XXV
L.A, 21 juin 2000, au soir
Nous roulions depuis bientôt une quinzaine de minutes. La route était chargée si bien que parfois, nous restions bloqués quelques minutes à un carrefour, passifs. C'était toujours comme ça en fin de soirée à Los Angeles. C'était une ville attractive, animée. C'était devenu un spectacle normal pour les californiens. On aurait d'ailleurs été plus étonné du contraire. Cela signifiait sans doute qu'il y avait un cataclysme actif ou que les gens étaient tous victimes d'une épidémie soudaine.
J'y étais habituée et ça ne me dérangeait même pas. Fréquemment en rentrant le soir, je restais bloquée des minutes interminables dans le bus. Mon baladeur me submergeait dans une ambiance intime ; et je rivais alors la tête contre la fenêtre, en regardant la pluie dégouliner sur la vitre verglacée, immobile, comme si le temps s'était figé. Et seules mes pensées semblaient résister.
L'été, je regardais le soleil se coucher entre les buildings. Il se reflétait contre les vitres opaques, saupoudrant la ville de raies roses et dorées. Les couchers de soleils californiens n'avaient rien à envier à quiconque.
Aujourd'hui, c'était un soir d'été. Surement le plus beau, puisque c'était le solstice. Mais je n'étais pas contente d'être là. Je ne prêtais même pas attention au coucher de soleil. Je ne pouvais pas, à vrai dire. Parce qu'il y avait un élément à côté qui me gâchait le paysage, à mon grand désarroi.
Enfin, gâcher était un bien grand mot. Disons qu'il me gênait personnellement.
Voilà que nous étions à nouveau obligés de nous arrêter à un énième carrefour, dans un silence des plus pesant. Nous venions à peine d'entrer en ville. L'heure tournait. Et à chaque fois que le moteur arrêtait de vrombir, le silence se faisait insoutenable. Comme si le bruit nous empêchait de parler.
Pitoyable.
Je vis, du coin de l'œil, Tom se tourner vers moi, comme à chaque fois qu'il marquait l'arrêt. J'évitais son regard. Je savais qu'il attendait qu'on reparle de la semaine dernière. Que je lui explique ce qu'avait Nina. Mais je n'en avais pas envie. Je ne voulais plus m'épancher.
Pourtant, lui non plus n'avait pas pris l'initiative de me parler du trajet. Je me doutais qu'il trouvait le sujet délicat à aborder et qu'il ne savait pas comment le mettre sur le tapis, sans être obligé de prendre des pincettes.
Quand ça parlait des jumeaux, c'était toujours délicat. C'était toujours le sujet qui fâchait quand on était petits. Celui qui nous empêchait de nous voir. Les jumeaux. L'obligation que j'avais vis-à-vis d'eux. Alors, il s'était toujours contenté d'être tolérant.
Voilà qu'aujourd'hui, on en était encore là. Il y avait toujours des tensions sur ces vieux sujets de routines. Ces choses qui n'avaient pas changé, malgré tout.
Il brûlait intérieurement. Je le connaissais par cœur. Je savais qu'il prenait sur lui. Qu'il se retenait, par respect sans doute. Mais je savais aussi qu'il ne tiendrait pas bien longtemps.
-« Tu comptes m'ignorer encore longtemps ? »
La question que j'attendais depuis maintenant vingt minutes. Il avait fini par craquer. Le silence ne lui réussissait décidément pas ; alors je ne pus m'empêcher de sourire. Ce qu'il interpréta comme un geste d'insolence.
-« Eh, tu pourrais être sympa ! Je t'accompagne à l'hôpital, je me tape les embouteillages pour toi, alors que je pourrais aller boire un coup tranquillement !
- Qu'est-ce que tu veux Tom ?
- Je veux savoir comment tu te sens. »
Je me retournais vers lui. Il avait remonté ses lunettes de soleil dans ses cheveux, à cause de la luminosité qui venait subitement de baisser. Il me regardait l'air grave, sans se cacher. Il ne plaisantait plus à présent. Il ne plaisantait jamais sur ce sujet.
-« Je me sens bien. Je crois.
- Tu vas à l'hôpital et tu te sens bien ? Genre, comme si t'allais faire tes courses au supermarché ? Vraiment ?
- Je n'irais pas jusqu'à là. Mais je ne ressens pas le besoin de pleurer, d'hurler, de frapper ou même de me battre avec quelqu'un, quelque chose. Pas encore.
- Pas encore.
- Oui. Je n'incrimine personne. »
Il soupira. La queue de voiture commença enfin à se défaire. Il ralluma le moteur et passa la vitesse. Je le regardais faire, neutre.
Un îlot de lumière se détacha de l'emprise des buildings et aveugla partiellement l'intérieur de la voiture, plongée dans une luminosité plus sombre et plus rose. J'avais toujours les yeux fixés sur son poing, accroché au levier de vitesse. Il était violacé.
Je fronçais instantanément les sourcils. A moins qu'il mette toute sa poigne sur le levier, ou que la couleur du ciel ne compromette ma vue, je mettrais ma main à couper que lui, il s'était bien battu.
-« Il t'est arrivé quoi à la main ? »
Il ne répondit pas. Il restait concentré sur sa route. Mais il enleva tout de même sa main du levier pour la replacer sur son volant, sans piper mot. La position de son corps dans le siège et le regard qu'il avait me faisait penser à Henry quand il conduisait.
-« Avec qui tu t'es battu alors ?
- Pourquoi je te le dirais ? Je ne pense pas que cela t'intéresse. Tu as déjà trop à penser.
- Tu viens à peine de rentrer à Los Angeles et tu t'es déjà fait des ennemis ! Fais attention Tom...
- Non, je ne cherche pas à me battre avec les inconnus. Ça ne m'intéresse pas. Je ne suis plus aussi effronté qu'avant, j'ai changé.
- J'aimais bien ton côté effronté. »
Il me dévisagea, incrédule. Je me rendis compte de ma bêtise trop tard. On avait beau avoir discuté, il y avait toujours un certain malaise lorsque l'on ressassait le passé. Peut-être qu'au fond, on voulait simplement tourner une nouvelle page tous les deux. Ecrire une nouvelle histoire dans le présent. Une histoire bien différente et bien moins ancrée.
Je décidais alors de changer de sujet :
-« Sinon, comment ça va avec Edwige ? C'est avec un de ses ex que tu t'es battu ?
- Tout va bien. On se voit régulièrement, je suis comblé. Et non, je n'ai aucune raison de me battre avec eux. Je vois bien que je suis un dieu pour elle.
- Ta modestie ne cessera de m'étonner.
- Ça par contre, c'est quelque chose qui fera toujours parti de moi, ma chère Kerrie. Après tout, je sais que je ne laisse personne indifférent. Même toi, je ne te laisse pas indifférente.
- Il y a bien longtemps que je suis anesthésiée à tes cheveux. J'en ai même fait une overdose. »
Tout en gardant le regard rivé sur le pare-brise, il m'adressa un sourire en coin, presque amusé. Je ne devais pas être très convaincante. Il m'avait rarement prise au sérieux lors de nos échanges musclés. Malheureusement.
-« Tom ?
- Hum ?
- Dis-moi avec qui tu t'es battu, s'il te plaît... Tu t'es peut-être foulé quelque chose.
- Je fais des études en médecine Kerrie, ne t'en fais pas pour moi, je suis encore capable de discerner quelque chose qui cloche.
- Mais oui, tu es génial, comme d'habitude ! Je me demande comment tu arrives encore à conduire sans avoir mal avec ces hématomes ! » m'emportai-je
Il ricana. A chaque fois, il réussissait à tourner la situation à son avantage. Je savais qu'il ne me dirait rien tant que je ne lui aurais pas dit ce qu'avait Nina. Il aimait bien me voir m'emporter. Voir que je me souciais de lui. Parce que lui, à contrario, était assez expansif. Il n'avait rien à cacher. Il pouvait parler de tout sans problème.
Sauf de cette nuit-là. Il n'en parlait pas. Jamais.
-« C'est gentil de t'inquiéter pour moi, Kerrie.
- Comme si ton sort m'importait.
- Je sais que c'est le cas. Si je mourrais là, tout de suite, tu serais dévastée.
- Qu'est-ce que tu crois ? Que je pense à toi tous les jours ? Je m'en fiche totalement. Tu es seulement le copain de mon amie. Ça s'arrête là. »
Il leva les yeux au ciel, faisant mine d'être concentré sur sa route. Je savais que ma remarque l'avait agacé. Je m'en rendis compte lorsqu'il effectua un virage brusque, dans une ruelle assez fréquentée. Ça avait surement dû foutre un coup à son égo.
D'un certain côté, je m'en voulais d'avoir lâché ça. Ce n'était pas totalement vrai. J'étais toujours concernée par le sort des gens qui avaient un minimum compté dans ma vie.
Ou qui choisissait d'y revenir subitement, comme si de rien n'était... Histoire de me donner encore plus de raison de culpabiliser s'il leur arrivait quelque chose.
-« Regarde, on arrive. »
Un flot de soulagement me parcouru. La discussion ne serait pas portée plus loin. Et nous avions eu ce que nous voulions tous les deux : nous nous étions débrouillés pour faire suffisamment mariner l'autre pour qu'il sache le minimum d'information sur la situation qui le concernait. Et nous avions réussi à nous frustrer réciproquement afin d'apaiser notre propre frustration. Ingénieux ou puéril ?
Mon premier réflexe fut de regarder l'heure. Il était dix-neuf heures. J'avais une heure pour effectuer mes examens, avant de voir Henry. Heureusement, nous nous étions donné rendez-vous au centre-ville. Le Griddle Coffee n'était qu'à quelques arrêts de bus du Cedars-Sinai Medical Center, sur la route de La Cienega et du Sunset Boulevard.
Tom se gara dans une rue en parallèle, en silence. Je le vis esquisser une mimique discrète lorsqu'il donna un coup sec sur le levier, avec sa main blessée. Mais il vit que je le fusillais du regard, alors il ne rechigna pas plus.
Il voulait jouer au dur ? Qu'il assume jusqu'au bout.
Je sortis de la voiture, non sans hâte et m'éloignais un peu pour respirer.
Décidément, je n'aimais pas les hôpitaux. Quand j'y allais, c'était souvent sous le coup de l'adrénaline, après une urgence. Celle de Tom, d'Estéban...
Mais là, c'était la première fois que j'y allais en ayant tout mon sang-froid et toute ma tête. Comme si je me rendais enfin compte de l'ampleur de la situation, parce que l'adrénaline n'était plus là pour me maintenir dans un état second suffisant pour me donner du courage.
Comme si tous mes souvenirs refluaient d'un seul coup, bloquant mes responsabilités.
Je me retournais vers Tom qui se dirigeait vers moi, l'air nonchalant. Je me demandais comment il faisait pour encore mettre les pieds dans ces grands couloirs blancs, là où il avait failli y laisser sa vie. Comment il faisait pour ne pas ressasser ça dans son esprit, jour après jour, sans que ça ne le gêne dans son métier. Sans avoir envie de prendre ses jambes à son cou. Sans qu'il ne pense tous les jours à ce lien morbide qu'il entretenait avec ces édifices qui se ressemblaient tous, dans leur fonctionnalité.
Après tout, c'était son pire traumatisme ; mais il trouvait encore la force de vouloir en faire son métier. Soit il s'était vraiment découvert une vocation pour réussir à passer outre, soit son projet de gosse continuait de lui tenir à cœur.
Mon sort continuait de lui tenir à cœur.
-« Tu n'y vas pas ?
- Si. Je me donnais un peu de courage. Merci de m'y avoir accompagné.
- Tout le plaisir était pour moi. Tu veux que je vienne avec toi ? Tu n'as pas l'air d'être prête à entrer là-dedans. »
Il me pointa le bâtiment grisâtre, d'un coup de tête.
Je me mordis la lèvre, perplexe. Il était désormais temps que j'affronte seule mes responsabilités. Il y était bien arrivé, lui. Pourquoi pas moi ?
Bien que sa présence ne me déplaise pas, mais...
-« Merci Tom. Je vais y arriver. J'en ai vu d'autre. De toute façon, je ne compte pas trop me faire charcuter haha ! »
Il me répondit d'un rire symétrique, mais peu convaincant. Tant pis, je ne cherchais plus à avoir son approbation. Et s'il me trouvait ridicule, l'heure était justement venue de lui montrer de quoi j'étais capable.
Il me tendit sa main vierge, que je regardais une fraction de seconde, avant de la saisir et de la serrer énergiquement. Sans rancune.
-« A une prochaine fois. »
C'était certain. Nos chemins allaient se recroiser. Comme d'habitude.
Je n'attendis pas qu'il rentre à nouveau dans sa voiture pour faire irruption dans le bâtiment. Et lorsque j'eus passé la porte automatique, j'avalais ma salive. Je ne pouvais plus faire demi-tour dorénavant.
Pour Nina. Je ne devais jamais oublier que c'était pour elle que je faisais tout ça. L'unique perle de ma vie.
C'était donc en me répétant en boucle son prénom dans ma tête que je marchais, tel un automate, vers le fond des urgences, à la recherche d'une infirmière disponible, en essayant de laisser vagabonder mon esprit ailleurs, mais en gardant à l'esprit mon objectif premier.
Pour une fois.
* * *
Merde. Qu'est-ce que je faisais là déjà ? Quelle beigne !
J'avais attendu quinze minutes qu'une infirmière veuille bien prendre quelques minutes de son temps pour lui faire part de ma requête et ensuite me faire enfoncer une aiguille dans le bras, tant les urgences grouillaient de monde. Entre les gosses qui hurlaient et les malades qui geignaient, je risquais d'avoir la migraine à mon rendez-vous et avoir du mal à me justifier à ce sujet, par la même occasion.
Car oui, je continuais de garder un œil implicite sur l'horloge. J'étais encore dans les temps. Je n'aurais juste pas le temps de me changer. Du moins, simplement pour l'instant.
-« Vous êtes prête mademoiselle ?
- Euh oui... »
Alors que j'étais assise au bord de l'un des multiples lits encombrés des urgences, attendant patiemment de pisser le sang, je vis l'infirmière revenir avec une multitude de tube, tous plus grands que les autres.
Je déglutis. Je n'aurais jamais assez de sang pour tous les remplir, c'était certain.
-« Donc vous venez pour un dépistage ?
- Hum, pas tout à fait. Je cherche à voir si je suis compatible pour un don d'organe.
- Oh, quel geste altruiste ! Quelqu'un de la famille ?
- Oui, ma petite sœur. Peut-être est-elle enregistrée dans vos bases de données ? Elle est suivie régulièrement à l'hôpital, mais je ne sais pas lequel.
- Possible... Vous avez un nom, que je vérifie ?
- Nina Ribeiro-Heckwood. Elle est sous la tutelle d'un certain Paul. »
Je vis l'infirmière froncer les sourcils à l'entente de la situation compliquée dans laquelle se trouvait notre famille. Il fallait dire que le fait que je sois un peu hésitante dans la démarche et que je ne sache pas où Nina recevait des soins, pouvait paraître bizarre pour une sœur donneuse d'organe. Déjà qu'elle semblait pressée, je ne voulais pas qu'elle s'offusque et qu'elle ne devienne antipathique pour si peu.
-« Je vais me renseigner auprès d'un médecin, je reviens. »
J'acquiesçai et elle laissa les tubes ainsi que la seringue à ma vue, me glaçant d'effroi. Je n'avais pas fait d'analyse de sang depuis belle lurette. Je ne me souvenais pas que les aiguilles fussent si terrifiantes et si imposantes.
-« Alors comme ça tu veux donner un de tes organes à Nina. Hum, je comprends mieux. »
Je sursautais, étouffant un cri. Un blond apparut à l'embrasure du rideau – pourtant tiré et me regardait à présent bienveillant, quoique légèrement inquiet.
Visiblement, il y avait encore plus terrifiant et repoussant qu'une seringue.
-« Tom... Mais qu'est-ce que tu fabriques encore, tu te prends pour qui à me suivre comme ça ! Laisse-moi tranquille, ce ne sont pas tes affaires !
- Quel organe ?
- Laisse-moi tranquille je t'ai dit !
- Quel organe, bordel !
- Un rein ! Maintenant laisse-moi tranquille et disparais avant que je vienne t'étrangler ! »
Il décocha un petit sourire perspicace, avant de s'asseoir à côté de moi, sur le lit – non pas du tout dans l'idée de partir d'ici et de me regarder, toujours aussi rassurant. Tandis que moi, je le fixais, interloquée.
Il avait quoi à sourire comme un idiot ? Il n'y avait absolument rien de lénifiant ! Pour qui se prenait-il à la fin ? Il se croyait tout permis parce qu'on avait un traumatisme commun et qu'il essayait aujourd'hui de réparer les pots cassés ? C'était un peu tard pour ça.
Il pensait qu'il avait le droit de débarquer partout, maintenant qu'il était revenu. Certes, j'avais passé de la pommade sur beaucoup de chose. Mais on s'était bien mis d'accord sur la délimitation des limites de notre vie privée.
Et j'avais la certitude que ce détail en faisait partie.
-« Qu'est-ce que tu veux ?
- Te soutenir. Je ne plaisante pas sur ce genre de chose. Il n'y a que toi qui sache ce que j'ai vraiment enduré. Alors, je me dois d'être là pour te rendre la pareille.
- Je n'ai plus besoin de toi maintenant.
- Ah vraiment ? »
Il me désigna l'infirmière qui revenait. Et dès que je la vis, je me mis instantanément à trembler. Sous les railleries de Tom.
J'avais presque oublié à quel point les piqûres et les mauvaises nouvelles m'effrayaient. Toujours. A tel point que je n'avais même plus la force d'envoyer paître Tom.
Elle dévisagea le blond assis à côté de moi, consternée. Qui lui, ne se gêna pas pour lui adresser son plus beau sourire, comme si tout était parfaitement normal. Sous contrôle.
Bien évidemment, quand il était là, tout allait pour le mieux...
-« Je ne me souvenais pas vous avoir vu à l'instant.
- Je garais la voiture. Je suis le copain de mademoiselle. Je pense qu'elle a besoin de soutien. Je peux rester ? »
Je me mis soudainement à m'étouffer avec ma salive, à moitié assommée. A moins que je sois morte de rire intérieurement ?
Tom ne finirait jamais de me mettre dans des situations biscornues, dans le simple et unique but de satisfaire son égo et son image.
Heureusement, il ne l'avait jamais fait dans le but de me nuire. Même encore aujourd'hui, après tout ce qu'il y avait eu entre nous.
Pourtant, je ne disais rien. Je le laissais étrangement faire ses magouilles, comme si ce faux rôle me transcendait. C'était parfois drôle de mentir, de jouer la comédie comme si la vie était une grande pièce de théâtre, dont nous seuls étions les détenteurs du scénario.
L'infirmière fronça les sourcils en voyant la situation dans laquelle je me trouvais, devant surement sentir que nous nous payions sa tête. Mais pourtant, elle finit par hausser les épaules, soudainement indifférente. Un métier qui demandait beaucoup de patience.
-« Peu importe. Je me suis renseigné auprès d'un médecin. Votre sœur n'est pas répertoriée dans nos bases de données. Elle est dans un autre hôpital, sous la garde d'un autre confrère. Nous transmettrons donc les résultats dans l'hôpital concerné. Mais avant, puis-je voir votre carte d'identité, je vous prie ?
- Oui, bien sûr. Hum, Tom... Tu peux me passer mon sac s'il te plaît ? »
Tom continuait de diffuser un sourire mielleux à l'ensemble du public. Je ne savais pas s'il faisait ça sous le coup de la frustration, parce que je ne lui avais rien confié sur l'état de ma sœur, ou parce qu'il aimait bien se payer la tête de tout le monde, tout simplement.
-« Bien sûr, aucun problème ! »
Je levais les yeux au ciel, agacée, tandis que l'infirmière regardait ce spectacle légèrement amusée. Et tandis qu'elle préparait la seringue et qu'elle me désinfectait le bras, son regard dévia sur le poing de Tom, violacé, qui me tendait mon sac. Il fallait dire que cette couleur peu commune faisait bien tâche sur sa peau et ne passait pas inaperçue. Surtout à la lumière.
Elle fronça les sourcils.
-« Vous avez de vilains hématomes sur la main monsieur. Vous devriez vous faire examiner... »
Tom releva la tête, soudainement moins jovial que tout à l'heure, alors que je tendais ma carte d'identité à l'infirmière. Il la fixa avec une certaine aversion, avant de répondre calmement :
-« Merci, ça ira. Je peux m'en occuper seul. »
L'infirmière, légèrement déstabilisée, regarda d'un air distrait ma carte d'identité avant de me la rendre, plutôt satisfaite. Puis elle reporta temporairement son attention sur le poing de Tom, qui le cacha derrière son dos, agacé des regards tacites qu'on lui portait.
Son premier réflexe fut alors de se tourner vers moi, comme s'il cherchait un quelconque soutien de ma part. Mais il avait temporairement oublié que je lui avais quémandé la même chose durant notre voyage en voiture, tout à l'heure.
Alors, lorsqu'il vit mon regard insistant et incrédule, il se tût. Je vis même qu'il commençait à regretter d'être venu, de s'être mêlé de ce qu'il ne le regardait pas. Parce qu'au fond, il avait horreur de devoir des explications aux autres.
Oui, peut-être que finalement, il n'était pas aussi expansif que ça.
* * *
[Tom est le narrateur dans cette partie.]
*Quelques heures plus tôt*
Je descendis de ma voiture, enthousiaste. Cela devait faire une semaine que je n'avais pas vu ma mère, après l'incident de la semaine dernière.
Je m'étais fait un sang d'encre pour elle. J'avais insisté pour venir la voir, mais elle m'en avait empêché, me promettant qu'elle me recontacterait pour me voir. Le ton était orageux à l'appartement et elle voulait, pour une fois, régler ses problèmes elle-même.
Ce qui était bien avec ma mère, c'est qu'elle tenait toujours ses promesses. Elle m'avait finalement recontacté hier soir, pour que je vienne à la maison, m'assurant que mon père était en déplacement pour la journée.
J'étais impatient, mais inquiet. Inquiet de la retrouver dans un état moral déplorable, lorsque je la verrai. Peur qu'elle ait voulu me tenir loin d'ici, parce que ce n'était pas quelque chose de supportable pour un enfant.
Un enfant qui avait grandi et qui était désormais capable de prendre soin de sa mère, comme elle l'avait fait pour lui, durant ces cinq dernières années.
Je me retrouvais rapidement devant la porte de l'appartement. Je toquais à la porte. Mais personne ne me répondit.
Heureusement, ma mère m'avait donné le double des clés. Mais ça ne m'empêcha pas de trouver cela étrange qu'elle ne soit pas là pour m'accueillir.
La clé dans la serrure, je pénétrais à l'intérieur de l'habitacle, trouvant effectivement l'appartement vide.
Je fronçais les sourcils, et commençais à poser mes affaires sur la table du salon. Lorsque j'aperçus un papier trôner sur le bord. Intrigué, je le saisis et commençai la lecture.
- Erica,
Ma chère Erica... J'ai un peu honte, pardonne-moi. Oh, que c'est cruel de te demander de me pardonner, alors que je te blâme depuis trop longtemps.
Tu l'as remarqué, on ne s'entend plus très bien. Je crois même que je ne t'aime plus beaucoup. Disons que je ne te déteste pas, mais...
Un bruit de claquement retentit dans une des pièces à côté, me sortant de ma torpeur. Je pris ça pour un courant d'air, dans une chambre voisine. Une simple fenêtre laissée ouverte.
C'est ce dont j'essayais de me convaincre de tout cœur, pour pouvoir continuer à lire la lettre de mon père.
... mais on ne s'aime plus. Ni toi, ni moi. On se ment depuis des années. On se fait du mal, dans l'unique but de préserver notre perle commune : Tom. Mais ne pouvons-nous pas le préserver chacun de notre côté ? Je suis certain que tout serait plus facile, moins douloureux. Surtout pour toi. Ces crises de larmes, ces mots déchirants que tu as eu à mon encontre, cette dernière semaine m'a fait prendre conscience que je devais arrêter ce petit jeu de sadisme.
Tu as été ma meilleure amie, ma femme, la mère de mon fils durant toutes ces années et tu as surement été l'amour de ma vie. Mais je pense que pour garder un tel souvenir de toi, je dois partir. Nous devons nous séparer.
Je sentis les larmes perler à mes yeux. J'enfonçai mes ongles dans le papier, en tremblant. La rage commençait à me submerger et si je continuais de lire ce torchon, je risquais vraiment de me mettre à frapper la première chose que je trouverai sous la main.
Pourvu que ce soit mon père.
Et pourtant... Je continuai de lire ce torchon.
C'est pour notre bien, Erica. Pour ton bien, surtout. Cela fait longtemps que ce genre de chose ne m'affecte plus. Que je suis devenu insensible. J'ai simplement pris conscience que ça t'affectait toi. Et que je n'étais pas ce genre de monstre.
Et je suis tellement navré de te le dire de la sorte... J'aurais aimé te le dire en face à face, mais je n'avais pas la force d'endurer une autre dispute, une autre crise.
C'est lâche, je sais. Au moins, tu me détesteras pour ça, tu passeras plus rapidement à autre chose. Tu le mérites Erica. Tu n'es pas une mauvaise personne. C'est nous. Nous ne sommes simplement plus compatibles.
En ce qui concerne Tom, ses choix, son avenir... Sache que je continuerai de me sentir concerné. Nous pourrons continuer de prendre des décisions communes à son sujet, si nécessaire. Je sais qu'il se débrouille bien à New-York et j'aimerais ne pas l'alarmer immédiatement. Ne le tiens pas au jus, s'il te plaît. Pas tout de suite. J'aimerais le faire moi-même si c'est possible...
-« Tom ? C'est toi ?! Mais qu'est-ce que... »
Je pleurais. C'était définitif. Alors, je me retournais lentement vers mon père, les joues humides et un affreux rictus sur le visage. Surement le pire que je n'avais jamais eu.
Lorsque mon père vit que j'avais sa lettre dans les mains, il devint livide à côté de son énorme valise.
Une fenêtre ouverte. A moins que ce soit le bruit d'une porte de placard ?
-« Cela ne sert à rien de lui faire peur, Erica. J'espère que tu comprends. En tout cas, sache que mon départ est surement la meilleure chose qui pouvait t'arriver. Encore une fois, excuse ma lâcheté. Après tout ce que l'on a vécu toi et moi, puis avec Tom, je sais que ce n'est vraiment pas bien. Mais je n'avais pas le choix. C'est tout ce que je te demande. De m'excuser pour ça. Merci pour toutes ces années, Erica. Prends soin de toi. On se reverra, un de ces quatre. Tyler. »
J'avais lu la fin de la lettre à mon père, qui devait surement connaître ses mots par cœur. Sur un ton affreusement froid, entrecoupé par des larmes qui ne voulaient pas s'arrêter de couler. J'avais pris soin de bien écorcher chaque mot. Son prénom.
Quel était le plus dur ? De savoir que mon père se barrait définitivement ou la manière dont je l'avais appris ?
Mon père était plus blanc que jamais, à tel point que je me demandais s'il n'allait pas recracher son repas sur le sol de l'appartement, très prochainement.
J'essuyais mes larmes d'un revers de manche, essayant désormais de faire bonne figure. Je ne voulais pas qu'il croit que sa lettre m'avait ému. Bien au contraire. Il ne méritait pas une seule de mes émotions.
-« Bonjour papa. Ou plutôt, devrais-je dire... adieux ?
- Je ne t'ai même pas entendu rentrer. A vrai dire, je te pensais à New-York.
- Pas faux. Mais j'ai décidé de prendre quelques vacances. Au début, je pensais le faire à Seattle, mais finalement j'ai appris que vous étiez revenus ici, à Watts. Bonne occasion de repasser en Californie, les palmiers me manquaient.
- Tu as été refusé, c'est ça.
- Perspicace. C'est bien, il te reste encore quelques neurones. On ne penserait pas que c'est le même homme qui vient d'écrire cette merde.
- Un minimum de respect s'il te plaît. Je veux bien que tu sois en colère, mais je t'interdis de me parler sur ce ton, je ne me souviens pas t'avoir élevé comme ça.
- A ce que je sache, tu ne m'as pas trop élevé ces cinq dernières années. J'ai le souvenir d'un père assez absent... Ouais, je n'ai pas de souvenirs en fait !
- Ca suffit Tom, j'ai été patient, mais là tu m'insupporte ! Cette histoire ne te regarde absolument pas et tu n'as absolument rien à faire ici. Retourne à New-York, je t'avais formellement interdit de remettre les pieds à Los Angeles, tu sais très bien que ce n'est pas un endroit pour toi. Je n'ai pas dépensé une blinde pour espérer te revoir un jour dans les parages ! »
Mon père commençait à s'égosiller, à perdre patience. A devenir impulsif. Le souvenir de l'homme doux et à l'écoute qui m'avait bercé dans une ambiance aimante et familiale explosa dans mon esprit. En millions de petit confetti.
Il y avait bien longtemps que cette image était passée au second plan.
Je me mis à ricaner. J'étais transporté par une rage infinie. Peu importe s'il s'agissait de mon père ou non, j'étais désormais incapable de faire une distinction. Peut-être depuis un certain temps d'ailleurs.
J'avançais vers lui, impassible. Je lisais tout de même de la peur dans ses yeux. Il était encore surpris de me voir là. Ses seuls espoirs de me savoir heureux loin d'ici, venaient de tomber en friche. Il ne partirait pas le cœur léger comme ça. J'étais content de le faire un peu culpabiliser. De le tourner face à la conséquence de ses actes. Et d'enfin lui cracher ma rancune au visage.
-« Cette histoire ne me regarde pas... A preuve du contraire, je fais encore parti de la famille, comme tu le soulève si bien dans ta lettre. Je ne suis pas un trophée qu'on se partage. D'ailleurs, tu n'as aucun choix à faire sur ma vie. Si j'ai envie de t'insulter de fils de pute, je le fais. C'est pas tous les jours qu'on voit ses parents divorcer, j'aimerais ne pas rater l'occasion de te sortir ce que je rêve de te dire depuis quelques temps, après tout ce que maman me raconte. A quel point tu la fais souffrir.
- Arrête, Tom, j'en ai ma claque. Je n'ai pas à me justifier auprès de toi, surtout par rapport à des propos que tu as uniquement recueillis auprès de ta mère !
- Oh ! Tu joues la victime maintenant ? Pathétique. »
Alors que mon père restait sonné par mes remarques incessantes, je m'empressai de rajouter :
-« Ah et... Si j'ai envie de revenir à Los Angeles, je le fais. Tu serais très heureux d'apprendre que j'ai revu Kerrie, d'ailleurs. Ça te fait quoi de voir que t'as plus aucune autorité sur moi depuis un bail ? Que t'es quasiment plus rien pour moi ? Maintenant, je comprends mieux pourquoi Kerrie a toujours refusé d'appeler sa mère, maman. Je commence à comprendre. »
Je n'eus pas le temps de rajouter une phrase de plus, que mon père me foutu une énorme claque sonore, dont le bruit raisonna dans tout l'appartement. A moins que mes oreilles fussent sensibles à l'onde de choc ?
La joue encore endolorie, je regardais mon père trembler de rage à son tour. Visiblement, j'avais réveillé en lui la rancœur qu'il essayait de camoufler depuis toutes ces années.
Il avait essayé de s'éloigner pour mieux nous rapprocher. Mais en réalité, il s'était détruit lui-même et il continuerait de se détruire avec les choix qu'il venait d'effectuer. Il avait échoué et il continuait d'échouer, parce qu'il avait pris les mauvaises décisions. Mais il était trop borné pour sortir de ce cercle vicieux.
-« Petit con, comment oses-tu après tout ce que j'ai fait pour toi ? J'ai tout fait pour que tu te sentes mieux après ton accident, que tu ne manques de rien. Que tu te rétablisses et que tu suives tes rêves, sans encombre, sans presque aucun obstacle. J'ai travaillé sans relâche pour que tu ne manques de rien, pour apprendre quoi par la suite ? Que tu as foiré tes examens, que tu es revenu ici dans le but de me narguer et m'insulter de fils de pute ? J'ai beau t'aimer beaucoup, je suis vraiment très déçu de toi. Tu me répugne.
- On a encore un point commun, c'est déjà pas mal ! Tu attendais quoi ? Que je me jette à tes pieds pour te remercier ? Je t'ai toujours dit que je ne voulais pas partir. J'ai toujours gardé la face pour essayer de me convaincre que c'était la meilleure chose à faire. Que tu le faisais pour mon bien. Mais en réalité, tu le faisais pour ton bien, à toi ! Ne t'étonnes de rien si je suis revenu à Los Angeles. Puisque nous savons très bien tous les deux, que ce n'était pas un accident...
- De toute façon, j'ai toujours su que tu avais une certaine faiblesse. Que quoique tu fasses, elle reprendrait toujours le dessus. J'ai beau avoir essayé de te tenir éloigné d'elle, tu t'es toujours jeté dans la gueule du loup. Encore aujourd'hui. Il te suffit de la revoir après cinq ans et tu baves à nouveau devant elle comme un chien galeux. Pauvre gosse, tu as vraiment cru que la vie c'était ça ?
- T'insinue quoi là ?
- Kerrie est et restera ta faiblesse. Malheureusement, tu devrais savoir qu'elle est destinée à finir comme sa mère. »
Mon poing s'abattit violemment sur son visage, le faisant tomber à la renverse. Je m'accroupis à côté de lui, le cœur fiévreux, tandis qu'il était encore sonné. Lorsqu'il me vit au-dessus de son visage, il serra les dents.
Mais je n'y faisais plus attention. J'avais l'impression d'être possédé. Possédé par ma faiblesse.
-« Kerrie m'a dit qu'elle t'avait vu, il y a quelques semaines. Est-ce vrai ?
- Peu importe.
- Réponds-moi si tu ne veux pas t'en manger une autre.
- Oui. Je l'ai vue, en effet.
- T'a-t-elle un jour parlé de mes motivations à devenir médecin ?
- Non. Je me fiche pas mal de ce qu'elle pense.
- Dommage. Tu saurais que dans quelques secondes, tu aurais besoin de plusieurs poches de glace pour atténuer l'œil au beurre noir que tu as actuellement.
- Je ne te reconnais plus, Tom.
- Moi non plus, papa. Mais pourtant... J'ai quand même envie de te dire pourquoi j'ai envie de devenir médecin. Histoire que tu arrêtes de te jeter des fleurs. »
Je le forçais à me regarder. Lorsque je vis ses yeux noirs de colère, j'avais l'impression de me retrouver, face à moi. Les gens disaient souvent que mon père et moi, on se ressemblait physiquement. Mais pour la première fois, on confrontait nos colères. Qui semblaient toutes les deux être les mêmes. Une certaine dose d'incompréhension, mélangée à de la rancune et de la tristesse.
Au final, j'avais plus en commun avec lui que je le pensais.
-« J'ai choisi de faire ce métier pour la raison dont laquelle tu m'as tenu éloigné durant toutes ces années. Je veux être médecin pour aider Kerrie ou les gens comme elle. Ceux qui sont victimes de sévices qu'ils ne méritent pas. Qui se font violenter, abuser. J'aime le contact avec autrui, apprendre à connaître les troubles des autres, connaître leur histoire et leur trouver une solution adéquate. J'ai toujours aimé le contact de Kerrie, ses troubles, sa vie. Elle. Et en m'éloignant, tu m'as redonné la niaque. Tu m'as permis de me recentrer sur mes objectifs, de me rappeler pourquoi je voulais l'aider. Tu as raison, Kerrie est ma faiblesse. Mais elle a aussi été mon moteur, mon essence.
- Pour qu'au final, tu finisses par rater tes examens. Essence ou faiblesse ? Arrête moi tes salades, Tom. Et trouve toi de véritable motivations, pour une fois. Arrête de tourner ta vie autour de cette fille. Vous n'êtes pas du même monde et elle ne t'a causé que du tort depuis que vous grandissez ensemble. Tu n'en a pas marre de vivre comme si tu t'empoisonnais tous les jours ? Il serait temps que tu te ressaisisse, que tu fasses quelque chose de ta vie, au lieu d'aimer ton ingrate de meilleure amie, comme si c'était la meilleure chose qui te sois arrivé. Je trouve ça bien triste d'ailleurs. Dépendre d'une pute. Je ne t'ai pas élevé comme ça. »
Mon poing rencontra à nouveau son visage. Mais pas une fois. Encore et encore. Continuellement. Pour toutes les accusations qu'il venait de cracher.
Je repensais à la fois où j'avais revu Kerrie, à l'hôtel, il y a un mois de cela. La fois où j'avais laissé sous-entendre qu'elle ressemblait à une traînée, sous le coup de la jalousie. La fois où elle m'avait reproché d'être comme mon père.
Je ne voulais pas être comme lui. Parce que je ne l'étais pas. J'étais encore capable d'avoir des remords. J'étais encore capable de ressentir quelque chose et de ne pas laisser de lettre faussement compatissante à la fille que j'avais aimé pendant des années.
J'étais parti comme un voleur. Sans rien dire à cette fille. Sans lettre, sans rien. Je lui avais volé son amour. Une partie de sa vie, d'elle-même.
Mais ce qui me rendait différent de mon père, c'était le fait que je fusse capable d'avoir des remords. Je trouvais que c'était un bon début. Une grosse différence.
Je ne pouvais plus m'arrêter de frapper. J'étais absorbé par ma rage. Je ne sentais même plus ma main s'abattre sur la peau de mon père. Je n'entendais plus rien autour de moi. Même pas mes propres hurlements, mes insultes, les cris de mon père, qui essayait vainement de se défendre.
Je n'entendis même pas ma mère rentrer, hurler et me séparer de mon père, le visage salement amoché. Et lorsque je repris mes esprits, que je respirais abondamment l'air en voyant les paquets de fruits et légumes écrasés au sol, laissant tomber quelques fruits attirants, je sus que je venais de tout perdre.
Que ma jolie famille, refuge de paix, harmonieuse, venait subitement de voler en éclat.
Parce que mon père s'était redressé, tremblant. Il se tenait à côté de ma mère, le visage en sang. Tous les deux me regardaient avec une certaine aversion. Ils semblaient avoir subitement oublié leurs différends.
Moi, j'étais à genoux en face d'eux, exténué. Tel un petit garçon qui avait fait une grosse bêtise et qui méritait une bonne punition, de la part de ses deux parents réunis.
Tu voulais être concerné par mon avenir, papa ? Je t'en donnais désormais l'opportunité.
-------------------------------
Hey ! Nouveau chapitre centré sur Tom, principalement. Qu'en pensez-vous ?
- Le moment dans la voiture ?
- L'hôpital ?
- La confrontation père/fils ?
En média, mon sugar daddy, Colin Firth. :-))))
A bientôt pour un nouveau chapitre ! N'hésitez pas à commenter et à voter.
#C.
{Musique en média : Daddy - Tom Odell}
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top