Chapitre vingt-quatre
CLAIRE
La douche, voilà la seule échappatoire que j'ai trouvée pour me dérober. Pour ne pas succomber à ses lèvres si charnues que je rêvais tant d'embrasser.
À un moment, j'ai cru percevoir cette pointe de doute dans ses yeux, et dans ses gestes tendres envers moi. Il était perturbé autant que je pouvais l'être. Sa main si douce sur ma joue dans laquelle j'avais envie de me lover, juste pour ressentir toute la sensualité de sa caresse. Il est tellement doux, tendre et respectueux. Et c'est sans doute pour cela qu'il s'est vite repris en mettant de la distance entre nous.
Normal, espèce d'idiote, il est gay...
Mais qu'espérais-je ?
Tout ça parce qu'il a été gentil, qu'il m'a prise dans ses bras, qu'il m'a consolée, cajolée, qu'il a eu un soupçon de désir peut-être ? J'imaginais quoi ? Qu'il craquerait pour une nana complètement bousillée de l'intérieur ? Si je voulais le faire fuir, j'ai fait sans le vouloir tout ce qu'il fallait pour, avec mon délire de ce matin. Franchement, qui aurait envie d'une nana qui a un tel passé et qui se tape des hallucinations de malade.
Personne et encore moins un mec comme lui, qui peut avoir d'un sourire et d'un claquement de doigts, tous les mecs qu'il désire à ses pieds, sans compter toutes les nanas qui doivent aussi craquer pour lui.
Je ferme les yeux et laisse couler l'eau chaude sur mon corps. Pour une fois, je m'autorise à y rester un peu plus longtemps que d'habitude. Et au diable la facture d'eau, ce n'est pas la fin du monde après tout. C'est juste pour cette fois. Pour me détendre. Pour me permettre de me recentrer sur l'essentiel...
J'en ai besoin.
La fin du monde, c'est plutôt mon aveu sur mon passé sans que je le veuille. À croire que mon subconscient en a décidé autrement pour moi. D'une certaine manière, cela me libère d'un gros poids, d'un autre côté, je ne veux pas que cela entache les relations d'amitié que j'ai avec Milo et Lucas.
Enfin, de l'amitié j'en ai surtout pour Lucas, car je ne peux plus dire que c'est ce que je ressens pour Milo. Il m'a toujours plu certes, il est gentil avec moi, attentionné et forcément... Qui n'aurait pas craqué pour lui ?
Mais là, je dois me l'avouer : ce n'est plus du craquage. Pas après tout ce qu'il a fait pour moi ce matin. J'ai conscience de mes sentiments pour lui et c'est d'ailleurs pour ça que cela m'a été aussi dur de me voir m'effondrer devant lui. Mais d'un autre côté, au moins je serais fixée. Si après ça, il ne me donne plus de nouvelles, c'est que je devrais l'oublier une bonne fois pour toutes.
Mais bien sûr Claire, me charrie ma conscience.
Oh ça va toi, tu ne vas pas commencer à me prendre la tête avec tes raisonnements, me réponds-je à moi-même. S'ensuit un dialogue entre cette petite voix intérieure et moi :
T'as ce mec dans la peau.
Oui, ce n'est pas faux, mais...
Et claire... N'oublie pas que je sais ce que tu ressens moi !
Mais bien sûr, je ne sais déjà pas moi-même mettre des mots sur ce que je pense.
T'es amoureuse ma fille !
Non, évidemment que non.
Affirme le contraire alors, regarde-toi dans le miroir et assure à voix haute que tu ne ressens rien en le voyant avec Lucas, en sachant ce qu'ils font ensemble...
Ok, ok, ok, capitulé-je. J'ai des sentiments pour lui, mais de là à dire que je suis amoureuse, il y a de la marge.
Tu l'as dans la peau, me répète-t-elle.
Chuutttttt...
Je me dois de faire taire cette voix, même si elle ricane la peste.
Je m'assois dans la douche, et me prends la tête entre les mains. Je sais qu'elle a raison, mais je ne veux pas l'admettre, je dois me protéger. Je ne peux plus faire confiance aveuglément à un homme, comme je l'ai fait avec Marcus au début. On a vu le résultat. Je dois me soustraire de son attirance, de sa gentillesse, de sa façon de me parler, de me regarder, de me consoler, de me toucher...
STOP !
Je dois me blinder pour ne pas craquer comme tout à l'heure. Je dois m'obliger à retenir tout ça au fond de moi, sinon, il va me détruire lui aussi. Je dois me préserver avant tout. Je dois penser à moi. D'abord à moi. J'ai toujours fait passer les autres avant mon bien-être et, au foyer on nous a appris à penser différemment et à peine sortie, voilà que je recommence et me jette dans les bras du premier venu.
Bon là, je vais trop loin, Milo n'est pas le premier venu. Mais après tout, qu'est-ce que je connais de lui ? De sa vie ? De sa famille ?
J'éteins l'eau et déjà, je culpabilise d'avoir passé autant de temps sous la douche. Je vais devoir les prendre encore plus courtes que d'habitude dans les jours à venir. Si au moins ça m'avait fait du bien... Malgré tout, j'en ressors toujours aussi nouée et la tête emplie de questions et de doutes.
La seule certitude que j'ai, c'est celle de devoir penser à moi et remettre ma carapace en place.
Je sors les rejoindre une fois habillée et je les entends forcément parler de moi.
Il faut absolument que je coupe court à ce moment des plus difficile que je viens de vivre. J'aurai bien assez de temps, quand je serais seule pour essayer de comprendre ce qu'il m'est arrivé.
Je réponds dans la mesure du possible à Lucas. Mais ma voix se bloque et j'ai du mal à aligner les mots sans prendre de pauses.
— Une hallucination. Voilà ce que j'ai eu... J'ai entendu une respiration à mes côtés... J'ai fait une crise d'angoisse, avoué-je. Je pensais qu'il était à nouveau dans mon lit, frissonné-je à l'évocation de ce moment. On peut passer à autre chose maintenant ? demandé-je en m'asseyant.
Je force un sourire malgré mes traits tirés et mon âme en vrac, et tente d'ajouter un peu de gaieté dans ma voix lorsque je continue :
— J'ai une faim de loup.
Tous les trois se regardent sans oser prononcer un seul mot. Lucas et Milo s'occupent du petit-déjeuner ne voulant pas que Poppy et moi, nous fassions quoi que ce soit. Ils sont adorables. Mais je ne dois pas me laisser attendrir par leurs attentions envers nous. Je ne veux plus paraître faible et vulnérable à leurs yeux.
Je suis forte !
Je suis plus forte que tout ça !
Je vais y arriver !
Je dois y arriver, c'est une question de survie...
— Claire ?
— Oui Lucas ?
— Tiens ton café, me dit-il en me tendant une jolie tasse.
— Merci, il sent très bon.
— Une tartine ? Tu veux quelle confiture ?
— Merci Milo, mais je sais encore me préparer une tartine.
— Je voulais simplement...
— Être gentil, je sais ! Mais vous voyez, je vais nettement mieux, alors vous pouvez arrêter de me couver !
Il me regarde avec l'air ahuri et triste du mec qui ne comprend pas ce que je peux bien avoir, alors que c'est si simple.
— Nous en sommes revenus au vouvoiement à ce que je vois ? grimace-t-il.
— En effet.
— Je peux savoir pourquoi ?
— Parce que cela l'a toujours été entre nous.
— Mais... Et tout à l'heure ?
— Tout à l'heure je vous l'ai dit, il ne sait rien passé !
— Comme vous voudrez Claire, répond-il déçu.
Je m'en veux de lui faire du mal en étant aussi froide avec lui, parce qu'il m'a l'air d'un homme bon ; mais je ne peux pas faire autrement si je ne veux pas souffrir à mon tour. Il n'est plus question qu'un homme me fasse du mal. Jamais !
— Tu as fini ton café Lucas ?
— Oui, il faudrait qu'on y aille !
— Mais c'est dimanche, rien ne presse ? rajoute immédiatement Poppy.
— Si, nous devons continuer de travailler pour l'agence, sinon nous ne serons jamais prêt, précise Milo.
Il range tout ce qu'il se trouve sur la table. Milo remet sa chaise en place et se tourne vers moi cherchant dans mon regard des réponses à mon attitude froide et détachée.
— Très bien, merci à tous les deux pour cette bonne soirée et le petit-déjeuner.
— Nous avons passé une excellente soirée, merci et il faudra que l'on se refasse ça. La prochaine fois vous viendrez chez nous, lance Lucas.
— Oh oui ça serait trop bien, réponds Poppy avec enthousiasme. Pas vrai Claire ?
Je n'arrive pas à quitter ses iris tristes. Même pas pour répondre à Poppy.
— Oui, en effet.
Nous nous faisons la bise mais je sens que Milo est tendu quand il s'avance vers moi et, j'ai envie de me filer des gifles de le voir aussi triste par ma faute.
Alors quand il s'approche de moi, je lui souffle :
— Je suis désolée Milo, veuillez m'excuser.
— Ce n'est rien Claire, je ne comprends pas tout mais prenez soin de vous, lance-t-il en esquissant un sourire de façade.
Je ferme la porte derrière eux et fond en larmes s'en pouvoir me contrôler. Poppy me prend dans ses bras et me console alors qu'elle me dirige vers le canapé. Nous nous asseyons et je pose ma tête sur ses jambes alors qu'elle me caresse les cheveux.
— Si tu savais comme je m'en veux d'agir comme ça avec Milo.
— Je le sais ma Cali et il le comprendra lui aussi.
— Tu crois ?
— Laisse-lui du temps. Mais oui, j'en suis sûre.
— Allez essaye de faire le vide et arrête de penser cinq minutes à tout ça.
Poppy me caresse toujours les cheveux et ça me calme tellement que je finis par m'endormir.
Et vu sa voix quand elle répond au téléphone, je suppose qu'elle aussi s'était endormie.
— Allô !
— Salut.
— Qui est à l'appareil ?
— Tu ne reconnais plus ma voix ?
— Si c'est une blague, elle est de très mauvais goût !
Poppy raccroche aussitôt et quand je croise ses yeux, je sais que quelque chose ne va pas.
— Qui était-ce ?
— Un numéro inconnu. Ne t'inquiète pas !
— Pas à moi Poppy, la grondé-je.
— Cette voix me paraît familière mais je ne sais pas qui c'est, je te le promets ma Cali.
— Familière comment ?
— Ben j'ai l'impression de la connaître mais impossible de savoir à qui elle appartient.
— Si ça se trouve c'était vraiment une erreur.
— Oui, si ça se trouve.
— Ne t'inquiète pas ma Poppy, ils ne peuvent pas avoir ton numéro, tu le sais.
— Oui mais...
— Non Poppy, nous n'allons pas commencer à paniquer !
— J'en parlerai avec Edwige en rentrant.
— Oui il vaut mieux qu'elle soit au courant, on ne sait jamais.
— Tu es sûre, mes parents ne savent pas où je suis ?
— J'en suis certaine ma puce, ils n'ont pas le droit d'avoir ces informations. Et puis, tu as changé de ville aussi, contrairement à moi.
— Oui mais ça, c'est parce que ce salop abusait de moi alors que j'étais mineure et...
Le téléphone de Poppy sonne à nouveau, elle me prend la main pour se donner du courage. La pauvre tremble comme une feuille. Elle me montre l'écran, l'appel est toujours en inconnu.
— Tu veux que je réponde à ta place ?
— Oui, tiens, me dit-elle en me tendant le téléphone.
— Allô ?
— Qui est à l'appareil ?
— C'est plutôt à moi de poser la question.
— Tu n'es pas Poppy, alors passe-la moi !
— Pas tant que je ne saurais pas qui vous êtes Monsieur, réponds-je fermement.
— C'est pas parce que tu me donnes du Monsieur que je vais te répondre.
— De toute façon vous faites erreur, ce téléphone n'appartient pas à la personne que vous demandez.
— C'est ça... Prends-moi pour un con ! Claire, c'est bien ça...
— Comment vous connaissez mon nom ? m'inquiété-je.
— Parce que je connais Poppy, alors tu me la passes ?
Je pose la main sur le téléphone et demande :
— Poppy, il te connaît et moi aussi ! Tu ne vois toujours pas qui cela peut-être ?
— Mets le téléphone sur haut-parleur et fais le parler.
— Alors Monsieur l'inconnu pourquoi devrais-je vous croire ?
— Bon Claire, tu as l'air gentille mais là tu me gonfles, alors passe ce téléphone à Pop's.
— Lewis ?
— Tu m'entends Pop's ?
— Oui j'avais mis le téléphone sur haut-parleur.
— Il t'en a fallu du temps pour me reconnaître. Je ne sais pas comment je dois le prendre.
— Attends ça fait six ans que je ne t'ai pas parlé au moins.
— Comment peux-tu oublier ma voix ?
— Ne commence pas Lewis ou je raccroche.
— Tu peux, c'est pas un problème maintenant que je t'ai retrouvée.
— Comment tu as eu mon numéro ?
— Je te le dirais mais quand je t'aurai en face de moi.
— Non, non, ce n'est pas possible ça...
Poppy me tend le téléphone en tremblant.
— Lewis.
— Claire.
— Poppy ne veut plus, vous parlez, alors laissez-la tranquille.
— Je veux juste la voir.
— Elle a dit non !
— C'est ce qu'on verra ! s'énerve-t-il.
— Vous avez un gros problème avec le "NON" dans votre famille.
Je raccroche et j'en tremble encore.
Mon Dieu, ils l'ont retrouvée.
Quand j'entends frapper à la porte, je n'ai pas le temps de retenir Poppy.
— Ça doit être Lucas qui a oublié un truc, me dit-elle en allant vite ouvrir la porte.
Mais ce n'est pas Lucas.
— Lewis ? s'écrie-t-elle en reculant.
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Claire fait son analyse sous la douche mais en ressort toujours aussi paumée !
Que pensez-vous du retour au vouvoiement de Claire ?
Elle veut se protéger et on peut le comprendre...
Milo est triste et paumé mais respecte sa décision !
Toujours aussi doux avec elle !
Un nouveau personnage fait son apparition : Lewis !
Mais qui est-il ?
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Dédicace à Amandine0820
Ma Choupette magicienne qui ne se contente pas de me lire, et de me corriger. Elle me trouve aussi LA chanson qui colle tant à mon histoire !
Un grand Merci à ma Choupette, tu es vraiment un amour et la cerise sur mon sunday (clin d'œil).
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Bisous mes Loulous
Kty
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