout ! Prisonnier du passé, injustement abandonné !" Il se hérissa, véhément, les yeux brillants. "Ne me dit pas que je ne sais rien de ces douleurs, Javert. Ce sont les seules choses que j'ai jamais vraiment connues."
Javert resta muet. Lentement, il baissa la tête. "Je me suis trompé", dit-il, d'une voix éteinte. "J'ai eu tort de dire ça."
Valjean se toucha le front, ses yeux papillonnant de droite à gauche. "Non, dit-il enfin, j'ai eu tort d'employer le ton que j'ai employé. Je ne voulais pas déprécier tes peines. Je voulais simplement dire que je peux les comprendre. Ce n'est pas la même chose, ce que j'ai traversé. Mais c'est assez similaire, je pense - cette douleur. Ce ... préjudice. Seulement, la plupart du temps, je peux cacher ce que je suis. Mais toi..." Il soupira. "Je suis désolé. Ce n'est pas un concours. Nous avons tous deux souffert."
Javert froissait et défroissait le tissu de son pantalon entre ses poings. Il a fait un subtil signe de tête.
"J'ai choisi de commettre un crime", ajouta Valjean, après un moment. "De voler. J'ai pris cette décision. C'est sur ma tête. Bien que je sente que j'y ai été poussé contre ma propre volonté, par des forces extérieures. Je n'aurais jamais enfreint la loi, si nous avions eu de quoi subsister. Mais je ne pouvais pas rester les bras croisés pendant que ma famille mourait de faim."
La pièce resta silencieuse pendant un moment.
"Tu n'as jamais su ce qui est arrivé à ta sœur et à ses enfants ?"
"Non."
"Combien en avait-elle, déjà ?"
"Sept", dit-il doucement, "ils étaient sept".
"Sept", se répéta Javert. "Je m'en souviendrai."
Valjean fixait les plis des draps, les tordant sans réfléchir entre ses doigts, les yeux au loin. Il essaya de ne plus y penser. Il essaya de repousser ça et d'empêcher les larmes de couler de ses yeux.
Il ne pouvait même pas se souvenir de leurs visages. C'était comme essayer d'attraper des morceaux de papier emportés par le vent.
Il mit sa tête dans sa main. "Je suis désolé que tu aies été mal traité", dit-il. "Ce n'est pas quelque chose que tu méritais."
Javert resta silencieux pendant un long, long moment. "Je suis désolé pour ce qui est arrivé à ta famille", marmonna-t-il en retour. "Ce n'est pas quelque chose que tu méritais non plus."
"Merci."
***
Cela lui avait coûté les deux dernières pièces qu'il avait en poche, mais finalement Thénardier réussit à convaincre le patron du bar de le laisser descendre.
La cave était remplie de tonneaux, de caisses et d'étagères, tous abritant soit des spiritueux, soit des aliments secs. Il n'y avait aucune lumière, à l'exception d'une bougie solitaire et vacillante au fond, qui trônait au centre d'une table circulaire. Sur cette table se trouvaient une nappe blanche, quelques assiettes de nourriture, et des cartes à jouer éparpillées, entourant un tas de pièces de monnaie et divers petits objets de valeur. Un groupe d'hommes s'attardait autour, certains assis, d'autres adossés à une étagère ou à une pile de caisses en bois.
Lentement, Thénardier s'approcha.
La plupart des hommes avaient une trentaine ou une quarantaine d'années, et portaient des vêtements de coupe râpée, ou des tenues d'ouvriers. Thénardier reconnu deux d'entre eux ; les autres, il ne les avait jamais vus auparavant. Ils avaient tous un air bourru, les uns brutaux, les autres calculateurs.
Mais il y en avait un parmi eux qui était étrangement singulier. De tous ceux qui étaient présents, c'était celui qui avait la physionomie la plus avenante, qui avait le plus de charme, et le seul qui avait l'air bourgeois. Ayant à peine franchi le seuil de l'âge adulte, il portait des vêtements de mode récente, finement taillés, mais délavés par l'usage. Il avait sur la tête un beau chapeau haut de forme noir, dont le bord cachait la moitié de son visage et était retroussé à l'autre extrémité. Son gilet en jacquard de soie blanc était posé sur un second gilet cramoisi. Une queue de pie noire pendait par-dessus, assortie à son pantalon, et à ses chaussures cirées, mais aux talons très usés. De sa boutonnière sortait un chrysanthème, rouge comme une tache de sang.
Il était accoudé à sa chaise à la table et sirotait un verre de porto, étudiant les cartes. "C'était une réunion privée, tu sais", dit-il sans lever les yeux.
Thénardier ôta son chapeau en se tenant devant lui. Il se lécha les lèvres. "Écoute," dit-il, "tu sais que je ne viendrais pas te voir si ce n'était pas une bonne occasion de faire du profit."
"J'espère bien."
"Oui, bien. Dans l'état actuel des choses, j'ai besoin de ton aide pour quelque chose."
Le jeune homme resta silencieux pendant un moment. Il fit rouler son verre entre ses doigts pour aérer le vin. Puis, en laissant échapper un soupir pensif, il le reposa sur la table. Lentement, il porta sa main à son front et releva le bord de son chapeau, inclinant la tête pour révéler un œil noir et draconien. "Et qu'est-ce que j'y gagne ?"
"En théorie, cent mille francs."
Les lèvres rubis du garçon se tordirent en un sourire carnassier.
***
[1] Cela vient de la croyance erronée de l'époque selon laquelle les Roms descendaient des Égyptiens, d'où l'injure "Gypsy" (gitan, bohémien). (Les tests génétiques modernes suggèrent qu'ils sont en fait originaires de l'Inde ancienne, et qu'ils sont partis vers 500 de notre ère).
Notes:
Valjean: *reaches level 10 friendship*
Javert: Congratulations. You have unlocked my tragic backstory.
Valjean: What?
Javert: I WAS BORN WITH SCUM LIKE YOU; I AM FROM THE GUTTER TOO
Valjean: *passe le niveau 10 d'amitié*
Javert: Félicitations. Tu as débloquer mon passé tragique.
Valjean: quoi?
Javert: JE SUIS NÉ DANS UNE CELLULE, PARMIS DES DÉCHETS COMME TOI, ENTOURÉ DE HORS LA LOI*
*(Parole de la chanson « La confrontation » de la version française originale)
Uh, the topics in this chapter were really heavy, so I just gotta say that like, the views expressed here are not necessarily my views, but the characters'. And Javert is pretty complicated, because he's got this stubborn pride and anti-racist attitude when it comes to himself, but then he also has a lot of learned/internalized racism, and is perfectly fine condemning other members of his race? He's kind of just ... making an exception of himself because he's worked so hard to set himself apart from that learned racial stereotype? It's like those people who are like "All [members of specific race] are [harmful stereotype] but [specific person] is okay because they're not like "the rest" of them (and then it's like, every successive "okay" person just becomes another exception to them and they never stop to question their beliefs on the race as a whole). And it's really fucked up and not okay and I don't want you thinking that I think it's okay because it's not.
Euh, les sujets de ce chapitre étaient vraiment lourds, donc je dois juste dire que les opinions exprimées ici ne sont pas nécessairement les miennes, mais celles des personnages. Et Javert est assez compliqué, parce qu'il a cette fierté têtue et cette attitude antiraciste quand il s'agit de lui-même, mais il a aussi beaucoup de racisme appris/internalisé, et il est parfaitement capable de condamner les autres membres de sa race ? Il fait de lui même... une exception, en quelque sorte parce qu'il a travaillé dur pour se démarquer de ce stéréotype racial appris ? C'est comme ces gens qui disent "Tous [les membres d'une race spécifique] sont [stéréotype nuisible] mais [une personne spécifique] est ok parce qu'elle n'est pas comme "les autres" (et ensuite, chaque personne "ok" devient juste une autre exception pour eux et ils ne cessent jamais de remettre en question leurs croyances sur la race dans son ensemble). Et c'est vraiment tordu et pas correct et je ne veux pas que vous pensiez que je pense que c'est correct parce que ça ne l'est pas.
(Notes de la traductrice: je pense que ce que l'auteur a voulu dire ici que, au contraire, ils ne remettaient jamais en question leurs croyances et leurs préjugés, mais je vous ai quand même mis la traduction littérale.)
Anyways. There will be more discourse about this later on, but I'm also trying to ease off it as much as I can because it's just ? not my place?? Because despite not asking for it I'm still a white person who reaps the benefits of social privilege, and I can't claim to fully understand these issues as someone who has never experienced them??? But I'm also trying to have representation in this story and I just?????? Can only try my best on the topic but it also might be crap and if it is I apologize and welcome recommendations?
Enfin bref. On reparlera de ce sujet plus tard, mais j'essaie aussi de m'en détacher autant que possible parce que ce n'est pas ma place ?? Parce que même si je ne l'ai pas demandé, je suis toujours une personne blanche qui bénéficie de privilèges sociaux, et je ne peux pas prétendre comprendre pleinement ces questions en tant que personne qui n'y a jamais été confrontée. Mais j'essaie aussi d'être représentative dans cette histoire et je ? ?????. Je ne peux qu'essayer de faire de mon mieux sur le sujet, mais il se peut aussi que ce soit de la merde et si c'est le cas, je m'en excuse et je suis ouvert(e) aux recommandations ?
Yes, that is me referencing a goddamn Pokemon movie. Sue me.
Oui, c'est moi faisant référence à un putain de film Pokemon. Faites moi un procès.
When Javert is apologizing here it's more of a "Sorry your family all starved to death because of being born into poor societal conditions" than a "Sorry prison really sucked and everyone is an asshole to you about it" kind of thing. :/
Quand Javert s'excuse ici, c'est plus du genre "Désolé que ta famille soit morte de faim parce que tu es né dans des conditions sociales médiocres" que "Désolé que la prison craigne vraiment et que tout le monde soit un connard avec toi à cause de ça". :/
Suggested Listening:
Maybe this one's a bit weird, but,
Peut-être que celle ci est un peu bizarre, mais:
Deliver Us - Hans Zimmer
Less in the context of what happens in this specific scene and more in the context of what this scene references in the past. Ever since I rediscovered that soundtrack I couldn't stop picturing the opening scenes to the 2012 Les Miserables movie with all the bagnards toiling in the rain under threat of the lash (because, I dunno, they're both the working songs of slaves who are outcasts from society, praying for god to have mercy on them?). Also, shit, re-listening to it tonight I realized that if the first half of that song is about Valjean, then, inevitably, the second half ... And man, it even mentions a river ...
Moins dans le contexte de ce qui se passe dans cette scène spécifique et plus dans le contexte de ce à quoi cette scène fait référence dans le passé. Depuis que j'ai redécouvert cette bande originale, je n'ai pas pu m'empêcher d'imaginer les scènes d'ouverture du film Les Misérables de 2012 avec tous les bagnards qui peinent sous la pluie sous la menace du fouet (parce que, je ne sais pas, ce sont des chants de travail d'esclaves qui sont des parias de la société, priant pour que Dieu ait pitié d'eux dans les deux cas ?) Et puis, merde, en la réécoutant ce soir, j'ai réalisé que si la première moitié de cette chanson parle de Valjean, alors, inévitablement, la seconde moitié... Et mec, elle mentionne même une rivière ...
Note de la traductrice: ah mais cette chanson est tellement bien choisie, si vous la connaissez pas allez l'écouter ça vaut le coup
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