Chapitre vingt-deux

CLAIRE

Mais pourquoi rien ne peut être simple pour moi ? Je voulais juste passer une bonne soirée entre amis. C'est la première fois que ça m'arrivait, car avec Marcus je n'avais pas le droit d'avoir d'amis et encore moins d'inviter des personnes à la maison. Lui, il se permettait de sortir dans les bars, les boîtes de nuit, alors que moi, je devais l'attendre jusqu'à ce qu'il rentre au cas où il aurait envie de me baiser, comme il le précisait -à chaque fois- avant qu'il ne sorte avec ses potes.

Alors je l'attendais.

Sans dire un mot.

Sans me plaindre.

Sans l'ombre d'un espoir.

J'espérais juste, assise à même le sol dans le noir.

Faites qu'il n'est pas trop abusé de la boisson...

*******

Alors forcément, là, je suis déçue.

Tout le monde est assis à sa place, personne ne parle en dehors de Lucas et Milo qui se chuchotent des mots qui ont l'air de contrarier Milo. J'espère qu'en plus, je ne suis pas au cœur de leur désaccord.

Depuis qu'Edwige a balancé sa bombe, elle a jeté une chape de plomb sur la soirée. Entre ses retrouvailles houleuses avec Brice -qui du coup n'a plus ouvert la bouche- et sa révélation sur notre condition de femmes maltraitées, Poppy et moi sommes mal à l'aise.

Elle ne pouvait pas nous assassiner plus.

Ce n'est pas le genre de chose dont on aime parler et encore moins à des personnes que l'on a invités.

Quelle honte, mon Dieu.

Mais qu'est-ce qui lui a pris, de dire ça, comme si elle annonçait le bulletin météo ? Je veux bien croire qu'elle soit perturbée par la présence de Brice, mais tout de même. Comment a-t-elle osé révéler cette information ? Je n'en reviens pas. Et je ne suis pas la seule. Même Poppy qui d'habitude est un vrai bout en train, reste assise, à jouer nerveusement avec la cordelette de sa combinaison soyeuse.

La connaissant, elle doit être dans une colère intérieure digne d'une cocotte-minute qui ne va pas tarder à exploser et là, ça risque de faire de gros dégâts. Alors pour éviter cela, je lui souffle :

— Poppy, j'ai besoin de toi en cuisine. S'il te plaît, insisté-je pour qu'elle se lève.

Je n'ai pas le temps d'atteindre la cuisine, qu'elle m'agrippe par le bras pour me guider jusqu'à ma chambre qu'elle s'empresse de refermer.

— Non mais tu te rends compte de ce qu'elle vient de lâcher cette conne ! Lucas sait à présent que j'habite dans ce foyer.

Elle s'assoit sur mon lit en se prenant la tête entre les mains.

— Calme-toi Poppy, de toute façon on ne peut plus rien y faire. Elle l'a dit. Il va falloir faire avec...

Elle relève la tête et me fusille du regard.

— Parle pour toi, Milo est venu te consoler. Lucas m'a juste adressé un sourire navré.

— Ne le juge pas Poppy. Il doit être aussi mal à l'aise que nous, nous le sommes. Et puis Milo est lui aussi une victime, donc sa réaction est forcément différente.

— Ça n'empêche que je ne veux plus faire ce stage.

— Comment ?

— Comment veux-tu que je travaille pour eux maintenant ? Je ne veux pas que l'on me prenne en pitié et tu sais forcément que c'est ce qui va arriver.

Au fond de moi, je sais qu'elle a raison, mais je me dois de la convaincre de ne pas laisser tomber.

— Mais non...

— Ah tu crois ! Explique-moi pourquoi tu ne l'as jamais dit à personne à la boulangerie alors ?

— Ce n'est pas pareil.

— Et en quoi c'est différent ! Tu n'as rien dit parce que tu as honte et que tu ne veux pas faire pitié, me hurle-t-elle.

Je reste sans voix. Je savais qu'elle allait exploser mais je ne pensais pas être la cible de son explosion. Je sors sur le balcon. Décidément quoi que je fasse, je me retrouve ici. Il va vraiment falloir que j'achète de quoi m'asseoir car le sol est vraiment froid là et je vais finir par abîmer ma nouvelle robe. C'était bien la peine que je sacrifie une bonne partie des courses de la semaine pour l'acheter. Tout ça pour quoi ?

Pour que je me fasse jolie ?

Mais cela ne change rien, je termine quand même en pleurs sur mon balcon, alors autant l'enlever. Je passe mon vieux jeans et mon tee-shirt noir. Là au moins je suis moi. La fille brisée et banale que personne ne remarque et que ça arrange.

Je laisse Poppy dans ma chambre. Je n'ai pas envie d'en prendre encore plein la figure. Elle reviendra quand elle sera calmée.

Au moins au salon, ils ont trouvé de quoi parler. Et même Brice a retrouvé la parole. Ils se retournent tous vers moi quand j'atteins le canapé.

— Ça va Claire ? me demande Milo d'une voix inquiète.

— Bien sûr, affirmé-je en relevant la tête.

— Et Poppy ? demande à son tour Lucas.

— Elle est en mode "ne me faites pas chier".

— Donc je suppose que d'aller la voir n'est pas une bonne idée ?

— Je t'aurais prévenu.

Il se lève sans en demander plus et rejoint la chambre.

— Bonne chance, lui lance Milo d'un ton sarcastique.

— Claire, je suis vraiment désolée d'avoir parlé du foyer. Je ne sais pas ce qu'il m'a pris. Enfin, si je le sais. Je n'ai pas su contenir ma colère contre ce crétin assis en face de moi.

Brice lève la tête et la fusille du regard.

Ah enfin une réaction.

— Edwige, je comprends que tu m'en veuilles mais cela ne t'autorise pas à traiter tout le monde comme tu l'as fait ce soir. Alors maintenant ça suffit. Si tu as quelque chose à me dire. Très bien. Mais pas ici, dit-il en se levant.

— Où vas-tu ?

— Dans un endroit neutre où nous pourrons parler. Tous les deux. Alors maintenant, tu te lèves et tu viens.

— Mais je ne te permets pas de me parler de la sorte, s'emporte-t-elle.

— Tu veux parler, oui ou non ?

—...

— Je prends ton silence pour un oui, alors suis moi.

Edwige et Brice nous saluent, échangent leurs pantoufles contre leurs chaussures et sortent nous laissant Milo et moi sans voix.

— Eh bien cette soirée est encore plus ratée que je ne le pensais, avoué-je tristement.

— Il ne faut pas dire ça Claire. Lucas et moi sommes toujours là et franchement, on est aussi bien sans eux.

Son rire est libérateur et contagieux, et bientôt, nous partons dans un fou rire. Si bien, que quand Lucas et Poppy nous rejoignent, je suis pliée en deux et je me tiens les côtes, tant je ris.

— Ben je vois qu'on ne s'ennuie pas ici ! ricane Lucas.

— Ou sont passés le dragon et sa serpillière ? demande Poppy.

— Envolée, mimé-je avec mes mains et mon fou rire reprend de plus belle.

Milo et moi n'arrivons pas à nous arrêter. Nous avons tellement ri que les larmes coulent de nos yeux. Je dois être belle avec mes coulures noires. Mais là, à cet instant précis, je m'en fous royalement de mon maquillage, car ce fou rire me permet d'extérioriser tout ce que je ressens et ai vécu ce soir.

Plus d'humiliation, de honte, de tristesse, de colère et de déception.

— Vous venez trinquer avec nous ?

— Claire, vous avez assez bu, non ?

— Ah non Milo ! Vous n'allez pas vous y mettre. C'est ma première soirée entre amis, dans mon appartement, insisté-je en me pointant du doigt. Alors je fais ce que je veux ! rétorqué-je en rigolant.

— Après tout, vous avez raison. Champagne !

Milo ouvre une nouvelle bouteille, remplit nos quatre flûtes et nous trinquons gaiement.

— N'hésitez pas à vous servir en petits fours. Ils viennent de la boulangerie où je travaille, ils sont délicieux.

Nous parlons de tout et de rien, de l'agence, du futur stage de Poppy, qu'elle accepte de faire après que Lucas l'a raisonné et rassuré, des parents de Lucas et de leur maison à la montagne où ils ont tous les deux beaucoup de souvenirs. D'un week-end que l'on pourrait faire tous les quatre là-bas. Mais plus que tout, nous ne parlons pas du foyer ou de ce que nous avons vécu.

Enfin, je l'ai ma soirée comme je me l'étais imaginée.

Des amis, des rires et une bonne ambiance.

La seule chose que je n'avais pas prévue, c'est que nous finissions tous plus ou moins saouls.

Après d'âpres négociations, Milo et Lucas acceptent de dormir dans le canapé-lit, car il n'est pas question qu'ils prennent la voiture avec l'alcool que nous avons consommé. Quant à Poppy, elle dormira avec moi.

Il n'est pas loin de trois heures du matin et je suis épuisée en plus d'avoir trop bu. Je me laisse tomber sur le lit sans même me déshabiller tout comme Poppy. Nous ne sommes pas fraîches et à mon avis demain, nous serons pires, car je n'ai que rarement bu dans ma vie et jamais autant.

*******

Dimanche matin

Un bruit venant de la cuisine me réveille.

Je n'arrive pas à me lever tant mon mal de tête est intense et m'empêche de bouger. J'entends un bruit de respiration à mes côtés. Mais que se passe-t-il ? J'ai beau réfléchir, la seule chose que je sais et sens, c'est ce toc toc toc dans ma tête. Mince ! J'aurais oublié de fermer le robinet d'eau ? Il faut à tout prix que je me lève. Oui et bien, c'est plus facile à dire qu'à faire, c'est moi qui vous le dis. La respiration à mes côtés, bouge. Ça bouge ?

Cependant tourner la tête s'avère être pire en termes de douleur et de bruit. Je pose mes mains sur mes oreilles mais cela n'a aucune efficacité.

Je dois pourtant me lever pour vérifier ce bruit dans la cuisine. Ça doit être Willow qui doit manquer de nourriture ou d'eau dans sa gamelle, mais... Mais s'il est dans la cuisine, alors qui est la respiration bruyante à mes côtés ? Un léger ronflement me confirme que derrière la respiration se cache quelqu'un d'autre que le chat.

Je commence à paniquer.

Une respiration ?

Une respiration... Dans mon lit.

Non ce n'est pas possible.

Je tremble. 

J'ai peur...

Non c'est un cauchemar...

Il ne peut pas être revenu ?

Je pleure tout en me protégeant, en entourant mes bras autour de mes jambes repliées. J'essaye de protéger au possible mon ventre. Mon bébé.

Mon Julien n'ai pas peur maman est là...

Une main se pose sur mon épaule et je hurle.

— NON !

— Cali, calme-toi. C'est moi. C'est Poppy.

— Non, non... Ne me frappe pas ! hurlé-je en me débattant.

— Claire. C'est fini. Calmez-vous. Il ne vous fera plus de mal.

Prenant toutes les précautions possibles on me prend dans les bras.

— Chut, c'est Milo et je ne vous ferais jamais de mal. Claire, c'est un cauchemar.

Les bras se resserrent autour de moi et m'empêchent de bouger, de me débattre. Des mains me caressent les cheveux doucement en me disant de me calmer.

— Cali. Cali. C'est fini, me dit-elle en pleurant.

— Tiens, bois.

Je lève les yeux et reconnais Lucas.

Lucas ? Le verre d'eau ? Mais ces bras ? Ce ne sont pas ceux de Marcus ? Ces bisous sur mon front ? Si doux, si...

Je referme les yeux et mes pleurs reprennent de plus belle. Ce n'est pas Marcus. Ce n'est pas... Je déplace mes mains sur mon ventre.

— NON.

Mon ventre rond, il n'est plus là. Mon bébé. Mon Julien. Mon petit ange blond. Je commence à me balancer en murmurant son prénom.

— Julien... Julien... Julien... Chut ne pleure pas... Maman est là... Maman sera toujours là.

— Cali. Arrête ma puce. Tu te fais du mal.

— Poppy où est Julien ? Il va bien ? demandé-je totalement paniquée.

Je la vois lever les yeux vers quelqu'un. Je suis son regard quand je croise les yeux embués de Milo.

Milo ? Lucas et Poppy ?

— Oh mon Dieu, m'étranglé-je en les voyant tous les trois. Ici. Dans cette pièce. Je tourne la tête. Je ne sais plus où je suis. J'étouffe... Il me faut de l'air.

— J'étouffe, crié-je en courant vers la fenêtre. Je l'ouvre vite et me jette sur la balustrade du balcon. Quand je sens des bras tendus et musclés, me retenir par la taille et me tirer fort vers l'intérieur.

— Claire. Arrêtez !

— Lâchez-moi, hurlé-je.

— Non Claire, je ne vous laisserai pas vous faire du mal.

— De l'air... Je. Veux. Juste de l'air.

— Je vous accompagne alors et ne vous lâcherai pas.

En avançant vers le balcon, je sens le vent me fouetter le visage. Je ferme les yeux et respire à fond. Encore. Et encore.

— C'est bien Claire, respirez calmement. Je suis là. Je ne vous abandonnerai pas.

Il me tient fort dans ses bras, mon dos collé à son torse. Je regarde le parc. Le vent fait bouger les feuilles des arbres. Milo me parle doucement. Calmement. Il me caresse les cheveux comme le faisait ma maman quand j'étais enfant et que j'avais fait un mauvais rêve.

Mais le mauvais rêve s'est transformé en cauchemar à cause de Marcus.

*******

Une fois le couple dragon-serpillère parti, la soirée, c'est enfin bien passé 😂

Un peu trop même, car ils ont tous fini pompettes 🍾🥂

Quel réveil 😱

Un cauchemar affreux pour Claire qui lui a semblé plus vrai que nature 😢

Pensez-vous qu'elle allait sauter comme ils l'ont tous cru ?

Milo arrivera-t-il à l'aider et à chasser ce cauchemar ?

*******

😍 Bisous mes Loulous et heureuse de vous voir, de plus en plus, nombreux et nombreuses à lire et à aimer l'histoire de Milo, Lucas, Claire et Poppy. 😍

Merci de me suivre et d'être aussi fidèles, ça me touche énormément ! 💖💖💖💖

👔Pour infos, sachez que vous êtes 4 messieurs, alors ne soyez pas timides et laissez-moi un commentaire de temps en temps votre point de vue m'intéresse.🎩

💋 Kty 💋

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