Chapitre cinquante-quatre
MILO
≈ ≈ ≈ ≈
Le grand jour est arrivé.
Lucas comme il me l'avait promis a pris contact avec ma mère. Son plan de se faire passer pour un journaliste réalisant un article sur les brésiliens venant étudier en France a fonctionné apparemment. Car après quelques questions, ma mère a accepté de le rencontrer dans un bar comme on l'avait convenu.
Je suis assis dans le café d'en face et j'ai une vue directe sur la table où est installé Lucas. Le rendez-vous est prévu à onze heures.
Nous sommes en avance de quelques minutes. Je suis impatient de la voir.
Pourvu qu'elle vienne. Pourvu qu'elle ne se doute de rien.
Pourvu que mon père ne l'ait pas empêché de venir.
Le temps que je réfléchisse à tout cela, je remarque une berline noire aux fenêtres teintées qui ralentie, puis elle se stoppe devant le café.
Pourvu que ça soit ma mère.
Sept ans...
Je ne l'ai pas vu depuis sept ans et j'espère la reconnaître tout de même. Mon cœur bat à dix mille à l'heure. Je suis partagé entre mon impatience de la voir et ma crainte.
Et si elle avait juste envoyé son chauffeur ?
Mais quand je la vois descendre de la voiture toutes mes questions, toutes mes peurs se dissipent.
Ma mère est toujours aussi belle et élégante, que dans mes souvenirs. Elle a un peu vieilli, certes, elle a désormais quelques rides aux coins des yeux. Mais qu'est-ce qu'elle est belle dans ce tailleur prune et chemisier crème, ses magnifiques cheveux bouclés domptés en un chignon élégant. Elle tient à la main un sac d'un grand couturier dont je reconnais les initiales. Elle regarde autour d'elle et instinctivement je me cache derrière mon journal.
Lucas a qui j'ai montré plusieurs photos n'a pas de mal à la reconnaître. Il part à sa rencontre alors que la berline redémarre. Il se présente, lui fait le baisemain.
Le sourire qu'elle lui renvoie démontre que ma mère a l'air d'apprécier.
Lucas lui indique leur table, lui tire la chaise, avant de s'asseoir à son tour. Lucas est tendu et on le serait à moins. Il fait face à la mère de son amoureux. Une rencontre qui n'a rien de conventionnelle en matière de présentation.
Il sort un carnet avec un stylo ainsi qu'un dictaphone. Le parfait matériel d'un journaliste en interview. Je vois ma mère acquiescer, ce qui veut dire qu'en plus de la voir, là, à l'instant, je pourrais aussi l'entendre tout à l'heure. J'en ai la chair de poule rien que d'y penser.
Lucas passe commande et commence à poser ses questions et note avec application les réponses de ma mère.
Malgré l'improbabilité de la situation, ils ont l'air de bien s'entendre, et échangent même quelques sourires.
Comme j'aimerais pouvoir m'approcher de ma mère. La prendre dans mes bras. La serrer contre mon cœur, tout en lui embrassant le front.
Mais je n'ai pas le droit de lui faire courir ce risque en me montrant. Lucas et moi sommes persuadés, qu'elle doit être suivie et qu'ils doivent épier le moindre de leurs gestes.
Ils boivent leur café et ma mère se laisse même tenter par un petit biscuit. Elle paraît détendue à présent et parle avec plus de facilité et d'enthousiasme qu'au début de leur entretien.
Lucas a l'air de maîtriser et fait de son mieux afin de réussir sa mission. Je lui en serais reconnaissant toute ma vie. Ce qu'il fait pour moi, peu de personne l'aurait fait. Mais que ne ferait-il pas pour me rendre heureux ?
Perdu dans mes pensées, je ne me suis même pas rendu compte que leur entretien touchait à sa fin. Ils sont debout, échangeant sans doute les formules de politesses pour se saluer. Ma mère arbore un sourire franc et ravi d'avoir pu parler de son pays, de sa culture.
Elle est heureuse et je le suis aussi.
Elle ne doit plus avoir trop d'occasions de sourire, parce que ma mère ne se départit plus du sien. Mon cœur s'en réjouit. Pourtant, elle est persuadée de parler à un journaliste et non à l'amoureux de son fils... Ils se serrent la main au moment où la berline refait son apparition.
Je profite que ma mère soit plus proche pour vite sortir mon téléphone et la prendre discrètement en photo. A-t-elle senti ma présence ? Car elle se tourne dans ma direction et m'offre un merveilleux sourire avant de monter dans la voiture. Sans que je ne les contrôle, les larmes me montent aux yeux.
Est-ce qu'elle m'a vu, reconnu ? Ou bien est-ce mon imagination qui me joue des tours ? Où mon amour de petit garçon face à sa mère qui espère tant pouvoir la serrer dans ses bras ?
Je me lève à mon tour et comme convenu avec Lucas, chacun part dans des directions opposées au cas où il serait suivi. Il va aller flâner en ville, faire quelques achats afin de ne pas être filé, puis il rentrera chez nous, où je vais l'attendre patiemment. Enfin, je vais essayer. Vu mon état...
≈ ≈ ≈ ≈
Je suis assis sur le canapé, le téléphone entre les mains, ouvert sur la magnifique et unique photo de ma mère me souriant. Je n'en reviens toujours pas ! M'a-t-elle reconnue ? Est-ce juste une coïncidence ? Il me tarde que Lucas rentre pour pouvoir lui poser toutes ces questions qui me brûlent les lèvres.
Enfin, la porte s'ouvre et je suis déjà debout pour l'accueillir. Quand la voix que je perçois me glace le sang.
— Bonjour !
Cette voix est ancrée dans ma tête, dans mon corps, dans la moindre parcelle de mon être.
Je ne pensais jamais le revoir...
Et pourtant, il est bien présent dans l'entrée de notre appartement. Il me pousse afin de rentrer, suivi de ses gorilles qui maintiennent les bras de Lucas et le force à avancer. J'essaie de m'approcher de mon Amour, mais les mains de ses geôliers se resserrent le faisant grimacer.
— Lâchez-le, hurlé-je.
Ils le balancent sans aucun ménagement sur le canapé ou je m'empresse de le rejoindre.
— Amour, ça va ? m'inquiété-je.
Lucas acquiesce et me regarde d'un air désolé.
— C'est bon, on ne l'a même pas égratigné ta petite tapette.
— Je t'interdis de parler de Lucas de la sorte. C'est l'homme que j'aime, que ça te plaise ou non, je n'en ai rien à foutre.
— De suite les grands mots ! Tu ne m'invites pas à m'asseoir. Tu ne m'offres pas quelque chose à boire ?
— Tu peux crever la bouche ouverte, je ne te donnerais rien !
— Même pas pour savoir comment va ta mère ?
— Je t'interdis de lui faire du mal ! fulminé-je de rage.
Je m'avance vers lui, mais ses gardes du corps sont plus rapides que moi et m'empêchent de l'approcher. Il ricane et se moque de moi de son air fourbe.
— Pauvre petite chose fragile. Tu n'as jamais été rien d'autre !
— Je ne suis pas fragile...
— Ah non... Sylvain ?
— Tu n'as pas le droit de m'appeler ainsi.
— J'ai tous les droits et je les ai toujours eus. J'ai toujours fait ce que je voulais de toi ou de ta vie ! m'affirme-t-il.
Ses propos sont tellement violents que j'en finis à genoux.
— Milo, lève-toi, m'implore Lucas. Ne le laisse pas faire...
— Toi, la sous-merde, tu la fermes !
C'en est trop, il n'aurait jamais dû lui parler ainsi. Une rage monte en moi, du plus profond de mes entrailles et d'un bond, d'un seul. Je lui saute dessus, le faisant tomber à terre. Je m'empare du tisonnier de la cheminée et le menace avec.
— Vous ! Ne bougez pas ! Où je le lui enfonce dans la gorge, affirmé-je en appuyant la pointe. Lucas ! Attache-leur les mains et les pieds.
Lucas se lève, se rend en vitesse dans la chambre et revient avec un drap dans lequel il déchire de larges bandes et fait ce que je lui ai demandé. Les deux gorilles sont à présent entravés.
— Regarde ce que je viens de trouver, me dit-il inquiet en soulevant la veste d'un des mecs. Nous devrions appeler la police Milo !
— Il n'en est pas question. Surtout n'y touche pas. Retire-leur les flingues à l'aide d'un torchon.
Une fois que Lucas a terminé et qu'il a déposé les armes sur l'îlot central, il me rejoint.
— Je veux d'abord m'occuper de lui avant qu'on les appelle ! Donne-moi de quoi lui attacher les mains et toi, attache-lui les pieds. Une fois terminé, Lucas vérifie si lui aussi, il n'aurait pas un flingue.
— Tu es content de toi Sylvain ? Tu penses que parce que tu m'as neutralisé, tu vas pouvoir sauver ta mère ? Son rire démoniaque me terrifie.
Lucas m'aide à le redresser et à l'installer sur le fauteuil. Puis je m'assieds sur la table du salon, afin de me placer face à lui. J'ai besoin de ce face-à-face pour lui démontrer que je ne suis plus un être fragile comme il me l'a toujours reproché. Que j'ai pu grandir et mûrir loin de lui.
Je fixe mon regard dans ses yeux fatigués. Et en le détaillant, je peux voir ses traits tirés, ses rides creusées par l'âge, ses cheveux grisonnants. Lui qui a toujours fait attention à sa personne, et à son apparence. Il est bedonnant, négligé, sa chemise sous son costume est froissée, ses chaussures sont poussiéreuses.
— Tu as fini de me reluquer espèce de déchet ?
— Tu as bien mal vieilli, dis-moi.
Je pose mes coudes sur mes genoux et mes mains sous mon menton et je continue de le fixer. Il est mal à l'aise. Il gigote dans le fauteuil.
— Si tu continues de bouger ainsi, tu vas faire éclater les boutons de ta chemise.
— Ferme-la ! hurle-t-il.
— Tu peux hurler, tu ne m'impressionnes plus, lui assuré-je.
En le lui disant, je viens de me rendre compte qu'en effet, il ne me fait plus peur et que l'emprise qu'il avait sur moi s'est envolée en le voyant ainsi, sans panache, sans tout son fric pour m'écraser, sans son légendaire cigare... Il n'était plus rien à mes yeux depuis longtemps, mais là : il est le néant. La loque qu'il est devenu, tout tremblant et dégoulinant de sueur ne peut plus rien me faire.
— Tu as atteint le fond depuis combien de temps ?
— Je ne vois pas de quoi tu parles ? se défend-il.
Les gouttes de sueurs deviennent de plus en plus nombreuses au fur et à mesure que ces tremblements s'intensifient.
— Je te parle de drogue. Tu es en manque...
Il me coupe vite la parole. Il ne veut pas que je puisse lui dire ce que je pense, ni ce que je vois.
— Je ne suis pas un faible. Moi ! me rétorque-t-il.
—Tu peux te la jouer grand boss si tu veux. Mais plus le temps va passer, plus le manque va se faire sentir. Moi j'ai tout mon temps. À toi de voir !
Mon calme et ma maîtrise m'étonnent, mais je ne sens plus cette frayeur me broyer le ventre. Même ses insultes glissent sur moi.
— Petite pute que tu es. J'aurai dû te laisser crever !
Autrefois ces mots m'auraient anéanti. Maintenant, ces insultes ne m'atteignent même plus. C'est déplaisant certes, mais venant de lui, je m'aperçois que c'est devenu insignifiant. Je suis tellement meilleur en tant que Milo que je ne regretterais jamais d'avoir abandonné Sylvain aux mains de cet être ignoble.
— Mais tu m'as laissé crever, puisque ce jour-là, Sylvain est mort. Il n'existe plus grâce à toi. Je pourrais presque te remercier, mais la seule envie que j'ai là, c'est de te cracher à la gueule.
— Milo... me prie Lucas.
— Écoute ta petite tapette. Allons, regarde comme tu lui fais peur ! se moque-t-il avec sa voix mielleuse.
Je n'ai pas le temps de répondre à cette larve assise sur mon fauteuil, que le coup est parti. Lucas vient de le gifler avec une telle force, que sa tête en a heurté le dossier.
— La voilà la réponse de la petite tapette. Elle est assez claire et précise ?
Ses yeux exorbités crient l'étonnement, la stupeur et la haine envers mon Amour qui n'y est pas allé de main morte.
— Tu n'as eu que ce que tu mérites de toute façon ! ajouté-je.
Je me tourne vers Lucas d'un air inquiet, car ce n'est vraiment pas dans sa nature d'agir impulsivement et encore moins par la violence. Je veux être sûr qu'il va bien.
— Amour, ça va ?
— Mieux que jamais. La vache, qu'est-ce que ça fait du bien de se lâcher ! Par contre, ma main ne peut pas en dire autant.
En effet, la paume de sa main est rouge et gonflée et la joue de mon père l'est aussi, sous la violence du coup, il en a fermé les yeux.
— Tu devrais mettre de la glace dessus, lui conseillé-je avant de déposer un baiser sur ses lèvres amoureuses.
Lucas se dirige vers la cuisine, quant à moi je retourne m'asseoir, parce que je n'en ai pas fini avec lui.
≈ ≈ ≈ ≈
L'émotion de Milo est touchante face à sa mère.
Leur plan a marché, mais...
C'est l'heure des règlements de compte, des explications, des remises en questions et des réponses...
≈ ≈ ≈ ≈
😘Gros bisous les Loulous 😘
Kty
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