Chapitre cinquante - 1
Claire
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Quand le téléphone de Lewis a sonné cette nuit, j'ai cru tout d'abord que c'était son boulot qui réclamait son aide... Encore une fois. Je n'ai donc, pas plus que ça, prêté attention à la conversation. Je n'avais qu'une envie, celle de me rendormir, au plus vite, tant mon corps meurtri me le réclamait. Puis le son de sa voix m'a averti que quelque chose n'allait pas. Il y avait de l'urgence dans son changement d'intonation. Il était tout à coup inquiet.
C'est pourquoi, quand Lewis s'est tourné vers moi pour m'expliquer la raison de cet appel, j'étais déjà levée et en train de m'habiller. Il n'a pas eu besoin de se répandre en explications. J'ai compris en entendant : « on arrive tout de suite ». Ça ne pouvait que concerner Milo, vu que Poppy est toujours en stage à Barcelone.
Sur le chemin, Lewis m'a donné plus de renseignements sur l'appel de Lucas à propos de ce que Milo affrontait. C'était bien ce que j'avais ressenti. Milo faisait une nouvelle crise suite à un cauchemar. Et j'ai bien fait de ne pas hésiter, de ne pas me poser de questions sur oui ou non dois-je y aller ? Je n'ai même pas pris une seule seconde avant de lui apporter mon aide. Pourtant, je ne me voyais pas revenir aussi rapidement chez Lucas et Milo et surtout pas après cette terrible découverte sur notre lien familial. Je n'en reviens toujours pas. Milo et Sylvain sont la même personne !
Le seul et unique cousin que j'ai et que je n'aurais jamais, est aussi l'individu que je déteste le plus après son ignoble père.
Cet être immonde qui a détruit mon père, ma famille et ma vie...
J'étais une jeune fille avec un bel avenir, des études de lettres à suivre, un métier d'éditrice ou d'institutrice que j'aurai adoré faire. J'aurai partagé une vie remplie d'amour, avec mes parents, avec un homme dont j'aurai été folle amoureuse, avec qui j'aurai eu des enfants, une belle maison...
Une fabuleuse vie, voilà ce qu'il m'a pris et arraché avec force et conviction. Alors même si ce désir de vie vous paraît cousu de fil blanc et pas très original, c'était mon rêve de petite fille, avant que tout bascule à cause de Fernand. Il a fait de ma vie un enfer et ne m'a pas laissé d'autre choix que de me battre pour survivre auprès de Marcus.
Tel père, tel fils ?
Ce n'est même pas une question, mais une constatation.
Du moins, c'est ce que je pensais avant de faire la connaissance de Milo. Avant qu'il ne soit mon sauveur en me trouvant cet appartement. Avant qu'il n'entre dans ma vie et devienne cet ami si précieux et si protecteur envers moi.
Alors il n'est pas question que je le laisse vivre une telle crise sans l'aider. Pourtant mon côté Judith ne serait pas contre, que Syl souffre un peu, mais pas mon côté Claire. Je ne peux m'y résoudre...
Je sais pertinemment, à quel point ces angoisses peuvent faire de profonds dégâts si elles ne sont pas prises à temps.
D'abord, les images douloureuses nous heurtent, puis les souvenirs traumatisants se déchaînent. Ensuite, c'est au tour des insultes et des mots dégradants qui s'infiltrent dans la moindre cellule de notre corps pour se mêler à notre présent, à notre réalité, à nos craintes perpétuelles et à nos vagues d'anxiétés qui font que tout cela s'amalgame ne sachant plus si cela fait partie du monde réel ou de notre subconscient.
Lucas a bien réagi en m'appelant tout de suite, ce qui m'a permis de le calmer, de le rassurer assez vite, après qu'il ait signifié « à Claire » son accord pour de l'aide. Je craignais qu'il ne me rejette et ne veuille pas de mon soutien moral après cet aveu inattendu sur nous...
Je pense que je l'aurai compris s'il l'avait fait. Claire aurait eu du mal à l'accepter, mais elle aurait fait avec. Quant à Judith, elle aurait jubilé de voir son ennemi ainsi sans défenses.
Cependant, je suis rassurée sur un point important. J'ai constaté que Milo a le même ressenti que moi nous concernant. Il différencie sa cousine Judith, de son amie Claire et quelque part, j'en suis heureuse et rassurée.
≈ ≈ ≈ ≈
Nous sommes tous les quatre assis autour de l'îlot central de la cuisine. Lewis est à côté de moi, me tenant la main de manière possessive. Son pouce dessinant des lignes imaginaires sur le dos de celle-ci, mouvements répétitifs qui me rassurent. Je sais qu'il sera de mon côté pour m'épauler si les choses devenaient trop difficiles à supporter.
Nous leur faisons face. Cette table nous séparant représente si bien le fossé qu'il y a entre nous ainsi que cette animosité que l'on se porte.
Milo est arrivé à surmonter sa crise, et tant qu'ils étaient dans leur chambre, il est même parvenu à discuter avec Lucas sur certains points de son cauchemar.
Une fois habillé, il nous a rejoints avec dans ses mains une boîte à chaussures noire et blanche assez poussiéreuse. Je ne sais pas ce qu'elle contient, mais je me doute que ce ne sont pas des baskets.
Milo s'est assis face à moi, les traits du visage tirés et les yeux boursouflés d'avoir pleuré dans mes bras. Quand il pose son regard sur moi, il est inquiet, ce qui ne me rassure pas du tout.
C'est quoi cette boîte ?
Que renferme-t-elle ?
Milo l'ouvre avec précaution, comme on le ferait avec des vestiges anciens. Il a tout de même la délicatesse de ne pas déposer le couvercle sale sur la table et le place derrière lui, sur le bord de levier. Il en sort une photo qu'il me tend, non sans appréhension.
C'est donc ça... Des photos...
D'après Milo, il est important que je la regarde. Fort heureusement pour moi, je suis assise, sinon j'aurais fini le cul par terre. Je suis sidérée par ce que j'y vois.
Je n'ose pas y croire.
Je ferme les yeux avant de les rouvrir pensant à un doux rêve. Mais non, je n'ai pas halluciné. C'est bien lui.
Mon père...
Mon père est sur cette photo ?
Pourtant, je n'avais pas connaissance que de telles photos existaient. Mon cœur s'emballe, mes larmes se déclenchent directement et perlent sur mes cils, me brouillant la vue tandis que mon souffle se raréfie. Je dois absolument calmer mes tremblements afin de pouvoir regarder mon père et regonfler mon cœur de son amour.
— C'est toi cette petite fille ? me susurre Lewis.
— Oui, réponds-je en hochant la tête.
— Et je suppose que c'est ton père ?
— Encore oui. Et ce gamin doit être Syl, annoncé-je amèrement en levant mes yeux humides vers lui.
— En effet, c'est moi. Tu ne m'as pas reconnu Claire ?
— Il a quoi ce môme, même pas deux ans !
— Claire, je comprends que ça soit un choc pour toi...
— Un choc ? Sylvain, tu rigoles j'espère !
— Non, je ne plaisante pas, ça a été terrible pour moi aussi de nous voir ensemble...
— Au moins on est d'accord sur ce point !
— Claire essaye de faire un effort tout comme moi je le fais. Cette photo et bien d'autres vont à l'encontre de ce qu'on nous a toujours dit !
— Je n'avais jamais vu cette photo, maugréé-je.
— Elle ne te rappelle donc rien ? insiste-t-il.
— Non Syl... J'ai effacé de ma mémoire tout ce qui peut te concerner, toi ou ta famille, m'emporté-je en la lui jetant au visage.
Je me mords l'intérieur de la joue pour retenir ma colère. Pour ne pas exploser et me laisser guider par cette rage indicible. Par ce flot de haine qui me gagne. Par cette envie irrépressible de détruire ces photos.
Parce que je ne comprends pas.
Je ne comprends rien, plus rien...
Et à voir leurs têtes, je constate qu'il en est de même pour eux.
Cependant, je sens bien que Syl, lui aussi, veut découvrir pourquoi nous sommes aussi complices et heureux sur ce cliché, contredisant ainsi tout ce que l'on nous a toujours raconté, très loin, de la version haineuse qu'ils nous ont inculqués. Malgré ma colère, Syl essaye tout de même de continuer son exploration vers le passé.
— Il y a trois autres photos de cette journée à la plage, regarde-les et dis-moi si un détail te revient ou si...
— Ou si quoi ? Je ne veux pas me souvenir Syl !
— Judith, moi aussi, j'ai vraiment été déstabilisé par cette découverte.
Il avance sa main pour la poser sur mon poignet, mais je le retire promptement afin qu'il ne me touche pas. Je ne veux pas de sa compassion, et encore moins de sa pitié.
— Tu ne veux pas connaître la vérité ? me questionne Lucas.
— Quelle vérité ? le toisé-je.
— Celle qui apparaît sur les photos, ajoute Syl. Tu ne peux pas la nier !
— Cette gamine t'aimait bien... Je te l'accorde.
Un léger sourire de soulagement apparaît sur son visage.
— Tu es content Syl ? hurlé-je toute à ma rage contenue. Pour autant ces photos n'effaceront jamais tout le mal que ton père nous a fait. Tu entends ? Jamais ! persiflé-je en avançant mon buste vers lui tout en me stabilisant de mes mains sur le plan de travail.
— Calme-toi bébé, me prie Lewis en me tirant en arrière pour que je m'asseye.
— Comment veux-tu que je me calme ? Hein ? Comment ? Tu as vu cette photo ? Mon père est heureux, tu entends heureux, éclaté-je en sanglots.
— Écoute-moi, il doit y avoir une explication. Il suffit de mettre bout à bout les indices. Tu ne penses pas ?
Même Lewis est convaincu du bien-fondé de cette démarche. Je suis donc la seule à trouver cela insensé, intolérable et malsain de retourner, et de fouiller le passé ?
Je dois me lever absolument et quitter cette table. Je ne veux pas me souvenir. Je ne veux pas penser qu'ils disent vrai, ni me laisser embrouiller la tête avec leurs suppositions.
Au moment où je décide de me lever mon œil est attiré par une des photos que me tend Syl. Sur celle-ci, nous mangeons un cornet de glace à l'italienne et Syl est couvert de chocolat, je rigole tout en essuyant avec mon mouchoir, le chocolat dégoulinant sur sa jolie frimousse.
Mon mouchoir brodé...
Je suis sûre que c'est celui que je garde précieusement dans mon sac, parce que c'est un cadeau personnel, qui me vient de ma grand-mère paternelle. Je me lève sous les yeux interrogatifs des garçons et attrape ma besace posée sur le fauteuil.
— Ne pars pas s'il te plaît, me prie Lucas. Milo s'est souvenu de certaines choses et nous avons pensé que ça serait pareil pour toi.
Mon regard noir fixe celui inquiet de Syl. J'ouvre la fermeture éclair de mon sac et plonge ma main dans le compartiment contenant mon mouchoir. J'avance vers la table pour vérifier si c'est bien celui qui se trouve sur la photo.
Et pendant que je compare les broderies et les initiales se trouvant sur les deux mouchoirs, je m'aperçois que Syl revient de sa chambre avec lui aussi un mouchoir. Non ce n'est pas possible, il ne peut pas avoir le même que le mien ?
Il le dépose sur la table, juste à côté du mien et c'est exactement le même, seules nos initiales changent.
— Ils sont identiques... Toi avec « JG » et moi avec « SG ».
— Qui te l'a offert ? murmuré-je.
— Grand-mère Hortense. Et toi ?
— Pareil.
Ce mouchoir que j'ai toujours cru exceptionnel. Que j'ai toujours eu avec moi. Que je chéris plus que tout. Il est plus qu'un simple bout de tissus. Ce mouchoir est la seule marque d'amour qu'il me reste de ma grand-mère. Je le garde précieusement dans mon sac avec l'unique photo que j'ai de mes parents. Voilà tout ce qu'il me restait de précieux à mes yeux et même ça Sylvain me l'a pris. Je sais à présent qu'il n'y est pour rien, mais cela n'empêche pas la tristesse que je ressens.
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Pour ceux et celles qui n'ont lu mon message, me revoici avec mon chapitre entier ! Et oui, comme une imbécile au moment de faire mon copier/coller ici de mon chapitre j'ai fait une mauvaise manipulation et j'ai perdu une grande partie du chapitre...
D'où mon retard de publication, et comme ce chapitre 50 est en 2 parties pour me faire pardonner je vous poste les 2 parties en même temps !
Youhou, c'est la fête ! Enfin, j'espère que ça vous fera plaisir !
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On retrouve nos 4 chouchous après le cauchemar crise de Milo !
Claire/Judith a du mal à reconnaître que tout le monde leur a menti.
Heureusement Lewis, Milo et Lucas sont là pour l'aider et la soutenir.
Arriveront-ils à recoller tous les morceaux de leur passé ?
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Bonne soirée les Loulous et gros bisous
Kty
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