Chapitre vingt et un

MILO

Qui aurait cru que cette soirée à la base festive pour l'aménagement de Claire tournerait au cauchemar. D'abord Brice et son dragon aux cheveux roux qui s'engueulent. Puis le fait que je découvre que Poppy, la jolie petite brune qui plaît tant à Lucas sera notre stagiaire pour trois mois, et enfin, la révélation du dragon sur le fait qu'elle est la directrice du foyer pour femmes en détresse dans lequel était Claire et où se trouve toujours Poppy.

J'étais au courant pour Claire, mais là, j'en ai bel et bien la confirmation. Quelqu'un lui a fait du mal au point d'être admise dans ce foyer et c'est pareil pour Poppy. Lucas est sur le cul mais le connaissant, il ne les jugera pas et il doit même avoir autant de peine que j'en ai moi. Et j'en ai la certitude lorsque je le vois regarder Poppy et Claire.

Celle-ci prétextant devoir aller en cuisine, se lève et passe devant nous dignement, la tête relevée. Mais cette apparence s'effrite au fur et à mesure de ses pas. Je sais parfaitement qu'elle doit être dévastée par cette annonce et je me lève à mon tour pour la suivre, sachant pertinemment qu'elle a dû se réfugier sur le balcon. Je récupère la boîte de mouchoirs sur sa table de nuit et je la rejoins.

J'entends ses pleurs avant même de la voir. J'en ai mal au ventre de la savoir si triste. Je lui tends la boîte de mouchoirs en restant planqué derrière le mur en me disant que cela la fera peut-être sourire de la voir juste tenue par ma main sans l'obliger à croiser mon regard. Après s'être essuyé le visage et les yeux, elle s'excuse. Donc pour éviter qu'elle continue à s'en vouloir, je lui avoue être déjà au courant.

— Mais comment c'est possible Milo ? Je n'en ai jamais parlé...

— Je m'excuse par avance pour mon comportement et pour la façon dont j'ai découvert votre secret.

Elle reste silencieuse, la tête baissée en attendant sans doute mes révélations.

— Vous vous souvenez du soir où j'ai voulu vous raccompagner chez vous et que vous avez préféré que je vous dépose à la boulangerie ?

— Vous m'avez suivie ? demande-t-elle totalement désemparée.

— Oui Claire et j'en suis désolé. Je n'aurai jamais dû faire ça. Mais sur le coup, je n'ai pas réfléchi. La seule chose que je savais c'est que je devais vous suivre.

— Si je comprends bien, vous aviez attendu que je sorte de la boulangerie, m'aviez vue attendre le bus, le prendre et vu que je rentrais au foyer ?

— Oui, j'ai vu tout ça... Et même plus.

— Comment ça ?

— J'ai attendu que vous ressortiez pensant que vous n'étiez là, que pour une visite. Quand je vous ai vu traverser la cour et ouvrir la porte d'une chambre, alors là, j'ai compris. Même si je n'arrivais pas à le croire ni admettre que quelqu'un avait pu vous faire à ce point du mal.

— Et pourtant...

— Je suis vraiment navré, si vous saviez.

— Tout comme je l'ai été après votre agression.

Nous sommes là, assis sur le sol de ce balcon à nous perdre dans nos souvenirs cauchemardesques. Comment un homme peut-il faire du mal à une femme si douce et adorable que Claire.

— Vous voulez qu'on en parle ?

— Et vous Milo ?

Est-ce que j'ai envie de lui parler du calvaire que m'a fait vivre Marcus ? Franchement, nous sommes là pour fêter son nouveau départ dans la vie. Alors on devrait peut-être laisser le passé et les douleurs là où elles sont pour ce soir. Un jour, peut-être que je trouverais le courage de lui en parler, parce que je sais qu'elle ne me jugera pas et pourra me comprendre, et même sans doute m'aider.

— Vous n'êtes pas obligé de m'en parler Milo. Mais je sais que c'est la meilleure façon de s'en sortir.

— C'est comme ça que vous y êtes arrivée ?

— En partie, oui.

— Vous êtes restée longtemps au foyer ? osé-je l'interroger.

— Presque deux ans et demi et j'en suis sortie grâce à vous, me dit-elle en relevant son regard vers moi.

L'émotion que j'y lis me cloue sur place.

Je ne sais pas quoi faire.

Je ne sais pas si je peux la prendre dans mes bras pour la consoler.

Je ne sais pas si c'est correct ou même si elle accepterait mon contact.

— Je peux ? lui demandé-je à voix basse en ouvrant les bras pour lui laisser le choix.

Elle ouvre la bouche pour me répondre mais aucun son ne sort. Je la vois réprimer un nouveau sanglot en essayant de calmer sa respiration comme me l'a appris ma psy et je comprends que Claire emploie la même technique pour calmer son angoisse. Au moment où je baisse les bras pensant qu'elle ne veut pas ou ne peut pas, je sens sa tête s'appuyer contre mon épaule et instinctivement je passe mon bras autour de la sienne. Pour la réconforter ? Pour lui montrer que je suis là et que je la soutiens ? Pour ? Je ne sais quelle raison je le fais mais je sens que je dois le faire, pour que ses tremblements se calment, pour que son angoisse s'envole, pour que ces sanglots cessent. Pour que...

Pour que je me sente mieux à mon tour ? Pour que mes propres angoisses partent ? Pour que ma respiration se régule en se calquant sur la sienne. Pour que son parfum me détende. Pour que la douceur de ses cheveux continue à frôler ma joue. Pour que ce moment ne finisse jamais.

C'est la première fois que je me sens aussi apaisé dans les bras de quelqu'un d'autre. Comment c'est possible que nos deux souffrances dissipent celle de l'autre ? Comment cette femme peut-elle autant me bouleverser, me calmer et m'aider ? Juste en étant elle, juste en étant là, nichée dans le creux de mon bras.

Est-ce parce que nous sommes brisés tous les deux et que nous connaissons cette douleur qui vit au creux de notre ventre ?

Je la sens bouger légèrement mais je me refuse à rompre ce contact qui me fait tant de bien, donc sans la lâcher, je lui murmure :

— Ça va mieux ?

— Oui merci Milo et vous ?

— Bien mieux, merci... Claire.

— J'en suis contente alors, me souffle-t-elle en se tournant légèrement vers moi.

Ce qui provoque en moi une série d'émotions que je ne contrôle pas. Son parfum m'envoûte, ses cheveux me frôlent et ses yeux me donnent l'impression de lire en moi. Alors sans même y réfléchir, je l'embrasse sur le front, doucement, timidement, maladroitement sûrement.

Sa peau est si douce, si veloutée, si...

Et comme si le contact de mes lèvres sur elle avait provoqué un électrochoc. Nous reculons et nous nous détachons l'un de l'autre se réfugiant chacun à un bout du balcon à nous regarder sans comprendre ce qu'il vient de se passer.

— Claire, je suis désolé.

— C'est bon Milo, répond-elle en baissant les yeux.

Elle remonte ses jambes contre sa poitrine - en prenant soin de bloquer le dessous de sa robe - et couche sa tête dessus, afin de regarder le parc qui apporte calme et sérénité.

Me voilà revenu au point de départ ne sachant quoi faire ou dire.

Mais qu'est-ce qu'il m'a pris de l'embrasser ?

Même si c'était sur le front, je me suis laissé aller, emporté par ce moment...

De quoi ?

Un moment de réconfort.

De soutien.

D'apaisement.

D'oubli de soi...

Car oui j'ai complètement oublié qui elle était, qui j'étais. Nous n'étions que deux corps enlacés se soutenant, se donnant l'un à l'autre la bouffée d'oxygène dont chacun avait besoin.

Je suis venu pour voir comment elle allait, pour lui dire la vérité. Et au final, j'ai l'impression d'avoir ajouté encore plus de troubles et de non-dits entre nous.

Pourtant cela partait d'un bon sentiment, mais comment aurais-je pu imaginer que je me laisserai aller à son contact.

Ce contact qui me manque déjà. Qui me laisse un vide. Il ne me reste que le souvenir de ce merveilleux moment passé et son parfum. Il a imprégné ma chemise, mon odorat, ma pensée, et mon corps qui a ressenti de nouvelles sensations.

Des sensations, que je ne suis pas censé ressentir. Mais qu'est-ce qui m'arrive ? Je suis totalement perdu et pourtant, bizarrement, je me sens bien.

J'ose lever mes yeux vers elle afin de la regarder, de la contempler, afin de vérifier que je n'ai pas fait trop de dégâts en agissant de la sorte. Je ne veux surtout pas la faire souffrir. Je ne veux plus qu'elle pleure, qu'elle soit triste à cause de mon comportement. Elle doit croire que j'ai eu pitié d'elle... Mais quand nos iris se croisent, je sens ce frisson me parcourir. Je la vois me sourire timidement.

Elle me sourit ?

J'ai l'impression d'être un ado à son premier rencard, sauf que pour moi mon premier rencard était avec Josian et qu'il avait du poil au menton. Alors la comparaison s'arrêtera là, en ce qui me concerne. Parce que je n'ai pas de point de comparaison, je n'ai jamais eu de rencard ou de rendez-vous avec une femme. Est-ce que ça se ressemble ? Est-ce que l'on ressent les mêmes choses ? Est-ce que les mains moites et la bouche sèche en font partie ?

Pendant que je me questionne et que j'imagine tout ça, Claire s'est relevée et s'approche de moi en me tendant la main. Je la lui serre sans comprendre où elle veut en venir et là, elle ne peut s'empêcher de rire et me dit :

— C'était pour vous aider à vous relever.

— Quel idiot je fais, bafouillé-je.

— Mais non, c'était touchant et risible aussi.

— Je suis heureux de vous avoir redonné le sourire, cependant n'en abusez pas, tout de même.

C'est vrai que je suis heureux.

Claire sourit. Elle rit même. Et ça, c'est grâce à moi...

— Nous devrions rejoindre les autres, je fais une bien piètre maîtresse de maison.

— Ça tombe bien vu que c'est un appartement ! ricané-je.

— Vous savez que votre humour est comment dire ?

— Nul, lance Lucas alors que nous arrivons dans le salon.

Chacun reprend sa place. Lucas pose sa main sur ma cuisse tout en me murmurant :

— Tout va bien mon ange ?

— Oui, Claire va mieux.

— Par contre toi...

— Quoi moi ? râlé-je.

— Tu as l'air tendu et vu comme tu me réponds maintenant, j'en ai la confirmation.

— N'importe quoi. Où tu vas chercher ça ?

— Il suffit de vous regarder tous les deux. Les corps et la gestuelle ne mentent pas, eux !

— Tu insinues quoi là ? Que je mens ? m'agacé-je

Lucas retire sa main et j'en suis soulagé. Mais qu'est-ce qui ne tourne pas rond dans ma tête ? J'ai du mal à supporter le contact de mon petit ami, par contre j'ai adoré celui de Claire.

Je suis perdu.

Totalement perdu...

J'essaye de suivre la conversation mais je n'y arrive pas. Trop de questions polluent mon esprit.

Je relève la tête quand Poppy me propose un verre et je tombe droit dans le regard de Claire qui le baisse aussitôt. Était-elle en train de me regarder ? Est-ce de cela que voulait parler Lucas ?

— Lucas, je n'ai pas voulu être désagréable avec toi. C'est juste que d'évoquer mon traumatisme avec Claire m'a chamboulé. Elle comprend ce que je ressens sans que j'aie besoin de le formuler.

— Si tu le dis.

— Tu me fais la tête ?

— Ai-je des raisons de te la faire ?

— Non, bien sûr que non, protesté-je.

— Alors tout va bien.

— En effet, tout va bien !

— Dans ce cas-là mon ange, embrasse-moi !

*******

Claire apprend comment Milo était au courant pour le foyer !

Premiers rapprochements entre Milo et Claire, ils sont maladroits et timides mais tellement touchants ! Qu'en pensez-vous ? 😍

Milo se pose énormément de questions, à juste raison, non ? 🤔

Lucas n'est pas dupe et voit bien qu'il se passe quelque chose. 😞

Milo embrassera-t-il Lucas comme il le lui demande ? 😚

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😘 Bisous mes Loulous 😘

😍 Kty 😍

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