Chapitre quarante-quatre


MILO

Après notre bain, nous sommes détendus grâce aux huiles essentielles et aux massages que nous nous sommes prodigués. Nous avons écouté de la musique jouée au piano par cette virtuose qu'est Khatia Buniatishvili. Emmitouflés dans nos peignoirs moelleux, nous sommes allongés sur notre lit, ma tête reposant sur le torse de Lucas. Il me caresse les cheveux et attend que je lui parle. Il me laisse du temps, comme à chaque fois. Il ne me presse pas pour que je lui donne mes impressions, lui parle de mes angoisses, de mes peurs ou comme à cet instant lui avouer mon soulagement, et mon bonheur.

Je me repasse en boucle ce qu'il s'est passé dans le parking et je n'en reviens toujours pas.

Lucas a trouvé l'endroit idéal pour me faire oublier tout conformisme et que je n'appréhende pas ce moment qui me hantait tant.

Bien sûr, le lieu aurait pu être plus romantique ou plus confortable. Mais en y réfléchissant bien, je ne pouvais rêver mieux. Cela s'est fait sur une envie commune, sur le plaisir que venait d'avoir Lucas. Un plaisir qu'il a pris en dirigeant nos ébats et qu'il lui a donné le courage nécessaire pour aller plus loin avec moi.

Son choix dicté par le goût du risque et par l'éventualité d'être surpris a ajouté du piment et assez de distraction pour qu'il agisse sans crainte.

Tout était réuni pour que Lucas et moi puissions relier avec nos anciennes habitudes où dans notre couple il n'y a jamais eu de règles établies. Chacun prenant la place de l'autre en fonction de son envie, du lieu, de la situation et je suis heureux que tout cela puisse redevenir comme avant.

— Amour ?

— Hum.

— Merci...

Je lève les yeux vers lui alors qu'il me couve de son regard voilé. Je me redresse sur mon avant-bras pour lui demander :

— Lucas, ça ne va pas ?

— Si mon ange, je vais bien.

— C'est nouveau ça, quand tu vas bien tu pleures désormais !

J'essaye de le faire rire mais ma tentative est vaine.

— Tu m'expliques Amour ? soufflé-je en même temps que je dépose un baiser sur sa tempe.

— Ça n'a pas d'importance.

— Oh si ça en a pour moi. Je sais pourquoi tu pleures, mais je veux que tu me le dises de vive voix.

— Si tu le sais alors pourquoi dois-je le dire ? ronchonne-t-il face à mon entêtement.

— Tu le sais très bien, Amour.

Je prends sa large main dans la mienne et lui caresse tendrement l'intérieur du poignet, le lui embrasse aussi. Comme il le fait pour me détendre et me permettre de parler. Alors j'espère être aussi doué que Lucas et lui permettre de s'ouvrir à moi.

Il se redresse et s'assied en tailleur face à moi et j'en fais de même après avoir récupéré la pièce dans le tiroir de la table de chevet que je dépose, au centre de nos jambes. Parce que j'ai compris ce que sa position voulait dire :

"La séance du conseil est ouverte."

C'est une position clé qui ouvre à la discussion et dont nous respectons toute une série de rituels auquel nous ne dérogeons jamais depuis que nous le pratiquons.

Nous lions nos mains en entrecroisant nos doigts joints au-dessus de la pièce.

Nos genoux pliés se font face et se touchent.

Nos regards concentrés établissent le contact.

Nos respirations lentes et contrôlées s'harmonisent.

Et nos cœurs s'unissent au même rythme de battements.

Cela peut paraître bizarre comme méthode mais pour nous ce rite nous permet de se concentrer, de faire le vide, et d'être connecté à l'autre.

— Tu es prêt Lucas ?

— Oui Milo, ajoute-t-il un peu tendu encore.

— Chacun son tour ?

— Comme d'habitude.

— Tu choisis quoi, Amour ? Pile ou Face ?

— Pile.

La pièce est lancée !

Je la rattrape puis la retourne sur le dos de ma main. Je soulève le plat de la main vide et annonce à Lucas :

— Face.

Je repose la pièce au centre et reprends les mains de Lucas que j'embrasse précieusement.

— Je commence donc.

Je vois dans ses yeux de l'inquiétude parce qu'il se doute bien de quoi je vais lui parler et il sait aussi que tant que le sujet ne sera pas clos, il ne pourra pas me poser de questions à son tour.

C'est parti, je ne lâche pas plus ses mains que son regard et d'une pression sur ses doigts je l'informe de l'imminence de ma question. Une dernière respiration profonde avant de m'adresser à lui :

— Pourquoi pleurais-tu ?

— Parce que j'étais soulagé que tu acceptes de me faire confiance. Que tu ne me rejettes pas, parce que j'ai eu peur d'être allé trop vite, énumère-t-il rapidement comme si le moindre mot lui brûlait la langue.

— Lucas j'ai toujours eu confiance en toi et encore plus depuis que nous sommes à nouveau ensemble, en couple. Quant à la peur du rejet, tu sais que si je l'avais fait, ça n'aurait été en aucun cas contre toi mais dû à mon traumatisme. Et puis tu as bien vu que ta peur n'était pas fondée, certes j'ai été surpris mais j'ai adoré. Amour, tu ne peux pas en douter tout de même ?

— Non je n'en doute pas mon ange, j'ai bien vu comme tu appréciais et comme tu as joui pour moi. Mais ça n'empêche pas la peur que j'ai eue de prendre l'initiative, ou celle de savoir si c'était le bon moment, ou bien la peur de ne pas avoir choisi le bon endroit. Même si j'ai tout fait pour te montrer que j'étais sûr de moi, je me dis que j'aurais dû, pour cette première étape, faire un autre choix, et puis j'avais peur que tu me rejettes encore, même si je sais que tu n'y es pour rien ça n'en reste pas moins douloureux.

— Je sais bien Lucas que je te fais vivre des moments délicats, douloureux, et pénibles. Mais c'était le bon timing, le bon endroit, contrairement à ce que tu crois. Parce que tu m'as évité la peur, les angoisses, les mauvais souvenirs et surtout j'ai pris un pied immense.

Je m'approche de lui et l'embrasse avec émotion.

— Tu me laisseras recommencer ?

Une demande qui a une importance primordiale si nous voulons avancer.

— Bien sûr Amour, on réessayera jusqu'à ce que ni toi ni moi n'ayons plus d'appréhension. Et puis, il n'y a pas de raison vu que tu y es arrivé tout en douceur tout à l'heure.

— Mais tout à l'heure, c'était hors contexte et dans l'urgence du moment. Mais ici dans notre chambre, tu t'en sens capable ?

Je réfléchis avant de répondre n'importe quoi et surtout pas une banalité, juste pour lui faire plaisir.

— On essayera ici, et dans tous les endroits dont on aura envie, mais je veux que tu saches que si ça venait à ne pas marcher, tu n'y serais pour rien. D'accord Amour ?

Ses yeux sont toujours plongés dans les miens et je sens cette mini-faille traverser ses iris. Je sais que si ça venait à ne pas marcher il s'en voudrait quand même. Je le connais assez pour savoir comment il réagirait.

— Tu sais très bien que je ne pourrais pas ne pas m'en vouloir. Je t'aime et je veux tout faire pour que tu ailles mieux. Pour que tu retrouves ta confiance en toi et en moi.

— Lucas tu crois que je t'aurais laissé faire si je n'avais pas eu confiance en toi ?

Il va pour baisser les yeux.

— Non Lucas ! Ne baisse pas les yeux. C'est comme si tu rendais les armes. Comme si tu m'abandonnais sur le champ de bataille. Tu veux que j'aille mieux alors c'est ensemble qu'on y arrivera. Regarde-moi ! Ensemble !

Cette fois-ci, il me regarde franchement, reprend de l'assurance et me répond :

— Ensemble !

Il me serre fort les mains avant d'y déposer un baiser. Signe que cet accord est passé et validé. J'en fais de même pour clôturer cette discussion.

Maintenant ça va être à moi de passer sur le grill et je n'en mène pas large.

— C'est à toi à présent de me poser ta question, lancé-je à mi-voix.

— Milo parle, moi, de Sylvain, me demande-t-il sans aucune hésitation.

Je savais qu'on allait aborder ce sujet mais je ne pensais pas qu'il allait m'en parler sous cet angle.

— Qu'est-ce que tu veux savoir ?

— Comment tu étais gamin, comment tu as grandi ? Parle-moi de tout ce qui te paraît important jusqu'à ce que tu deviennes Milo.

— Ok... Heu...

J'essaye de réfléchir, de faire le tri dans ma tête. En revanche, replonger dans mon enfance n'est pas chose aisée. Mais pour Lucas je me dois de le faire.

— Donc je suis né ici, à la clinique des berceaux le 16 septembre 1988. Je pesais trois kilos deux cent cinquante pour quarante-sept centimètres.

— Tu devais être un petit poupon. Tu as des photos de toi bébé ou petit ?

— Je dois en avoir quelques-unes dans une boîte à chaussures.

— Tu veux bien qu'on les regarde comme ça, je pourrais mieux te connaître ?

— Oui pourquoi pas et en même temps pour moi, ça sera plus simple. Parce que comme ça, je ne sais pas trop quoi te raconter de mon autre vie. C'est celle d'un gamin paumé entre son besoin de liberté et la poigne de son père qui voulait le forger à son image.

— Je sais que je t'en demande beaucoup...

— C'est normal Lucas, je connais bien ta vie, tes parents, ta maison, tes copains... Dans un couple on partage tout et j'ai envie que tu me connaisses mieux.

— Tu serais d'accord pour qu'on suspende le conseil pour une fois ? Que l'on regarde tes photos et que tu me racontes tout ça sur le canapé ? On serait plus à l'aise ?

— Mais bien sûr, le conseil ne doit pas être rigide, tu le sais. Il est là au contraire pour nous aider, pour que l'on se sente libre de parler sans peur ni tabou. Mais il a aussi ses limites, alors suspendons la séance.

Je m'incline vers ses mains que j'embrasse. Il en fait de même et il se lève pour replacer la pièce dans son écrin bien à l'abri dans le tiroir.

Je l'attire à moi en l'attrapant par les fesses et il rigole quand je défais le nœud de son peignoir de mes dents afin de lui embrasser le ventre et de jouer avec son nombril. Lucas est chatouilleux et cette zone est très sensible chez lui.

— Ce n'est pas parce qu'on a suspendu la séance, qu'elle est pour autant terminée Milo. N'essaye pas de détourner mon attention.

— Mince je perds la main ! Avant j'arrivais à te faire faire n'importe quoi avec ma langue.

— Tu vieillis mon ange, lâche-t-il en me taquinant.

Me tourne le dos et commence à partir.

— Espèce d'insolent que tu es. C'est un coup bas ça et tu vas me le payer, dis-je en me redressant.

Il s'approche de moi et je n'ose plus bouger. Il est impressionnant quand il est sûr de lui comme à cet instant seulement habillé de son caleçon.

— Ça ! C'est un coup bas, me murmure-t-il d'une voix grave tout en attrapant à pleine main mon service trois pièces. Je frissonne à ce simple contact qui me met une trique d'enfer.

— Je ne savais pas que cette pratique faisait partie de notre conseil.

— On devrait peut-être l'ajouter ? Qu'est-ce que tu en penses Milo ?

Au lieu de lui répondre tout de suite, je fais comme lui et ses pupilles se dilatent instantanément tant la dose de plaisir qu'il doit ressentir l'emporte.

— Je ne suis pas certain que l'on arriverait à tenir toute une séance comme ça.

— Tu me tiens, je te tiens par la...

— Quéquette, fallait bien que ça rime avec barbichette ajouté-je.

Nous éclatons de rire en même temps, un de ces rires qui vous prend aux tripes et vous libère de toutes les tensions. Nous avons du mal à retrouver notre sérieux et notre souffle alors que nos dos sont allongés sur notre lit. Nos regards rivés sur le plafond, Lucas me dit :

— Tu as raison, gardons cette nouvelle pratique pour d'autres séances que celle du conseil, ricane-t-il accompagné de son magnifique sourire accroché à ses lèvres.

— Tu es tellement beau !

— Tu vas me faire rougir...

— Avant que tu ne te transformes en tomate, tu veux bien préparer de quoi grignoter et boire le temps que je cherche cette fameuse boîte à photos ?

— Et l'osso bucco on en fait quoi ?

— On le mangera demain, réchauffé, il sera meilleur encore.

Nous nous levons conjointement, passons un tee-shirt et un short, et chacun se livre à sa simple tâche.

Lucas place la cocotte au frais et commence à garnir une assiette avec de la charcuterie et du fromage ainsi que du raisin et des pommes découpées en quartier. Une baguette de pain et la bouteille de vin qui était restée dans la salle de bains. Nous avons de quoi passer une bonne soirée si je n'avais pas à parler de mon enfance, et de mes parents. 

Tout serait parfait !



≈ ≈ ≈ ≈

Si le chapitre vous a plu, 

✔ n'oubliez pas de cliquer sur l'étoile ⭐

✔ si en plus vous me laissiez un commentaire ça serait formidable 👍

≈ ≈ ≈ ≈  

Je tiens à vous préciser que si vous n'avez pas de réponses à vos commentaires, c'est dû à un bug de wattpad qui m'en empêche ! Vous savez à quel point j'aime converser avec vous, alors dès que ça sera possible je le ferais avec plaisir.

Merci mes Loulous et gros bisous 😘

Kty

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top