Chapitre 23 - Périple apocalyptique

Coucou !

On se retrouve avec le chapitre 23, écrit cette nuit grâce à une insomnie très inspirante ! J'ai été très bavarde, ce chapitre est assez long et fait la part belle aux pensées de notre redneck préféré

Un gros clin d'œil à LazyFreeBird au début de ce chapitre 😂

Pour la musique : David Bowie : the man who sold the world et space oddity ❤❤

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Chapitre 23 – Périple apocalyptique

LOLA

Bon. De toutes les fabuleuses idées que j'avais eu depuis le début de l'apocalypse, m'installer à côté de ma mère dans ce bus était probablement l'une des pires. Les yeux rivés sur le paysage qui défilait à une allure folle, je tentai tant bien que mal de maîtriser les tressautements nerveux de mes jambes. Merde. Est-ce-que je devais lui parler ? Je n'en avais aucune envie. Mais si on devait passer les prochaines heures confinées dans ce véhicule, je n'allais pas pouvoir continuer à l'ignorer...surtout si on tenait compte des quelques centimètres qui nous séparaient. Je coulai un regard discret vers elle, observant la peau blafarde de ses mains tâchées de sang de rôdeurs, lorsqu'un éclat de rire attira mon attention.

- Tu m'en dois deux, lança Carol.

- On avait dit une, répliqua Rosita d'un air buté.

- Non, le deal c'était deux pour moi et une pour vous.

Intriguée, je m'approchai du siège de devant et appuyai mes coudes sur le dossier pour constater qu'un trafic de barres de céréales avait lieu entre la samouraï, la cinquantenaire, Maggie, Tara et Rosita.

- On peut savoir ce que vous faites ? demandai-je, les sourcils froncés.

- Te fâche pas Lo, se crispa Michonne.

- Pourquoi voudrais-tu que je me fâche ?

- Elles ont parié que vous alliez vous remettre ensemble l'autre soir, Daryl et toi, intervint Glenn, installé à côté d'Hershel.

- Vous avez fait quoi ?! m'exclamai-je à voix basse.

- Carol a gagné, poursuivit-il.

- Vous savez que s'il l'apprend, il va péter un plomb, sourcillai-je.

- On ne risque pas grand chose, il dort, remarqua Tara, en désignant l'archer d'un signe de tête.

Jetant un œil par dessus mon épaule, je le découvris affalé sur la banquette arrière, son avant-bras sur les yeux, une jambe repliée, l'autre reposant sur le sol. Me mordillant la lèvre inférieure, je contemplai l'objet de mes songes infernaux avec un pincement au cœur. Cette andouille me manquait douloureusement.

- Vous êtes pires que des gamines, marmonnai-je en me tassant dans mon siège dont le revêtement en cuir synthétique couinait à chaque fois que je bougeais.

- Faut bien qu'on s'occupe, s'esclaffa la latino.

- Trouvez-vous d'autres pigeons, me renfrognai-je en reportant mon attention sur l'extérieur.

Mes amies retournèrent à leur échange céréalier, ignorant délibérément mon soupir quelque peu théâtral. Je ne pus toutefois m'empêcher de sourire tant leur attitude était grotesque. Sérieusement, qui aurait cru que notre couple déchaînerait autant les passions ? L'espace d'un instant, je me fis un peu l'effet d'être une célébrité en couverture du dernier magazine à la mode. Loryl, décryptage d'une romance apocalyptique...Ça avait l'air tout à fait passionnant, pouffai-je silencieusement. J'essayais d'en rire, de prendre toute cette histoire avec beaucoup de recul...en apparence seulement. A l'intérieur, je n'étais qu'une plaie ouverte au bord de l'hémorragie...et pas seulement lacrymale.

- Lola, murmura ma mère, m'arrachant de force à mes tourments ô combien exaltants. Tu sais que...je suis là, si tu as besoin d'en parler, dit-elle après une hésitation.

Éberluée, je me tournai vers elle, les sourcils arqués, dans une attitude proche de l'insolence.

- Ça va, rétorquai-je froidement. De toute façon, si j'ai besoin de parler à quelqu'un ce n'est certainement pas à toi que je vais m'adresser.

- Je sais mais...

- Laisse tomber, je suis fatiguée je voudrais dormir, assénai-je en reprenant ma contemplation de l'extérieur.

Elle voulait quoi ? Concourir pour le titre de mère de l'année ? Elle se serait bien entendu avec Lori, songeai-je nerveusement. Les yeux perdus dans le vague, je détaillai d'un air absent les quelques cadavres, partis tout comme nous, en pèlerinage vers de meilleurs horizons. Washington. Putain de merde ! J'avais dansé partout, dans le monde entier...et je n'avais jamais pris la peine d'y mettre les pieds. Finalement, malgré la putréfaction et les viscères, la fin du monde nous réservait encore pas mal de surprises.

***

Nous roulions depuis environ trois heures lorsque le bus s'immobilisa, crachotant une fumée noire. La moiteur de ce milieu de journée nous collait à la peau, déversant des litres de sueur sur nos fronts épuisés. Si les températures avaient considérablement baissé ces derniers jours, elles semblaient avoir eu un regain d'énergie depuis que nous avions quitté la maison du Seigneur, tombée dignement aux mains d'une horde de cadavres décharnés.

Tout en maudissant l'état du véhicule d'un âge certain, Abraham descendit en compagnie de Rick et Daryl. Je me levai à mon tour, désireuse de prendre un peu l'air tant l'atmosphère auprès de ma mère était irrespirable. Rien à voir avec l'odeur de transpiration qui avait imprégné le car à mesure que nous nous éloignions de cette chère Géorgie.

- Qu'est-ce-qui se passe ? m'enquis-je en rejoignant les trois hommes postés devant le moteur fumant

Tara et Rosita arrivèrent en compagnie de Glenn et Bob, observant d'un œil inquiet la mine renfrognée du rouquin.

- Il se passe que le moteur de cette foutue antiquité a rendu l'âme ! pesta le militaire.

- On va continuer à pieds, déclara Rick d'un ton calme tandis que le reste du groupe émergeait peu à peu.

Après avoir rassemblé nos affaires, nous reprîmes notre route, laissant derrière nous l'épave des paroissiens. Le père Gabriel discutait avec Barry, avec une ferveur que je ne lui connaissais pas. Si j'en croyais les bribes qui me parvenaient, le prêtre louait les signes du destin, mettant sur le compte d'une épreuve imposée par le Seigneur, la subite panne de notre moyen de transport. Foudre divine ou pas, se retrouver à marcher pour parcourir les centaines de kilomètres qui nous séparaient encore de Washington n'avait rien d'une promenade de santé. Sans compter, que les rôdeurs faisaient eux aussi partie du voyage.

Eugene, resté silencieux depuis notre départ, n'avait pas l'air plus perturbé que ça par la situation. Lui, qui quelques heures plus tôt, insistait pour qu'on décolle rapidement, s'était peu à peu muré dans le silence, comme s'il redoutait finalement de ne pas être à la hauteur de la pseudo tâche qui lui incombait. Rien à faire. Je n'arrivais pas à croire à son histoire de génome humain et autre charabia scientifique.

Judith dans ses bras, le shérif avançait d'un bon pas, Carl à ses côtés, le chapeau de son aîné vissé sur son crâne d'adolescent. J'observai le père et le fils avec un sourire, touchée par cette complicité que je n'avais connu qu'un temps, avant que ma mère ne nous abandonne ma sœur et moi. Avec un soupir de frustration, je reportai mon attention sur ma génitrice, qui progressait en compagnie de Carol et Sasha. Devoir supporter sa présence chaque jour devenait un fardeau difficile à porter. Toute la rancœur que j'avais accumulé en seize ans refaisait surface à chaque fois que je posais les yeux sur elle. J'aurais pu lui pardonner n'importe quoi, n'importe quelle excuse. Mais celle qu'elle m'avait donné me vrillait l'épiderme comme une multitude de décharges électriques. C'était viscéral. Jamais je ne pourrais passer l'éponge là dessus. Abandonner ses enfants à la haine et la violence, pour refaire sa vie avec un autre homme...ça me paraissait tellement aberrant !

- Tu d'vrais lui parler, marmonna Daryl dans mon dos.

Je ralentis le pas, me calquant sur son allure, légèrement atterrée par sa remarque improbable.

- J'espère que tu plaisantes, me crispai-je. Je n'ai aucune envie d'avoir la moindre discussion avec elle.

- Bah tu d'vrais essayer quand même, insista-t-il.

- Tu peux me dire pourquoi je ferais ça ? Qu'est-ce-qu'elle a fait pour moi ? Rien, déclarai-je nerveusement. Je lui ai sauvé la mise au Terminus et à l'église, je pense que c'est déjà pas mal.

- C'que j'en dis, c'est que ça reste ta mère malgré tout, grogna-t-il.

- C'est pas toi qui me reprochais d'être trop gentille avec tout le monde ? Faudrait savoir ce que tu veux à la fin ! m'écriai-je avant de m'éloigner.

***

DARYL

On marche depuis des plombes. Le soleil va pas tarder à se coucher. On approche d'une station service. On va pouvoir s'poser, trouver des véhicules et repartir dès qu'le jour sera levé. Quelle journée d'merde. On est tous épuisés. La p'tit dure à cuire braille sans discontinuer. Elle crève la dalle. Pauv' gosse. Grandir dans un monde comme ça, c'est vraiment la merde. Mais au moins, elle est bien entourée. Pas comme mon frangin et moi. Elle a une famille. J'veux dire une vraie famille. Pas seulement son père ou son frère. On est tous là pour veiller sur elle. Quelque part, elle a d'la chance. Enfin j'crois. Faut qu'je lui trouve à bouffer. Mais dégoter du lait en poudre ça d'vient compliqué. Comme à peu près tout d'ailleurs. A croire que ce coin du pays n'a plus grand chose à offrir. Heureusement qu'on s'casse.

Rick m'fait signe. J'le rejoins, mon arbalète sur l'épaule.

- Tu viens jeter un œil avec moi ? il demande en tendant la p'tite à Carl.

- Sûr, j'réponds en mordillant l'ongle de mon pouce. Tu veux qu'on crèche ici ce soir ?

- La nuit va pas tarder à tomber, on sera plus à l'abri là dedans que dehors. Et il faut ménager Hershel, il se remet à peine.

J'acquiesce. Il a raison comme souvent. J'allume une clope, le temps que le shérif explique la situation aux autres. Le tabac s'insuffle dans mes poumons...putain, ça fait du bien. Manque plus qu'une bière, ma gonzesse dans mes bras et...merde. Faut que j'arrête avec ça. J'tourne la tête vers Lola. Je l'observe en silence. Elle discute avec Michonne et Rosita. J'sais pas ce qu'elle fabrique. On dirait qu'elle mime un truc. Son visage passe par tout un tas d'expressions. Comme d'habitude. Elle se marre. Elle fait la con. J'adore la voir comme ça. Ça m'manque. J'peux m'en prendre qu'à moi-même. J'baisse les yeux quand elle regarde dans ma direction. J'crois qu'elle m'a grillé. Merde. Cette situation me gonfle. Même si c'est moi qui l'ai provoqué. Elle me fait encore la gueule. J'sais pas pourquoi j'lui ai parlé de sa mère. Encore une idée de merde. A croire que toutes les décisions que j'prends sont foireuses. Reprends-toi mon vieux, c'est pas l'moment !

J'jette ma clope et j'me dirige vers la station service avec Rick et Glenn pendant que les autres font le tour des véhicules. Je m'approche de la baie vitrée. J'frappe contre le carreau crasseux. Le résultat s'fait pas attendre. Trois cadavres se pointent, la gueule grande ouverte, prêts à bouffer n'importe quoi. Le shérif me fait un signe de tête, j'ouvre et j'bute le premier rôdeur. J'rentre, le coréen et mon frangin d'adoption derrière moi. On s'sépare pour être plus efficace. J'recharge. J'dégomme un deuxième geek. J'plante mon couteau dans le crâne d'un troisième. De son côté, Rick s'en fait deux. Glenn trois. Y en a un paquet là dedans. A croire qu'ils nous attendaient. J'saute par dessus le comptoir pendant que mes potes fouillent le reste. Un bouffeur de chair est étalé sur le sol. Il s'est fait dévorer les guibolles. J'le matte pendant qu'il se traîne vers moi. Il grogne. Il crache. Il claque des mâchoires. Il m'fait pitié. J'ai l'impression que j'vais ressembler à ça quand j'vais ramper pour la récupérer...pourquoi j'pense à ça maintenant ? J'suis même pas encore sûr de savoir c'que j'veux faire. Va falloir que j'me décide. Mais pas aujourd'hui. Toute façon...c'est pas l'moment. J'latte la gueule du tas de viande à coup de pompe. Sa cervelle gicle sous mes semelles. Putain. Ça défoule.

- C'est clean ! lance Rick en me rejoignant avec Glenn. Tu t'sens bien ?

- Sûr.

Il hausse les sourcils en regardant la dépouille explosée sur laquelle j'continue de m'acharner.

- Quoi ? je marmonne.

- Je crois qu'il est mort.

- On dirait que tu l'as massacré à coup de batte de base-ball, ajoute le coréen.

- Ouais bah...au moins on est sûr qu'il nous emmerdera plus.

***

La nuit est tombée. On a déblayé les rayons. On a récupéré ce qu'on pouvait. Restait plus grand chose, mais j'ai dégoté trois paquets de Morley. J'suis adossé à une étagère, les bras croisés, j'observe mes compagnons de route. Ils se sont tous assis en cercle. Pour un peu, on se croirait en camp de vacances. Manque plus qu'le feu de camp, les chansons débiles et les marshmallows. On vient de tous les horizons. J'aurais probablement jamais adressé la parole à la moitié d'ceux qui sont là avant tout ça. Pourtant, aujourd'hui, j'imagine pas ma vie sans eux. Enfin, sauf peut-être le pseudo scientifique avec ses discours à la con. Carl donne le biberon à sa sœur. Une chance qu'on ait trouvé une boîte de lait en poudre. J'sais pas comment on fera quand on s'ra à court. Espérons qu'on sera à Washington et que l'autre blaireau aura fait son truc pour sauver le monde ou j'sais pas trop quoi. Lola y croit pas. Bizarre. D'habitude elle croit à peu près tout ce qu'on lui raconte. En fait, j'y crois pas vraiment non plus. J'crois qu'on essaye surtout d'se raccrocher à n'importe quoi pour avoir une raison d'avancer. Pour pas sombrer.

- Vous ferez quoi quand Eugene nous aura tous sauvé ? demande Tara.

J'la regarde. Cette fille a pas l'air méchante. Pourtant elle était avec le Gouverneur quand il a attaqué la prison. Quand Beth est morte. Le jour où J.C est venu terminer ce qu'il avait commencé. J'suppose qu'elle regrette. Sinon elle serait pas là. J'suis même pas sûre qu'elle voulait être là bas ce jour là. Maggie et Hershel n'ont pas l'air de lui en tenir rigueur, Glenn et Rick non plus d'ailleurs. Alors bon, ça me pose pas de problème. Elle est avec nous maintenant. On fait tous des erreurs. J'suis spécialiste dans ce domaine. Mon existence toute entière est une erreur.

- Je me vois mal recommencer à livrer des pizzas, répond Glenn.

Les autres se marrent. Tu m'étonnes. Comment tu veux qu'on reprenne une vie normale après tout ça ? Quand j'pense à ce qu'était la mienne, j'me dis qu'en fait, j'suis mieux maintenant. Avant tout ça, à part me défoncer avec mon frangin, j'avais pas grand chose à faire. Y a bien ce garage où j'avais fait quelques gâches...jusqu'à ce que j'casse la gueule d'un client. Un bourge pété de tunes qui pensait que l'argent lui donnait tous les droits.

- Et toi Lola ? Tu reprendrais la danse ?

Elle se crispe à la question de Rosita. Normal. La latino est pas au courant pour sa blessure. Avec tout ce qui nous est tombé sur la gueule, elle a pas pu finir sa rééducation. Mais elle s'plaint pas. Parce que c'est Lola.

- Je suis trop vieille pour poursuivre ma carrière de ballerine.

Elle rit. Comme nos potes. Mais j'sais qu'en ce qui la concerne, c'est qu'une façade. Parce que le ballet c'était toute sa vie. C'est ce qui l'a sorti de la merde de son quotidien, ce qui l'a aidé à tenir bon après le suicide d'Hana. Sa mère me r'garde. Merde. Qu'est-ce-qu'elle me veut encore ? Si c'est pour me balancer un autre de ses secrets dont j'dois pas parler, elle peut aller se faire foutre. J'suis pas un putain de psy.

J'chope un paquet d'clopes, mon arbalète et j'sors prendre l'air. J'ai pas envie de d'voir imaginer c'que je ferai une fois que tout ça sera terminé. Ouais. J'étais pas grand chose. Rien qui en vaille la peine en tout cas. J'repense une seconde à Jenner. Ce type nous a dit qu'il n'y avait plus rien. Il avait jeté l'éponge, mais j'ai plus confiance en ses talents de scientifique qu'en ceux de l'autre mulet. Rien que sa manière de s'exprimer est une grosse blague. Et pourtant, avec Barry, question bizarrerie on est rôdé. J'porte une cigarette à mes lèvres. J'mate la lune. Elle est claire. Le ciel est rempli d'une multitude d'étoiles. Putain. Elle déteint sur moi. Mais j'comprends qu'elle puisse se paumer dans sa contemplation. C'est sûrement plus apaisant que c'qui se passe autour de nous. J'recrache un filet de fumée. Carol me rejoint. Elle croise les bras. J'sais qu'elle va dire un truc.

- Tu comptes faire quelque chose au sujet de Lola ou tu penses passer ta vie à l'observer de loin ?

- J'passe pas ma vie à l'observer.

C'est des conneries. J'le sais. Et elle aussi. J'inspire une nouvelle bouffée de tabac. Toute façon j'sais même pas c'que j'veux faire.

- Je te connais Pookie.

- M'appelle pas comme ça, je marmonne.

Quel surnom débile. Mais ça m'fait sourire quand même. Elle me comprend. Différemment de Rick. Différemment de Lola.

- Lola est une belle fille, elle remarque.

- J'suis au courant.

- Tu sais, quand on va arriver à Washington ou peu importe où, on va sûrement rencontrer d'autres personnes.

- Pourquoi tu m'dis ça ?

- Lola pourrait rencontrer quelqu'un.

Ma gorge se serre à cette idée. J'ai pas vraiment pensé à cette éventualité quand...putain de merde. J'suis trop con. Carol a raison. C'est une évidence. Mais j'refuse d'y croire. Ma Lola n'est pas ce genre de fille...quel genre de fille d'ailleurs ? Elle a eu d'autres mecs avant moi. Elle en aura sûrement d'autres après.

- Elle ferait pas ça.

C'est pas elle que j'essaye de convaincre. C'est moi. J'veux pas l'imaginer avec quelqu'un d'autre. J'préfèrerais encore crever.

- Tu ne crois quand même pas qu'elle va passer sa vie à t'attendre ? Elle est jeune, brillante, drôle, elle mérite d'être heureuse dans sa vie amoureuse. Dans sa vie tout court, d'ailleurs.

- J'sais tout ça.

- Alors tu attends quoi ? Elle a beau t'aimer, il arrivera un jour où elle se lassera Daryl. C'est une très belle femme et tu n'es pas le seul à t'en rendre compte.

J'écrase mon mégot sous ma pompe avant d'le jeter un peu plus loin. J'charge mon arbalète et j'dégomme un rôdeur égaré. J'observe mon amie. C'est devenu une sacrée bonne femme. On est loin de l'épouse battue qui n'osait pas broncher devant son péquenaud de mari. En fait, j'crois qu'elle a toujours été forte. C'est juste qu'elle le savait pas. Dolorès ferait bien de prendre exemple sur elle.

- J'suis paumé, j'finis par dire. Il s'est passé un truc grave après la prison et...

Merde. J'suis sur le point d'me mettre à chialer. Comme une putain de gonzesse. J'lutte pour refouler ces foutues larmes. J'peux pas m'laisser aller comme ça. J'ai pas l'droit d'me montrer aussi faible. Un Dixon fait jamais ça. C'est pas dans nos gênes. C'est presque une tare. Carol s'approche avec un sourire compatissant.

- Il faut que tu laisses tes émotions s'exprimer, elle me dit à voix basse.

- J'suis arrivé trop tard.

Pourquoi j'lui dis ça ? Pourquoi j'lui en parle ? J'peux pas lui en parler...j'veux pas qu'elle sache à quel point j'ai merdé. A quel point j'ai été incapable de protéger la femme que j'aime. Elle me regarde les sourcils froncés, de ses yeux pleins de douceur et putain de merde. J'craque. Littéralement. J'lui balance tout. Et j'pleure comme un môme. Sans aucune retenue. J'ai honte qu'elle me voit dans cet état. J'me sens tellement misérable que ça en devient pathétique. Et pourtant, quand Carol me serre dans ses bras pour calmer mes tourments, la douleur que j'trimballe depuis que Lola s'est fait violée s'apaise.

- Tu n'y es pour rien, elle murmure. Je suis sûre que Lola pense la même chose que moi.

Elle prend mon visage entre ses mains, plante ses prunelles dans les miennes et reprend.

- Elle t'aime, certainement plus que tu ne peux l'imaginer. Vous deux, quand on vous voit, c'est une évidence, elle sourit. Alors tu vas me faire le plaisir de faire ce qu'il faut pour la récupérer.

J'réponds pas. J'sais pas quoi dire. J'me contente d'essuyer mes larmes. Comme un gamin prit en faute. Elle a raison. Encore une fois.

- Et ce n'est pas négociable, elle ajoute.

J'peux pas m'empêcher d'me marrer. Elle en serait presque intimidante. Elle retourne à l'intérieur pendant que j'me calme. J'reprends mon souffle. Ma respiration. Lola me manque. J'voudrais qu'elle soit là. Avec moi. Si j'avais pas merdé, on serait sûrement assis ici, à même le sol. Moi adossé contre la vitrine, elle entre mes jambes, sa tête contre mon épaule. Et elle me montrerait des trucs improbables dans ce foutu ciel où tout ce que je vois, c'est des tâches de lumière. Et...j'tourne la tête. Elle vient de sortir. Elle me tend deux paquets de chips.

- C'est tout ce que j'ai pu sauver, elle déclare avec un sourire. C'est pas de la super gastronomie, mais avoue que ça change des écureuils et des opossums.

- Tu peux les garder, je réponds.

- T'as rien mangé, elle soupire. C'est pas en te laissant mourir de faim qu'on va réussir à sauver le monde !

- M'fait pas croire que tu crois à ces conneries.

- Bien sûr que non.

Elle se laisse tomber sur le bitume avant de se paumer dans la contemplation du ciel. Je m'assois à côté d'elle. J'attrape un des deux emballages.

- Merci.

- Ce sont les deux rescapés d'un cruel génocide de chips, elle sourit.

J'détaille son visage en silence. J'ai toujours aimé la voir passer d'une expression à une autre en un quart de seconde. J'tuerais pour savoir c'qui se passe dans sa tête.

- Tu m'fais plus la gueule ?

- Je te fais pas la gueule Daryl. C'est juste que par moment, j'ai du mal à te suivre. Y a quelques jours, tu me reprochais ma naïveté vis à vis de ma mère et aujourd'hui tu insistes pour je lui parle. Alors, je suis un peu larguée.

Merde. J'sais pas quoi lui dire. J'devrais peut-être lui avouer la vérité pour sa vieille. Toute façon si j'veux que les choses fonctionnent pour nous deux, j'peux pas avoir de secret. Encore moins de cette ampleur.

- Hey regarde ! elle s'exclame en pointant le ciel.

- Quoi ?

- Tu le vois pas ?!

- De quoi tu parles Casse-Noisette ?

Elle se rapproche de moi, elle passe son bras sous le mien et essaye de me montrer ce qu'elle distingue au dessus de nos têtes.

- Un kangourou qui fait du patin à glace ! Me dis pas que tu le vois pas, c'est flagrant !

J'souris comme un con. J'vois rien là haut. Tout c'que je vois, c'est ses grands yeux verts qui recommencent à briller. Ses pommettes qui rosissent quand elle rit. Et ses lèvres pleines qui ne réclament que les miennes. J'déglutis. J'pourrais mettre un terme à mon calvaire maintenant. Mais j'veux pas ruiner ce moment. Alors, j'me contente de regarder le ciel, avec elle.

***

LOLA

Après une nuit tumultueuse, peuplée de licornes sous LSD et de biker latino en rut, je m'éveillai à l'heure où le soleil perçait difficilement pour repousser délicatement les étoiles et l'astre nocturne. Comme en témoignait la faible luminosité, le jour était levé depuis peu. Je n'avais dormi que quelques heures, mais pour une fois, les cauchemars m'avaient plus ou moins épargnée. Je m'étirai douloureusement, l'esprit un peu plus léger, prête à affronter cette nouvelle journée apocalyptique. Je repensai un instant à la soirée de la veille, encore troublée par ce moment de complicité que l'archer et moi avions partagé devant cette station service. L'espace de quelques heures, j'avais eu l'impression d'être revenue en arrière, dans le terrain vague de la prison à cartographier le ciel d'encre en compagnie de mon imagination débordante.

Je tournai la tête pour constater que Maggie et Sasha dormaient encore, tout comme le reste de nos compagnons. Seuls Rick et Judith manquaient à l'appel. Je me levai en silence, enjambant les corps endormis histoire de me frayer un chemin jusqu'à l'extérieur. Réprimant un frisson, je me frottai les bras pour me réchauffer et retrouvai le shérif occupé à donner le biberon à la petite dure à cuire.

- Salut shérif ! lançai-je avec un sourire.

- Je t'ai réveillé, s'inquiéta-t-il.

- Non, je ne dors pas beaucoup en ce moment, répliquai-je en embrassant le front du bébé. Comment elle va?

- Bien, elle va bien, sourit-il. Et toi Lola ?

- Ça va.

Il me dévisagea de ses prunelles glaciales, les sourcils froncés, visiblement peu convaincu par ma réponse. Pourtant, c'était la vérité. J'allais bien...enfin, encore fallait-il mettre de côté mes rêves tordus, mon cœur brisé et le retour de ma mère dans l'équation diablement confuse qu'était ma vie trépidante.

- Et avec ta mère ?

- C'est compliqué, grimaçai-je. Je sais que je devrais probablement me réjouir de l'avoir retrouvé après tant d'années mais...j'arrive pas à digérer les raisons qui l'ont poussé à nous abandonner ma sœur et moi.

- Tu sais, il ne se passe pas un jour sans que je regrette de ne pas avoir parlé à Lori avant sa mort. Pourtant, tu m'avais mis en garde, tu te souviens ?

- Je me souviens surtout que tu m'avais envoyé bouler, m'esclaffai-je.

- J'aurais dû t'écouter Lola, mais ce que je veux dire c'est que tu as la chance d'avoir retrouvé ta mère, après seize ans et au beau milieu d'une apocalypse, dit-il en posant le biberon sur l'asphalte. Je ne crois pas vraiment aux signes et à tous ces trucs de karma, ceci dit, tu admettras que c'est troublant.

Je le fixai, les sourcils haussés, m'interrogeant vaguement sur la probable influence du père Gabriel sur le shérif. Lui qui voyait des signes partout, serait aux anges avec tout ce qui me tombait sur le coin du nez.

- Alors quoi ? Toi aussi tu penses que je devrais pardonner ?

- La question c'est plutôt, est-ce-que toi, tu as envie de pardonner ?

- J'en sais rien, soupirai-je. On était proches avant qu'elle parte...mais aujourd'hui, avec tout ce qui s'est passé...shérif tu réalises qu'elle n'est même pas venue aux funérailles de ma sœur ?

- Les choses ne sont pas toujours ce qu'elles semblent être Lola, répliqua-t-il en berçant Judith.

- Tu sais quelque chose que j'ignore ? demandai-je, intriguée.

- Non, mais j'ai vu pas mal de choses quand j'étais flic. Et tu peux me croire, la plupart du temps, la vérité n'est pas celle qu'on croit.

Je soupirai à nouveau, troublée par les paroles de Rick. Il était fort. Très fort ! En à peine quelques secondes, il avait réussi l'exploit de me faire envisager une possible discussion avec ma génitrice. Quand ? Je n'en avais aucune idée, mais j'étais prête à faire un effort...même s'il était minime.

- C'est quoi le programme du jour ? m'enquis-je en m'asseyant en tailleur sur le capot d'une décapotable qui avait dû valoir une petite fortune à l'époque où l'argent avait encore une quelconque valeur.

- Abraham et Rosita ont remis un fourgon en état de marche hier. Dès que tout le monde est prêt on se met en route.

- T'y crois toi à cette histoire de remède ?

- Pour tout de dire, déclara-t-il en s'installant près de moi, je pense que rien ne nous attend à Washington. Ou en tout cas, aucune solution miracle. Le monde tel qu'on l'a connu n'existe plus. Le monde réel, c'est celui-là, ajouta-t-il en désignant le paysage d'un signe de tête.

J'acquiesçai en silence tandis qu'Hershel et le père Gabriel se joignaient à nous, bientôt rejoints par Barry. Le poète humoriste me serra brièvement dans ses bras avant de s'étirer avec la grâce d'un hippopotame un jour de soldes.

- Chers amis, il me tarde de reprendre notre périple apocalyptique jusqu'à notre glorieuse capitale. Puisse la paix et la félicité nous attendre au bout de ce voyage, qui je le sais par avance, sera plein de surprises.

- Bonnes les surprises, hein Barry ? gloussai-je.

- Cela va s'en dire adorable Lola.

- Et même si elles sont mauvaises, il faut y voir une épreuve imposée par notre Seigneur pour renforcer notre foi.

- Sans vouloir vous vexer Padre, j'ai pas foi en grand chose, me crispai-je.

- Et bien dans ce cas, voyez ceci comme étape à franchir pour accéder à un avenir meilleur, répliqua-t-il avec un sourire.

J'ignorais si un avenir meilleur nous attendait là où nous allions, mais dans tous les cas, les choses pourraient difficilement être pires qu'ici. C'était une question de statistiques. Un jour ou l'autre, la roue finirait par tourner.

Daryl sortit à son tour, en compagnie de Glenn et Maggie. Le couple Rhee m'arracha un sourire de tendresse tandis que je m'attardais sur leurs mains enlacées. Je ne comprenais pas pourquoi tout le monde s'était entiché de l'archer et de sa cinglée de ballerine, alors qu'un couple autrement plus attachant se trouvait juste sous leur nez. La passion des autres pour les histoires compliquées me dépassait complètement...même si j'avais moi aussi été une adepte des amours impossibles. Ceci dit, c'était beaucoup moins drôle lorsqu'on en devenait l'actrice principale. D'où mon agacement.

Peu à peu, chacun émergea, plus ou moins frais et dispos, mais réveillé, ce qui était déjà pas mal. Après un dernier tour aux alentours, une fois le soleil bien établi dans son carcan azur, nous nous entassâmes dans le fourgon pour reprendre notre route. Je jetai un dernier regard à cette station service, la dernière avant plusieurs centaines de kilomètres si l'on en croyait les panneaux bordant la route. Restait plus qu'à espérer que notre véhicule ne nous lâcherait pas comme le précédent.

***

- Bordel de chiottes ! beugla Abraham en tapant rageusement du poing sur le volant.

Je sautai de notre moyen de transport en compagnie de Michonne et Tara pour retrouver une nouvelle fois Rick et Daryl devant le moteur fumant. Nous avions roulé près de quatre heures avant que le fourgon ne décède à son tour, de façon tout à fait inexpliquée, dans un nuage de fumée noire.

- C'est quoi cette fois ? demanda la samouraï.

- Exactement la même chose qu'avec le bus, marmonna l'archer en essuyant ses mains pleines de cambouis. A croire que quelqu'un s'amuse à trafiquer les moteurs.

- Tu crois ? m'exclamai-je.

- Quelqu'un qui ne veut pas qu'on aille à Washington, constata Rick les mains posées sur les hanches.

Qui parmi nous pouvait avoir cette idée ridicule ? La Jessica Fletcher qui sommeillait en moi, s'éveilla brusquement, scrutant de son œil inquisiteur nos compagnons de route qui descendaient un à un du fourgon hors d'usage.

Abraham et Rosita nous rejoignirent tandis que le scientifique se tenait immobile, à quelques mètres de nous, nous fixant de son regard inexpressif.

- Faut qu'on trouve un autre véhicule, déclara le militaire.

- A ce rythme là, on arrivera jamais à destination, se renfrogna la latino en croisant les bras sur sa poitrine.

- Je crois que l'un d'entre nous veut nous retarder, déclara le shérif à voix basse.

- Qui est le connard qui ferait ça ?! aboya Abe. Bordel de merde, je vois pas pourquoi l'un d'entre nous voudrait mettre en péril cette mission.

- Vous ne trouvez pas que l'attitude d'Eugene est suspecte ?

A bien y réfléchir, Rick n'avait pas tort. Bizarrement, depuis que nous avions pris la route, le scientifique avait gardé le silence, nous épargnant ses monologues interminables et incompréhensibles. Pour quelqu'un qui aimait s'écouter parler comme lui, c'était un comportement plutôt étrange ! Finalement, les heures passées devant Arabesque avec ma grand-mère durant mon enfance n'avaient pas été vaines, songeai-je en pouffant silencieusement.

- J'ai menti !

Tous les regards convergèrent en direction d'Eugene, droit comme un piquet, la tête haute, visiblement peu perturbé par la subite attention dont il faisait l'objet.

- Il n'y a pas de remède, j'ai tout inventé.

- Quoi ?! s'écria Rosita hors d'elle.

La latino jura tout un tas d'insultes en espagnol, tandis qu'Abraham les narines dilatées, la mâchoire crispée, le regard noir, fulminait en avançant vers le pseudo sauveur de l'humanité.

- Je ne sais pas me défendre, continua de s'enfoncer le scientifique.

- S'il continue de creuser comme ça, il va toucher le fond, murmurai-je à l'attention de Michonne.

- C'est une certitude, approuva-t-elle en passant un bras autour de mon épaule. Je me disais aussi que cette histoire de remède était trop belle pour être vraie.

- Attends, tu y croyais vraiment ? sourcillai-je.

- J'avais besoin de protection et je vous ai rencontré. Vous ne m'auriez jamais accepté sans une bonne raison, alors j'ai imaginé un scénario parfaitement plausible pour...

Sans prévenir, le militaire, le fit taire d'un violent coup de poing dans la figure. Assommé, Eugene tomba de tout son long, tête la première sur l'asphalte brûlante. A n'en pas douter, cette fois-ci, il avait vraiment toucher le fond...et nous aussi, par la même occasion.

A suivre...

Qu'en avez-vous pensé ? 🙈

On se retrouve très vite pour la suite !

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