XV

(Chapitre en cours de réécriture/correction).

L.A, 21 mai 2000

*Quelques minutes plus tôt*

Je sortis du métro, une bonne appréhension au creux du ventre ; une de celle qui nous tenait en haleine, jusqu'à être sûr de la réponse. Je ne faisais pas attention à ce qui m'entourait, ne me souciant même pas des personnes pressées qui me bousculaient. Mon regard scrutait le plus loin possible l'horizon, et la foule n'était qu'un obstacle à brasser. J'avançais alors au fur et à mesure, le sourire aux lèvres, oubliant que ce n'était pas forcément très courant, dans le coin.

Il y avait tellement longtemps que je n'avais pas ressenti pareille émotion. Elle me paraissait étrangère au milieu de cette angoisse de la violence et de la solitude, qu'elle m'apparaissait outrancière ; presque inavouable. Un secret peut-être lourd à porter, lorsqu'on attendait de moi que je reste bloquée sur ce que j'avais perdu, tant il était difficile d'aller de l'avant.

Qu'était-ce ; qu'est-ce que ça cachait ? Était-ce normal, après tout ce temps ? Arrivait-il enfin, ce coup de pouce que j'attendais, ou, au contraire, devais-je me méfier du loup qui dormait ? J'étais suffisamment entraînée, pour savoir me méfier des émotions que je ressentais ; même si je trouvais bien triste de ne pas pouvoir les ressentir pleinement.

Seulement, je n'avais pas envie de me poser de questions ; ou, du moins, une seule lorsque j'arrivai au Griddle Coffee, le sourire jusqu'aux oreilles. 

Comment réagirait Henry ?

Cette question, bien qu'à double-tranchant, ne me fit rien perdre de ma superbe. Je semblais plus excitée à l'idée d'avoir pris une initiative, que d'assumer une réponse. Sûrement parce que je m'étais précédemment faite à l'idée que Henry ne voulait plus de moi. Mais maintenant, ma confiance était si gonflée, que je me demandais quelle raison il aurait à refuser de me voir ; après tout, Edwige avait dit qu'il m'appréciait, et j'allais lui prouver que c'était réciproque.

Je me souvenais du Griddle Coffee. J'y étais déjà allée plus petite, deux ou trois fois, quand ma mère accompagnait Erica en ville. Je me remémorais les effluves qui s'échappaient des machines à moudre, des pâtisseries dans les vitrines, et des clients qui rentraient dans l'établissement. Dès qu'ils passaient la porte, ils oubliaient pourquoi ils étaient pressés, et dévoilaient ce qu'ils s'amusaient à cacher habituellement dans la rue.

C'était ce qui m'avait le plus marqué. Lorsque les clients rentraient parfois maussades, ils ressortaient toujours un peu moins triste, après avoir partagé un moment avec leur café. Si à l'époque, ma mère m'avait dit que cet établissement n'avait rien de magique, je m'étais mis dans la tête que cette boisson transformait les gens. J'aimais observer leurs traits se décrisper, dès qu'ils s'injectaient un peu de caféine dans le sang ; tous des adultes, qui avaient perdu leur insouciance. Je n'en avais pas besoin, à l'époque, me contentant de la rareté du goût meringué de ma tarte au citron, qu'Erica insistait pour me payer ; mais maintenant, je comprenais ce qu'ils vivaient. Le café n'était plus magique, mais j'en comprenais les vices. 

Je n'avais rien oublié, et c'était sûrement pour ça que le Griddle Coffee avait une bonne réputation ; on n'oubliait rien de lui. Et si ce n'était pas le café qui détendait les gens, alors, je pouvais m'avancer en disant que ma mère avait eu tort.

Éloignée de la cohue, j'attrapai un bus sur le Belvédère de la Cienega, qui me faisait quitter les quartiers de Crenshaw, pour m'amener dans l'Ouest de Hollywood, là où se trouvait le fameux café. Le long trajet m'avait permis de cogiter, et de me faire perdre un peu d'assurance ; le moment fatidique arrivait, et je ne trouvais plus de raisons qui auraient pu pousser Henry à m'attendre là-bas.

Alors que j'arrivais à l'arrêt de Willoughby, sur la route de Fairfax, j'essayais désormais de me convaincre que je risquais d'être déçue, pour justement l'être moins à l'arrivée. S'il n'était pas là, je devrais trouver une autre solution, et me résoudre à ne pas aller plus loin. Au moins, je n'avais pas encore eu la chance d'apprendre à le connaître en profondeur.

La voix robotisée du bus me sortit de mes pensées au bon moment : Next stop : Sunset. Le Griddle Coffee était à deux pas sur la gauche. 

Le moment était arrivé. Je pouvais toujours faire comme si j'avais oublié mon arrêt, et décréter que j'avais gâché mon moment, pour me résoudre à rebrousser chemin ; mais après tout ce temps de trajet, je savais que je le regretterais. Puis, ça ne ferait qu'envenimer la situation, sachant que rien n'était réglé. Justement, encore une fois, je devrai me faire violence et espérer des résultats par la simple force de mes initiatives. Le tout était de me faire réaliser que de mauvais résultats n'étaient pas dû à ma mauvaise volonté, du moment que j'avais essayé.

Je finis par me lever d'un air mal assuré. Envolée mon allègrement d'il y a quelques minutes ; je n'avais pas été concentrée de la sorte depuis belle lurette, lorsque les portes du bus me dévoilèrent la rue du café. Je bafouillai quelques remerciements à celui qui m'avait mené au bagne, et l'imaginai disparaître à l'opposé, trop occupée à penser à mon entrée.

Sunset Boulevard était très fréquenté, pour une fin de matinée. Je savais que la population avait triplé depuis plusieurs années, mais je n'étais plus très habituée au monde à force de passer ma vie à Watts ou à Crenshaw. C'était là que je réalisais que toutes ces sordides années n'avaient fait que me retenir dans des villes macabres. Ce qui n'était pas forcément un plan parfait pour évoluer correctement dans la vie. 

En attendant, je me recentrais sur mes repères afin de trouver ce fameux café. Et après m'être perdue dans une multitude d'avenues, je me retrouvais enfin dans l'artère principale qui menait au café.

Lorsque je vis sa terrasse ensoleillée, et ses clients attablés, je me sentis soulagée. Rien n'avais changé. Ce qui me motiva pour la suite des évènements.

Je cherchais alors le visage de celui que j'aimais dans la foule, lorsque je l'aperçu adossé à un poteau. Il était au téléphone, et semblait agacé. Il était en train de se disputer avec son interlocuteur, un cappuccino à la main.

-« Edwige, je n'ai pas le temps de prendre une longue pause ! Je suis en plein procès, j'ai à peine le temps de manger ce midi ! ... Quoi ? Mais qu'est-ce que tu crois, je n'ai pas toute la journée, je bosse moi ! ... Bah ouais écoute, t'as un boulot aussi mais entre vendre des fleurs et défendre des clients il y a une différence ! ... Mais non je ne dénigre pas ton travail, c'est génial d'être fleuriste, je suis très content pour toi... Mais après tes coups foireux je n'ai plus trop confiance en toi si tu vois ce que je veux dire ! »

Henry était venu. J'étais aux anges, mais pour combien de temps ? Il semblait pressé de repartir. Il fallait agir maintenant, avant de laisser passer ma chance. Une occasion ne se représentera pas de sitôt, j'en étais persuadée. En espérant que les effluves magiques du café réussiraient à l'apaiser et qu'Edwige ne l'avait pas trop agacé.

Je longeais la paroi du bâtiment, afin de ne pas être pris en flagrant délit. Je voulais réellement que notre face à face se fasse dans les règles de l'art : s'il était pris par surprise, il n'aurait pas le temps de fuir. Et comme je l'avais dit tout à l'heure, je voulais des résultats. De bons résultats.

De toute façon, il était bien trop occupé à se disputer avec Edwige, qui savait réellement insister quand il le fallait. C'était l'un de ses pires défauts pourtant, mais dans certaines circonstances il pouvait être très utile ! Je l'en remercierai chaudement par la suite.

Je continuais de longer les murs, jusqu'à dépasser la silhouette d'Henry, et réussit à me placer derrière lui. Et tandis qu'il était en train de parler, je plaquais mes mains sur ses yeux, non sans une certaine appréhension.

Lorsqu'il eut un contact entre sa peau et la mienne, il arrêta de parler, et se raidit. Puis il fit volte-face, se dégageant de mon emprise et abaissant son téléphone de ses oreilles, l'air abasourdi, laissant une Edwige chuinter à travers le combiné, qui ne tarda pas à raccrocher lorsqu'elle comprit la situation.

-« Surprise... ! » lâchais-je du tac au tac

Il me dévisagea, l'air ébahi et me toisa sous toutes les coutures, comme s'il avait du mal à croire en ma présence. Avait-il vraiment fini par croire qu'il semblait évident que je finisse avec Tom plutôt qu'avec lui ? On aurait dit qu'il s'était déjà fait à l'idée que lui et moi, ça n'aurait jamais lieu. C'en était presque offensant vu l'effet de surprise dégagé.

-« Kerrie... Je ne m'attendais pas à te voir ici.

- Tu remercieras Edwige, elle a bien fait durer l'effet de surprise !

- Oh... Je comprends mieux. » fit-il en rivant ses yeux vers le petit combiné verrouillé

Il eut soudain un silence entre nous. Lui était maintenant trop gêné pour parler, et moi je ne savais pas vraiment par ou commencer. Je déglutis, et décidai de me mouiller la première :

-« Je... Je voulais te dire que j'avais réfléchis à tout ce que tu m'avais dit hier. Tu avais raison, mes vieilles rancunes de gamines n'avaient pas totalement été apaisées, parce que la séparation entre... Tom et moi s'est faite quelque peu brutalement. Si bien que j'ai accumulé toute ma frustration petit à petit, et lorsque nous nous sommes revus, cette frustration cachée est ressortie. »

Je fis une pause dans mon récit pour m'apercevoir qu'il m'écoutait très attentivement et qu'il attendait la suite de mon récit. Je ne me fis pas prier deux fois.

-« C'est vrai, j'ai merdé. J'aurais dut te dire qui était vraiment Tom et l'importance qu'il avait dans ma vie autrefois. Tu m'as confié pas mal de chose sur ta famille et tu es la première personne à qui j'ai dévoilé mes secrets, alors moi aussi, j'aurais dut te répondre au sujet de ma « famille ». Tu m'as fait confiance, mais moi je n'ai pas l'habitude de la donner aussi facilement. Mais promis je vais essayer de me rattraper... Tu m'as montré que tu étais une personne fiable. Alors je suis vraiment désolée pour ce qu'il s'est passé entre nous, et c'est la raison de ma venue ici. Et je te le dis clairement : c'est toi que je choisis, avec qui je veux être. Pas Tom, c'est fini. Je le sais enfin, nous avons eu l'occasion de mettre les choses au clair. Et nos chemins ne se recroiseront pas, je peux te le promettre. »

Il eut soudain un grand silence, et Henry continuait de m'observer. Je ne savais pas s'il comptait s'exprimer après ça, s'il avait même un quelconque avis. Je ne savais pas s'il était rancunier ou s'il m'avait cru. Tout ce que je savais c'est qu'il m'avait écouté. Et qu'il m'avait entendue.

Il porta son gobelet de café à sa bouche, et en descendit quelques goulées. Puis il finit par déclarer d'une voix claire, mais dure :

-« Si j'avais su que c'était pour toi qu'Edwige m'avait pressé pour venir ici... »

Aïe. Tout ceci s'annonçait mal. Henry était bien rancunier. Seulement, un sourire naquit au coin de sa bouche :

-« ... Je me serais libéré plus tôt. »

Ce fut à moi d'être ébahie à présent.

-« Tu me pardonnes ?

- Évidemment je ne t'en aurais jamais voulu de toute façon. Quoique tu fasses et qui que tu choisisses. Je t'aime Kerrie, et je veux seulement ton bonheur. Et si c'était au côté de Tom que tu devais le trouver, alors je m'y serais accommodé... Aurais-je eu le choix de toute façon ? Tu es une fille forte Kerrie, pas seulement dans ce que tu endures dans ta vie. Je te fais entièrement confiance là-dessus...

- Tu t'attendais à ce que je le choisisse lui ?

- En toute honnêteté, oui. Je ne m'attendais pas à rivaliser avec une très vieille connaissance. Et je ne vais pas te le cacher, je suis extrêmement heureux d'avoir réussi à le vaincre. C'était une victoire inattendue qui plus est.

- Eh bien, visiblement tout le monde est content maintenant... tout est bien qui fini bien, comme on dit !

- Exactement. Et je pense qu'on en a tous besoin. »

Nous rîmes un peu, avant qu'il ne pose ses lèvres sur les miennes. Finalement, j'avais réussi à surpasser les effets de la caféine du Griddle Coffee. Et cela me comblait encore plus. D'être enfin bonne à quelque chose.

J'étais officiellement avec Henry, et cela m'emplissait de joie. D'avoir enfin quelqu'un qui m'aimait à ma juste valeur et qui ne semblait pas prêt à m'abandonner à cause des mes problèmes. Ces derniers jours, je désespérais encore de m'adapter à cette jungle humaine qu'est la vie, avec mes lubies un peu étrange et mes superstitions familiales. Ajoutant à la liste les spécificités de ma famille et mon acharnement à m'entourer de barrières, je n'aurais jamais pensé trouver l'âme sœur dans un moment si propice.

Je comptais bien en profiter, et je ne m'en plaignais pas bien au contraire !

Il ôta ses lèvres des miennes, et se blottit contre moi, l'air radieux. Je posais ma tête contre son épaule, lorsqu'il me colla son café sous le nez.

-« Tu en veux ? J'ai oublié de t'en proposer...

- Hm oui, une petite gorgée ne me ferait pas de mal. Merci ! »

Je m'emparais du récipient, tout en en buvant quelques gorgées. Mais lorsque j'ôtais le café de ma bouche, Henry fendit la sienne d'un sourire moqueur :

-« Eh bien, tu n'as pas dormi depuis un bail ou quoi ? Tu viens de m'en boire la moitié !

- Ne m'en parle pas, je suis exténuée. Un café ne suffirait pas à me tenir éveillée... Mais, tu veux que je t'en paye un autre... Je dois avoir dix dollars sur moi ?

- Je plaisante Kerrie, ne t'en fais pas. Bois mon café, ça me fait plaisir.

- Bon si tu insistes, merci ! »

Je lui répondis par un sourire ravageur, et portai à nouveau la boisson à ma bouche, tandis qu'il me fixait, l'air passionné. A chaque gorgée, je sentais mon énergie renaître. La caféine faisait rapidement effet chez moi. Henry avait raison, depuis combien de temps n'avais-je pas dormi ? La nuit dernière avait été extrêmement longue... Tom savait bien comment me la gâcher indirectement.

Mais ce que je ne savais pas, c'est qu'il aimait aussi gâcher ma journée. Directement en plus !

Soudain, Henry laissa échapper un cri, lorsqu'une matière liquide brune et tiède atterrit directement sur ses vêtements, ses cheveux et son visage, m'éclaboussant au passage, puisque nos corps n'étaient qu'à quelques centimètres.

-« Oups, pas fait exprès ! »

Et immédiatement, l'association catastrophe et grand blond germa dans mon esprit. Encore plus lorsque je l'aperçus en chair et en os, à quelques centimètres de nous.

Même lieu, même moment, dans une durée rapprochée. Tout était fait pour me rendre folle visiblement.

Et je venais de promettre à Henry que nos chemins ne se recroiseraient pas. A moi de lui montrer que c'était du pur hasard s'il se trouvait encore une fois à mes côtés.

* * *

[Dans ce paragraphe, Tom est le narrateur.]

Lorsque je vis Kerrie embrasser ce Henry, cette sensation d'amertume se transforma aussitôt en rage incontrôlable. Parce que dans mon esprit, une vérité incorrigible venait de se former : Kerrie ne m'avait pas choisi. Et elle ne me choisirait plus. D'ailleurs, elle ne m'avait même pas vue.

En sentant mon corps se contracter alors que j'étais encore dans ses bras, ma mère se redressa et riva son regard dans la direction souhaitée.

-« Oh, quand on parle du loup... Je la reconnaitrais entre mille, elle n'a pas changée. Elle a l'air heureuse.

- Sans blague.

- Oui, je me doute que tu n'as pas tardé à la reconnaitre...

- Franchement, j'aurais préféré me tromper.

- Tom... Tu ne peux pas lui reprocher de mener sa vie à présent. Je sais que c'est dur pour toi, tu perds une personne chère, mais trop de temps se sont écoulés pour permettre de maintenir votre relation intacte. Ça ne veut pas forcément dire qu'elle ne t'apprécie plus en temps qu'ami.

- Et la faute à qui peut-être ? Qui c'est qui m'a éloigné de Watts et d'elle ? Le temps n'a jamais été notre ennemi. Plutôt notre ami.

- Tout dépend des circonstances...

- Mets-toi bien ça dans la tête : Kerrie n'a jamais été mon amie. C'était plus que ça. Et tout le monde le sait. Et ce n'est pas le premier fils de pute venu qui va me la voler sur un coup de tête. Et je refuse de croire que le temps n'est plus de mon coté ! »

Je commençais à bouillir intérieurement, tandis que ma mère soupirait, mal à l'aise. Elle me connaissait trop bien pour savoir que lorsque j'étais dans cet état, il était impossible de me raisonner. Quand je voulais quelque chose, sois j'échouais lamentablement, sois je l'obtenais. Il ne m'en fallait pas plus pour me faire changer d'avis.

Il fallait que je fasse quelque chose, n'importe quoi... Qui arriverait à m'apaiser. Je ne pouvais pas rester dans cet état lamentable en la regardant se pavaner au bras de cet idiot !

Mon regard se centra soudainement sur le gobelet de café de ma mère. Encore à moitié plein. Hm, intéressant... Surtout que Kerrie avait l'air d'apprécier le café.

-« Tu comptes le finir maman ?

- Sûrement, surtout au prix auquel je l'ai payé... Oh... Non Tom ! Ne fais pas ça. Je te l'interdis. Laisse cette pauvre fille tranquille, après tout ce qu'on lui a fait et ce qu'elle a vécu dans sa vie, laisse la tranquille !

- Tant pis, merci ! »

Je m'emparais subitement du gobelet, et me levais de la table, en direction des deux tourtereaux. Aveuglé par ma haine, je ne me posais pas de question, et me dirigeais d'un pas pressé vers le nouveau couple, ignorant les appels de ma mère, qui m'ordonnait sèchement de revenir. Mais ça ne servirait à rien pour l'état dans lequel j'étais...

A qui allais-je offrir ce précieux breuvage ? Henry ou Kerrie ? Henry pour m'avoir volé les fonctions qui me revenaient de droit ou Kerrie pour m'avoir empêché d'y accéder ?

De toute façon, leurs corps étaient tellement proche que peu importe qui je visais, les deux seraient touchés. Je serais satisfait dans tous les cas.

Tandis que je longeais le mur et que Kerrie trempait ses lèvres dans le café d'Henry je m'approchais d'eux, plus rapidement que je le pensais. Je devais maintenant faire un choix : vers qui allais-je diriger l'arme du crime ?

C'est alors que je décidai d'y aller à l'aveugle, alors que j'étais à seulement deux mètres d'eux et qu'ils n'avaient toujours pas remarqué ma présence. Ou du moins ils étaient de très bons acteurs. J'étais dos à Kerrie et Henry était trop occupé à la reluquer. Ce qui me fit frissonner.

C'est le moment, Tom. Qu'est-ce que tu attends ?

Je rivais alors mes yeux vers le café de ma mère, mais je fus soudain pris d'un certain élan d'hésitation.

Tout ce que je me préparai à faire n'allait servir à rien, sauf soulager ma conscience sur le moment. Et après je savais que j'allais le regretter amèrement. Mais si je ne faisais rien maintenant non plus, je savais que je le regretterai plus tard et plus longtemps. Après tout j'étais adulte maintenant.

J'ai passé l'âge de jouer à ce genre de chose, Kerrie...

A croire que tout ce qu'il y avait entre nous était un amusement, une traque insensée dont on ne pouvait pas sortir. Que toute notre relation était basée sur un vulgaire jeu et qu'en choisissant Henry, elle venait d'y mettre fin, par abandon. Et bizarrement, je détestais perdre de manière si injuste.

Ouais, je n'avais pas mérité de perdre de la sorte. Même en étant adulte.

Alors, je ne me retins pas plus longtemps. Je découvrais le gobelet pour laisser échapper le liquide du cappuccino encore tiède de ma mère sur la magnifique chemise blanche immaculée d'Henry, ainsi que sur son visage bien trop angélique à mon goût. Le café ricocha sur le visage et les vêtements de Kerrie, qui recula effarée, tandis que Henry criait de dégoût.Il pouvait s'estimer heureux que ce ne soit que du café.

Je regardais à présent mon gobelet vide, lorsque les deux protagonistes tournèrent leur tête vers moi en même temps, et me toisèrent d'un air affligé. Je me retenais de rire devant leurs airs mécontents ; et nerveusement, je ne pus m'empêcher de sortir, à deux doigt d'exploser de rire :

-« Oups, pas fait exprès ! »

Kerrie me tourna le dos et soupira, puis sortit un paquet de mouchoir de son sac, et commença à tamponner le visage d'Henry avec, qui tempêtait.

-« Putain, c'est pas possible ! J'étais sensé retourner bosser après, si je me présente dans cette tenue j'aurais l'air d'un guignol !

- Calme-toi, et laisse-toi faire... On va retourner chez toi chercher une autre chemise...

- Comme si j'avais le temps de faire l'aller retour !

- As-tu vraiment le choix en attendant ? »

Henry soupira de plus belle avant de me fusiller du regard. Je m'empêchais d'éclater de rire. Comme j'avais aimé ma vengeance ! Ce n'était pas grand chose, mais ça avait suffit à m'apaiser en voyant l'air très crispé du bourge.

A quel point Henry était-il capable de rester calme ? Maitriserait-il la situation ? J'avais vraiment hâte de le voir perdre la tête pour des broutilles de riche. Sortir avec le fils du propriétaire d'un des plus prestigieux hôtels de Los Angeles ? On pouvait dire que Kerrie avait déniché le gros lot. Pourtant, étant plus jeune, nous détestions tous les propriétaires de ces établissements qui négligeaient les plus pauvres. Grandir à Watts avait été bénéfique dans un sens. Ou était donc passé son sens des priorités... ?

Soudain, j'interceptai le regard du brun, qui me toisait intensément. D'un regard joueur, voir mesquin. Je l'avais trop souvent utilisé (à l'instant d'ailleurs), pour savoir que lorsque quelqu'un me regardait de la sorte, il avait une idée derrière la tête. J'avais sous-estimé Henry on dirait, après tout il n'incarnait pas le moins du monde la bêtise. J'avais un adversaire à ma taille, pour une fois.

Kerrie tourna soudainement son regard vers moi, en voyant que son grand dadais me fixait, puis elle fronça les sourcils, avant de lâcher d'une voix au bord de l'impatience.

-« Tu comptes rester là encore longtemps à nous regarder Tom ?

- Si tu continues de m'ignorer, évidement.

- Bon eh bien si tu ne t'en vas pas, c'est nous qui allons partir. On a une chemise à aller chercher. »

Elle empoigna alors le bras de son bien aimé, et commença à le trainer en dehors du café, l'air extrêmement mécontent. Mais Henry l'arrêta dans sa course, quelques mètres plus loin, avec un sourire empli de tendresse. Heureusement que je n'avais rien avalé aujourd'hui, sinon je n'aurais pas retenu mon estomac. Trop d'hypocrisie dans l'air.

-« Attends Kerrie, calme toi, c'était un accident, il n'a pas fait exprès. Ne sois pas si dure avec lui.

- Mais pourquoi tu le défends ? C'est une fouine, quand il veut quelque chose, il finit par l'obtenir par tous les moyens, crois-moi je le connais. »

Bah tiens ! Et moi quand je la traitais de « trainée » par sous-entendu, je me prenais une patate. Je levai alors les yeux au ciel, lorsque j'interceptai un autre regard d'Henry, encore plus mesquin que le précédent. Mais ma parole, ce gars faisait affreusement flipper, sans déconner. Je commençais à croire qu'il n'était pas saint d'esprit.

Ce jeu dura quelques secondes, avant qu'il ne concentre son regard sur Kerrie, et de lui chuchoter délicieusement à l'oreille, mais suffisamment fort pour que j'entende :

-« Ah oui, vraiment tout ? »

Et il lui colla un baiser sonore sur la joue, alors que son visage était toujours empli de café. Et là, étrangement, je ressentis une énorme vague de rage submerger mon corps entier. Imaginer la fille que j'aimais en compagnie d'un autre homme était déjà assez difficile, mais je pouvais encore me permettre de croire le contraire, malgré qu'ils se soient déjà embrassés à plusieurs reprises. Devant moi. Et pourtant, j'avais continué de croire que j'avais une chance.

Mais lorsque l'illusion était brisée en direct, que les sentiments des deux protagonistes étaient réciproques, le semblant d'espoir que j'avais, partait en fumée, me consumant de l'intérieur. Et pourtant, ce n'était pas la première fois que je la voyais en compagnie d'Henry. Mais là, je savais que c'était réel. Que c'était peine perdu.

J'avais dit que soit j'échouais lamentablement, soit je réussissais mon coup ? Je venais de comprendre que j'avais perdu. Je me sentais vide, inutile, malmené... Car oui, le plan d'Henry, c'était d'enfoncer le clou là où ça faisait mal. Prouver que l'argent et la galanterie, ça ramenait les femmes. Qu'un amour de trois jours était l'équivalent d'une amitié de quatorze ans. Et il était persuadé qu'il avait gagné. Il avait raison. C'était pour ça qu'il se permettait de jouer à la galanterie devant moi et de me défendre devant Kerrie pour passer pour le prince charmant au grand cœur, à mon grand détriment.

Et elle... elle n'y voyait que du feu. Elle gloussait avec lui, alors que j'étais il y a peu, la personne la plus importante de sa vie. Ma mère pensait qu'elle me considérait encore comme un "ami" ? C'était un mot bien trop fort pour décrire notre relation à présent. Maintenant, j'étais un parfait inconnu à ses yeux. Et ça faisait mal... trop mal. Quatorze ans de relation pour aboutir à... ça ? Elle avait tenté de me l'expliquer hier, sauf que j'étais trop aveuglé par mon désir de la reconquérir. Je ne l'avais pas écouté. Si je l'avais fait, je ne me serais pas senti aussi con que maintenant.

Il savait qu'il avait gagné et il ne me redoutait plus. Je n'étais plus une menace...
Elle ne voulait plus de moi et elle ne me voyait plus. J'étais un parfait inconnu.

L'amour avant l'amitié.

Je me sentis trembler lorsque Henry déclara à Kerrie qu'il allait se débarbouiller aux toilettes, et qu'il n'en avait pas pour longtemps. Il semblait soudain guilleret, alors qu'il y avait cinq minutes encore, il me maudissait intérieurement pour lui avoir lancé mon café sur sa belle chemise à plastron.

Et lorsqu'il passa près de moi, je frissonnai. Il puait l'hypocrisie et la niaiserie à plein nez, c'en était affligeant. D'ailleurs son sourire se fit plus intense et il posa sa main sur mon épaule tout en susurrant mielleusement :

-« Ce n'était qu'un peu de café Tom, ça part au lavage, ne te morfonds donc pas de la sorte, il y a des choses plus grave dans la vie. »

Puis il ôta sa main et entra dans l'établissement, me laissant seul avec Kerrie à quelques mètres. Et pourtant à cet instant, je n'avais aucune envie d'aller à sa rencontre. Je voulais juste noyer ma peine en buvant des litres et des litres de café. Ou mieux, si je trouvais... Mais ça n'allait pas plaire à ma mère.

Jamais, de toute ma vie, je ne m'étais fait autant humilier. Henry avait bien compris mon plan. Je voulais récupérer Kerrie, parce que depuis le début, elle était sensée me revenir de droit. Et en un instant, il m'avait enlevé toute envie de la récupérer, car ce n'était pas le mauvais tempérament de mon amie qui m'avait déjà empêché de faire quoique ce soit. Il avait compris et il se servait de mon désir contre moi, afin de mieux me détruire au passage.

Il était fort. Les gens forts ne m'avaient jamais atteint. Mais là, bizarrement, c'était comme si j'avais perdu ma force d'un seul coup. Que ma force m'avait rendu faible.

Je relevai subitement la tête en voyant que Kerrie était venue à ma rencontre, l'air toujours aussi mécontente. Elle trempa ses lèvres dans son café, avant de déclarer d'une voix stridente :

-« Faut que tu arrêtes Tom. Vraiment. Ce n'est pas un jeu, et je ne suis pas un prix de tombola.

- Hum. Je crois que j'ai compris, ne t'en fais pas. »

L'air mécontent de Kerrie se transforma en surprise. Elle pensait que ça m'amusait de lui courir après ? Elle pensait qu'on continuait de jouer encore et encore ? Elle pensait qu'elle avait le droit de revenir dans la partie après l'avoir lâchement abandonnée ? Non. Elle n'avait pas le droit, surtout lorsque nous avions établi les règles à deux.

-« Ah vraiment ?

- T'en vaut pas la peine finalement. Je regrette d'avoir pu un jour poser mes yeux sur toi.

- Tu regrettes le passé maintenant ?

- Tu me dégoutes. C'est fou à quel point tu me dégoutes. T'es devenue tout le contraire de ce que l'on avait prévu de devenir. T'es devenue nigaude, et tu sors avec le fils du propriétaire d'un prestigieux hôtel, qui va pouvoir pallier à tes problèmes de fric que t'as jamais su géré.

- Eh qu'est-ce qui te prend... Je voulais juste que tu arrêtes de tout tenter pour moi, pour me récupérer, que tu comprennes que tu es parti et que j'ai enfin réussi à tourner la page. Tu ne peux t'en prendre qu'à toi !

- Mais merde Kerrie, arrête de croire que tout le monde te désire ! Henry est le premier gars que t'as osé aborder après cinq ans d'absence. Tu penses que parce que ça y est, t'es enfin en avance sur moi, t'es en couple, tu vas enfin te sentir protégée, aimée ? Parce que ouais... t'es une pauvre malheureuse et quoiqu'on fasse pour toi, ça ne va jamais. Et arrête de me dire que c'est de ma faute, c'est bon, j'ai compris, ça fais cinq fois que tu me le rabâches ! En attendant, à chaque fois que tu allais en foyer d'accueil, j'étais capable de t'attendre, moi !

- Ah ouais, tu m'as vachement attendu cette-fois ci. A coucher avec toutes ces filles...

- Les gens font des erreurs Kerrie. La preuve, je suis devenu ton ami.

- T'es vraiment comme ton père en fait.

- NE ME COMPARE PAS A MON PÈRE BORDEL ! NE FAIS SURTOUT PAS CA ! »

Je serrai mes poings, à deux doigts d'exploser, les joues soudainement empourprées de colère. Kerrie prit peur et lâcha brusquement son café par terre, déversant le liquide une énième fois sur le sol.

-« Eh les enfants... Calmez-vous. »

Je fis violemment volte face pour voir que ma mère était venue à notre rencontre, pour nous stopper, parce que tous les clients attablés à la terrasse nous dévisageait, stupéfaits.

Lorsqu'elle vit ma mère, Kerrie ouvrit des yeux ronds et baissa la tête honteuse, et descendit pour rattraper son gobelet de café.

Ma mère soupira, avant de déclarer, d'une voix dure mais compatissante.

-« Kerrie s'il te plait, retourne à l'intérieur, avec ton ami. Laisse-nous seuls.

- Je suis désolée Erica... Je ne voulais pas créer de tensions...

- Kerrie. S'il te plaît. »

Elle finit par hocher la tête furtivement, avant de s'éloigner de nous d'un pas pressé et de rentrer à son tour dans l'établissement, sans piper mot.

Ma mère se posta devant moi, et me regarda d'un air attristé, tout en posant ses deux mains sur mes épaules.

-« On va aller faire un tour. Attends-moi dehors, le temps que je paye mon café s'il te plaît. »

Je ne répondis pas les poings toujours serrés, expirant de manière très acharnée. Mais ma mère rajouta d'une voix douce, mais qui avait le mérite d'avoir l'effet d'une bombe :

-« S'il y a bien une chose sur laquelle je suis d'accord avec ton père depuis un bon moment, c'est que de te tenir éloigné de la famille Heckwood est la meilleure chose qui peut t'arriver pour ta vie future. Alors ne t'approches plus d'elle, Tom. Et je suis très sérieuse lorsque je te dis ça. Ce qu'il s'est passé aujourd'hui était inadmissible. »

Je desserrai mes poings, soudainement conscient du bazar que je venais d'effectuer dans le café. Et honteux, je baissai à mon tour la tête et tournai les talons en dehors du café, tandis que ma mère disparut à l'intérieur de l'établissement, afin de payer son café.

Une fois en dehors du périmètre du Griddle Coffee, je réussis à complètement me calmer. Extérieurement. A l'intérieur, je bouillonnais. Plusieurs sentiments s'entrechoquaient : de la rage, de la colère, de la tristesse, de la honte... Surtout de la honte. J'ai été humilié trop de fois aujourd'hui, et je n'arrivais pas à m'en remettre.

Ces humiliations avaient besoin d'être atténuées par quelque chose. Et j'avais promis à ma mère que je ferais attention à ma consommation d'alcool. C'était grâce à elle que j'avais réussi à me calmer à l'instant, je lui devais bien ça.

Pourtant j'avais besoin de noyer cette rage et oublier cette violente humiliation.

Je ne savais pas alors, si c'était mon inconscience qui me fit sortir mon téléphone de ma poche, et qui composa un certain numéro de téléphone, ou si c'était tout ce que j'avais trouvé de mieux pour me consoler pour l'instant. Ce dont je ne me doutais pas, c'est que ce que je m'apprêtais à faire, je risquais de le regretter amèrement. Et que ça n'allait certainement pas m'aider. Ou du moins, pas sur une longue durée. Mais j'étais trop mal pour m'en rendre compte. Me rendre compte qu'en plus de me faire plus de mal, j'allais faire aussi du mal à cette personne également, qui avait l'air de tenir à moi.

Vous êtes bien sur la messagerie d'Edwige Paige. Je suis actuellement occupée pour l'instant, mais laissez moi un message et je vous réponds dès que possible ! Bises !

- Salut Edwige, c'est Tom. Même chambre que cette nuit, à l'heure qui t'arrange. J'espère que tu viendras. Bye... »

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Bonjour tout le monde ! I'm back !

Après avoir passé mon bac de français je suis enfin dispo pour sortir pleins de chapitres !

D'ailleurs que pensez-vous de celui-ci ?

N'hésitez pas à voter et à exprimer votre avis !

A très bientôt pour un nouveau chapitre.

#C.

{Musique en média : The system only dreams in total darkness - The National}

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