XVII
L.A, dans la soirée du 13 juin 2000
-« Tu as tout ce qu'il te faut, finalement ? »
Je serrai contre moi le paquet de chips, goût barbecue et la bouteille de coca-cola que je venais d'acheter à l'instant, tout en hochant la tête. Henry parut satisfait de ma réponse et concentra à nouveau son attention sur la route, les deux mains sur le volant, sans piper mot.
Même si nous avions échangé quelques bribes de phrases depuis le début du trajet, je sentais que l'ambiance était sous tension. Lorsque je lui avais fait part de mon enthousiasme à me rendre à la soirée d'anniversaire d'Edwige, lui était resté réticent. Mais au final, avait quand même accepté. A contrecœur...
Pourtant, il n'avait opposé aucune résistance, et ne passait pas son temps à se plaindre du moindre détail de la future soirée, ou de mon choix. Il ne soupirait pas, ne rechignait pas, ne rouspétait même pas.
Il était simplement lointain, voir même absent.
C'était frustrant cette ambiance. De ne pas savoir ce qu'il pensait, ce qu'il aurait aimé faire. S'il était rancunier, si ça lui passait au dessus de la tête ou s'il s'était senti obligé par rapport à notre couple.
Le déni était parfois pire que la critique.
Je décidai de briser cette fâcheuse atmosphère afin de ne pas envenimer ce silence qui nous enveloppait. Non pas que je commençais à suffoquer, mais je préférai régler les problèmes maintenant, au lieu de le faire plus tard et de gâcher l'anniversaire d'Edwige. Ses vingt ans étaient une chose très importante pour elle, hors de question que je gâche la soirée de mon amie.
Je tortillais mes doigts, mal à l'aise, essayant d'engager la conversation avec mon copain. C'était la première fois que j'avais peur de lui parler de la sorte, nous qui osions nous parler de tout, ce qui rendait les choses beaucoup plus simples entre nous. Mais cette situation embarrassante était également une première. Autant amener le problème en douceur.
-« Sinon, nous arrivons bientôt ?
- Eh bien, nous avons fait un peu plus de la moitié du chemin. Le trafic est assez chargé ce soir.
- Seulement ? J'ai l'impression que ça fait des heures qu'on est dans cette voiture. »
Il ne répondit pas, le regard toujours rivé sur le pare-brise, tandis que les muscles de ses bras se tendaient un peu plus face à mon intervention. Mais moi, je ne détournai pas mon regard de lui. Je savais qu'il me distinguait du coin de l'œil. Il attendait que je crache le morceau.
Autant être directe maintenant.
-« Dis-moi que tu n'avais pas envie d'aller à cette fête. » déclarais-je soudain avec un débit de parole si rapide que j'eus moi-même du mal à me comprendre
Je crus qu'il allait s'énerver ou m'ignorer, mais il fit pire. Il changea de sujet, ce qui confirmait mes doutes.
- Mince, je sais plus si j'ai mis les deux sacs de couchages dans le coffre, tu avais vérifié ?
- Henry, s'il te plait... »
Il tourna quelques secondes la tête vers moi en soupirant, avant de reporter son attention sur la route, sans dire un mot de plus. Son soudain changement de sujet me faisait bien supposer qu'il y avait un problème, mais qu'il n'était pas prêt d'en parler. Quelle tête de mule ! Cela n'arrangerait pas la situation s'il gardait tout pour lui.
Je rivais alors mon regard vers mon paquet de chips, pensant qu'il ne voudrait pas répondre, mais je l'entendis murmurer doucement à mon égard :
-« Si ça te fais plaisir Kerrie, c'est tout ce qui m'importe.
- Pourquoi tu sembles si réticent ? C'est Edwige le problème ? T'as peur qu'elle m'influence trop et qu'elle s'en prenne à nous ? C'est mon amie, je me devais de venir à sa fête, c'est important pour elle. Toi, tu n'étais pas obligé de venir, vraiment pas. Même si je dois avouer que ma vie a plus de sens quand tu es à mes côtés, mais je ne voulais en aucun cas t'y obliger !
- Il n'y a aucun problème. Vraiment pas.
- Je ne veux pas que nous nous disputions, ça risquerait de jeter un froid sur la soirée.
- Alors évitons de nous disputer, tu ne crois pas ?
- Mais c'est encore pire de ne pas parler !
- Parler de quoi ? D'un problème qui n'existe pas ? Inutile n'est-ce pas ?
- Mais je...
- La discussion est close donc. »
Je n'en rajoutai pas, ma frustration ayant monté d'un cran. Edwige m'avait pourtant assurée qu'elle et Henry, étaient capables de se tolérer, mais vu la réaction de celui-ci, je doutais que ce soit réciproque. Visiblement, Henry n'était pas prêt d'en parler, alors je décidai de lui faire confiance. Après tout il avait raison, parler d'un soi-disant problème inexistant ne ferait qu'aggraver les choses. Peut-être avait-il tout simplement passé une mauvaise journée et que dormir la nuit dans les bois n'était pas trop sa tasse de thé ?
Dans tous les cas, même s'il ne montrait pas d'entrain, il avait au final, accepté. Il était là, et c'était tout ce qui importait. Et s'il n'y avait pas de problème, alors je le croyais. Avec lui, je me sentais pousser des ailes et protégée. Je ne me sentirais pas mise à l'écart, comme les autres fois, malgré que mon amitié avec Edwige semblait suffisante pour m'assurer une place de qualité à son anniversaire. Du moins, je l'espérais.
Mais tant que tout était fait avec lui, je me portais au mieux.
Le reste du trajet se passa dans un silence presque angoissant. Je gardais le nez collé contre la vitre, à regarder la ville de Los Angeles et les conducteurs des voitures qui nous doublaient, défiler devant mes yeux. Bientôt, les buildings et les grands boulevards disparurent, pour laisser place à la lisière de la forêt. Signe que nous approchions de notre destination finale.
Le son de la radio me fit soudainement sursauter. Henry l'avait allumée pour briser ce silence pesant. Signe qu'il voulait arranger la situation ?
A la radio, il passait une chanson d'un chanteur britannique que j'affectionnais particulièrement. J'avais découvert cette chanson depuis peu, mais j'avais déjà appris les paroles par cœur, déjà enivrée. Et lorsque le refrain arriva, je ne pus m'empêcher de le fredonner dans ma barbe.
When there's no love in town
This new century keeps bringing you down.
Et à ma grande surprise, Henry me coupa de court, en reprenant la suite du refrain, d'une voix fluette et entrainante.
All the places you have been
Trying to find a love supreme
A love supreme.
Et en chantant les derniers mots il osa alors un regard vers moi, empli de sincérité. Je ne pus m'empêcher de rougir, lorsqu'il riva à nouveau ses yeux vers sa route, avec un sourire satisfait au coin de la bouche, en signe de victoire. C'était sa manière à lui de bien détendre l'atmosphère et de me faire comprendre que tout allait bien entre nous. Qu'il n'y avait aucune raison de s'inquiéter et qu'il n'était pas fâché. Qu'il m'aimait.
Et il avait bien réussi son coup.
Nous terminions de chanter la chanson à l'unisson, beaucoup plus énergiques, tandis que nous n'étions plus qu'à quelques minutes du lieu de la fête.
* * *
Une fois garés dans un endroit potable, je descendis de la voiture, enjouée, mon paquet de chips à la main et ma bouteille sous le bras, que je rangeais immédiatement dans le sac que j'avais pris pour l'occasion. Lorsque je remarquais que la musique retentissait déjà à quelques mètres de nous, signe que la fête battait déjà son plein ; nous étions en retard. En espérant qu'Edwige ne croyait pas que je lui avais posé un lapin.
Henry apparut à mes côtés après avoir verrouillé sa voiture et prit la tente dans le coffre. Il me déposa ensuite un baiser sur le front avant de déclarer :
-« La fête a déjà commencé j'ai l'impression.
- Dépêchons-nous alors, Edwige doit se demander ce qu'on fabrique !
- Et toi ça va ? Je veux dire... vis à vis l'état dans lequel je t'ai trouvé la dernière fois que tu es allée à une fête d'Edwige... T'es sûre de vouloir le faire ? D'y arriver ? »
Je perdis légèrement mon sourire, et fronçai les sourcils, me rappelant péniblement cette soirée. Ce fiasco dont je me souvenais avec difficulté ? J'avais évolué depuis, et Edwige aussi. Je savais à quoi m'attendre, mais être là pour mon amie à un moment important de sa vie, était primordial. Mes petites faiblesses pouvaient bien être mises de côté le temps d'une soirée. Tant qu'on ne me forçait à rien, tout se passerait bien. Je venais simplement là pour passer du bon temps, et Henry pouvait s'inquiéter pour moi ou essayer de nous faire faire demi-tour, je ne changerais pas d'avis.
J'haussai les épaules, essayant d'être convaincante :
-« T'inquiète, Edwige a compris le message. Je suis grande, je vais gérer s'il y a un problème. Puis je sais que tu es là. On restera tous les deux, rien à craindre.
- J'espère bien ! »
Mon sourire revint soudainement, et Henry glissa sa main dans la mienne, tandis que nous commencions à nous diriger lentement vers l'endroit des festivités et vers la musique assourdissante.
En effet, nous n'avons pas eu à marcher longtemps. Une quarantaine d'étudiants se déhanchaient déjà sur la musique, tandis que d'autre préféraient profiter des bienfaits du buffet, nourriture et boisson comprises. Certains semblaient même déjà assez éméchés pour un début de soirée.
Mais ça ne me fit pas reculer pour autant, serrant de plus belle la main d'Henry. Et je me mis alors à chercher la reine de la soirée dans la cohue étudiante qui ne faisait pas attention à nous, nous faufilant entre les corps dansants de certains protagonistes. Jusqu'à ce que je trouve mon amie en train de rire, en compagnie d'autres personnes, une cigarette à la main.
Elle finit par tourner la tête et je lui fis signe de ma présence. Son visage s'alluma d'un sourire radieux, et elle se dirigea vers moi immédiatement, tout en écrasant sa cigarette de son talon. Elle me prit dans ses bras, hilare.
-« Ah Kerrie, tu es enfin là ! Je suis tellement contente !
- Quoi, tu pensais réellement que je changerai d'avis avant le début de la soirée ? »
Edwige ne répondit pas et contenta de me regarder d'un air malicieux. Qui se dissipa immédiatement lorsqu'elle croisa le regard glacial d'Henry à mes côtés.
Celui-ci ne se gêna pas pour la toiser d'un air dédaigneux et exaspéré, pour une raison qui continuait de m'échapper. La tolérance entre eux dont m'avait part Edwige ce matin devait être tellement infime que je me demandais si elle existait réellement. Enfin, c'était déjà mieux qu'entre Tom et moi, ils n'avaient pas envie de se jeter à la gorge l'un de l'autre. Henry savait se tenir. Et Edwige n'avait certainement pas envie de gâcher sa propre fête d'anniversaire.
Je me demandais alors ce qui se serait passé si les rôles avaient été inversé. S'il s'était agi de mon anniversaire et qu'un de mes amis avaient insisté pour ramener Tom, avec qui j'avais eu des différends. Comment aurions-nous réagi ? Notre réaction aurait-elle été différente en fonction de l'évênement et de la présence de nos amis ? Aurions-nous été des Henry et Edwige ? Hm, ça paraissait peu probable, vu nos tempéramment respectifs.
De toute façon, il m'était impossible de répondre à ces questions. Il était peu certain que ce genre de situation nous arrive, puisque Tom et moi avions définitivement perdu contact. Et étrangement, ça ne m'avait pas affecté tant que ça. J'avais enfin réussi à tourner la page. Et je n'en étais pas peu fière, après cinq ans !
-« Bonsoir Henry.
- Bonsoir. Joyeux anniversaire.
- Merci bien. »
Pendant qu'ils échangeaient quelques banalités glaciales, j'essayais de chercher une solution pour détendre l'atmosphère, lorsque j'eus soudain une idée. Je rivais immédiatement ma main dans la poche avant de mon sac, et Edwige – satisfaite, ne tarda pas à couper court à la conversation et à river son attention vers moi, intriguée. Une fois l'objet en main, je lui tendis un petit écrin recouvert d'un fin nœud de papier coloré, avec un sourire aux lèvres.
Lorsqu'elle comprit, ses yeux commencèrent à briller et son visage s'illumina d'un sourire. Elle posa une main sur le haut de sa poitrine, flattée.
-« Oh Kerrie, tu n'étais vraiment pas obligée !
- Je l'avais acheté en avance... J'espère qu'il te plaira ! »
Elle ouvrit alors le petit écrin et en sortit un magnifique bracelet de perle blanche nacrée. Soufflée, elle le passa à son fin poignet et admira ensuite son bijou de loin, tandis que l'on pouvait apercevoir la joie intense qui se reflétait dans ses yeux.
-« Il est magnifique... Mais... ça a dû te couter une fortune !
- C'est de notre part à Henry et moi... ! Je me souvenais que tu avais craqué sur un bracelet de la sorte lorsqu'on s'était baladée au centre commercial.
- Je ne sais pas quoi dire Kerrie, tu es vraiment adorable. Tu ne me devais absolument rien pourtant, c'est encore plus avenant !
- C'est ton anniversaire Edwige c'est normal, et c'est une sorte de cadeau pour fêter notre nouvelle amitié ! »
Elle se jeta soudainement à mon cou en riant, et me colla un baiser sonore sur la joue, véritablement enjouée. Elle perdit quelque peu son sourire lorsqu'elle se sentit obligé de remercier également Henry.
-« Je suppose que je dois te remercier de même ? »
Elle lui tendit sa main en signe de reconnaissance. Mais il se contenta d'hausser les épaules, indifférent.
-« Je ne l'ai fait que parce que Kerrie y tenait. »
Edwige fit la moue avant d'hausser les épaules à son tour, et d'immédiatement reporter son attention sur moi, tout sourire.
-« Quoiqu'il en soit, il est magnifique et je le porterai tous les jours ! Mais assez parlé de cadeau... Venez faire la fête et poser votre tente dans un endroit sympa ! Et servez-vous à boire, la fête viens juste de commencer, et tout le monde n'est pas encore arrivé ! »
Edwige nous convia là où tout le monde était attroupé. Tout le monde n'était pas encore arrivé ? Pourtant il y avait déjà beaucoup de personnes présentes. Elle attendait encore d'autre individus ? Qui pouvait-il bien manquer ?
Mais oui bien sûr... !
Mon visage se fendit d'un sourire joueur lorsque je tapotai doucement l'épaule d'Edwige, qui cherchait vainement à nous entrainer au cœur de la fête. Elle se retourna, surprise, tandis que je déclarai d'une voix enjouée :
-« Je n'ai pas soif... Mais en revanche, toi, tu n'aurais pas à quelqu'un à me présenter ? »
Elle fronça les sourcils, avant d'ouvrir grand les yeux, signe que nous étions sur la même longueur d'onde. Sa bouche se fendit alors du même sourire que moi.
-« Oui, je vois tout à fait ! Je vais le chercher, on est arrivé ensemble, il doit se servir à boire là-bas. Je reviens tout de suite ! J'ai hâte de vous présenter enfin ! »
J'hochai la tête, impatiente et Edwige tourna immédiatement les talons vers la forêt. Alors il était déjà là et je n'avais même pas pensé à regarder les invités pour discerner un quelconque candidat potable pour mon amie ?
Pourquoi étais-je si impatiente de connaître l'homme que fréquentait Edwige ? Etait-ce à cause de l'engouement qu'il y avait autour et du mystère qu'elle laissait planer sur son couple ? Ou était-ce tout simplement un jeu entre nous, renforçant notre complicité ? Dans tous les cas, le jeu ou le mystère prendrait fin ce soir, après de nombreux jours d'attentes ! C'en était presque excitant !
-« Je ne comprends pas tout cet enthousiasme pour connaitre l'identité d'un homme que tu ne reverras sans doute plus. Edwige change tellement de partenaire qu'on ne sait plus ou donner de la tête. »
Je me tournai alors vers Henry qui avait la mâchoire crispée. A nouveau, le débat de la voiture me revint en mémoire. Etait-il jaloux d'un homme que je ne connaissais pas encore ?
Je soupirai d'agacement. Malgré qu'il m'ait assuré du contraire, je savais bien que quelque chose clochait. Et voilà qu'il décidait de régler ses comptes lors de la soirée alors que nous avions tout le temps que nous désirions pendant cet ennuyant trajet ! C'était donc inutile de s'engager maintenant sur ce terrain sinueux, malgré mes maintes demandes. Autant crever l'abscé et lui donner ce qu'il voulait.
-« Tu devrais rentrer je crois. Tu n'es pas à l'aise ici, tu n'es pas obligée de côtoyer Edwige et encore moins son nouvel ami. Tu n'es pas obligé de te forcer pour moi.
- Mais tout va bien Kerrie. Je veux rester avec toi.
- Mais qu'est-ce qui t'arrive alors, à la fin ? Je te sens vraiment... tendu. C'est réellement Edwige qui te met dans cet état ? Ou c'est le fait que je veuille connaître cet homme dont elle n'arrête pas de me chanter les louanges ?
- Bon très bien, si tu insistes, il y a un problème ! Mais si tu le permets, je t'expliquerai plus tard. Comme tu me l'a bien fait comprendre, c'est l'anniversaire de ton amie, et je ne veux pas être le fauteur de trouble.
- Tu es sûr ? Si c'est si grave que ça, je peux faire une petite exception...
- Oui, j'en suis persuadé. De toute façon, je n'aurais aucune maîtrise de la situation, et ça risque d'être compliqué à tourner en ma faveur.
- Pardon... ?
- Eh ! »
Je fus soudain coupée court dans ma conversation avec Henry qui devenait des plus étranges. Celui-ci roula des yeux avant de soupirer, lorsqu'il avait entendu la voix d'Edwige me hêler. Vu l'air de celui-ci, je compris qu'elle n'était pas revenue les mains vides.
Le jeu allait prendre fin.
Toujours dos à elle, je trépignais intérieurement d'impatience, et me retournai si vivement que je ne pris même pas la peine de regarder l'homme à ses côtés. Je me contentai de lui tendre ma main, qu'il empoigna aussitôt, tandis qu'un sentiment d'excitation se tramait sur mon visage.
Tout ce que je voulais, c'était faire bonne impression auprès de cet homme. J'avais tellement attendu ce moment, que je voulais que tout se passe dans les règles de l'art. Peu importe de qu'il s'agissait, je me devais de l'apprécier. De toute façon, j'avais déjà tout prévu pour.
Je serrai sa main, transsandée, tandis que je m'exclamai, extrêmement enjouée :
-« Ravie de faire votre connaiss... »
Mais, osant enfin un regard vers le visage de l'homme, mon sourire ne tarda pas à se fâner. Je serrai alors avec moins de conviction sa main, jusqu'à stopper totalement le geste. A présent consternée, toute trace d'excitation venait à présent de disparaître de mon visage, pour finir déçu, voir presque horrifié. Et j'ôtai immédiatement ma main.
Non... Tout mais pas ça. Ça ne pouvait pas être vrai... C'était un cauchemar éveillé duquel je devais impérativement me réveiller.
Mais heureusement, Edwige ne s'était pas encore rendue compte de la supercherie. Elle s'adressa alors à nous, avec son magnifique sourire et son air enjoué :
-« Kerrie, je te présente Tom Questz. Et Tom, je te présente ma collègue de travail, ainsi que mon amie, Kerrie Heckwood. »
* * *
Encore. Toujours. Jamais.
Encore là. Toujours dans mes pattes. A ne jamais me lâcher.
Finalement, je retirais ce que j'avais dit quelques minutes avant. Le scénario était possible. Avec lui, tout était possible... Et je continuais d'en être étonnée.
A l'entente de son nom qui avait eu l'effet d'une bombe dans mon esprit, j'avais ressenti des frissons d'horreur. Et ce n'était pas qu'une impression. Mes poils s'étaient réellement hérissé sur mes bras, provoquant une vague de colère encore plus intense en moi. Et la chair de poule, évidement.
Lorsqu'elle me l'avait présenté, j'avais eu l'impression de redécouvrir cet homme qui avait chamboulé ma vie. Comme s'il allait la chambouler une nouvelle fois. Une énième fois. Continuer de le faire éternellement, comme si nous apprenions à nous connaître pour au final, tout oublier. Refaire le même schéma éternellement, le rouage de la machine tournant continuellement, sans s'arrêter, malgré qu'on ait tout fait pour.
J'entendis Henry soupirer derrière moi. Le dernier souvenir qu'il avait eu de Tom n'était pas fameux. Certaines tâches de café n'avaient pas pu être totalement lavée sur sa chemise.
D'ailleurs, d'autres tâches aussi n'avaient pas totalement disparues visiblement. Comme ces souvenirs du passé qui défilaient à une vitesse vertigineuse dans ma tête, à chaque fois que je le voyais. Mais c'était lui l'élément déclencheur de ces souvenirs que j'essayaient d'enterrer dans le tréfond de ma mémoire. C'était lui qui ne semblait pas prêt à disparaître de ma vie, comme si son but ultime était de me rendre chèvre. Et depuis que nous nous connaissions, il avait réussi son coup.
Ces tâches indélébiles qui ne semblaient pas vouloir disparaître, même avec le plus efficace des détachants...
Tom me fixait d'un air arrogant, comme à son habitude depuis son retour. Puis il finit par imiter Henry et par soupirer à son tour, l'air accablé, tout en détournant son regard. Il rangea ses mains dans ses poches, paraissant presque indifférent à la situation.
A la vue de ce spectacle glacial, Edwige parut surprise, quoique presque déçue. Elle avait été presque aussi impatiente que moi de me le présenter, voulant impérativement mon avis afin d'être sûre qu'elle ait fait le bon choix. Et pour qu'Edwige me demande conseil, c'est que sa petite aventure avait une réelle importance pour elle. Ce n'était pas une amourette passagère, comme me l'avait suggéré Henry. Elle commençait à s'attacher. Et elle voulait mon avis à présent.
Sauf que mon avis sur Tom, il était évident que je l'avais depuis un petit paquet de temps. Et il n'était pas des plus favorables. Si Edwige commençait à l'apprécier, je ne pouvais pas lui dire qu'elle fonçait droit dans un mur, sans qu'elle en soit attristée. Et que la fille dont il avait toujours été amoureux avant de la rencontrer, la fille dont il lui avait parlé à leur rencontre... c'était moi. Sinon, tout ce que nous avions patiemment construit toutes les deux allait s'écrouler aussi rapidement qu'une tour de carte. Et j'aurais beau lui assurer que la page avait été tournée, je doute qu'elle puisse continuer de me voir du même œil par la suite.
Elle aurait pu m'avouer n'importe quoi. Qu'elle était lesbienne, que l'homme avec qui elle était actuellement avait le triple de son âge, ou qu'il s'agissait d'un alien ou je ne sais quoi d'autre... Tout, absolument tout aurait été mieux que de voir ce blond insolent en face de moi, annonçant qu'il couchait avec une de mes excellentes amies.
Ouais, j'aurais été moins sidérée de savoir ça plutôt que d'apprendre qu'elle couchait avec mon « meilleur ami ».
-« Eh bien... Je ne m'attendais pas à cette réaction à vrai dire... On dirait que...
- Qu'ils se connaissent déjà ? Ouais. Exactement. »
Henry venait de prendre la parole subitement, et je fis volte-face vers lui, l'air gênée. Il devait penser que je faisais exprès de croiser son chemin, et il en avait surement marre de voir Tom à tous les coins de rue. Pourtant s'il savait... S'il savait que je partageais son point de vue. Il pouvait en être rassuré, c'était réciproque.
Il fallait absolument le dissuader d'une quelconque manigance. D'une quelconque envie de retrouvaille, avant qu'il ne soit trop tard. Car d'après ce que j'avais compris à notre dernière entrevue, ni Tom, ni moi n'avions envie de nous revoir désormais.
En attendant, Edwige commença à ouvrir des yeux ronds, complètement perdue à présent :
-« Quoi ?! Vous vous connaissiez ? Mais... comment est-ce possible ? Vous êtes l'opposés l'un de l'autre, vous n'êtes clairement pas du même monde...
- Et pourtant. » déclara Tom en soupirant
Puis il éclata de rire. Soudainement. Un rire affreusement fort qui sonnait faux, retentissant en écho dans ma tête. Je frissonnais alors de plus belle. Je connaissais bien ce rire cynique, qui présageait que la situation lui déplaisait, et qu'il n'allait pas tarder à essayer de la retourner à son avantage, dévoilant sa colère. Et lorsqu'il faisait ça dans le passé – avec moi du moins, il se débrouillait pour me faire sentir comme la plus misérable des personnes, et me faire perdre la partie.
Sauf que cette fois-ci, je n'allais pas me laisser faire.
-« En attendant, je suis ravi de faire encore votre connaissance, chère Kerrie.
- Epargne-moi tes formules de politesse et ton vouvoiement, Tom. On a déjà passé ce stade, tu te rappelles ?
- Ah oui, tu n'as pas tort en effet. Surtout qu'on ne va pas se mentir, on a pas envie d'en savoir davantage l'un sur l'autre. On va donc en rester au tutoiement finalement. C'est déjà pas mal pour nous deux, je pense.
- Absolument. Espérons que ce soit la dernière fois où l'on se croisera. Me voir pendant toute la soirée ne risque pas de te soulever l'estomac j'espère ?
- Ne t'en fais pas, tu ne remarqueras pas ma présence. Et moi non plus d'ailleurs. Je ne la vois déjà plus tiens !
- Eh, stop ! Arrêtez ! Assez ! »
Edwige venait de crier, les sourcils froncés et l'air agacé. Je sentais qu'Henry l'était également à mes côtés, le corps crispé et immobile. Mais il était habitué à tout intérioriser, et je savais qu'il serait capable de prendre sur lui. Seulement, ça n'avait pas l'air d'être le cas d'Edwige.
Elle fronça les sourcils, et croisa les bras sur sa poitrine, fâchée. Je vis également du coin de l'œil que quelques personnes aux alentours commençaient à nous dévisager, alertés par les cris d'Edwige. Déjà que l'air renfrogné d'Edwige me gênait, là, j'étais carrément mal à l'aise !
-« Je ne sais absolument pas ce qu'il y a pu avoir entre vous dans le passé, ni comment vous avez fait pour vous rencontrer et finir par vous haïr de la sorte, et je m'en contrefiche, ce n'est pas mon problème. Mais aujourd'hui, c'est mon anniversaire, et j'ai envie qu'il se passe dans une ambiance correcte. Attendez au moins que je n'ai plus les idées claires pour régler vos différends, je ne sais pas, mais s'il vous plait, vous êtes des personnes très importantes pour moi, et même si je ne peux pas vous faire vous entendre, faites un effort par pitié ! Tolérez vous ! Certains y arrivent bien ici. On est plus des gosses ! »
Elle lança un regard insistant à Henry qui hochait la tête, compatissant. Puis elle reporta son attention sur nous deux, en nous fixant avec insistance également, attendant une réponse de notre part.
Moi, je dévisageai Tom qui évitait péniblement mon regard, avant de soupirer d'agacement, signe pour lui, qu'il était prêt à faire une faveur à Edwige. Celle-ci me fixait désormais intensément, attendant une réponse de ma part.
On est plus des gosses... J'avais l'impression que notre relation était restée coincée au stade de l'adolescence. A nos quatorze ans, lorsque Tom l'avait emporté avec lui, à son départ précipité de Los Angeles, et qu'il l'avait oubliée là-bas. Elle n'avait jamais complètement fini de se développer, et elle n'évoluerait plus jamais normalement désormais. Sa croissance avait été stoppée pour de bon. Et j'aurais beau faire tous les efforts du monde pour le vouloir, pour agir en personne civilisée, être en présence de Tom était maintenant au dessus de mes forces.
Edwige se sentait bien avec lui ? Grand bien lui fasse ! Je ne doutais absolument pas des capacités de Tom à la satisfaire. Mais je savais bien de quoi il était capable, et je ne voulais pas que mon amie en pâtisse. Il était capable de nous promettre la lune, prouver qu'il était extraordinaire, jusqu'à ce qu'on finisse par se rendre compte qu'il était aussi insignifiant que nous. Puis forcément, on finissait déçu.
J'étais maintenant partagée entre l'envie de tout dire à mon amie, ou tout garder pour moi. Je devais peser le pour et le contre. Mais actuellement, mes émotions formaient des nœuds avec mes solutions aux problèmes dans mon esprit, et j'avais besoin d'être seule et de prendre mon temps, si je devais les démêler correctement. Seulement, ça ne risquait pas de plaire à certains...
Et puis après tout, je le faisais pour son bien...
-« Je... Je suis désolée... Je reviens.
- Kerrie... Me fais pas ça. S'il te plait.
- Edwige, j'ai besoin d'être seule quelques minutes. Je reviens vite, je te le promets. C'est seulement le temps de quelques minutes... »
J'aperçus une lueur de profonde tristesse perler dans ses yeux, en voyant mon besoin d'isolement imminent.
Si seulement elle était capable d'imaginer le tiers de ce qu'il y avait eu entre nous... Peut-être pourrait-elle comprendre ce que je ressentais actuellement. Mais anniversaire ou pas, si je ne m'éclipsais pas immédiatement, je risquais d'exploser.
Elle finit par hocher la tête, vaincue. Elle me faisait réellement de la peine. Elle qui avait pensé bien faire, qui avait voulu – comme moi, faire les choses en grand, venait de précipiter l'ambiance de sa soirée dans un trou béant.
Je posai une main hésitante sur son épaule en signe de compréhension et de compassion, tandis que les deux garçons nous dévisageaient, presque autant irrités l'un que l'autre par toutes cette histoire, malgré les différentes raisons.
-« Profite de ta fête et ne t'inquiète pas pour moi. Je reviens vite. »
Elle m'adressa un sourire triste, tandis que je captai un regard de Tom. Dur, arrogant, rancunier. Tout ce qu'il me reprochait me fit frissonner. Mais eut le mérite de me ramener à la réalité.
Il fallait profiter de ce temps incertain pour atténuer les douleurs du passé.
Je tournai définitivement les talons, et m'enfonçai dans l'épaisse forêt noire qui nous encerclait, jusqu'à ce que le bruit des adolescents déjà ivres, et de la musique forte soit loin derrière moi. Ainsi que l'air triste d'Edwige, le corps crispé d'Henry et le regard dégoutant de Tom.
Tout cela semblait être un lointain souvenir. Temporairement du moins.
Je m'étais demandée comment je réagirai si je croisais ce Tom ce soir. J'avais désormais la réponse. Et je n'étais pas très fière du déroulement des événements...
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Hi guys.
Nouveau chapitre d'À portée de main !
Qu'en pensez-vous ? Je l'avais préparé en avance, mais je n'étais pas très fière de sa qualité... Je l'ai donc peaufiné un peu plus, et je suis un peu plus satisfaite du résultat. :)
A la base, le chapitre n'aurait pas dû se terminer sur le départ de Kerrie... J'avais prévu plus de trucs, mais malheureusement, le chapitre aurait été dix fois trop long à mon goût... Du coup, plus de trucs à découvrir dans le prochain chapitre ! ;)
Je vous laisse deviner ce qu'il se passera... Une petite idée ? Je prends les paris. :D
Sinon, que pensez-vous de ?
- Kerrie
- Tom
- Edwige
- Henry
N'hésitez pas à me dire vos impressions. :)
En média, la chanson que Kerrie et Henry écoutent à la radio. :) Une magnifique chanson de Robbie Williams (Supreme). ^^
A bientôt pour un nouveau chapitre d'à portée de main !
#C.
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