XXII
L.A, juin 2000.
-« Et donc il est parti ? »
J'hochais la tête, peu sûre de moi. Maintenant qu'il était revenu, j'avais du mal à me dire qu'il était vraiment parti, il y a cinq ans de cela. Mais la boule constante que j'avais au ventre était là pour me rappeler que son départ avait laissé des cicatrices en moi. Et que son retour et notre discussion n'avait pas vraiment changé quelque chose à ça.
-« Oui. Ils l'ont laissé sortir quelques jours après cette discussion. Le temps qu'il se remette.
- Et il t'a prévenu qu'il partait ? »
Je ne répondis pas immédiatement, et finis par secouer la tête.
Il était parti sans me le dire. Jamais nous n'avions discuté de son départ, tous les deux, quand je venais le voir après son réveil. Du fait qu'il comptait quitter tout ce qu'il avait construit, dans sa vie. Et supprimer une partie de la mienne.
-« Pourtant, tu semblais au courant de ses plans. »
Je tournais lentement ma tête vers Henry, l'air stoïque. Pour la première fois, quelqu'un s'était rendu compte que j'en savais trop, et que ce n'était pas normal. Même Tom ne l'avait jamais compris, et dans un sens, tant mieux. Je n'osais pas imaginer sa réaction s'il l'avait appris. Surtout de la manière dont tout cela avait été orchestré.
-« Tu savais qu'il allait partir, sans même qu'il t'en parle. Tu te souviens de la scène comme si tu y étais.
- Parce que, ce jour-là, j'étais derrière la porte. J'étais là. J'étais venue, mais il ne le savait pas ! »
Je m'étais emporté sur les derniers mots. C'était la première fois que je me confessais sur mes ressentis lors de cette journée. Je n'en avais jamais parlé à personne, parce que personne ne se doutait que j'étais là, et que j'avais absorbé toutes leurs paroles comme la pire des trahisons. Que j'avais fait bonne figure les jours suivants, attendant patiemment au fond de moi qu'un des membres de la famille daigne me prévenir en personne de ce départ précipité, jusqu'à ce qu'il ait lieu.
Henry hocha la tête, et me fit signe de développer mes pensées. Je m'exécutai sans trop de difficulté, maintenant que j'étais lancée :
-« Je venais le voir à l'hôpital tous les jours ou tous les deux jours. Avant et après son réveil. J'essayai de choisir des horaires où je savais que je serais seule avec lui. Depuis que ses parents m'avaient pris en grippe à cause de ma mère, je voulais éviter de les croiser. Ce n'était pas de ma faute, mais leur regard et leur attitude glaciale me forçait à porter le lourd poids de la culpabilité. Et quelque part, je les laissais faire, c'était une manière d'évacuer leur inquiétude. Et comme ma mère n'était pas là, il fallait trouver celle qui s'en rapprochait le plus. »
J'avalais ma salive difficilement, une boule dans la gorge, en me rappelant leurs regards déçus et inquisiteurs. Ils avaient toujours été comme une seconde famille pour moi. Et j'avais été attristée de voir qu'ils m'avaient presque mis dans le même panier que ma mère.
Pour la première fois, ils m'avaient associée à elle. A son sang. A tout ce que je ne voulais pas ressembler. Et je pense que c'était là que j'avais développé la peur de ressembler à ma mère, quand j'ai été plus grande. Avant, je ne m'étais jamais vraiment posé la question, sachant que ça me semblait normal que ma mère et moi soyons deux personnes distinctes. Mais quand j'ai pris conscience qu'il était possible que les autres puissent penser que j'étais capable d'être comme elle, j'ai commencé à prendre peur et à œuvrer pour que plus jamais on ne puisse penser que ma mère et moi avions autre chose que la génétique en commun.
Henry m'écoutait alors de manière attentive et me demandait de continuer sans cesse.
-« Ce jour-là, j'étais arrivée plus tard, parce que j'avais eu des problèmes à gérer avec le procès de ma mère, que ses parents lui avaient intenté. J'ai dû témoigner et m'occuper de mes frères et sœurs, jusqu'à ce que je trouve une amie pour les garder le temps d'une heure ou deux, pour aller voir Tom. »
Je respirais avidement, avant d'enchaîner calmement :
-« Quand je suis arrivée, je n'étais pas au courant qu'il était réveillé. A vrai dire, plus personne n'y croyait, mais ça a été un choc de le voir là, les yeux ouverts et vifs, avec des couleurs sur le visage, souriant et entouré de sa famille, à travers la baie vitrée. Mais ça a aussi été un choc de constater que personne n'a pris la peine de me prévenir de son réveil. Qu'on voulait me tenir écartée des réjouissances. Certes, je ne savais pas depuis combien de temps il était réveillé, mais c'était la moindre des choses. Parce que je savais qu'il attendait ma venue, autant que j'attendais son réveil.
- Mais tu n'es pas rentrée dans cette chambre.
- Non. Peut-être aurais-je dû ? C'est ce que je n'ai cessé de me répéter. Peut-être que les choses auraient été différentes si j'étais rentrée dans cette chambre pour me défendre de ce que j'entendais sur moi et dire ce que je pensais de leur départ précipité.
- Tu penses que ça aurait changé quelque chose ?
- Toutes les décisions que nous prenons ont forcément leur impact. Je ne sais pas si ses parents auraient tenu compte de mon avis, mais je sais que ça aurait changé la vision de notre relation, à Tom et moi, tant il a été influencé par le verdict de ses parents. Nous ne nous serions pas autant éloignés. Peut-être aurions-nous même réussi à garder contact ?
- Alors pourquoi as-tu été freinée ?
- Tu as déjà perdu complètement confiance en toi, Henry ? »
Il me regarda avec des yeux attendris, avant de m'adresser un sourire triste :
-« Je pense qu'on a tous nos périodes de doutes. Mais j'ai toujours réussi à garder une estime correcte de moi.
- Alors, je ne te souhaite jamais de le connaître. Il n'y a rien de pire que de se sentir misérable et seul. De douter d'absolument tout.
- Oh je ne m'en fais pas pour moi. Mais ai-je besoin de m'en faire pour toi ? »
Il agrippa soudainement ma main gauche, et caressa doucement le dessus de ma main en m'adressant un sourire réconfortant. Je le laissai faire, sentant une chaleur agréable se diffuser dans tout mon corps.
-« Il n'y a rien de pire que d'être brisée par les gens qu'on aime, Kerrie. Et je sais qu'avec la vie que tu mènes, ta confiance en toi doit être au plus bas. Pourtant, tu es la fille la plus courageuse que je n'ai jamais connue. Et c'est ça qui te donne le droit d'être aidée et d'être réparée.
- Je te fais confiance... Mais je ne crois que ce que je vois, désormais.
- Non, tu ne me fais pas encore assez confiance.
- Si, je t'assure.
- Kerrie, je t'ai jugée trop vite. Tu n'es pas distante avec moi parce que tu es encore obsédée par Tom. Tu l'es parce qu'il a brisé tout ce que tu avais forgé. Et tout ce que tu as forgé, tu l'as forgé avec lui. Et il te l'a pris. Ainsi que ta confiance en toi et ta capacité de faire confiance. »
Les larmes me vinrent aux yeux aussi lentement et calmement qu'il débitait ses paroles. Je savais que si je pleurais, c'est parce qu'il avait posé exactement le doigt sur la plaie. Et que les vraies douleurs avaient plus de difficulté à être racontées que celles qui nous semblaient délusoires.
Il continuait de me caresser la main, avant d'enchaîner :
-« Les gens ont le droit d'être brisé, ce n'est pas une faiblesse. Elle le devient quand cette faiblesse est mise entre les mains d'une mauvaise personne, qui en joue et qui l'exploite. Et entendre tout ce que tu as entendu ce jour-là ; de ces personnes qui ont grandi avec toi, qui t'ont permis de grandir, mais qui ont retourné leur veste et ne t'ont pas prévenu du réveil de Tom, qui t'ont tenu à l'écart et rendue responsable de la situation alors qu'ils sont censés savoir qui tu es, ne mérite pas que tu aies passé autant de temps à te morfondre et à douter de toi-même. Ils n'ont pas mérité un seul de tes doutes. »
Il approcha un doigt de mes yeux, et essuya les larmes qui y perlaient délicatement.
-« Si c'était moi qui t'avais dit tout ça aujourd'hui, plutôt que Tom, comment aurais-tu réagis ?
- Mal.
- Sois sincère Kerrie.
- Mal... mais peut-être moins qu'avec Tom.
- Pourquoi ? C'est une question de confiance ?
- Non. Une question de temps. Le temps a toujours été notre ami, à Tom et moi.
- Parce qu'on se connaît depuis peu de temps ?
- Sûrement.
- Donc c'est une question de confiance, quelque part.
- Peut-être, finalement. Il me faut du temps pour accorder ma confiance.
- C'est donc bien ce que je dis depuis le début. »
Je soupirai et détournai la tête, fébrilement. Mais Henry posa ses doigts sous mon menton et attira mon visage vers le sien, pour que je puisse le regarder dans les yeux.
-« Je ne t'en veux pas Kerrie, tu entends ? J'ai fini par comprendre que je ne pouvais pas être comme Tom l'a été avec toi. Que je ne pouvais pas rivaliser avec quatorze ans d'amitié, malgré ce qui s'est passé entre vous. Mais toi et moi, on peut construire quelque chose de tout aussi bien. De différent, mais de tout aussi bien. Quelque chose à nous.
- Oui c'est vrai, tu as raison.
- J'ai compris que ce serait difficile d'obtenir ta confiance après tout ce qui s'est passé dans ta vie. Et que la meilleure chose qui te soit arrivé t'a fait devenir la pire. Mais j'aime les défis, les challenges, et je suis prêt à tout faire pour obtenir ta confiance. Mais pour ça, je dois être certain que tu veux être avec moi et que tu es prête à me laisser essayer.
- C'est la seule chose dont je ne doute pas, je te l'ai déjà dit.
- Parfait. Dans ce cas, les choses sérieuses commencent maintenant ! »
Je lui souris, et il me rendit mon sourire avant de m'embrasser affectueusement sur le front.
Alors qu'il redémarrait le contact pour me ramener chez moi, je laissai échapper spontanément la phrase qui me brûlait les lèvres depuis le début.
-« Merci pour tout, Henry. »
Le moteur vrombit à ce moment-là, si bien que je n'étais pas sûre qu'il ait entendu, tant je l'avais dit si faiblement. Pourtant, il tourna sa tête vers moi et m'adressa son sourire le plus chaleureux.
-« C'est normal Kerrie. »
Il mit les mains sur son volant, et appuya sur l'accélérateur, faisant vrombir le moteur un peu plus fort. Et alors que la voiture s'embarqua à nouveau sur la route, je rajoutai, tout aussi spontanément :
-« Tu sais, tout ce que je t'ai dit là, je n'en avais parlé à personne. Parce que personne n'avait compris que ce soir-là, j'étais derrière la porte. Que j'avais été brisée. Personne n'a deviné par rapport à ma manière de raconter que j'avais assisté à la scène. Même pas Tom. »
Il ne répondit pas immédiatement, à nouveau sérieux et concentré sur sa route. J'avais fini par comprendre que lorsqu'il roulait, il prenait son air réfléchi, non pas parce qu'il était énervé, mais parce qu'il voulait rester vigilant.
Pourtant, un magnifique sourire vint poindre sur son visage, l'air satisfait, entorse à sa conduite habituelle.
-« Eh bien... Je trouve que niveau confiance, on a fait un grand pas en avant. Qu'est-ce que tu en penses ? »
Et lorsque je réalisai que j'avais réussi à lui confier la part la plus sombre de moi-même, le fond de mes problèmes avant tout les autres ; mon estime de moi qui m'empêchait de résoudre tout le reste, je me sentis soudainement libérée d'un ultime poids. Entre hier et aujourd'hui, j'avais réussi à refermer mes deux plus grandes plaies.
Alors, je lui adressai également mon plus grand sourire, avant de répondre :
-« J'en pense que c'est extrêmement bien parti ! »
Il parut satisfait et se reconcentra sur sa route, tandis que nous roulions dans un soulagement général.
* * *
Une semaine a passé. Bien trop vite à mon goût. Et pas uniquement parce que je me sentais à l'aise dans ma vie, mais plutôt parce que c'était bientôt le temps des partiels.
Pour la première fois depuis cinq ans, j'avais négligé mes amis les cahiers pour passer du temps avec Henry, et à l'échoppe avec Edwige. Et je ne m'étais pas rendue compte que l'heure de réviser de fond en comble était venue, et qu'il était l'heure de s'y pencher assez urgemment.
D'ailleurs, en parlant d'Edwige, depuis sa soirée, elle avait changé de comportement avec moi. Non pas qu'elle était moins conviviale, mais j'avais l'impression que ma conduite avec Tom lors de son anniversaire l'avait fait réfléchir et changer de tactique. Elle semblait plus amusée, voir plus ironique à son propos et en ma présence, en ne manquant pas d'y faire allusion dans beaucoup de ses conversations avec moi ou les autres, lorsque j'étais dans les parages. Comme si elle se doutait qu'il s'était passé quelque chose entre nous, et qu'elle cherchait à me mettre mal-à-l'aise plutôt que de m'en vouloir.
Je savais qu'elle tenait à Tom, mais j'étais incapable d'en placer une pour la contredire. A vrai dire, son plan avait marché, elle avait réussi à me mettre mal-à-l'aise et à me faire perdre mes moyens. Parce qu'elle arrivait à jouer son rôle à la perfection pour me faire sentir coupable, alors que je n'avais rien fait.
A moins que le simple fait que je me sois trouvée avec lui, l'ai dérangée ? Ou qu'elle aussi ait été mise au courant de certaines rumeurs, nous concernant Tom et moi ?
C'était le seul point noir de ma vie, actuellement.
Bien sûr, je n'essayais pas de trouver des solutions pour me faire pardonner d'une chose que je n'avais pas faite, mais plutôt pour esquiver les piques presque quotidiennes d'Edwige à ce sujet. Et c'était assez difficile, je devais l'avouer. Elle avait l'art de nous faire culpabiliser jusqu'à ce qu'on finisse par avouer. Mais comment avouer quelque chose que je n'avais pas fait ? Je me demandais comment le lui faire comprendre.
D'ailleurs, je n'avais pas revu Tom depuis la soirée. M'est avis qu'elle avait mis les choses au clair avec lui, et qu'elle lui avait demandé gentiment de m'éviter pendant un certain temps. Après tout, c'était du Edwige tout craché.
Pourtant, ça m'était égal. Ma relation avec Henry était géniale, et elle m'empêchait de me prendre la tête sur les problèmes de cœur d'Edwige. Quant à Tom, même si nos relations étaient cordiales, le fait qu'il se tienne loin de moi ne me faisait ni chaud ni froid.
Mais rapidement, j'allais avoir des problèmes bien plus importants à gérer que les crises intérieures d'Edwige Paige.
Alors que nous étions en train de faire la comptabilisation des bouquets non vendus cette semaine, Edwige et moi discutions tranquillement des examens de fin d'année. Nous allions fermer la boutique jusqu'à la fin du mois, pour nous concentrer sur nos révisions et nos épreuves. Et cette procédure venait de commencer il y a quelques minutes.
-« C'est la catastrophe, je ne suis pas du tout au point sur l'histoire du droit ! Comment je vais faire pour relire le vieux bouquin de cinq cent pages en moins de deux semaines ?
- Il paraît que sur internet, ils ont certaines informations intéressantes et rapides.
- Internet ? Ce truc nouveau et payant ? Non merci, je préfère investir mon argent dans quelque chose de vraiment utile. Autant réviser à la bibliothèque.
- Autant relire le vieux bouquin poussiéreux qui doit traîner sur ton bureau depuis le mois de septembre !
- Eh c'est toi la vieille ! Je suis sûre que tu l'as déjà lu au moins trois fois et que t'as une multitude de fiche à me faire partager !
- Qui te dit que j'ai fait des fiches ? Peut-être que je préfère profiter de la vie plutôt que de réviser pour ces stupides examens ?
- Aller Kerrie, arrête de jouer les désirées ! Toi et moi on est les deux meilleures élèves de la promo ! Je me doute bien que tu dois avoir des secrets pour réviser et réussir tes partiels ! Et si je veux garder ma place en haut, je vais avoir besoin de ton aide ! Tu veux bien qu'on révise ensemble jusqu'aux examens ? »
Edwige commença à me faire ses yeux de chiens battus, accompagnée de sa petite moue boudeuse et attachante qui me faisait mourir de rire.
Toujours hilare, je levai les yeux au ciel, ironique.
-« Pourquoi aiderai-je la grande Edwige Paige qui n'a besoin de personne et qui excelle dans absolument toutes les catégories ?
- Peut-être parce que tu me dois bien ça ? »
Et voilà, c'était reparti. Je me forçais désormais à rire, de manière gênée, mais j'étais à nouveau mal-à-l'aise pour une énième fois. Et il m'était impossible de la contrecarrer, au risque de me prendre une remarque encore plus virulente que je ne pourrais pas contrer.
Je soupirai lorsque j'aperçus le visage satisfait et sarcastique d'Edwige, m'adresser un sourire presque hypocrite. Parfois je me demandais si elle ne se servait pas de ma culpabilité pour arriver à ses fins, et non pas parce qu'elle m'en voulait vraiment. Mais comme j'étais un poil trop gentille, je la laissais faire en me répétant à moi-même qu'elle finirait par s'en lasser.
Les anciennes conversations avec mon amie me manquaient terriblement...
A contrecœur, je décidai d'accepter, bien que partager mes méthodes de révisions me faisaient grincer des dents. C'était la seule chose où j'excellais, et je ne voulais pas que l'on décide de me coincer sur ça, non plus. Surtout qu'Edwige n'avait pas besoin de moi à ce sujet habituellement, et qu'elle le faisait uniquement dans le but de m'énerver, ce qui me rendait encore plus réticente.
Mais c'était mon amie, et si céder à ses caprices m'aidait à la retrouver, alors je pouvais bien procéder à quelques concessions.
-« C'est d'accord Edwige. Mais juste la semaine, je veux mes week-ends de libre.
- Oui, c'est promis, tu seras libre de voir Henry ! »
Je levai les yeux au ciel, amusée mais quoique toujours un peu agacée, à l'entente du prénom de mon petit ami. Sacré Edwige, elle avait toujours le mot qui fallait pour me faire oublier ses lubies et me plonger dans mes rêveries.
Alors que nous continuions de parler - plus ou moins normalement, la porte de l'échoppe s'ouvrit à la volée, faisant tinter la petite cloche un peu trop bruyamment et nous entendîmes alors des pas pressés et paniqués faire irruption à l'intérieur de notre magasin.
Un coup d'œil vers l'entrée réussis à nous dévoiler le visage trépidé de Paul.
Oh non, pas lui... Il n'avait pas lu la pancarte "closed" à l'entrée ?
-« Il y a quelqu'un ? Je sais qu'il y a quelqu'un ! » cria-t-il
Toujours dans la réserve, Edwige et moi nous regardâmes, intriguées. Nous n'avions jamais vu un client aussi alarmé depuis que nous travaillions ici. Et je ne savais pas pourquoi il semblait aussi effrayé, sachant que cela faisait un petit moment que nous ne l'avions pas vu dans le coin.
Soudain Edwige parut horrifiée, et posa ses mains devant sa bouche, toute aussi tourmentée que lui, comme si elle se reprochait subitement quelque chose.
-« Merde ! J'ai complètement oublié !
- Quoi ? Qu'est-ce qui se passe ? »
Edwige tourna son visage vers moi, l'air absolument coupable. Elle tapota ses index, essayant de se donner un air innocent.
-« Je crois que Paul est venu pour toi...
- Hein pour moi ? Mais pourquoi !
- Ecoute je suis désolée, mais avant ma soirée, il est passé au magasin alors que tu étais déjà partie. Il m'a dit qu'il te cherchait et que c'était urgent. Je lui ai dit que tu n'étais pas là, et il m'a demandé de te faire passer le message dans les plus brefs délais. Sauf qu'avec la fête, Tom, tout ça quoi... ça m'est un peu passé au-dessus de la tête et j'ai complètement oublié de t'en parler...
- Heu... Il t'a dit ce qu'il me voulait ?
- Non. Il m'a juste dit que c'était urgent. Et vu son comportement aujourd'hui, je pense que ça a emp...
- Répondez s'il vous plaît ! Je vois que votre réserve est allumée ! Est-ce que Kerrie Heckwood est ici ? »
Il eut un silence de mort, qui s'ensuivit. On entendait juste les halètements de Paul à travers le magasin.
Je tournais la tête vers Edwige qui me pria d'un signe de tête d'aller le voir. Sauf que je n'en avais aucune envie. J'ignorais pourquoi Paul voulait me parler, mais visiblement ce n'était pas pour se plaindre du dernier bouquet qu'il avait acheté. Ça avait l'air d'être plus personnel et je n'avais aucune envie de m'engager dans une histoire personnelle avec lui.
Mais je savais que tant que je n'allais pas à sa rencontre, il ne partirait pas. Il savait qu'on était là. Je ne pouvais pas lui dire le contraire.
Je pris alors ma respiration, et sortis la tête de la réserve, peu rassurée.
-« Oui, que se passe-t-il ? Que puis-je faire pour vous ? »
Lorsqu'il me vit, le visage de Paul s'éclaira de soulagement. Ce qui ne me rassura pas, bien au contraire. La proximité qu'il cherchait à avoir avec moi était tout ce que je cherchais à éviter.
Pourtant, je m'avançai d'un pas mal assuré vers lui, tandis qu'il accouru à moi, comblant les derniers mètres qui nous séparaient.
-« Oh dieu soit loué ! Cela fait plusieurs jours que je cherche à vous voir ! Mais comme je suis occupé, j'ai très peu de temps pour me libérer.
- Sachez que si vous voulez discuter d'affaires, nous sommes fermés jusqu'à la fin du mois à cause de nos examens, a compté d'aujourd'hui. Donc je vous conseille de repasser dans le courant du mois de juillet. »
Le visage de Paul se décomposa face à ma remarque officielle, mais cinglante. Il secoua ses bajoues et remonta ses lunettes sur son nez, l'air un peu plus remonté.
-« Bon écoutez, mademoiselle Heckwood, je sais que vous ne m'aimez pas beaucoup et j'ignore pourquoi, sachant que je n'ai rien fait pour vous froisser. Mais là, on remettra nos différends à plus tard. Vous devez me suivre absolument, c'est urgent.
- Si vous pouviez m'expliquer ce qui se passe avant que je décide de suivre un parfait inconnu qui s'intéresse d'un peu trop près à moi...
- Pas ici. J'avais demandé à votre collègue de vous prévenir de l'urgence, mais visiblement ça lui est passé par-dessus la tête ! »
Paul fronça ses sourcils, énervé, et sembla fixer un point à l'arrière qui l'agaçait. Il ne me fallut que quelques secondes pour me retourner et apercevoir la petite tête blonde curieuse d'Edwige se cacher à nouveau à l'intérieur de la réserve, honteuse. Puis je concentrai à nouveau mon attention sur Paul qui fit de même avec moi.
-« Alors... Vous êtes d'accord pour me suivre ? Il ne vous sera fait aucun mal, si c'est de ça dont vous avez peur... Je vous le promets. »
Je ne répondis pas immédiatement, et fixai le visage désespéré de Paul. Il n'avait décidément pas la tête d'un psychopathe ou de quelqu'un qui cherchait à me faire du mal. Il avait plutôt l'air désemparé et perdu, et en quête d'une aide extérieure.
J'ignorais encore pourquoi il avait précisément besoin de la mienne, sachant que depuis le début, j'avais été assez froide et distante avec lui, et qu'il l'avait remarqué. Je me doutais bien qu'il ne sollicitait pas mon aide par pur plaisir, mais plutôt par obligation.
Mais quelle capacité avais-je pour aider un vieil homme pitoyable ?
Une part de moi-même brûlait de le découvrir, et c'est celle-ci qui prit le contrôle de mon côté craintif et qui répondit à sa place :
-« Bon. J'accepte. Mais si je sens le coup foireux, je fais demi-tour quand ça me chante. »
Certain ont dit côté aventureux ? J'aurais plutôt dit naïf...
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Nouveau chapitre un peu plus court que les autres ! Mais bon un peu plus petit ça ne fait pas de mal, surtout pour entretenir le suspens !
Qu'en pensez-vous ?
- La discussion Henry/Kerrie ?
- Edwige
- Ce que veut Paul ?
Aller pour ce dernier, je prends les paris, on verra qui va trouver. ;)
A bientôt !
#C.
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