Chapitre quarante et un

MILO

Je comprends aisément que Lucas ait du mal à digérer ce que je viens de lui apprendre. Je n'ai jamais voulu lui mentir ou lui cacher cette information. Car depuis que je le connais, j'ai droit à une deuxième vie, une deuxième chance. Je suis devenu et je suis Milo depuis le jour où il m'a recueilli et je ne voyais pas l'intérêt de lui parler de mon passé, sur lequel j'ai fait une croix depuis que mes parents m'ont rayé de leur vie en n'acceptant pas le fait que je sois gay, que j'aime les hommes, et surtout mon homme.

Je ne leur dois plus rien, je me suis construit un nouveau moi, une nouvelle vie et je suis heureux comme ça !

— Tu n'en reviens pas de quoi Lucas ? le questionne Claire.

Pris dans notre discussion, nous ne les avons pas entendus arriver main dans la main et tout sourire. Je dois reconnaître qu'ils forment un joli couple. Nous nous levons pour les saluer pensant faire diversion et ne pas avoir à répondre à cette question qui ne regarde que nous.

— Alors ? insiste-t-elle un brin curieuse.

— En fait Milo vient de m'apprendre qu'il se nomme en vérité... Sylvain.

— Oh la vache, ils ne t'ont pas raté tes vieux ! Je comprends que tu l'aies échangé avec Milo, me dit Lewis en me donnant une tape sur l'épaule qui se veut amicale.

— Mais pourquoi tu as fait ça Milo ?

— Pour les mêmes raisons que toi Claire. Changement de vie, changement de prénom.

— Et pour ton nom, me demande Lucas, tu as changé aussi ?

— Oui, j'ai pris le nom de jeune fille de ma mère.

— Donc Milo Matal, ce n'est pas toi ?

— Si Lucas, c'est moi !

— Mais ce n'est pas ton vrai nom, ajoute-t-il agacé.

— Non... En vérité, je m'appelle Sylvain de Gasperide.

Claire se laisse tomber sur les marches du perron en se prenant la tête à deux mains. Elle est blanche comme un cachet d'aspirine et tourne la tête négativement à plusieurs reprises.

Lewis vient s'asseoir à côté d'elle et la questionne :

— Qu'est-ce qu'il t'arrive bébé ? Tu as mal à la tête ?

— Non Lewis, ça n'a rien à voir.

≈ ≈ ≈ ≈

Claire

Je n'en reviens toujours pas. Milo, ou plutôt Sylvain est celui que j'ai toujours détesté. Il est le fils de cette pourriture. J'ai encore du mal à m'en convaincre et une tonne de questions fuse dans mon esprit. Comment ne m'a-t-il pas reconnue ? Même si nous ne nous sommes pas beaucoup vus et que la dernière fois, il devait avoir sept ou huit ans à cet enterrement...
Je me pince l'arête du nez, dégoûtée.
S'il me confirme ce que je redoute tant, une partie de mon monde s'écroulera.
Merde. J'ai ressenti du désir pour cet homme, une profonde sympathie, un besoin de protection et... Et nous sommes si proches et si semblables que j'en suis déstabilisée.
Non, ça ne peut pas être lui. C'est impossible. Je lève mes yeux vers Milo, et l'inquiétude sur son visage me bouleverse, m'énerve aussi.

— Claire, demande-t-il en s'accroupissant, ça ne va pas ?

Ses mains se tendent vers mes jambes, et, avant qu'il ne me touche, je me relève pour m'écarter de lui.
— Nous devrions remonter et discuter. Lewis prévient ta sœur que nous n'irons pas à la réunion, pas aujourd'hui.

≈ ≈ ≈ ≈  

Milo

Son ton n'a rien d'autoritaire, il est juste plat, vide, sans émotions, et aucun de nous n'ose la contredire. Nous remontons tous à l'appartement en respectant son silence pensif. Mais je ne comprends pas pourquoi elle réagit comme ça. Que Lucas soit blessé, ça, je l'admets j'aurai dû lui en parler plutôt. Mais quand ? Avec tout ce que nous avons vécu depuis que nous sommes ensemble à nouveau. Franchement, j'avais autre chose en tête que mon passé, mes parents et ce Sylvain qui pour moi ne veut plus rien dire et qui n'existe plus.

Les quatre étages me semblent interminables à monter aujourd'hui.

Mes chaussures raclent sur chaque marche sous mon pas lourd et traînant. Lucas me prend la main et serre mes doigts pour attirer mon attention. Ses yeux me questionnent, mais je ne sais pas quoi lui répondre. Alors je hausse les épaules et nous terminons de grimper ce dernier étage main dans la main.

Par contre on ne peut pas en dire autant de Claire et Lewis. On peut sentir une certaine tension entre eux et leur façon de monter les escaliers en dit long sur leur état d'esprit.

Mais en quoi mon passé les regarde et les affecte ?

Claire déverrouille la porte et nous entrons. Chacun retire ses chaussures sauf Lewis qui file vers la chambre.

— Lewis, tu as oublié tes chaussures !

— Non je n'ai pas oublié Claire, râle-t-il en soufflant assez fort pour qu'on l'entende tous. J'en ai pour deux minutes. Je te rappelle que je dois prévenir ma sœur et à ta demande en plus.

Il s'enferme sans attendre une réponse de Claire. Du coup nous nous dirigeons vers le salon dans un silence pesant.

Le mutisme s'impose et se prolonge en l'absence de Lewis. Claire s'assied dans son fauteuil quant à nous, nous prenons place sur le canapé.

Elle est tendue, droite comme un I, elle croise et décroise ses jambes toutes les dix secondes et détourne son regard en voyant que nous suivons son petit manège nerveux.

Le grincement de la porte, nous indique le retour de Lewis qui se dirige vers la cuisine au lieu de nous rejoindre. Mais à quoi joue-t-il ?

— Excusez-moi, nous dit Claire en se levant d'un bond.

Elle le rejoint alors que Lucas et moi, sommes gênés de devoir assister à cette scène qui risque de s'envenimer en fonction de l'attitude de Lewis, parce que Claire a l'air remonté.

— Tu fais quoi assis ici ?

— Rien, je réfléchis.

— Nous t'attendons au salon.

— J'arrive...

Claire fait demi-tour prête à nous rejoindre puis elle se ravise. Son envie de lui demander aura été la plus forte. Elle se pose face à lui avec une main sur la hanche.

— Je peux savoir depuis quand tu as besoin de t'enfermer pour téléphoner ?

— Peut-être depuis que tu me donnes des ordres !

— Moi je te donne des ordres ?

— Ça y ressemblait beaucoup.

— Non mais t'es pas croyable.

— Parce que toi tu l'es ?

— N'essaye pas de retourner la situation veux-tu ?

— La situation, non. Mais toi, par contre, c'est quand tu veux !

— Alors là tu rêves et en couleurs !

— Tu sais que tu m'excites grave quand tu te mets en colère bébé. J'aime que tu te rebelles, ça te rend encore plus désirable, plus inaccessible...

Il se rapproche d'elle pour l'embrasser quand elle le repousse fermement de sa main.

— T'es sérieux là ?

— Très. Embrasse-moi !

— Dans tes rêves Lewis.

— Humm... Dans mes rêves, tu fais bien plus que ça, bébé ! Tu me...

— Stop ! C'est bon j'ai compris, l'arrête-t-elle en levant les mains devant elle.

Elle l'embrasse rapidement pour qu'il arrête son cirque et revient vers nous, quand il lui met une main aux fesses.

— C'était trop tentant bébé. J'y peux rien si tu as un cul d'enfer dans ce jeans.

Elle le fusille du regard, ne rajoute rien, et se retient de le gifler parce que nous sommes présents.

Claire reprend sa place et Lewis installe un pouf en vieux cuir à côté d'elle, afin de nous faire face, lui aussi. Elle replace ses cheveux derrière ses épaules, glisse ses mains entre ses jambes et inspire un bon coup avant de se lancer.

— Bon... Vous devez vous demander pourquoi j'ai réagi comme ça tout à l'heure.

— En effet avec Lucas, nous n'avons pas compris ton attitude.

— Moi, non plus, ajoute Lewis.

Claire reprend une grande inspiration, déglutit fortement et va pour nous répondre quand Lewis lui demande :

— Tu veux un verre d'eau ?

— Mais tu le fais exprès ? lui dit-elle exaspérée.

C'est aussi ce que je pense, on dirait qu'il fait tout pour la retarder, pour éviter qu'elle s'explique, mais pourquoi ?

— Tu as la gorge sèche, je pensais bien faire. Mais vas-y continue... Excuse-moi de t'avoir coupé.

— C'est bon tu as gagné, se résigne Claire. Je veux bien un verre d'eau.

— Ah tu vois, j'ai bien fait de t'interrompre ! Et vous les mecs ?

— Un verre d'eau pour moi aussi.

— Tu as une bière ? demande Lucas.

— Bien sûr mec. Tu m'attends Claire pour commencer ! Je ne veux pas rater un mot pendant que je fais le service, lance-t-il en me regardant.

Il part à la cuisine, tout content de sa blague en faisant allusion à notre dernier différent. Alors que je le surveille du coin de l'œil, je le vois prendre son téléphone. Je décide de me lever pour voir ce qu'il trame. Quand je le surprends en train de répondre à un texto. Il le range rapidement en me voyant et me tend les deux verres d'eau.

— Prenez votre temps pour répondre Lewis, loin de moi l'idée de vous déranger.

— C'est bon Milo, c'était juste ma sœur, me répond-il un brin agacé.

— Mais vous n'avez pas besoin de vous justifier. Si ?

— Ce n'était en aucun cas mon intention...

Le téléphone vibre à nouveau mais Lewis sort les bières du frigo sans même le regarder.

— Vous ne répondez pas ?

— Non, sinon Poppy ne va jamais s'arrêter.

— Elle est en colère après nous ?

— Elle est juste déçue ! répond-il évasivement.

Il décapsule les deux bouteilles et se tourne vers moi.

— Allez ne faisons pas plus attendre Claire et ses révélations, sur le petit... Sylvain !

Il me plante au beau milieu de la cuisine et je reste sans bouger comme un abruti avec les verres dans les mains. Comment sait-il que c'est de cela que veut nous parler Claire ? Ce mec est bizarre et je n'en démordrais pas. Et puis, cette façon de prononcer mon ancien nom me glace le sang. Sylvain... Un prénom que je ne voulais plus jamais entendre et que je n'ai jamais aimé, surtout quand il était déprécié par mon père. Ma mère et mes copains préférant m'appeler Syl en son absence.

— Mon ange, tu viens ?

— J'arrive.

— Tiens Claire, ton verre.

— Merci. C'est bon tout le monde à ce qu'il faut ?

— C'est bon pour moi, réponds Lucas.

Je l'accompagne d'un hochement de tête.

— Moi aussi bébé, enfin si ça t'intéresse !

Claire ne lui répond pas, elle fixe ses mains crispées. J'ai une drôle d'impression et j'en peux plus d'attendre, alors je lui demande :

— Qu'est-ce que tu veux nous dire ?

— D'abord, j'ai une question pour toi... Milo !

— Je t'écoute Claire !

Elle se redresse, plante son regard noir dans le mien avant de dire :

— Tu as dit t'appeler Sylvain de Gasperide, c'est ça ?

— Oui, mais pourquoi tu emploies ce ton cassant ?

— Tu vas vite comprendre. Confirme-moi juste le prénom de ton père !

— Mon père, mais qu'est-ce qu'il vient foutre dans notre conversation !

Lewis croise ses bras sur son torse et se régale de notre échange, il doit compter les points comme au tennis sans doute. Quant à Lucas, lui, il essaye de m'apaiser en posant sa main sur ma cuisse.

— Son nom ? me répète Claire d'un ton sec.

Je n'ai vraiment pas envie de parler de tout ça et encore moins avec elle, parce que je ne vois toujours pas où elle veut en venir. Qu'est-ce que ça peut lui faire, de connaître son prénom ?

— Fernand, m'étranglé-je... Fernand de Gasperide, tu es contente ? Mais en quoi ça te regarde ?

Elle ne me répond pas et continue ses questions comme si elle connaissait déjà les réponses.

— Ton oncle se nomme bien : Léon de Gasperide, hein Sylvain ?

Je lève mes yeux enragés vers elle et lui siffle rageusement :

— Tu es cette Judith-là ? La fille de Léon ?

— Autant que toi, tu es le fils de Fernand, me crache-t-elle.

— On se calme bébé, lance Lewis qui s'est levé pour se placer face à elle pour l'empêcher de me foncer dessus.

— Lucas, lève-toi, on s'en va !

Il me regarde totalement perdu et n'a pas le temps de me répondre que Claire me hurle :

— C'est ça, casse-toi de chez moi, Syl !

Sa façon de prononcer mon surnom est aussi violente que si elle m'avait poignardé dans le dos.

≈ ≈ ≈ ≈

Et bien, et bien... Ça chauffe dans ce chapitre 💥

Dites-moi tout dans vos commentaires... Je suis impatiente !

Et merci pour toutes vos étoiles 🌟et vos nombreuses lectures 💖

≈ ≈ ≈ ≈

Bisous mes Loulous

Kty

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