Chapitre soixante-trois (1)

CLAIRE

Partie - 1

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Ce n'était donc pas une hallucination. Je n'ai pas rêvé cette silhouette, cette ombre sans visage, ses mains qui m'ont menottée et bâillonnée pour éviter que je crie et puisse prévenir toutes les personnes se trouvant dans le jardin.

Je suis seule et sans défense dans la chambre face à cette forme dont les contours sont impressionnants malgré l'obscurité. Un corps plutôt grand et charpenté qui ne laisse pas de place à l'interrogation ou à l'imagination. 

C'est bien un homme qui se trouve ici à m'observer. Son regard me tétanise et pourtant je n'arrive pas à savoir de quelle forme ni de quelle couleur sont ses yeux. J'essaye de replier mes jambes en poussant sur mes pieds afin de pouvoir m'asseoir.

— Stop ! Ou je t'attache aux pieds du lit ?

La voix est rauque et étouffée, sans doute parle-t-il en cachant sa bouche avec un bandana. Mais que me veut-il ? Pourquoi ne me parle-t-il pas ? Il reste planté comme un piquet, les bras croisés sur son torse, son dos en appui contre le mur. On dirait qu'il attend ? Mais il attend qui ou quoi ?

La maison est silencieuse et apparemment tout le monde est encore dehors. Il fait tellement doux ce soir avec cette brise marine que je les comprends et j'en aurai fait de même si je n'étais pas venue me réfugier ici.

Mais au lieu de ça, je suis couchée et attachée à la merci de cet homme. Heureusement la tisane fait encore son effet et m'évite d'avoir peur, de paniquer et de me débattre. Ce qui, vous en conviendrez ne servirait à rien au vu de la situation.

Par contre, plus le temps passe et plus je me dis que quelqu'un va monter pour prendre une douche ou se coucher ou même s'inquiéter de savoir si je vais mieux.

Je n'aurai qu'une occasion.

À ce moment-là, je devrais agir.

Je ne devrais pas manquer le coche.

Alors j'essaye de réfléchir du mieux que je peux pour savoir quel bruit je pourrai faire pour attirer l'attention. Je tourne la tête vers mon bureau, n'y distingue rien qui puisse faire assez de bruit, puis vers la commode. 

La voilà ma solution : donner un grand coup de pied dans le meuble bas et en faire tomber le vase de fleurs. Ça devrait être assez bruyant pour que l'on m'entende, mais encore faut-il que j'y arrive. Pourvu que ça marche. Sinon je ne donne pas cher de ma peau.

L'homme n'a pas bougé d'un millimètre. Il n'a pas dit un mot. Il me fixe, c'est tout... Le silence de la chambre est pesant maintenant que la fenêtre est fermée et que je n'entends plus personne parler. Si seulement je l'avais laissée ouverte, j'aurai eu de l'air et surtout j'aurai pu les alerter. 

Mais non, encore une fois, j'ai pris la mauvaise décision. D'un autre côté, je ne pouvais pas savoir que cet homme me garderait prisonnière sur mon propre lit. De toute façon rien ne sert de regretter, ce qui est fait est fait.

« Alors au lieu de regretter tires-en des leçons » me disait toujours ma grand-mère. Elle avait raison, je dois rester positive, espérer qu'on viendra à temps me secourir...

J'ai beau tendre l'oreille, je n'entends que nos respirations, jusqu'à ce que le téléphone de l'homme vibre. Il l'attrape dans la poche arrière de son jeans, lit le message et le replace dans sa poche.

Il reprend sa place de chien de garde et me fixe intensément. J'en ai la chair de poule. Que pouvait contenir son message ? Un ordre sur ce qu'il doit faire de moi ? Va-t-il me tuer ? Ma dernière heure est-elle arrivée ?

Il déplie ses bras. Il ne me quitte toujours pas des yeux. L'homme s'approche de moi, tel un prédateur.

Plus il avance, plus je suis tétanisée.

Plus je tremble, plus il se réjouit.

Plus il me fixe, plus je fuis son regard sombre.

Plus je m'enfonce, plus son sourire s'agrandit.

— Je comprends mieux pourquoi le chef te veut rien que pour lui.

Il était bien là pour me surveiller et rien d'autre. Je me sens soulagée l'espace d'une seconde avant de me souvenir de sa phrase.

Son chef...

Qui peut-il être ? Il me veut pour lui ? Il en est hors de question ! Je préfère mourir que d'appartenir à ce genre de personne.

Je ne me suis pas rendu compte qu'il s'était approché autant de moi tant j'étais perdue dans ma réflexion.

— Il n'en saura rien...

Sa phrase murmurée s'arrête au moment où il retire son bout de tissu. Il est si proche que je peux enfin voir ses traits, ses yeux noirs qui me fixent toujours aussi intensément. Il est attirant, c'est indéniable. Mais c'est aussi l'homme qui me retient captive avant de me livrer à son chef.

Il passe son imposante main sur mon visage et sa caresse d'une douceur infime contraste avec l'image de gros dur qu'il veut se donner. Je lui plais, je le vois, je le sens et si j'arrivais à l'amadouer...

Je me force à lui sourire malgré ma peur, malgré mon bâillon.

— J'aimerais tant te retirer ce foulard et goûter à tes lèvres douces.

Il longe ma lèvre inférieure de son doigt à plusieurs reprises.

Je hoche la tête pour lui faire croire que je suis d'accord, que moi aussi je veux qu'il m'embrasse. Qu'à moi aussi il me plaît. Qu'à moi aussi il me fait de l'effet.

— J'en rêve depuis tout à l'heure.

Il continue sa caresse puis revient sur ma joue et je vois dans l'intensité de son regard à quel point il dit vrai. Il touche une mèche de mes cheveux, la porte à son nez pour la sentir puis l'enroule autour de son doigt avant de la remettre en place. Je n'ose pas bouger ne sachant pas comment il réagirait. Pourtant à cet instant, j'ai du mal à croire que cet homme possède un mauvais fond.

— Si je retire ce bout de tissu, tu promets de ne pas crier ?

Je fixe mes yeux aux siens pour lui faire croire que je suis sincère. Je tends devant moi mes mains menottées pour les passer autour de son cou. Mon geste lui coupe le souffle, tout comme ma respiration, qui devient erratique de peur que mes tremblements ne me trahissent.

Sa main se pose sur mon bâillon. J'arrête de respirer.

Je suis à quelques secondes de pouvoir hurler pour que toute la maison m'entende. Je dois tenir bon et je lui souris à nouveau pour finir de le convaincre.

— Tu es si belle Claire, tellement désirable, et...

L'homme place ses mains sur mes avant-bras, en profite pour effleurer ma peau. Il ferme les yeux et souffle bruyamment. Puis il retire mes mains de son cou et je sens mes chances de m'en sortir s'envoler.

— Tu me troubles tant que j'étais à deux doigts d'en oublier mes ordres, me confie l'homme alors que son téléphone vibre dans sa poche depuis quelques secondes déjà, interrompant ce qui aurait pu être ma sortie de secours.

Je soupire de désespoir de devoir abandonner si près du but. J'étais sur le point de hurler de toutes mes forces quitte à m'époumoner, quitte à me casser les cordes vocales. Je n'aurais sans doute eu que quelques secondes avant que son énorme main ne me bâillonne à nouveau mais ces quelques secondes auraient été suffisantes j'en suis sûre.

Suffisante pour que Lewis m'entende. Je suis sûre qu'il observe toujours ma fenêtre. Je sais qu'il est malheureux, que mes mots lui ont fait mal. Mais le voir avec sa collègue, l'imaginer avec elle, la savoir dans ses bras...

Le présent me rattrape quand je sens le matelas bouger, quand il se relève. Quand après deux pas il se retourne. Quand il fonce sur moi sans que je ne puisse rien faire. Quand en même pas cinq secondes : il a baissé mon bâillon, m'a embrassée avec ardeur et a replacé le bout de tissu sur ma bouche.

Un dernier regard enflammé dans ma direction avant qu'il ne replace son bandana et se dirige vers l'entrée.

— Moi c'est Jim.

Il entrouvre la porte doucement. Il passe la tête et l'ouvre entièrement en se déplaçant sur le côté pour laisser le passage libre.

C'est le moment que je choisis pour mettre en action mon plan. Je n'ai plus que celui de la commode pour m'en sortir. Un dernier regard à l'homme. Il me tourne le dos. Parfait !

Je prends mon élan grâce au mouvement de balancier de ma jambe et je me jette sans trop savoir comment sur la commode. Mon but étant de faire le plus de bruit possible. Je me fracasse le genou contre un tiroir, à l'aide de mes mains, même attachées, j'arrive à toucher le vase qui tombe et se fracasse au sol en même temps que moi. La chute est rude, violente et douloureuse, mais ça valait le coup.

Du moins je l'espère...

— Espèce de salope, marmonne l'homme en se retenant de hurler sa colère. Dommage parce que vu sa voix de stentor, là c'est sûr, il aurait rameuté toute la maisonnée. Il tire sur mes cheveux en arrière sans ménagement. Fini le tendre Jim, doux et gentil. Voici l'autre facette de l'homme, le dur et méchant qui a été embauché pour me surveiller. Il tire encore plus fort pour m'obliger à le regarder, ses yeux sont redevenus noirs comme du charbon.

— Si j'ai des ennuis à cause de toi, tu me le payeras, dit-il en serrant les dents.

L'homme m'attrape par le bras et me jette sans douceur cette fois-ci sur le lit. Les bracelets des menottes me scient la peau à chaque mouvement. J'ai mal partout, mais pourvu que quelqu'un arrive au plus vite.

Des pas se font entendre dans l'escalier en bois qui craque à chaque marche. Je reprends confiance, j'ai fait assez de bruit apparemment.

Mon plan à marcher.

Ils vont l'arrêter et me libérer.

Je fixe la porte pour voir qui vient à mon secours quand l'homme sort un flingue de derrière son dos. Oh mon Dieu, qui que ce soit qui monte me secourir, il va se faire abattre sur-le-champ...

Non ! Bien sûr que non !

Il ne pourra pas faire ça, sous peine d'alerter tout le monde.

Par contre, il peut sans servir pour l'assommer ? Et merde, je n'avais pas pensé à ça. Pourvu que ce ne soit pas une personne de ma famille.

Les pas sont de plus en plus proches et au moment où je m'attends à ce qu'il l'assomme, le voilà qui range son calibre sous la ceinture de son jeans.

— Putain, c'est quoi ce ramdam ? demande le nouveau à l'homme.

— C'est cette garce qui a fait tomber le vase pour donner l'alerte.

— Tu es une vraie merde ! Même pas capable de la surveiller, enrage le nouveau.

Sa corpulence est moins impressionnante, mais il reste tout de même grand et musclé. Par contre à sa voix et à sa façon de parler, il me paraît plus vieux, plus...

— Tiens prends les clés de la voiture et attends-moi derrière la maison. Je n'en ai pas pour longtemps. Tu crois que tu vas y arriver ?

L'homme prend le trousseau sans rien dire, s'en va en baissant les épaules et sans un regard, me laissant seule avec le nouveau.

Étant à plat ventre, j'essaye de gigoter pour me retourner et voir à quoi ressemble le nouveau.

Le chef.

— Ne te donne pas cette peine, je vais m'asseoir face à toi, car je veux que tu me vois avant que je ne te tue.

≈ ≈ ≈ ≈  

La partie 2 sera postée juste après celle-la ! 

Bonne lecture

Gros bisous mes Loulous

Kty

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