Chapitre soixante-deux


Claire

  ≈ ≈ ≈ ≈  

Souvent on réclame et on tient à tout prix à connaître la vérité. Mais certaines fois, je me demande si la vérité n'est pas pire que le mensonge. Est-ce que toutes les vérités sont bonnes à dire ? Est-ce qu'un secret n'est pas plus simple à accepter ou à vivre, tant que l'on ne connaît pas son existence ?

Par contre, quand ce secret est réel et avéré, on n'a qu'une envie, c'est de le connaître ou de le découvrir. Parce qu'il est là, tapi dans nos tripes, il nous bouffe de l'intérieur, il nous ronge tel de la rouille pour une barre de fer, et il nous grignote telles des termites travaillant à la destruction lente et cachée d'un morceau de bois.

Alors, oui la vérité peut faire mal, mais au moins, on est seul juge à savoir si on veut ou peut l'accepter. On peut agir comme bon nous semble avec cette vérité et toutes les variantes qu'elles apportent à notre vie. Nous sommes maîtres de ces décisions-là et on les accepte ou on les refuse.

On a le choix.

Et ça change tout. J'aime à croire qu'on a toujours le choix.

Même si souvent, les miens ont été pitoyables et lourds de conséquences. Et même, s'ils m'ont mené aux pires événements de ma vie, ils sont là pour m'empêcher de me tromper à nouveau et de prendre les bonnes décisions.

Ce à quoi, je vais m'astreindre à faire, maintenant que ma vie est plus équilibrée. Maintenant que nous savons tous la vérité sur ce secret, sur tous les mensonges avec lesquels on a grandi et pourquoi.

Maintenant que Milo et moi avons retrouvé nos parents.

Tous les quatre nous formons la famille que nous aurions toujours dû être.

Mais la vie est ainsi faite. Elle n'est pas toujours facile ou agréable, mais elle vaut le coup d'être vécue. Car des bonheurs, comme celui-là, valent tout l'or du monde et tout l'argent, le pouvoir, et la richesse de la terre ne sont rien face à l'amour.

≈ ≈ ≈ ≈

Nos parents ne se quittent pas, se tiennent la main, se lancent des regards tendres et amoureux. D'un clin d'œil, Milo me fait comprendre que nous devrions les laisser seul.

Je le suis ainsi que Lucas, jusqu'à l'extérieur de la maison sous le regard peiné de Lewis. Il ne me quitte pas des yeux et pourtant il n'émet pas le moindre signe, juste un léger mouvement, en arquant un sourcil perplexe.

Sa collègue, elle par contre, me dévisage les traits tendus par la colère. Elle me toise d'un air méprisant en balayant mon corps de la tête aux pieds. Je suis sûre que c'est elle qui lui a envoyé les messages que j'ai lus. C'est donc cette femme qui connaissait mon emploi du temps par cœur. 

Le rendez-vous qu'elle lui avait fixé était-il professionnel ou personnel ? Ont-ils eu une aventure ou pire encore, sont-ils toujours ensemble ? Quoi qu'il en soit, elle le colle et ne le lâche pas d'une semelle malgré l'indifférence apparente de Lewis à ce moment-là.

C'est bon Lucky Luke, ton uniforme ne m'impressionne pas et encore moins ton arme. Je crois que j'ai compris le message...

L'inspecteur nous rejoint dehors avec deux autres flics pour assurer notre sécurité.

J'ai le cœur en miette après cette constatation. Je préfère rester seule pour réfléchir. Je m'assieds sur les marches en bois de la terrasse en remontant mes genoux contre ma poitrine, mes bras les entourent et je pose mon menton dessus. Mon corps replié de la sorte me permet de me protéger. De canaliser mes émotions, de les retenir en moi, de me mettre dans un cocon où je vais pouvoir faire le vide, et respirer à mon rythme.

Une fois que je suis détendue, mon esprit vagabonde et mon regard se perd vers cette immensité qui me fait face. Cette beauté naturelle que j'aime tant, qui m'apaise et m'aide à m'évader, et qui me permet de chasser tous les nuages noirs qui polluent mon esprit.

Enfin, c'est ce que la mer réalisait pour moi jadis, quand je n'étais qu'une gamine et que mes seuls soucis étaient de savoir s'il ferait beau, si la pêche serait bonne, ou si l'on trouverait des champignons avec mon père ou bien même, arriverai-je à préparer ma tarte préférée.

Mais j'ai grandi et mes nuages aussi. Ils sont bien plus gros, bien plus noirs, et je ne suis pas sûre que le simple fait d'entendre le flux et reflux de la mer soit suffisant pour les dissiper à présent.

Des bruits de pas s'approchent et sans même me retourner, je sais que c'est Lewis. Même si sa démarche n'est pas aussi assurée que d'habitude, même si je perçois son mal-être, son hésitation, je sais que c'est lui. Sitôt qu'il entre dans mon périmètre vital, mon cœur le reconnaît ainsi que mon corps. Lewis est dans chacune de mes respirations, de mes souffles, de mes cellules, il a investi chaque parcelle de mon être et les a marquées de son amour.

S'il me confirme ce que je crains d'entendre, comment je vais arriver à vivre sans lui ? Comment je vais pouvoir guérir de son absence ? Comment je vais faire sans son amour, sans ses mots doux, sans ses caresses, sans ses câlins, sans lui ?

— Je peux m'asseoir ? me demande-t-il.

Attendant debout à mes côtés que je l'y autorise. Je n'aime pas le sentir faible. Et cette distance qu'il met entre nous me fait mal. Depuis quand Lewis demande ? Lewis se sert, et prend ce qu'il désire. Normalement, il serait assis à côté de moi, le bras autour de ma taille pour m'avoir au plus près de lui... Il n'aurait pas demandé.

Alors pourquoi ? Il a peur de me déranger ? Que je l'envoie chier ? Ou bien, il a vraiment quelque chose de grave à se reprocher ? Je pencherai pour cette dernière solution même si avec mon caractère de merde, il a de quoi se méfier !

— Bien sûr, dis-je froidement.

— Merci d'accepter.

— Les marches ne m'appartiennent pas ! N'importe quel inconnu a le droit d'y poser ses fesses. Même toi.

Son air désapprobateur accompagne mon silence obstiné quand il me questionne maladroitement :

— Alors belle inconnue, la soirée se passe bien ?

— À merveille !

— Désolé. Je... Heu...

Lewis se triture les doigts dans tous les sens ne sachant comment me parler ou comment aborder le sujet sans que je l'envoie bouler.

— Tu veux bien qu'on parle ? lâche-t-il d'une traite.

Mon regard se relève et plonge dans le sien. Dans ces yeux que j'aime tant, qui m'ont tellement troublée, qui m'ont tant fait rêver, chavirer et transporter. Alors comment j'ai pu passer à côté et ne pas voir ses mensonges ? Détecter sa trahison ! Comment ai-je pu être aussi aveugle ? Pourtant son regard aimant avait l'air si sincère. Ne dit-on pas que les iris sont le reflet de l'âme ?

— Je sais que tu te poses de multiples questions. Alors, laisse-moi y répondre bébé.

Je sursaute en entendant mon surnom.

Ces quatre lettres que j'ai pourtant tellement aimées quand elles étaient prononcées par lui, cette fois-ci, me cinglent la peau tel un coup de fouet. Je me recule pour laisser encore plus d'espace entre nous jusqu'à ce que mon dos se stoppe en touchant la rambarde.

— Il n'y a plus de bébé... Celui-ci, est mort aussi.

— Claire ne réagit pas comme ça, laisse-moi m'expliquer, essaye-t-il.

Lewis veut me prendre les mains, mais je lui refuse ce privilège. Je m'empresse de les planquer sous mes jambes. Je ne veux pas qu'il les voie trembler. Il ajoute d'une voix étranglée :

— Après tu feras ton choix et je respecterai ta décision... Claire.

Lewis me prie de l'écouter, mais je sais au fond de mon cœur que ce qu'il va me dire ou ne pas pouvoir me dire va me détruire.

— Ok, je t'écoute, dis-je aussi froide qu'un iceberg.

— Tu veux bien qu'on aille se balader sur la plage ?

— Ta petite amie est d'accord ? balancé-je avec un brin d'amertume dans la voix.

Pourtant, je m'étais promis de le laisser s'expliquer, de lui laisser le bénéfice du doute. De ne pas tirer de conclusions trop hâtives. De ne pas le juger tant qu'il ne m'avait pas avoué pourquoi il avait agi ainsi. D'écouter ce qu'il avait à dire qui me prouverait, que tout ceci n'avait rien à voir avec ses sentiments pour moi. Mais à la première occasion, je perds déjà mon self contrôle.

— Mais enfin de qui tu parles ?

— De ta collègue blonde qui te bouffe des yeux et qui t'a envoyé des textos plutôt explicites.

Son regard se voile, il ne nie même pas et il n'a pas besoin d'en dire plus. J'ai ma réponse et je suis écœurée. Je me lève afin de rentrer, quand il s'accroche à mon bras.

— Claire, ce n'est pas du tout ce que tu crois. Si tu savais comme je m'en veux de ne pas t'avoir dit la vérité sur ma mission. Mais les ordres...

— Eh bien, dorénavant tu réfléchiras à deux fois, quand tu auras une mission ! Ou est-ce que me baiser faisait aussi partie de tes ordres Lewis ? l'achevé-je de mes mots.

Toutes les conversations s'arrêtent et les regards se braquent sur nous. Je suis tellement en colère contre Lewis, que j'en ai oublié que nous n'étions pas seuls.

— Espèce de salopard, je savais que tu n'étais qu'une merde, hurle-t-il à Lewis en lui envoyant son poing dans la figure.

Forcément Milo ne fait pas le poids face aux autres flics et il est plaqué au sol. Lewis se relève et crache le sang qui coule de sa bouche. Il ne l'a pas loupé.

Je suis en colère après Lewis mais le regard que je destine à Milo n'a rien de tendre non plus.

— Désolé Claire, mais tu vas devoir t'y faire, je serais toujours là pour te défendre, me clame mon frère.

— Je n'ai pas plus besoin de toi, Milo, que de Lewis ou de je ne sais qui d'autre. Il y a longtemps que j'ai compris, que je devais me débrouiller seule. Tu entends !

Je bous de l'intérieur et je dois laisser cette explosion de fureur sortir sous peine de m'effondrer.

— SEULE ! hurlé-je.

Tout le monde me regarde et me dévisage comme si j'étais folle à lier.

Attirés par le bruit, mes parents sortent suivis du reste des policiers. La blondasse se précipite sur Lewis pour le soigner et j'ai envie de vomir en les voyant ensemble.

Putain tous les mêmes !

Ils ne veulent qu'une chose, nous baiser et ils n'en ont rien à foutre de nos cœurs. Ils s'en tapent bien de savoir si on a des sentiments. Tout ce qu'ils veulent, c'est assouvir leur plaisir!

Je ne veux écouter personne, je repousse tout le monde de mes mains. Je veux qu'on me laisse seule, qu'on me foute la paix. Je rentre dans la maison en courant, me dirige vers la cuisine et me sers un mug de la fameuse tisane d'Adèle puis je monte dans ma chambre.

Au moins là, personne ne viendra me faire chier et je pourrais réfléchir tranquillement.

Je pousse la porte de mon ancienne chambre, allume la lumière et à ma grande surprise, rien n'a changé. On dirait que le temps s'est arrêté le jour de mon départ. Pourtant la pièce à l'air bien entretenue, comme si elle n'attendait que mon retour.

Comme quand je venais pour les grandes vacances, un joli bouquet de fleurs sauvages est disposé sur la commode. Mon bureau est toujours disposé face à la fenêtre donnant sur la mer. Je passe ma main sur ce bois si familier, si doux sous mes doigts.

Il en a vu passer des cahiers d'écriture, de lecture, car même si j'étais en vacances, mon père tenait à ce que je révise après le repas de midi, de toute façon le soleil était trop fort pour que l'on puisse sortir.

Toute à mes souvenirs, j'éteins la lumière et m'allonge sur mon lit, j'essaye de fixer le plafond pour me concentrer afin de me calmer et de faire le point. Mais leurs discussions venant du dehors me perturbent, sachant pertinemment qu'elles parlent de moi. Mais je ne veux pas de leur pitié. Je ne veux pas entendre leurs : « Oh la pauvre ». « Elle n'a pas de chance ». « La vie ne l'a pas gâtée », et j'en passe...

J'ai encore moins envie de les entendre se hurler dessus à propos de la façon dont s'est conduit Lewis.

Il avait une mission, il a fait son job. Point.

Je fais juste partie des dommages collatéraux...

C'est bien ce que l'on entend souvent dire aux infos, non ?

Je me suis reconstruite à plusieurs reprises, mais y arriverais-je encore une fois ? J'essaye de me détendre, de fermer les yeux, de faire place nette, de ne plus penser à rien.

Le vide. Le néant.

Voilà ce qui m'attend...

En un claquement de doigts, je reprends mon statut de femme seule, trahie et abandonnée.

Je tente de résister à cette pensée négative...

Mais je n'en ai plus la force, alors je me laisse engloutir par ce trou noir, par cet endroit où rien n'existe, où le silence règne, où...

Un bruit répétitif m'empêche de me laisser aller et me sort de ce point de non-retour. J'ouvre les yeux pour découvrir la provenance de ce cliquetis.

Ce n'est rien.

Ce n'est que le store de la fenêtre qui claque sur la vitre.

Je repose ma tête sur l'oreiller...

Mais pourtant une chose me chiffonne ; je suis sûre que la fenêtre était fermée. Puisque j'ai vérifié, après que je sois entrée dans la chambre. Étant donné que je ne voulais pas entendre plus nettement leurs mots qui me blessaient...

Je me lève et la referme, j'ai sans doute dû mal tourner la poignée, voilà tout. Tout en fermant, je vois Lewis qui lève les yeux vers ma fenêtre. Il est seul. Il a l'air aussi triste, perdu et en colère que moi. Mais lui n'a pas le droit de l'être. C'est moi la victime, pas lui ! Il n'avait qu'à refuser cette mission.

Je me rends compte que prise par la colère, je n'ai même pas demandé en quoi consistait son enquête. Pourquoi avait-il besoin de moi ? Est-il obligé de se servir de moi pour arriver à ses fins ? Cela faisait-il parti des ordres ou est-ce une initiative personnelle pour être plus crédible ?

Lewis devait mener à bien sa mission, en étant une taupe infiltrée dans nos vies et c'est ce qu'il a fait. La seule chose dont je suis sûre, c'est que Lewis et Poppy sont de la même famille. Ce qui veut dire, qu'il s'est aussi servi de sa sœur pour m'approcher ? Mais pourquoi ? Pourquoi moi ?

Mon mal de tête empire de minute en minute et plus je réfléchis, plus il prend de l'ampleur. Je bois ma tisane afin qu'elle m'apaise et me permette de me détendre, et enfin de me reposer.

Je suis épuisée par cette journée.

Je commence à fermer les yeux, quand je devine un souffle, une silhouette sur le seuil de ma chambre. La porte se referme derrière cette forme et le manque de luminosité ne me permet pas de savoir de qui il s'agit. Seul un rayon de lune filtre à travers les lames du store et ajoute un air de mystère à cette pièce.

L'ombre bouge...

— C'est toi Lewis ?

La silhouette ne répond pas et avance d'un pas, se déplaçant encore plus dans l'obscurité.

— Si c'est toi Milo, ce n'est pas drôle de me faire peur de la sorte !

Toujours pas de réponse et l'ombre avance toujours. Elle n'est plus qu'à quelques centimètres de moi et pourtant, il m'est impossible de reconnaître les traits de son visage.

Suis-je en pleine hallucination dû à la tisane ?

Mais une hallucination ne pourrait pas me toucher ? Ni mettre sa main sur ma bouche pour m'empêcher de crier. Elle n'arriverait pas non plus à m'attacher les mains avec des menottes qui me serrent bien trop les poignets.

Une hallucination ne peut pas faire ce genre de chose.

Mais cette silhouette, oui !

≈ ≈ ≈ ≈

Claire n'est pas tendre avec Lewis !

A-t-elle raison ?

Qui est d'après vous cette silhouette ?

Lewis ?

≈ ≈ ≈ ≈

😍 Bonne soirée les Loulous, bisous 😘

Kty

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top