Chapitre trente-deux
CLAIRE
Nous sommes restés encore un moment avec Poppy après le départ de Milo et Lucas. Si j'avais pu me cacher dans un trou de souris quand la porte de l'ascenseur s'est ouverte sur eux deux encore enlacés, je l'aurais fait.
Combien de chance y avait-il pour qu'on les rencontre ? Aucune, me direz-vous ! Et j'aurai été d'accord avec vous. C'est bien les dernières personnes que je voulais voir, alors que ma main était entrelacée dans celle de Lewis, et que j'avais sans doute les joues encore rosies de mon dernier orgasme.
Cet homme a des doigts de magicien qui embrase mon corps de son simple toucher. Comme tout à l'heure dans le sous-sol de l'hôpital. Je ne me serais jamais cru capable de faire cela dans une voiture et encore moins dans un parking. Mais Lewis a cette faculté d'effacer un à un mes cauchemars sans le savoir.
Pourtant je ne lui ai encore parlé de rien.
Il ne sait pas ce que j'ai vécu, ni qui je suis réellement.
Je pensais que je n'aurais jamais besoin de lui en parler.
Dans ma tête, il n'était que de passage, et allait partir comme il était arrivé.
Je m'offrais juste un week-end de détente !
Mais à ma grande surprise, il n'en est rien. Son dernier contrat de deux ans à l'étranger est terminé et il est en stand-by pour au moins six mois. C'est pour cela qu'il en a profité pour faire des recherches afin de retrouver Poppy. Il souhaite donc s'installer dans cette ville pour savourer ces retrouvailles avec sa petite sœur et par la même occasion avoir le temps de me découvrir un peu plus.
Je lui ai proposé de chercher un appartement avec l'aide de Milo et Lucas, mais ça ne l'enchante guère. Il se verrait plus vivre dans le mien, qu'il a tout de suite adopté comme étant le sien, et peut-être le nôtre... Nous devons encore en discuter et surtout, je dois lui avouer mon passé maintenant que j'ai accepté l'invitation de Milo.
Il n'est pas question que Lewis l'apprenne pendant cet apéro. Je veux pouvoir lui en parler moi-même. La démarche ne sera pas facile, certes, mais nécessaire pour la suite, si je veux donner une chance à notre relation d'exister, je me dois d'être sincère envers lui. Il doit pouvoir choisir en connaissance de cause avec qui il va partager sa vie. Je ne peux pas lui laisser croire que je suis une nana comme les autres, sans éraflures, sans passé, sans démons...
Cette soirée chez Milo et Lucas risque d'être éprouvante... Entre ma nouvelle relation avec Lewis, le rapprochement que nous avons eu avec Milo. Le fait que je sache à présent que tous les trois, nous avons le même docteur. Le docteur Harry est vraiment quelqu'un de bien et je suis heureuse qu'il suive Milo. Il ne pouvait pas trouver meilleur médecin pour l'aider à aller mieux. Mais je me demande comment il a su pour moi. Et pourquoi veut-il qu'on parle ? Et de quoi surtout... Toutes ces questions me donnent le tournis et je dois me tenir au pied du lit le temps que cela passe.
— Ma douce, ça va ?
— Oui Lewis, je crois que c'est le contrecoup de cette journée. Je suis juste fatiguée.
— Et perdue dans tes pensées !
— Aussi...
— Tu m'en parleras ?
— Oui Lewis, quand nous serons rentrés à l'appartement, le rassuré-je.
— Vous devriez y aller d'ailleurs. La nuit commence à tomber et j'ai besoin de me reposer, nous fait savoir Poppy.
— Tu as raison sœurette, tu dois reprendre des forces. À demain, lui dit-il.
Nous l'embrassons sur le front chacun à notre tour, seul endroit de son visage sans égratignures.
— Rentrez bien et surtout tu m'envoies un SMS dès que vous êtes arrivés.
— Promis Poppy. À demain alors, puisque c'est jeudi et que je ne travaille pas.
— Ce qui veut dire que tu bosses ce week-end ? relève tout de suite Lewis.
— Et oui !
Lewis grimace en apprenant cette information. Mais c'est comme ça, que ça lui plaise ou non je travaille un week-end sur deux. Il va falloir qu'il s'y fasse.
Nous lui faisons un dernier bisou et retournons à la voiture.
Quand il déverrouille les portes, je ne peux m'empêcher de penser à tout à l'heure.
— Je vais avoir des souvenirs de nous deux, un peu partout à ce rythme-là, plaisanté-je.
— C'est l'effet Lewis, ça !
— Et modeste en plus.
— Réaliste, précise-t-il en rigolant.
Il met le contact, fait marche arrière et roule doucement pour éviter d'abîmer le dessous de sa voiture de sport au moment de passer un ralentisseur.
— Tu t'en plains peut-être ?
— Est-ce que j'ai dit que je m'en plaignais ?
— En fait tu aimes que je te pousse à faire tout ce que tu penses interdit !
— C'est vrai. C'est nouveau pour moi.
— Qu'est-ce qui est nouveau pour toi ?
— La façon que tu as d'être avec moi...
— Tu trouves que c'est trop ? C'est ça ?
— Non Lewis, c'est juste différent, dis-je la voix serrée.
Il pose sa main sur mon genou en exerçant une légère pression pour que je le regarde.
— Ma douce, tu ne me dis pas tout, n'est-ce pas ?
— En effet, avoué-je en baissant à nouveau les yeux.
— Je ne veux pas te forcer et je respecte que tu puisses avoir des secrets. Mais si tu veux que ça marche entre nous, il va falloir que tu me fasses un minimum confiance et que tu me parles.
— Je le sais Lewis...
Je pose ma main sur la sienne pour rechercher sa chaleur, sa force. Je suis bien là, avec lui. Mais en sera-t-il de même quand il saura pour Marcus ? Sera-t-il aussi gentil et aimant ? Me regardera-t-il toujours de la même façon ? Restera-t-il avec moi ?
— Claire, je vois à quel point c'est dur pour toi de m'en parler. Ne te force pas, quand ça sera le bon moment, tu y arriveras.
— Merci Lewis de me laisser du temps, mais de toute façon ça ne ferait que reculer l'échéance. Car tôt ou tard, je devrais t'en parler.
Je pousse un long soupir comme si je portais toute la misère du monde sur mon dos.
— Tu sais quoi ma douce et belle Lady...
— Lady ? m'amusé-je.
— Oui tu me fais penser, tu sais... A cette jolie cocker du dessin animé.
— C'est ma belle chevelure ondulée ou ma truffe froide qui t'y font penser ?
— Ni l'un ni l'autre, c'est plus la façon que tu as avec ton joli minois de me faire craquer et de me faire faire tout ce que tu veux de moi, me lance Lewis d'une voix cajoleuse.
— J'ai pourtant l'impression, que c'est toi qui fais ce que tu veux de moi.
— De ton corps peut-être. Mais pour le reste, je peux te dire qu'aucunes autres femmes ne m'ont fait faire un quart de ce que toi tu me fais faire.
— Et je peux savoir, ce que je te fais faire, là ou les autres ont échoué ?
Nous sommes arrivés et un sourire narquois s'affiche sur ses lèvres, comme pour me dire "dommage on est arrivés" et tu ne le sauras pas de suite.
— Et si on montait se mettre au chaud autour d'une tasse de chocolat chaud comme tu les aimes, ça serait plus facile pour parler. Tu ne crois pas ?
Il n'attend même pas ma réponse qu'il sort déjà de sa voiture. J'en fais autant et il me tend sa main accompagnée d'un large sourire charmeur. Qu'est-ce que j'aime ce geste, ce contact, si anodin et banal pour certain mais si précieux pour moi.
— Tu vois, prendre la main d'une nana pour moi avant, c'était con et risible. Et pourtant avec toi, c'est naturel. J'adore le faire, surtout quand je vois tes yeux s'illuminer à chaque fois, comme un sapin de noël.
Je lui souris, car j'aime sa façon de me parler avec ces phrases imagées qui ne peuvent pas porter à confusion. J'aime aussi son sens de la dérision. Comme m'appelait Lady pour faire diversion, pour me faire sourire et arrêter de penser. J'aime sa façon d'être avec moi...
Et c'est main dans la main que nous montons les étages. Je déverrouille la porte et nous rentrons chez moi. La douce chaleur de l'appartement m'enveloppe et je m'aperçois que j'étais gelée. En fait, j'étais tellement prise par mes pensées que je ne m'en étais pas rendue compte. Je frissonne de la tête aux pieds dû au contraste de température.
— Va te mettre à l'aise ma Lady. Je vais préparer les chocolats chauds. Tu préfères le boire au salon ou dans ta chambre ? me demande-t-il.
— Heu... Dans le salon, c'est préférable, me moqué-je.
Il s'approche de moi de cette démarche féline qui me donne l'impression, qu'il va fondre sur moi pour mieux me manger, me dévorer, comme il est en train de le faire de ses yeux rieurs qui ne me quittent pas.
— Stop Simba, annoncé-je en mettant mes mains devant moi. Pas un pas de plus, sinon je ne vais plus pouvoir me contrôler et je ne pourrais pas te parler.
Il avance tout de même et ajoute :
— Tu es frigorifiée ma Lady et le chocolat chaud ne sera pas suffisant. Et puis pour me parler, tu vas devoir être un peu plus détendue que tu ne l'es à l'instant. Je ne connais rien de mieux, qu'un bon gros câlin, pour régler l'état dans lequel tu te trouves.
Il finit sa phrase en m'entourant de ses bras et m'embrasse tendrement. Si doucement, que cela en est presque une torture.
— Lewis...
— Tiens Simba est déjà reparti ?
— Ton nom de lion ne sert à rien, vu que je n'ai pas pu t'arrêter. Et puis il a un royaume à diriger et une famille à s'occuper, dis-je en faisant la moue.
— Oh ma Lady, tu boudes ? se réjouit-il tout en me poussant vers la chambre. Moi aussi, j'ai un royaume dont je dois m'occuper et qui contient un mont précieux.
— Je ne boude pas et je ne suis pas ta Lady, l'embêté-je. Quant à mon précieux, je sais très bien en prendre soin moi-même !
— Ah oui ! Donc fini le couple Lady et Simba. Heureusement que notre relation est déjà plus longue que la leur ! Et puisque tu fais ta maligne, montre-moi comment tu t'occupes de ton précieux, se marre-t-il en me faisant tomber en arrière sur le lit.
≈ ≈ ≈ ≈
Une sensation de plume me chatouillant le nez me sort de mon rêve sur un voile de nuages moelleux et cotonneux, dans lequel je me sens à l'abri des dangers, des peurs et de mes cauchemars. Je suis enveloppée dans des volutes de douceur, de tendresse et de bonheur, par cette chaleur qui me réconforte, cette mélodie qui me berce, cette plume qui me chatouille...
La sensation se déplace au ralenti sur ma joue puis sur mes lèvres qui s'entrouvrent d'elles-mêmes, pour accueillir cette empreinte toujours aussi légère et douce de la plume.
Je suis beaucoup trop bien pour ouvrir les yeux, pour me poser des questions sur la provenance de cette sensation qui emplit chaque parcelle de mon corps, qui se faufile dans chaque interstice laissé par les précédents séismes de ma vie. Cette douceur enveloppant chacune de mes blessures, de mes failles et de mes traumatismes.
Je suis bien, j'ai l'impression de flotter, d'être aussi légère que cette plume, ou que de posséder ce pouvoir de perception. Je suis si parfaitement détendue que plus rien n'existe à part cette émotion douce du bonheur.
Ce sentiment intense qui me gagne, qui me comble petit à petit d'infinies myriades d'étincelles aussi scintillantes que des étoiles.
Une étoile filante traverse mon ciel.
Un vœu lancé du plus profond de mon cœur.
Une intuition étrange de souffrances déjà éprouvées, aussi douloureuses que merveilleuses pourtant.
Ce sentiment familier, déplaisant, aigu et vertigineux qui m'entraîne vers la profondeur de ces abîmes effroyables qui vont m'engloutir avec délectation.
Cette sensation profonde et infranchissable qui fait barrage, me protège de toute son envergure, tel ce phœnix déployant ses ailes et me détachant avec précaution de ces tentacules de malheur.
La tête aussi lourde que mon corps m'arrache une grimace de douleur, de peine et de vide profond que rien, ni personne ne pourra jamais combler.
— Qui est Julien ? souffle Lewis.
— Mon fils...
— Qui est Marcus ? dit-il d'une voix étranglée.
— Mon bourreau...
*******
Pas de questions ou de réflexions, car j'en ai encore une fois la gorge serrée en le relisant avant de vous le partager. Laissez-moi plutôt un commentaire pour me dire ce que vous en avez pensé, merci...
*******
Gros bisous mes Loulous
Kty
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top