Chapitre soixante-sept
MILO
≈ ≈ ≈ ≈
Claire a le teint blafard.
Son corps inerte repose sur les cuisses de Lewis qui la retient entre ses bras. Il lui soutient la tête qui est nichée dans le creux de son épaule pour l'empêcher de partir en arrière.
Ses cheveux noirs ne tombent plus en cascade sur ses épaules. Une grande partie est collée sur sa tempe, les autres mèches sont emmêlées, sans doute de s'être trop débattue.
Son visage porte les stigmates des coups assénés par ce monstre. Les paupières fermées, l'œil droit horriblement tuméfié, l'arcade sourcilière béante et le sang séché maculent tout le côté de son visage. La bouche entrouverte comme pour essayer de parler. Aucun son ne sort de ses lèvres exsangues qui ont perdu leurs belles teintes rouges.
Elles restent inanimées.
Les bras minces et nus zébrés de marques violacées, d'éraflures, portent les traces de sa révolte violente ; et ses poignets...
Mon Dieu, les poignets entaillés, et couverts de sang attestent de la violence due aux frottements des menottes que je découvre sur le lit. La ceinture de Marcus traîne juste à côté, je la reconnais.
Je la reconnaîtrais entre mille...
La boucle porte ses initiales entourant une tête de mort dans laquelle est planté un poignard. Il l'avait voulu sur mesure, avait choisi le motif pour qu'elle ne ressemble à aucune autre. Marcus se faisait un malin plaisir de m'en marmonner l'histoire à l'oreille, entre chaque coup de ceinture, entre chaque pénétration toujours plus profonde, se délectant de ce plaisir sadique, de mes cris, de mes pleurs, de mes supplications.
Il s'acharnait tout comme il a dû le faire sur Claire. Sur toutes les parties visibles de son corps et sans aucun doute sur son esprit, car aucune punition n'était distribuée sans son lot d'injures, de grossièretés et de vulgarité.
La moindre parcelle de son épiderme porte le déchaînement de sa violence. Cette bête inhumaine l'a tellement torturé, que ma douce Claire a rendu les armes devant les souffrances physiques qu'il lui a infligées...
Triste constat que je viens de faire.
C'est cette première image que je découvre de ma sœur et que je garderais à jamais dans ma mémoire. Celle d'un corps martyrisé. Je suis tétanisé, me laissant sans mouvement, ni sensibilité apparente, d'une froideur et d'un détachement à la limite du réel.
Je dois être en état de choc.
Comment ne pas l'être devant ce triste tableau qui ressemble plus à une vulgaire croûte qu'à un Picasso.
Le corps de Claire est collé à celui de Lewis qui ne l'a pas lâchée une seconde. Il lui tient la main, et lui embrasse le front entre chacun de ses sanglots. Il la berce telle une enfant que l'on console, lui parle comme si elle pouvait l'entendre.
Cette vision est surréaliste.
Sa détresse me fend le cœur.
Je comprends que j'avais tort.
Il l'aimait vraiment...
Sa peine ne peut pas être feinte à ce moment-là. Pas quand le corps de celle qu'il aime reste à ce point immobile et sans réaction.
Je suis là. Debout dans cette chambre. Sans bouger, sans parler, sans... Mes gestes sont en totales adéquations avec mes pensées. C'est-à-dire proche du néant.
Si j'étais encore fumeur, c'est ce moment que j'aurai choisi pour m'en griller une. Pour avaler la fumée, pour me brûler la trachée à son passage avant d'atteindre mes poumons et de la recracher par le nez, tel un taureau en colère.
Cela m'aurait permis de ressentir quelque chose.
Je n'aurai pas cette impression d'être au bord d'une falaise et de me laisser griser par le vent qui souffle dans mes oreilles. Je ne serais pas là à les regarder comme si j'étais étranger à la scène qui se joue devant mes yeux. Tel un film où les scènes se tournent au ralenti déformant au passage les bruits, les mots, les pleurs.
Je reste spectateur.
Mon esprit choisit ce moment précis pour me détourner de ce tableau macabre, pour m'obliger à accepter la triste vérité, pour que je voie les choses telles qu'elles le sont en réalité. Je m'écroule dans le fauteuil et je ressens une vague d'intense culpabilité me submerger.
Nous étions tous dans le jardin tandis que ma sœur vivait des moments atroces dans sa chambre. La soirée de Claire se muait en vrai supplice alors que moi, je faisais un caprice à Lucas. Elle souffrait le martyre pendant que Lucas et moi on s'embrassait...
Je ne suis vraiment qu'un minable, un égoïste et bien plus... Déplorable. Affligeant. Lamentable. La liste pourrait s'allonger encore et encore tellement je m'en veux.
Le pire frère qui existe... Voilà ce que je suis et je vais devoir vivre avec ce fardeau.
Comment n'ai-je pas senti son tourment ?
Étais-je si obnubilé par ma dispute que je n'ai pas ressenti sa peine, sa détresse, son désarroi ?
Je la regarde et tombe à genoux au bord du lit. Je crie ma détresse tant la douleur de la voir ainsi me transperce le cœur. Mes larmes ne demandent qu'à couler, pourtant je les retiens comme me l'a appris mon...
— Non, crié-je.
Fernand n'est pas mon père et ne l'a jamais été. C'est de sa faute d'ailleurs si on en est là, si Claire est...
Pour le coup, mes larmes glissent sur mes joues sans demander la permission, bien vite rattrapées par de misérables sanglots. J'ai l'impression désagréable qu'un barrage vient de céder et d'être englouti par un flot d'émotions. Ma tête heurte le matelas, mes mains se crispent sur le dessus-de-lit. La peine qui m'accable, m'envahit et je suis dépassé par cette haine qui se propage dans toutes les cellules de mon corps.
— Milo.
Rattrapé par la réalité, par la voix de Lewis, je me souviens des quelques paroles qu'a pu prononcer Lucas. Je ne dois pas flancher. Je dois être ce pilier sur lequel la famille pourra compter.
Je me ressaisis en serrant les mâchoires, les poings. J'ai remplacé mon affliction par la haine et la colère. Je dois faire front, être fort, devenir ce rempart pour eux.
Je questionne Lewis sur ma sœur alors que ma gorge se resserre :
— C'est Marcus qui lui a fait ça ?
— Oui... Je suis arrivé trop tard.
— Tu as au moins tué cette sale ordure...
— Mais je n'ai rien pu faire pour mon bébé.
Nos regards attristés se croisent. J'avale difficilement ma salive à mesure que la fureur me domine.
— Tu n'avais pas intérêt à rater ta cible ou bien...
— Milo, je suis sincèrement désolé.
Il ne me capte déjà plus et s'adresse à nouveau à Claire...
— Mon amour pardonne-moi, je n'ai pas su te protéger.
Je les regarde totalement dévasté par cette vision. Lewis me fusille du regard.
Mais quel con je fais ! C'est le signal.
C'est cette phrase prononcée par Lewis qui doit me donner l'alerte. Je dois sortir de mes gonds. Je dois être crédible et y mettre toute la colère dont je suis capable à cet instant.
— Ça, tu peux le dire, tu n'étais déjà pas le petit ami de l'année, mais alors en tant que flic, tu n'es qu'un bon à rien, un nullard, une vraie merde, lui braillé-je dessus. Et vous n'êtes qu'une bande de crétins et d'incapables ! TOUS. Tout autant que vous êtes.
Alerté par mes hurlements, Lucas monte les escaliers en vitesse de peur sans doute que je n'extermine moi-même cet incompétent.
— Milo, me hurle-t-il. Stop.
Nous faisons face à Lewis en attendant les instructions.
— Le plan est en marche, on a plus qu'à croiser les doigts pour que ça fonctionne, chuchote Lewis et que le piège se referme sur eux.
— Tu crois que c'est suffisant, lui demandé-je à voix basse. J'ai été assez convaincant ?
— Tu devrais en rajouter une couche, souffle Lucas.
Je réponds positivement à sa requête avant de balancer à Lewis :
— Va te faire foutre espèce de connard, toi et ta bande de, mange merde. Vous êtes responsables de sa mort et je vais vous le faire payer.
— Ça suffit Milo, tu vas trop loin, me somme Lucas tout en me faisant un clin d'œil de connivence.
J'espère que toute cette mise en scène va fonctionner, car je suis mal à l'aise de devoir faire autant de peine à mes parents mais comme ajoute Lewis :
— On n'a pas le choix Milo !
— Je le sais, mais tu peux comprendre que je m'en veuille de faire subir tout ça à mes parents.
— J'en suis conscient...
Après quelques minutes d'attente, le téléphone de Lewis vibre, il le sort de sa poche et lit le texto de son chef à haute voix :
— Mission accomplie... On les a tous eus... Félicitations Lewis.
— Ça a marché ? demande Lucas.
— Oui, j'avais raison, Carine était bien de mèche avec Marcus et c'est elle qui donnait les instructions aux pourritures de la brigade. Putain je n'en reviens pas et dire que c'était ma coéquipière.
Je laisse Lucas et Lewis parler du succès de la mission et pendant ce temps je prends la main de ma sœur et lui chuchote que le calvaire est à présent terminé. Que Marcus est bien mort, que Fernand a été arrêté ainsi que tous les ripoux, dont Carine qui en était la chef !
— Elle ne t'entend pas encore, il va lui falloir encore un peu de temps pour que la piqûre faite par le docteur ne fasse plus effet, m'explique Lewis. D'ailleurs, il sera là dans cinq minutes.
— Je te laisse avec elle. Tu as assuré comme un malade sur ce coup-là et tu avais plutôt intérêt que ça marche.
— Je sais, sinon, tu m'aurais cassé la gueule !
— Tu as entièrement raison Lewis !
Je check le poing qu'il me tend avant d'ajouter :
— Bon courage avec ma frangine, ça ne va pas être de la tarte à son réveil.
— Ne m'en parle pas, je flippe à mort ! rigole cet idiot.
— Tu n'en rates pas une, espèce de débile, j'espère que tu vas morfler, et que Claire va bien te faire ramer !
— Ton mec est imbuvable, Lucas. Franchement, je ne sais pas comment tu le supportes.
— Ah l'amour et ses mystères, se marre-t-il.
— En attendant que vous ayez fini de déblatérer sur moi, je vais en profiter pour annoncer la bonne nouvelle à mes parents et me faire pardonner de ce qu'on vient de leur faire subir. Tu viens Amour ou tu restes avec ton nouveau pote ? Tout en riant, il me répond :
— J'arrive mon ange. Je pense que Claire préférera voir Lewis plutôt que moi à son réveil.
Arrivé sur le palier, Lucas m'attrape la main, et me fait pivoter vers lui. Il prend quelques secondes pour se noyer dans mon regard avant de m'embrasser. Il est euphorique !
—Tu pensais descendre sans que l'on fête dignement la réussite de cette mission ! me charrie Lucas. Nous y sommes arrivés Milo, tu te rends compte !
— Oh oui, je m'en rends compte, dis-je en souriant. Ne t'inquiète pas, j'ai m'a petite idée sur comment nous allons fêter cela... Amour.
Je le bouffe des yeux. Mon désir monte en flèche juste en pensant à nos retrouvailles. La lèvre inférieure de Lucas captive de ses dents ne fait qu'attiser mon envie.
— Laisse-moi aller voir mes parents d'abord.
— Accorde-moi deux minutes Milo !
Pas besoin de me le dire deux fois. Je dépose un baiser tendre sur ses lèvres demandeuses. Ma langue s'immisce entre celles-ci afin de caresser la sienne. Putain ! Qu'est-ce que j'ai envie de lui. J'empoigne ses fesses à pleine main. J'ai besoin de le sentir tout contre moi, de me frotter à lui, d'oublier et de vider ce trop pleins de stress et d'émotions. J'ai tellement besoin de me sentir en lui. De m'enfoncer encore et encore. De l'entendre crier son plaisir.
Mais je dois encore une fois faire preuve de patience et mets fin à ce baiser empli de frustration, de manque mais surtout d'amour.
L'amour infini que je porte à Lucas.
— Je t'aime, mon ange.
— Je t'aime, Amour...
≈ ≈ ≈ ≈
Alors, soulagées ?
Vous aviez toutes peur que Claire soit morte ! Mais vous voyez, je ne suis pas aussi sadique que vous le pensiez !
Bon OK, Claire a vécu une soirée horrible en compagnie de Marcus et devra se relever. Mais elle sera entourée de ses parents, de son frère, de Lucas, de...
Prêtes pour le dernier chapitre ?
≈ ≈ ≈ ≈
😘 Bisous mes Loulous 😘
KTY
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