Chapitre 2: Of Soft and Harsh Words Spoken in Darkness
(Des mots doux et durs chuchotés dans les ténèbres)
Résumé:
Javert est surpris de se retrouver éveillé – et, par extension, vivant. Il n'est pas des plus ravis. Une dispute s'ensuit.
« Mais je suis un arbre frappé par la foudre : le coup a pénétré mon âme ; je sentis alors que je survivrais pour fournir, jusqu'à ma mort prochaine, le misérable spectacle d'une épave humaine, objet de pitié pour les autres, intolérable à moi-même. »
-Mary Shelley (Frankenstein, traduction de Germain d'Hangest)
***
Javert ne se rappelait pas s'être réveillé, ou même s'être endormi, et c'est avec confusion qu'il sentit de la lumière filtrer entre ses paupières. Il cligna des yeux, son esprit encore embrumé.
Il se rendit compte, grâce à une faible lueur, qu'il se trouvait dans une ruelle ; il le savait à cause de la saleté et des ordures qui jonchaient l'espace entre deux murs de brique, dont un au pied duquel il était adossé.
Alors que ses sens lui revenaient, et qu'il reprenait ses esprits, il prit soudainement conscience d'une sensation nettement désagréable dans tout son corps.
Pour une raison quelconque, il était mouillé, et l'air froid de la nuit le faisait beaucoup souffrir.
Sa chemise et son pantalon lui collaient à la peau ; son manteau pesait sur lui comme une cotte de maille, et sentait le chien mouillé. Ses bottes de cuir étaient remplies d'eau, et ses chaussettes étaient trempées. Des mèches de ses cheveux lui obscurcissaient le visage.
Ses poumons le brûlaient, et il avait un goût désagréable dans la bouche. Et sa poitrine – mon Dieu , c'était comme si quelqu'un l'avait tabassé dans un combat de bar. Ses côtes se plaignaient à chaque respiration qu'il prenait.
En toussant faiblement, il parvint à se mettre à genoux.
Abasourdi, il tenta de se souvenir de ce qui avait pu le mettre dans cet état.
Il se rappelait vaguement s'être laissé tomber dans le fleuve, les eaux sombres l'alourdissant et remplissant ses poumons. Ceci expliquait ses vêtements mouillés. Mais il ne comprenait pas comment il s'était retrouvé à nouveau sur la terre ferme, comment un homme pouvait sombrer dans cette partie de la Seine en particulier, et survivre malgré tout.
Javert parvint à se mettre en position assise, soutenu seulement par la brique rugueuse du mur derrière lui.
Comment cela se pouvait-il ? Comment était-il possible que, contre sa volonté, il soit toujours en vie ?
Lentement, il se tourna vers sa gauche.
Assis à seulement quelques mètres de lui, affalé contre le mur de la ruelle et vêtu de l'uniforme souillé d'un garde national (sans le manteau et le shako), se tenait un visage familier.
La tête de Valjean était penchée, ses yeux fermés, ses lèvres légèrement entrouvertes, respirant doucement - il semblait s'être endormi.
Et, lui aussi, était trempé jusqu'aux os.
Ce qu'impliquait ce tableau frappa Javert comme un coup de tonnerre, brisant quelque chose dans sa poitrine.
Bien sûr. Bien sûr que ça ne pouvait être que lui.
Et ça ne faisait que rendre le tout encore plus insupportable.
Javert se prit la tête dans les mains, en serrant les dents.
Il ne savait pas quoi faire de lui-même.
Il était déjà un marginal : un homme de loi, mis au ban de la société – du moins, c'est ce qu'il ressentait – mais maintenant il se trouvait chassé de cette position, et tout lui semblait étranger. Il était à la dérive dans une vaste mer, ses repères perdus, son ancrage déchaîné sous les vagues, une cause perdue.
Comment Valjean avait-il osé lui faire ça à lui ; comment avait-il osé le ramener dans ce monde où il n'avait plus sa place, le piéger de par sa bonté et le lier à cette existence qui était désormais dénuée de sens!
Aux barricades, c'était une chose, mais maintenant...
Il frémit, griffant son cuir chevelu et étouffant des sons qui se trouvaient quelque part entre des grognements et des sanglots entrecoupés d'une toux spasmodique, en conflit dans tous les coins de son âme.
Un souffle se fit entendre à côté de lui. « Javert ... »
Au son de la voix de Valjean il se tendit, frémissant de colère et d'un sentiment indescriptible.
« Pourquoi m'avoir arrêté? » cria-t-il presque, en le fixant de ses yeux indignés.
Valjean sembla surpris par cette soudaine explosion de colère, mais se détendit rapidement. Il cligna des yeux, en le regardant avec curiosité. « Pourquoi ne pas m'avoir arrêté ? »
Quel imbécile ! Cherchait-il sa propre damnation par simple curiosité ?
« Vieil homme stupide ! » grommela-t-il, à moitié pour lui-même, à moitié pour l'autre.
La confusion et l'inquiétude passèrent sur le visage de Valjean. Il s'avança pour lui toucher le bras, mais Javert le retira.
« Vous auriez dû me laisser là-bas! » gronda-t-il. « Pourquoi ne pas m'avoir laissé là-bas ? »
Valjean lui jeta un regard rempli d'horreur. « Mais – vous seriez mort ! »
Le rire de Javert se transforma en grognement, et il l'attrapa par le col. « C'était le but ! »
L'homme l'observa de par-dessous ses boucles blanches mouillées, sans combativité aucune, et avec beaucoup trop de naïveté dans les yeux au goût de Javert. « Mais pourquoi ? » demanda-t-il. « Pourquoi souhaiter une chose aussi horrible ? »
Il secoua la tête. «Vous êtes vraiment un imbécile, Jean Valjean », souffla-t-il en se reculant un peu. « Comment suis-je censé vivre avec ça? Comment suis-je censé vivre avec... avec vous ? »
La gorge de Valjean serra, ses sourcils se froncèrent. « Je ne comprends pas. »
« Pourquoi ? » répondit Javert. « Pourquoi sauver la vie d'un homme qui doit vous arrêter ? »
«Qu'est-ce que ça a à voir avec ça?»
Javert se mit à trembler de fureur. « Ça a tout à voir avec ça ! » s'étrangla-t-il.
« Javert, que... que voulez-vous dire ? »
D'un geste furieux, Javert le plaqua au sol, ses longs cheveux noirs tombant sur son visage. « Je suis la seule personne à Paris qui sait qui tu es! Si je n'étais plus là, tu pourrais juste – juste... » Sa voix se brisa « oublier tout cela. »
Les yeux de l'homme s'écarquillèrent sous sa poigne. « Que voulez-vous... ? »
« Personne n'a besoin de savoir, Valjean ! Tu peux juste fuir tout ceci ! » Il se leva, recula et secoua la tête, les yeux grands ouverts. Sa voix se changea en un supplice étouffé. « Fuir tout ceci. ». Il se précipita vers l'entrée de la ruelle, vers le chant des sirènes de la Seine – mais fut arrêté par une main qui l'empoigna vigoureusement.
Il s'y attendait presque. Et pourtant, la prise sur son bras – le retenant d'une mort certaine – ne le rendait que plus agité, approfondissant son tourment intérieur.
Il grimaça, baissa la tête et ferma les yeux, alors que des larmes de colère coulaient sur ses joues.
Il n'avait pas pleuré face à la Seine ; il n'avait pas pleuré face à la mort, quand tout pour lui était perdu. En vérité il n'avait pas pleuré depuis son enfance, quand il était presque trop jeune pour s'en souvenir. Il avait oublié la façon dont ses yeux le brûlaient, le goût du sel sur ses lèvres.
Il n'avait pas versé une larme depuis plus de quarante ans.
Quelle était la cause de ce bouleversement, de cette fissure dans son âme ? Pourquoi ici ? Pourquoi maintenant ?
« Pourquoi ? » souffla-t-il sans se retourner, alors que sa voix se brisait. « Pourquoi avoir fait ça ? »
Il y eut un silence. L'étreinte autour de son poignet semblait devenir plus douce, presque tendre.
La voix de Valjean était calme, sans le reproche auquel il s'attendait. « Si vous pensez à ce que je pense, comment pouvez-vous croire que je ne tente pas de vous arrêter ? »
Javert serra les dents, sa voix redevenant dure. « Que veux-tu de moi, Valjean ? Tu veux que je te renvoie en prison ? C'est ce que tu veux ? »
« Bien sûr que non ; mais – »
« Alors pourquoi m'avoir arrêté ? »
« Ça n'a rien à voir avec moi ! C'est à propos de vous ! »
Javert frissonna sous son étreinte, désemparé à l'idée que quelqu'un puisse le plaindre, que quelqu'un puisse penser qu'il avait besoin d'être sauvé. Surtout pas lui.
Mais, même s'il voulait le nier, il savait que l'homme était trop fort pour qu'il puisse s'échapper, il savait que la poigne autour de son bras se resserrerait comme un étau à la seconde où il essaierait de s'enfuir. « Lâchez-moi, Valjean. »
« Non. Pas avant d'avoir compris ce qui vous a conduit à cette extrémité. »
Javert fixa le sol sous lui avec mépris, tenant sa langue.
Il entendit un soupir. « Vous... ne voulez plus m'arrêter, n'est-ce pas ? » Valjean fit une pause en attendant une réponse, qui ne vint pas. « Mais » continua-t-il, « le devoir vous y oblige. Est-ce là la source de votre conflit intérieur ? » Un rire incertain lui échappa des lèvres « Non, ça ne peut pas être pour ça, pas seulement pour ça que – » Il se tut, et quand il reprit, sa voix n'était plus qu'un murmure, interrogative et presque plaintive. « Ce n'est pas pour ça, n'est-ce pas ? »
Toujours pas de réponse de la part de Javert. Même s'il avait réussit à en former une dans son esprit – ce qui n'était pas le cas – les mots seraient restés coincés dans sa gorge nouée.
« Non, je ne peux pas croire que vous donneriez votre vie pour moi, » continua Valjean. « Pas vous. Pas ... après tout ça. Il y a autre chose qui vous a conduit à cet état, quelque chose de plus. N'est-ce pas? »
C'était tout ce qu'il pouvait faire pour ne pas lutter contre lui, tant son envie de lui échapper était grande. Tout son être devait être concentré pour rester immobile. Se retourner, le regarder dans les yeux – il en était hors de question.
Il n'était pas habitué à ce genre de traitement et ne savait pas comment réagir. Il avait déjà été retenu et restreint oui, mais jamais pour ce qui semblait être son propre bien. C'était l'opposé total de ce dont à quoi il était habitué.
Et, bon Dieu, ce qu'il détestait ça.
« Parlez-moi, Javert. » C'était plus une plainte qu'une demande.
La main de Javert, qui s'était changée en poing depuis un certain temps, tremblait et était tellement serrée que ses ongles, pourtant courts, griffaient la chair de sa paume. « Vous vous attendez à ce que je vous ouvre mon cœur ? » demanda-t-il. « À vous ? »
« À en juger par vos actions précédentes, je suppose que vous n'avez personne d'autre prêt à vous écouter, » répondit Valjean, « Du moins, pas à cette heure de la nuit. »
Javert baissa la tête. « Je ne comprends pas pourquoi vous vous en souciez. Je ne comprends pas pourquoi vous avez fait ce que vous avez fait. »
« Parce que c'était ce qu'il fallait faire, Javert ! »
« Je sais, » concéda-t-il avec colère. « Mais pourquoi ; pourquoi était-ce la bonne chose à vos yeux? »
Valjean se tut un moment. « Vous attendiez-vous à ce que je vous haïsse? » se demanda-t-il à voix haute. « Parce que selon la loi vous devriez causer ma perte ? Que je vous craigne, oui - et avec raison - mais que je vous haïsse ? Non, ce n'est pas le cas. Comment pourrais-je haïr un homme qui ne fait que son devoir ? Comment pourrais-je le haïr parce qu'il obéit à la loi ? »
Javert se raidit, rentrant en lui-même jusqu'à ce que sa voix soit la seule chose qui reste de lui. Les mots glissèrent hors de sa bouche, lourds et amers sur sa langue. «La loi est faillible.»
La prise autour de son poignet se relâcha soudainement, et il pouvait presque sentir la surprise de l'autre homme. Qu'il puisse dire une chose pareille ! Et le penser! Inconcevable!
« La loi est faite pour faire vivre la justice, » poursuivit-il, ne sachant pas pourquoi il lui disait cela. « Tous les hommes sont égaux devant la loi. Ils sont jugés, non pas pour qui ils sont, mais pour leurs crimes. J'ai toujours pensé que c'était une bonne chose, sensée et honorable. » Il dégagea son bras, serra les poings plus fort, ses poils se dressant alors qu'il regardait devant lui avec dédain. « Et puis il y a eu vous. »
Il pouvait sentir le regard pénétrant de l'homme derrière lui.
Valjean semblait attendre de lui qu'il continue sa diatribe, mais il n'avait plus les mots .
Ils se tenaient dans la rue, l'un fixant le dos de l'autre des yeux, l'autre aveugle à tout ce qui était autour de lui. Silencieux. Immobiles.
Finalement, il entendit la voix derrière lui une nouvelle fois. Le ton était différent, d'une certaine manière. Lassé.
« Venez avec moi rue de l'Homme Armé, Javert. »
Il faillit sursauter, et se retourna avec consternation vers l'homme qui avait l'audace de ne serait-ce que suggérer une chose aussi ridicule. « Quoi ? Non, évidemment que non. »
Le visage de l'homme sembla presque se tordre de douleur. Toute sa combativité avait disparu. « Javert, s'il vous plaît ; nous sommes trempés et nous sommes tous les deux épuisés. »
« J'ai ma propre maison. » grogna-t-il.
« Je sais, mais... » Il peinait à trouver ses mots. « Je ne pense pas que vous devriez être seul ce soir. »
Javert se renfrogna. « Je ne suis pas une espèce de gamin orphelin dont vous éprouvez le besoin de dorloter. Ne pensez pas un seul instant que j'ai besoin de vous. »
« Et vous, ne pensez pas un seul instant que je vais vous laisser partir seul après avoir vu ce que vous avez essayé de faire. » rétorqua Valjean. « Rangez votre fierté juste pour cette fois, Javert. Vous souffrez. Je veux juste vous aider. »
« Je n'ai que faire de votre pitié ! » cria-t-il, tournant la tête pour le regarder.
Par prudence, Valjean recula. Puis il se raidit, les poings serrés. « Où que vous alliez ce soir, j'irais avec vous. »
Le rictus de Javert se transforma en ricanement, le venin coulant de ses paroles. « Alors j'irai au commissariat. »
Valjean le fixa sans bouger. Ses yeux semblaient chercher quelque chose dans ceux de Javert. « Non, vous n'irez pas. » dit-il après un moment. « Pas dans cet état. »
La défiance de l'homme l'énerva tellement que, pendant un instant, la rage le fit retourner à son autorité passée.
« Alors aide moi, je les ferai t'arrêter sur le champ ! »
Malgré la menace, Valjean ne bougea pas, son expression solennelle et résolue comme celle d'une statue de marbre. « D'une certaine manière, je doute de cela. »
« Valjean, si vous ne me laissez pas dès maintenant je ferai appel aux forces de l'ordre et vous – »
« Je n'ai pas peur de vous, Javert. »
La bouche de Javert se referma, ses yeux s'écarquillèrent, tant il fut déconcerté par son impudence et son courage.
Quel pouvoir lui restait-il sinon celui d'inspirer la peur ?
Valjean avait vu au travers de son bluff, et il ne savait pas quoi faire, car bluffer n'était pas quelque chose auquel il était habitué.
« Je vous l'ai dit, » fit calmement Valjean, « je me soumets volontairement à vous. J'étais déjà prêt à me rendre. Que vous me menaciez de m'arrêter – cela ne veut plus rien dire pour moi. » Ses yeux fixèrent sans but un point invisible. « En ce qui me concerne, je suis déjà votre prisonnier. Et je le resterai , si c'est ce que vous désirez. Mais je peux vous dire que, peu importe ce qui peut arriver, peu importe ce que vous pourriez me dire, je ne vous laisserais pas seul ce soir. Vous pouvez me menacer de mort, si telle est votre volonté. Cela m'est égal. La mort n'est rien. J'irai où vous irez. »
« Si néanmoins vous décidez de m'emmener au commissariat, je n'opposerais aucune résistance, mais sachez que je n'aurais d'autre choix que de leur dire ce qui vient d'arriver. Et je sais que ce n'est pas ce que vous voulez. Ce n'est pas ce que je veux non plus ; je ne veux pas vous voir souffrir comme ça. Alors s'il vous plaît, venez chez moi. Si vous ne me suiviez pas, je serai contraint de vous suivre jusqu'à chez vous. Et je ne pense pas que vous voulez qu'un ancien forçat sache où vous habitez. »
Javert le regarda avec incrédulité. Il serra les dents.
Il ne pouvait pas l'éloigner par la peur, ou par la force car Valjean le surpassait dans ce domaine. La dure réalité était qu'il ne pouvait tout simplement aller nulle part sans qu'il ne soit à ses côtés.
Il n'avait, bien entendu, aucune intention de se rendre au commissariat ; ni de rentrer chez lui. S'il était honnête avec lui -même, il n'avait l'intention de se rendre nulle part si ce n'est de nouveau dans la Seine, mais il était évident que Valjean n'allait pas le lui permettre.
Les coins de ses lèvres se baissèrent, ses pupilles rétrécirent ; il se tint là, vaincu.
« Vous me privez de ma dignité, » dit-il dans un souffle .
Valjean baissa la tête. Il soupira de remords. « Je sais. Et j'en suis désolé. Mais le fait est que je ne vous laisserai pas partir seul. Vous venez avec moi, alors ? »
Javert scruta la rue, alors que les rapides rugissaient au loin. Il tourna son visage vers les ténèbres.
À contrecœur, il baissa la tête.
***
Il était près de deux heures du matin, et aucune bougie n'éclairait les fenêtres sous lesquelles ils passaient. Le seul éclairage dont ils disposaient était les réverbères occasionnels, adoucissant le noir bleuté de la nuit, mais ceux-ci étaient peu nombreux et espacés, et donc ils étaient laissés dans les ténèbres, frissonnant et presque aveugles.
« Je dois avouer, » dit Valjean alors qu'ils descendaient la rue obscure, « que je suis heureux que vous ayez accepté de venir avec moi, car je ne sais pas combien de temps j'aurais pu continuer à argumenter avec vous dans le froid. »
« Franchement, je ne sais pas pourquoi vous avez fait preuve de tant de patience. » marmonna sèchement Javert.
Les sourcils de Valjean se levèrent. « Pa– ? Ah ! Non, non, vous ne comprenez pas ; » dit-il, en lui jetant un regard embarrassé, « Je serais resté le temps qu'il aurait fallu pour vous convaincre, mais – mais le fait est que je n'ai ni mangé ni dormi depuis un certain temps déjà, et j'ai dû porter ce pauvre garçon à travers la moitié de Paris entre les ordures – et puis il y a eu le courant de la rivière, et la température... je ne sais pas combien de temps encore j'aurais pu rester debout. »
Son expression semblait presque désolée. « En fait, plus tôt, comme vous ne vous réveilliez pas, j'ai tenté de vous ramener rue de l'Homme Armé avec moi, mais, ah–mes jambes ont cédé . Je ne suis plus aussi jeune qu'avant. »
Pendant qu'il bredouillait ses explications, l'expression de Javert devenait de plus en plus horrifiée, mais ce fut la dernière partie qui le transperça de culpabilité, puis d'incrédulité.
Cet homme! Cet homme ridicule – qui avait combattu toute la nuit dans une barricade et traversé des kilomètres d'eaux usées en en portant un autre pour le mettre en sécurité – cet homme qui avait fait plus en un jour face à la mort qu'un autre durant toute sa vie et s'en était à peine sorti vivant – l'avait suivi jusque dans la Seine et avait non seulement trouvé la force de le tirer des rapides, mais aussi d'essayer de le transporter sur son dos à travers la ville ! C'était de la folie ! Sa volonté – non, son audace pure, dépassait l'entendement.
C'était un fou, un insensé, un saint idiot ! Comment était-il possible qu'il soit seulement capable de rester debout après tout ça ? Javert enrageait rien que d'y penser.
« Vous êtes un imbécile » lui dit-il, ne sachant pas quoi dire d'autre.
Valjean se contenta de sourire tristement. « Il y a pire à être. »
***
Notes:
Playlist suggérée :
Adagio for Strings, Op. 11 - Samuel Barber
Colors - Crossfade
Going Under - Evanescence
Omoidasu - Kow Otani
The Storm - Bruno Coulais
Tanin No Jinsei - Kow Otani
Temple of Sacrifice - Cloud Atlas
This Night - Black Lab
Tu Vas Me Détruire - Notre Dame de Paris
Where Will You Go - Evanescence
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top