Chapitre soixante-cinq

MILO

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Ce mec est vraiment un connard de première. Mais pour qui se prend-il pour me traiter de la sorte ? Son statut de flic ne l'autorise pas à se comporter avec moi comme avec un de ses banals délinquants. Il me devrait plus de respect parce qu'un jour, je serais peut-être son beau-frère...

Mon Dieu, je ne comprends même pas comment ma sœur a pu tomber amoureuse d'un gars comme lui. Franchement, elle mérite mieux que ce play-boy à deux balles, que ce dragueur de pacotille qui se sert de son statut pour coucher avec toutes les nanas qu'il veut. Alors que je rumine encore après Lewis et son attitude, je m'adresse à Lucas :

— Pourquoi as-tu pris sa défense ?

— Parce que Lewis avait raison et que tu avais tort Milo.

— Mais dis-moi, ton raisonnement est d'une logique implacable !

— Tu vois que tu peux avoir du bon sens quand tu veux mon ange.

Cette soirée est de pire en pire. C'est au tour de Lucas de me faire chier. Il me nargue et me tape des leçons à la con sur mon bon sens ? Putain, quand il joue au moralisateur, il me tape sur les nerfs.

— Arrête tes conneries, tu veux !

— Non toi, arrête. Franchement Milo, tu accepterais que ta sœur te dise de ne plus me fréquenter parce qu'elle trouve que je ne suis pas assez bien pour toi ?

— Alors là même pas en rêve ! Et puis ce que nous vivons tous les deux, ce n'est pas comparable !

— Et en quoi c'est différent Milo ?

Et allez, c'est reparti. Lucas va pinailler sur les mots et ce n'est franchement pas le bon soir. Comment ose-t-il comparer notre relation à la leur ? Cette idylle de merde n'arrive même pas à la cheville de notre amour et le fait qu'il l'envisage ajoute à ma colère.

— Oh ça va ! Tu sais quoi Lucas ? Tu me fais chier !

— Ah je te fais chier ? répète-t-il hors de lui en me laissant en plan.

≈ ≈ ≈ ≈

C'est une belle connerie de la part des flics de nous avoir tous regroupé ici pour nous surveiller dans ce même lieu. La tension était déjà à son comble, mais depuis la dispute de ma sœur avec « son chéri » elle est montée de plusieurs crans.

Et voilà que maintenant, je me prends la tête avec Lucas. Il n'y a que mes parents qui restent calmes, comme si les épreuves de la vie leur avaient appris que ça ne sert à rien de s'énerver comme je viens de le faire.

Et encore moins après Lucas.

Il n'a pas à subir ma mauvaise humeur ni ma mauvaise foi. Je sais qu'il a raison, mais ce rôle de frangin est nouveau pour moi et j'en fais trop. Je voudrais tant rattraper toutes ces années où je n'ai pas pu la protéger. Je m'y prends mal sans doute. Je veux imposer ce que je pense être le mieux pour Claire, pourtant ce n'est pas comme ça que je vais y arriver. Je dois plutôt la soutenir et si Claire choisit Lewis... Et bien je ferais en sorte de l'accepter pour son bonheur. Parce qu'à mes yeux, il n'y a que cela qui compte.

Je veux que Claire soit heureuse.

Enfin...

Je dois m'excuser auprès de Lucas et j'en ai marre de marcher sans fin dans ce foutu jardin... Mais je ne sais pas comment m'y prendre. Alors je déambule et compte mes pas sans me presser en attendant d'avoir une idée lumineuse.

Dix pas à gauche.

Je fais face aux deux flics en faction.

Douze pas à droite.

Le vide et la barrière.

Demi-tour.

Douze pas...

Retour devant les flics qui n'ont pas bougé d'un centimètre.

Je tenterai bien une grimace mais je n'ai pas la tête à ça.

Dix pas. Demi-tour.

Je vais finir par creuser un sillon dans la terre et ce con de flic qui ne me lâche pas d'une semelle. Il croit quoi ? Que je creuse un tunnel pour m'enfuir. Il veut que j'aille où ? Tous les accès sont surveillés, donc personne ne peut entrer, et encore moins sortir.

Et pour couronner le tout, j'ai la dalle. Ce qui a le don de rajouter à ma mauvaise humeur, voire de me rendre irascible.

Je jette un regard las vers Lucas. Il est accroupi, les épaules basses et à sa façon de jeter des petits cailloux dans le vide, je sens tout son désarroi.

Je me dirige vers lui, peu importe la manière ou les mots que je vais employer. Je dois lui parler quand je surprends son regard triste dirigé vers la mer. Quel con je fais. Je ne pense qu'à ma gueule et à chaque fois, je le blesse un peu plus. Il faut croire que je ne retiens pas la leçon. Parce qu'au moindre petit grain de sable, je recommence, encore et encore...

— Je suis désolé Lucas.

Il n'exécute aucun geste dans ma direction, ne prononce aucune parole et continue de balancer des cailloux.

— Je sais, je dis ça à chaque fois, et à la moindre contrariété je recommence. Mais s'il te plaît, ne m'en veux pas Amour.

Il tourne légèrement la tête dans ma direction.

— Tu veux que je te pardonne ?

— J'aimerais bien, oui.

Ma voix murmurée le supplie, mes yeux implorent son pardon, mais je sais que ma mine dépitée ne suffira pas cette fois-ci. Son ton est cassant, détaché et son intonation bien trop sarcastique pour que je m'en sorte aussi facilement.

— Et bien sûr tu comptes que je passe l'éponge, comme ça, en un claquement de doigts ?

— Je suis plutôt doué de mes doigts, non ?

J'essaye un sourire, mais il est tout aussi pitoyable que mon trait d'humour.

— Essaye de me toucher, tu ne vas pas être déçu. Et tu sais pourquoi ? Parce que j'en ai marre de te servir de punching-ball. J'en ai marre que tu défoules ta mauvaise humeur sur moi. Tu m'entends là, j'en ai marre Milo.

Il se relève empreint de rage et fulmine.

— Lucas, je comprends que mon comportement de petit con t'exaspère, mais...

— Tu sais quoi Milo ? Ce qui me fait le plus chier, c'est que j'ai ma part de responsabilité dans ton attitude.

Je fais un pas vers lui faute de pouvoir faire plus.

— Non Lucas, tu n'y es pour rien. C'est moi qui abuse avec mon caractère de merde.

— C'est bien ce que je dis. Je te laisse passer trop de choses, de caprices, de décisions... Tu sais, tu n'es pas le seul à en avoir marre de cette soirée, de ces tensions et de tous ces flics. Mais tu es le seul à faire chier le monde avec ça.

— Il en faut bien un, tenté-je en haussant les épaules.

Ma tentative pour faire redescendre la colère de Lucas ne marche pas. Au contraire, j'ai l'impression d'avoir attisé le feu au lieu de l'éteindre.

— Milo, tu veux bien être sérieux deux minutes ?

— Ah non, ça, c'est ton rôle Lucas !

Et merde, j'ai encore parlé sans réfléchir.

— C'est comme ça que tu me vois Milo ?

— Bien sûr que non, et tu le sais. Mais reconnais que tu as toujours été plus sage et réfléchi que moi, et en ce moment encore plus.

— Et pourquoi d'après toi ?

Je sens la colère gagner ses membres, sa mâchoire se crisper. J'ouvre la bouche afin de lui répondre mais Lucas continue sur sa lancée.

— Je me suis effacé devant ce que tu venais de vivre, afin de t'apporter mon soutien, pour que tu ailles mieux, pour que tu reprennes confiance en toi, pour que tu panses tes blessures aussi bien morales que physiques.

Penaud, je baisse la tête en sachant que tout ce qu'il énonce est vrai. Lucas l'a fait pour moi, parce qu'il tient à moi.

— Je le sais bien Lucas. Je ne te remercierais jamais assez de tout ce que tu fais pour moi. Tu sais l'importance que ton soutien à pour moi, il m'est indispensable. J'ai besoin de ton amour et de te savoir heureux.

Je sais que j'ai abusé de sa gentillesse, de son dévouement et surtout de son amour indéfectible.

— Je suis content de te l'entendre dire. Et je ne regrette pas une seconde de faire tout cela pour toi, loin de là. Mais je ne veux pas être que ça à tes yeux, ajoute-t-il tristement.

Je m'approche un peu plus de lui. J'ai besoin de sentir son magnétisme, mais il a surtout besoin de moi. Lucas a besoin que je le rassure, à besoin de voir tout le respect que j'ai pour lui et surtout il a besoin que je lui prouve à quel point je l'aime et à quel point il est mon égal. Mes doigts se posent en coupe sous son menton.

— Amour, regarde-moi. Je suis vraiment désolé si mon attitude et mon sale caractère te font douter et penser que tu n'es là que pour mon bien-être.

— En fait, j'ai été trop laxiste avec toi et à cause de ça, tu penses que tout t'es dû et que tout le monde doit être à tes pieds. Mais tu ne peux pas continuer à traiter les gens de la sorte, et moi encore moins.

Je ne pensais pas que j'étais exécrable à ce point.

— Le souci, c'est que je prends conscience de mes conneries seulement après que je les ai faites. Parce que sur le coup, je me laisse emporter par mon impulsivité et je ne me rends pas compte que je te blesse malgré moi.

La spontanéité dont je fais preuve est tout autant une qualité qu'un défaut en l'occurrence.

— Je le sais mon ange. C'est pour ça que je suis intervenu tout à l'heure, et que je t'ai contredit, parce que tu avais tort. Et dorénavant, si tu fais fausse route, compte sur moi pour te le dire.

— Je dois reconnaître que ça m'a mis en colère que tu prennes sa défense et non la mienne, même si tu as eu raison de le faire. Tu as cette lucidité et cette sagesse que je n'ai pas. Je vais faire de mon mieux pour ne pas te décevoir et surtout pour ne plus te blesser.

— Je suis sûr que tu y arriveras Milo, sinon c'est à coups de pied au cul, que je vais te le faire comprendre, ricane-t-il pour détendre l'atmosphère.

Ma main glisse sur sa joue râpeuse déclenchant toute une série de picotements dans mon corps. Ce simple contact m'électrise. Pourtant je m'interdis de glisser cette main vers sa nuque. Je m'interdis de céder à l'appel de son odeur. Je me l'interdis, car ce n'est pas comme ça que je veux lui témoigner mon amour.

— Tu sais à quel point je t'aime Amour et qu'il n'y a que ton bonheur qui compte pour moi, et...

— Je le sais, mais si tu veux me le démontrer, je ne suis pas contre mon ange, souffle-t-il avec cette envie dévorante dans les yeux.

Il m'attire à lui en passant sa main derrière ma nuque, mêlant ses doigts dans mes cheveux. Ses yeux sourient de malice et sa langue taquine mes lèvres. Il me nargue en esquivant mon baiser, en me poussant à bout. Mais j'ai compris la leçon ce soir et je ne vais pas râler ni me mettre en colère, comme je l'aurai fait d'habitude. 

Je souris à mon tour en glissant mes mains sous son tee-shirt, en effleurant la peau de son dos, en sentant sa réaction. Je savoure les caresses de sa langue. Il me fait languir, prend son temps, fait monter le désir et l'envie en moi. Des sentiments intenses, que j'aurai ratés si j'avais laissé mon impulsivité prendre le dessus.

— Tu vois mon ange, ce n'est pas si dur de faire preuve de patience.

— N'en abuse pas, tout de même !

Il m'embrasse avec fougue et cette attente en valait bien la peine. Lui laisser me donner ce baiser est pour lui sa façon de me prouver, que je suis sur la bonne voie en écoutant ses conseils, en lâchant prise. Pour lui et notre amour, je le ferais.

— Amour, soufflé-je de désir.

— Mon ange... Je vois que tu as apprécié.

Lucas se moque gentiment de moi. J'ai adoré son baiser et j'en veux plus. Tellement plus. Ma main glisse sur sa fesse et l'empoigne.

— Comme s'il n'y avait que moi.

Je jette un coup d'œil à droite, un coup d'œil à gauche. Putain, pas un seul endroit où l'on pourrait être tranquille.

— Même pas en rêve Milo. Tu oublies tout de suite. Pense à tes parents, tu verras c'est radical.

— Fais chier.

— En attendant ça marche.

En effet, j'ai débandé en un rien de temps.

— Bon ben vu que nous n'avons nulle part où aller se planquer pour se câliner. Si on allait manger ? Je meurs de faim, pas toi ?

Lucas acquiesce tout en rigolant, parce qu'il connaît mon appétence autant pour le plaisir charnel que pour les plaisirs de la table. Nous allons voir mes parents pour savoir s'ils nous accompagnent. À mon avis Claire va rester dans sa chambre. Quand elle est furieuse comme ce soir, ce n'est même pas la peine de lui parler.

— Vous venez les amoureux, dis-je à mes parents.

Cela me fait drôle de dire, mes parents, car même enfant, je n'ai jamais eu envie de nommer ma mère et mon soi-disant père de la sorte.

À l'entrée de la cuisine nous sommes stoppés par la collègue de Lewis.

— Vous feriez mieux de ressortir, nous ordonne-t-elle.

— Et pourquoi ? Nous voulons juste nous rendre à la cuisine.

— Monsieur Matal, ce sont les ordres.

— Vous savez où vous pouvez...

Ma mère dépose sa main sur mon bras, s'approche de la flic et lui demande posément :

— On peut au moins en connaître la raison ?

— Arrestation en cours.

— Quoi ? Comment ça ? la questionne mon père.

— Un intrus dans la remise. On essaye de savoir qui est-il et pourquoi était-il là.

— Il a bien choisi son jour celui-là. Il vient cambrioler la maison, alors qu'elle est surveillée par une douzaine de flics.

Mais la grimace que fait la flic envers mes propos, m'indique que je me plante carrément. Que venait-il faire alors ? Est-ce que c'est le ravisseur de ma mère ? Il faut qu'elle me réponde, que je sache.

— C'est le kidnappeur...

Une détonation se fait entendre à l'étage et soudain, c'est la panique. On se retrouve encerclés par les flics qui nous poussent contre le mur et se placent devant nous pour nous protéger.

Mon Dieu le coup de feu venait d'une des chambres.

— CLAIRE, hurlé-je.

— Taisez-vous, me chuchote un flic. Vous allez nous faire repérer. Nous ne savons pas combien ils sont, ni s'ils se trouvent tous dans la maison.

— Vous ne savez rien donc, lui balance mon père. Je ne vais pas attendre ici et faire une cible idéale. Vous et vous, emmenez ma femme dans l'arrière-cuisine et restez avec elle, ordonne-t-il.

— Chéri, non, je t'en supplie reste avec moi !

— Fais ce que je te dis. Je dois m'occuper de notre fille.

Mon père prend les choses en main sous le regard médusé des flics. Il se dirige vers une armoire et en sort un fusil de chasse et des munitions. Il file vers l'escalier avec deux flics et nous, qui les suivons avec un fusil chacun donné par mon père au passage. Je n'ai jamais tenu d'arme et Lucas non plus.

— Dis-toi que c'est juste pour se défendre. Au cas où ! essaye de me rassurer Lucas.

Nous voilà tous partis à l'assaut des escaliers, quand deux policiers sortent de la chambre de Claire en transportant un corps roulé dans un drap taché de sang. Je n'arrive plus à bouger, ni à parler. Je suis tétanisé par le choc.

— Ce n'est pas Claire !

Mon père nous en informe, après avoir parlé avec les policiers qui déposent le corps sur le palier. Lucas s'est rapproché de moi et me soutient par le bras.

— Tu devrais t'asseoir Milo.

Ce que je fais sans rechigner, car mes jambes tremblent et ne me portent plus. L'espace d'un instant, j'ai cru que c'était ma sœur sous ce drap.

— Attends-moi ici, je vais demander qui est mort, me dit Lucas.

Il monte la dizaine de marches restantes et parle avec mon père. Après ce qu'il me semble être une éternité, il me regarde avec des larmes dans les yeux.

Pourquoi pleure-t-il vu que le corps n'est pas celui de Claire ? Serait-ce Lewis ? Merde, si c'est lui, Claire va être effondrée la pauvre.

On me demande de redescendre pour faire de la place aux secours qui vont arriver. Les sirènes d'une ambulance se font entendre et j'ai l'impression d'être dans un brouillard complet. Tout va trop vite, je ne comprends plus rien. Lucas me rejoint et me guide jusqu'à ma mère.

— Milo, que t'arrive-t-il ?

— Paloma... Heu, il est juste choqué, indique Lucas.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? demande-t-elle d'une voix blanche.

À ce moment-là, le médecin du SAMU et les pompiers entrent dans la maison, en suivant un policier. Ils se dirigent directement vers l'étage avec un brancard et tout leur matériel après nous avoir salués rapidement.

— Lucas, réponds-moi !

— Il y a un mort, Paloma...

— Oh non, ne me dis pas.

Les mains sur sa bouche bloquent les mots ainsi que les cris que ma mère étouffe du mieux possible.

— C'est Marcus.

≈ ≈ ≈ ≈ 


Encore un chapitre et un épilogue !


≈ ≈ ≈ ≈  

😘 Bisous mes Loulous 😘

KTY 

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