Chapitre trente-neuf - 1

CLAIRE

Heureusement que je travaille ce week-end, ça va me permettre de ne pas trop penser à tout ce qu'il s'est passé vendredi soir chez Milo et Lucas.

Il est cinq heures du matin et j'éteins la sonnerie du réveil avant même qu'elle ne sonne. Je suis réveillée depuis un moment, les événements de vendredi passant et repassant sans cesse dans ma tête.

Je me lève sans faire de bruit pour ne pas réveiller Lewis qui dort profondément. Il est allongé de tout son long sur le dos, un bras replié sous son coussin et l'autre sur son ventre disparaissant sous le drap, sa main sans doute glissée dans son caleçon comme souvent.

Son souffle est régulier, sa bouche entrouverte laisse échapper par moments des bruits plus ou moins sonores. Mais je ne dois surtout pas lui dire qu'il ronfle légèrement sous peine de déclencher son courroux. D'après Lewis, un mec comme lui ne peut pas ronfler. "Tu vas ternir ma réputation" m'avait-il répondu en souriant de ses propos.

Je prends deux minutes pour le détailler et je suis toujours aussi surprise de voir un mec comme lui dans mon lit. Tout se passe tellement bien et vite entre nous que j'en ai quelquefois la tête qui tourne. Et pourtant, les sentiments sont là et il a su me prouver à plusieurs reprises que je pouvais lui faire confiance, compter sur lui. Je sais qu'il tient vraiment à moi.

≈ ≈ ≈ ≈

Comme l'autre jour dans la salle de bains où il a quand même pris d'énormes risques en enjambant les balcons pour venir à mon secours. Je n'étais nullement en danger pourtant. Mais dans sa tête c'était tout autre chose. Il m'a démontré par ses actes que ses paroles n'étaient pas en l'air.

D'autant plus qu'il n'était pas vraiment dans le faux mais je ne peux pas lui avouer, encore.

Je l'avais poussé à partir pour le tester, pour voir s'il reviendrait malgré ce qu'il savait maintenant de mon passé. J'étais tellement bouleversée de lui avoir tout raconté et tellement persuadée qu'il ne voudrait plus de moi, que j'avais passé une bonne partie de ma douche assise dans un angle à pleurer sur ma triste vie et sur la perte de mon bébé. Je ne sais pas si je me remettrais un jour de la mort de Julien. Je pense à lui tous les jours mais d'en parler avec Lewis m'a remuée encore plus que d'habitude.

Pourtant il ne m'a pas jugée, ni pris en pitié. Sa douleur était vraie. Il avait mal pour moi et ses expressions dures ne trompaient pas. J'ai bien vu que je lui faisais de la peine en le poussant à partir mais je n'avais pas le choix. Je voulais être seule pour qu'il ne me voie pas craquer. Pour qu'il ne découvre pas le mal que je peux me faire...

Pourtant cela faisait longtemps que je n'avais pas eu recours à cette expression extrême de ma souffrance. Grâce à la psy, j'étais arrivée à gérer ce côté malsain de ma colère. Mais l'idée de me faire du mal me hante. Je n'aurais qu'un geste à faire. Un coup précis et franc qui me libérerait un court instant de ce trop-plein de désespoir sombre.

Ma main tendue vers l'étagère, j'attrape mon rasoir, enfin plutôt celui de mon père. Je dévisse le sommet puis en retire la double lame tranchante. Je la regarde comme hypnotisée, comme on détaille une ancienne amie retrouvée après plusieurs années. Elle nous est familière et si précieuse, que nous nous laissons aller à ces retrouvailles.

Je ferme les yeux et je me souviens de la dernière fois, de la dernière entaille tout comme des précédentes. Aucune n'est la même. Elles ont chacune leur propre identification, leur propre nom et leur propre souffrance. Elles sont là rangées par ordre, plus ou moins longues, plus ou moins profondes. Mais elles existent et vivent les unes avec les autres.

Toutes allongées...

Parallèlement.

Côte à côte.

Classées par ordre chronologique comme une échelle du temps.

Ma préparation commence, car je sais qu'il ne reviendra pas. Comment le pourrait-il ? Mon passé est si lourd que même s'il tient à moi, je sais à quel point c'est différent et difficile de vivre avec une nana qu'on aime et vivre avec une nana malade, détraquée et névrosée par ses traumatismes. Il y a une marge ou plutôt, un gouffre entre les deux, tout comme la faille qui vit dans mon être et que je dois chasser pour survivre.

Je passe du savon de Marseille sur l'intérieur de ma cuisse.

Je fais mousser.

Je prends une grande inspiration.

Je ferme les yeux le temps d'envoyer un "Je t'aime" à mon bébé.

Je lui souffle un baiser...

Ma respiration s'accélère.

Ma mâchoire se contracte.

Je fixe ma main qui maintient la lame.

Elle ne tremble pas elle.

— Claire ?

— Claire où es-tu ?

Oh mon Dieu...

C'est Lewis !

Je l'entends m'appeler d'une voix stridente et inquiète.

Sa voix se rapproche et ramène le sang dans chaque fibre de mon cœur blessé.

Il est revenu...

Je dois vite me ressaisir et ne pas lui laisser soupçonner ce que j'allais faire. Je me relève, j'attrape de ma main libre le flacon de gel douche, que je vide directement sur moi pour lui faire croire que je me douche vraiment et quand la porte s'ouvre sur lui, je lui lance mon plus beau sourire.

Ma seule erreur est de n'avoir pas pu lâcher ma lame de rasoir...

≈ ≈ ≈ ≈

— Bébé, ça va ?

— Désolé, je ne voulais pas te réveiller.

— Comment tu te sens ce matin ?

— Un peu mieux, j'essaye de chasser tout ça de ma tête, mais ce n'est pas simple.

— Tu sais très bien que ça va te prendre du temps. Tu veux qu'on en parle ?

— Non pas maintenant, si ça ne t'embête pas. Demain on a la réunion avec Milo et on ne va faire que ça... En parler. Alors au contraire je voudrais pouvoir souffler un peu, faire comme si rien n'était arrivé. Parce que j'ai beaucoup de mal à dormir et à ce rythme...

— Je sais, je t'ai sentie bouger à plusieurs reprises.

— Je suis désolée Lewis, si tu préfères, ce soir je dormirai sur le canapé.

— Mais ça ne va pas bébé ? Je n'ai aucune envie que tu dormes ailleurs que dans mes bras !

— Mais...

— Il n'y a pas de mais. Tu ne dis rien quand je ronfle ?

— Ah enfin tu le reconnais ! dis-je victorieuse.

— Juste pour avoir le plaisir de voir ton si beau sourire.

— Tu n'es qu'un charmeur, Lewis Palton.

— En attendant, reconnais que ça marche, se vante-t-il.

— Ok tu as raison, tu sais comment me rendre le sourire.

— Je peux savoir ce que tu faisais avant que je n'ouvre les yeux ?

— Je te contemplais juste un peu pendant ton sommeil.

— Tu sais que tu n'es pas obligée d'attendre que je dorme pour le faire, avoue-t-il d'une voix suave.

— Je m'en souviendrais, Honey.

Je m'aperçois que je viens de lui dire son petit surnom que je gardais précieusement dans ma tête. Lewis arbore un magnifique sourire, du coup je ne regrette pas qu'il ait passé la barrière de mes lèvres.

— Honey ! s'amuse-t-il à répéter.

Mes joues sont j'en suis sûre rouges écarlates tant elles chauffent de honte. Je me cache le visage avec mes mains pour ne pas qu'il s'en aperçoive mais c'est peine perdue.

— Bébé, ne te cache pas... Je suis touché que tu me donnes à ton tour un petit nom et il est dès plus adorable en plus. Comment le connais-tu ?

— Je le connais grâce à une de mes nombreuses lectures. C'est un livre de mon auteur préférée, je t'en ai parlé l'autre jour : Amandine RÉ.

— Oui et quel rapport ?

— Elle l'emploi dans son livre "I can't love you" je l'ai trouvé tellement beau, qu'il m'a fait penser à toi. Il te plaît ? dis-je hésitante.

— Je l'adore tu veux dire.

— Ça me rassure alors.

— Je te signale que Honey, c'est "Chéri" aussi bien au féminin qu'au masculin.

— Je le sais, mais dans son histoire, c'est le petit nom de son personnage féminin. Alors...

— Pour voir redis-le, demande-t-il d'un ton charmeur.

— Ho-ney.

— Regarde l'effet qu'il a sur moi. Il m'attrape la main et la dépose sur son caleçon.

— Alors ça Lewis, ça ne veut rien dire. Tu es toujours dans cet état le matin, ricané-je.

— Comment tu sais ça ?

— Tu crois être le seul à détailler l'autre ? Honey, dis-je.

Je claque la langue et fais mine de me lever.

Ses yeux pétillent de malice quand il tire sur mon bras pour m'attirer dans les siens.

— Ne recommence pas chipie ou bien tu ne seras jamais à l'heure pour aller travailler.

Et comme je suis une vraie chipie, je le fixe droit dans ses yeux malicieux et recommence mon petit jeu.

Mais au moment où je fais claquer ma langue, il se couche sur moi en me disant :

— Je t'avais prévenue bébé.

Il attrape mes mains et les maintient au-dessus de ma tête tout en m'embrassant.

≈ ≈ ≈ ≈

Bien sûr, je suis arrivée en retard mais de cinq minutes seulement vu que Lewis m'a conduit en voiture, j'ai donc pu récupérer les quinze minutes de marche sur mon trajet habituel.

Heureusement pour moi, le dimanche matin nous sommes nombreux au service et mon retard est même passé inaperçu. Par contre la présence de Lewis assis à une table pour déguster une chocolatine et un café, elle, ne laisse aucunes clientes indifférentes. Sans compter les autres serveuses qui sont toutes en mode "waouh tu as vu le mec" "ouais il est trop beau" "je fais un tour avec lui quand il veut" et c'était sans compter sur mon serveur gay qui en rajoute une couche.

— Hum tu vois le joli petit cul assis là-bas ?

— Oui je le vois Micas.

— Il n'arrête pas de regarder dans ma direction.

— Ou dans la mienne, répliqué-je agacée par tout ce cirque.

— Tu paries ?

— Bonjour madame vous désirez ?

— Une baguette bien cuite et deux chocolatines, m'annonce-t-elle en se retournant sur Lewis en souriant.

— Voilà Madame. Autre chose ?

— Heu le beau jeune homme assis à la table, mais il ne doit pas être à vendre, me souffle-t-elle avec un sourire figé par trop d'injections de botox.

— Ni à vendre, ni à louer, bon dimanche madame.

Je lui donne sa commande et sa monnaie avec un grand sourire bien faux cul.

Je m'approche de Lewis pour débarrasser sa table et lui faire comprendre qu'il doit partir maintenant.

— Lewis, tu devrais rentrer. Je bosse là.

— Je m'en suis aperçu et tu es trop mignonne quand tu te concentres ainsi. Les sourcils légèrement tendus, les lèvres entrouvertes, ton petit bout de langue qui se faufile dans l'espace, tes sourires forcés à certaines clientes et puis le petit déhanché que tu as pour fermer le tiroir-caisse... Il est juste, Humm, me dit-il en se mordant les lèvres.

— Ah oui mon petit déhanché te plaît ?

— Tu me prends pour le tiroir-caisse quand tu veux bébé, ajoute-t-il avec un sourire coquin.

— Allez sans rire Lewis, faut vraiment que je bosse.

— Et moi je dois rentrer préparer le repas. Ça va j'ai compris, s'amuse Lewis.

— Tu ferais ça ?

— Mais bien sûr et tu vas voir, je vais t'épater.

— Oh mais je le suis déjà, Honey.

— Tu me raccompagnes à la voiture bébé ? Comme ça en plus tu les feras tous taire.

— Tu t'en es aperçu ?

— Faudrait être aveugle ! J'espère que tu as parié, bébé.

— Même pas, je ne m'abaisse pas à ces gamineries. Si ça les amuse tant mieux par contre moi ça me gonfle.

Il se lève, me prend la main pour m'attirer à l'extérieur et s'arrête juste devant l'entrée et m'embrasse comme s'il ne l'avait pas fait depuis des jours. Mes bras se placent automatiquement autour de sa nuque, j'aime trop ses baisers, ses lèvres gourmandes et cette façon qu'il a de me faire sentir unique dans ses bras.

— Dites donc, il n'y a pas que les baguettes qui sont chaudes ce matin !

— Bonjour Madame Lepic, comment allez-vous ?

— Bien jeune homme, merci.

— C'est donc vous la jeune fille en détresse ?

— Bébé, c'est notre gentille voisine qui m'a permis d'enjamber son balcon l'autre jour.

— Enchantée de faire votre connaissance. Je n'avais rencontré que la jeune femme...

— Vous avez dû voir ma petite-fille, Loya. Elle passe souvent me voir. Allez je vous laisse les amoureux je vais acheter mon pain.

Nous attendons qu'elle soit rentrée dans la boutique avant de parler.

— Tu vois que j'avais raison qu'il y avait une jeune femme à côté de chez nous.

— Ok mais moi aussi, quand je disais que c'était une dame âgée.

— Bon ok, on avait raison tous les deux. Bon je vais y retourner ma pause est terminée.

— Ok ma belle à tout à l'heure. Je passe te prendre à quatorze heures ?

— Non, je rentrerais à pied, ça me fait du bien après le travail.

Il m'embrasse langoureusement et j'ai du mal à l'arrêter et c'est à bout de souffle que nous nous retrouvons.

— C'était pour te donner un avant-goût de nos retrouvailles.

— J'ai hâte, Honey.

≈ ≈ ≈ ≈

Nous en apprenons un peu plus sur Claire et les pratiques d'autodestruction qu'elle s'infligeait.

Lewis avait bien senti qu'elle était en danger !

Pensez-vous qu'il a compris ce qu'elle allait faire ?

Si oui pourquoi ne lui en parle-t-il pas ?

Impossible de passer inaperçu avec un mec comme Lewis !

Son petit-déjeuner prit à la boulangerie va faire la une du journal local ! mdr

Et en plus il cuisine, piooouuufff, ce mec est trop !

≈ ≈ ≈ ≈

J'ai été inspiré sur ce chapitre donc je l'ai coupé en deux parties et vous savez quoi ? La bonne nouvelle, c'est que je vous poste la deuxième partie juste après ! Comme ça, vous pourrez soit la lire de suite, soit faire une pause en sachant que Lewis & Claire vous attendent !

≈ ≈ ≈ ≈

Bisous mes Loulous

Kty

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