Chapitre 12 - Parce que c'était nous

Chapitre 12 - Parce que c'était nous

LOLA

Depuis qu'on avait emménagé dans ce taudis et que ma mère s'était barrée, le porche des Dixon était un peu devenu ma deuxième maison. Mon refuge. Mon sanctuaire. C'était ainsi que je percevais les choses. Et ce jour là, ne dérogeait pas à la règle. Mon père m'avait cassé la gueule quand j'étais rentrée, trempée au beau milieu de la nuit après être tombée en panne. Finalement, j'avais dérangé Daryl pour rien...comme d'habitude.

Appuyée contre la rambarde en bois, mes jambes passées entre les barreaux, Michael Jackson hurlant Give into me dans mes oreilles, je regardais les nuages s'évaporer, changeant de forme à mesure qu'ils étaient poussés par le vent.

- T'es pas en cours ? grogna la voix de Daryl dans mon dos.

Je basculai la tête en arrière et retirai mes écouteurs pour lui adresser un sourire matinal avant de répondre, d'un ton plein de sagesse adolescente :

- Les cours, ça sert à rien.

Il se laissa tomber à mes côtés avec un soupir. Rivant ses yeux bleus aux miens, il alluma une clope qu'il porta aussitôt à ses lèvres. Son regard s'arrêta un instant sur le nouvel hématome qui avait élu domicile sur ma joue, mais ne il dit rien. Comme d'habitude. C'est ce que j'aimais chez lui. N'importe qui m'aurait sorti une phrase bien pourrie du style « ça va aller... » ou pire « tu verras, ça finira par s'arranger ». Le genre de phrase qu'on sort quand on ne sait pas quoi dire. Mais pas lui. Parce qu'on était pareil. Enfin, si on en oubliait son caractère de merde et son côté asocial. Je haussai les épaules en souriant. Quand nos prunelles s'étaient rencontrées l'année précédente, j'avais su que cet homme serait mon ancre dans cette vie de merde. Nous avions dix ans d'écart et les gens autour de nous voyaient notre amitié d'un mauvais œil. Qu'une gamine de seize ans soit amie avec un mec plus âgé était inconcevable...voire même malsain. Ils pouvaient parler. Autant qu'ils le voulaient. Je m'en fichais. Parce que c'était nous. Daryl et Lola.

- Si tu veux avoir une chance de t'tirer de ce trou, faut que t'aille en cours Lola.

- C'est la danse qui m'en sortira, pas la trigo. J'peux ? demandai-je en lui indiquant la cigarette rougeoyante qu'il tenait entre ses doigts.

- Tu peux toujours courir, hors de question que j'te laisse fumer cette merde.

- J'suis en âge de prendre mes décisions, répliquai-je.

- Tu crois qu'ton mec va apprécier d'embrasser un cendrier froid ? se moqua-t-il.

- J'suis plus avec. Et puis...embrasser un cendrier froid ça n'a pas l'air de déranger ma sœur, sourcillai-je.

- Arrête, marmonna-t-il, gêné.

- Vous êtes pas très discrets j'te signale, gloussai-je.

- T'es conne, rétorqua-t-il avec un demi sourire.

- Je sais...c'est ce qui fait tout mon charme.

Nous restâmes silencieux quelques secondes, bercés par la brise légère de ce début de matinée. Je posai mon front sur la balustrade en soupirant.

- Tu crois qu'un jour...on sera heureux ? murmurai-je.

***

Rassemblant le peu de dignité qu'il me restait encore, je me rhabillai, tremblant des pieds à la tête. Une fois son affaire terminée, le latino s'était sauvé, me laissant, seule et ravagée, au milieu des bois. Une tristesse sourde pleurait depuis le fond de mes entrailles. J'avais encaissé. Toute ma foutue vie. Et je m'étais relevée. A chaque fois. Mais cette nuit, sous les assauts du biker, une partie de moi était morte. Je n'avais plus envie de me battre. De toute façon, à quoi bon ? Des grognements. Un rôdeur. Putain...pas maintenant ! J'attrapai la pierre contre laquelle je m'étais à moitié assommée...et l'abattit avec force sur le crâne du cadavre ambulant. L'hémoglobine odorante gicla tandis que le mort vivant titubait. D'un coup de pied rageur, je le fis basculer avant de m'acharner sur sa tête putride.

- Crève, sale merde ! m'écriai-je. Crève !

Ça ne changeait strictement rien à ce qui venait de se passer, mais l'espace d'une seconde, me défouler sur ce tas de viande me soulagea. D'un revers de la main, j'essuyai le sang mêlé de larmes qui maculait mon visage avant de m'effondrer à nouveau sur le sol. Putain de merde. Je n'arrivais pas y croire. Je ne pouvais pas y croire. Ça n'avait pas pu m'arriver ! Pas après toutes les horreurs auxquelles j'avais déjà dû survivre ! Le karma n'avait pas le droit de me faire ça, merde ! Le corps parcourut de spasmes incontrôlables, au prix d'un effort incommensurable, je retins le hurlement de détresse coincé dans ma gorge.

- Lola !

Je sursautai en entendant sa voix. Cette voix que j'aimais tant. Cette voix qui, à elle seule, pouvait apaiser n'importe lequel de mes tourments. Cette voix qui ne me regarderait plus jamais de la même manière...Daryl.

Je relevai la tête pour voir l'archer débouler, Barry sur ses talons. Honteuse, je croisai ses prunelles avant de me détourner. Je ne voulais pas qu'il me voit pas comme ça. C'était au dessus de mes forces. Je pouvais tout supporter...rectification...j'avais tout supporté...mais qu'il ait pitié de moi...je n'y survivrai pas.

Ma vue brouillée par une nouvelle vague lacrymale, je fixai délibérément mes doigts pleins de terre et d'hémoglobine tandis qu'il jetait son arbalète avant de s'agenouiller à mes côtés. Avec des gestes désordonnés, il retira sa veste pour la déposer sur mes épaules. Cherchant mon regard du sien, je sursautai lorsqu'il prit tendrement mon visage entre ses mains.

- Lola, murmura-t-il. Regarde-moi.

- J'peux pas, m'effondrai-je.

Je le vis se tendre, sa mâchoire crispée par la colère, dévorante, qu'il tentait désespérément de canaliser.

- Il est où ? reprit-il doucement.

Il bouillonnait, d'une rage incontrôlable. Je la sentais pulser dans ses veines. Et pourtant, il faisait tout pour ne pas me brusquer. Pour ne pas m'accabler plus que je ne l'étais. Pour ne pas me brutaliser plus. Putain. Je l'aimais...tellement. Je fermai les yeux une seconde, posant mes mains sur les siennes.

- Il est parti. Par là.

- Barry, reste avec elle, dit-il en se relevant. J'vais chercher cet enfoiré.

***

DARYL

J'tire une latte. Lola est déprimée. J'commence à connaître cette gosse par cœur. Son père lui a encore cassé la gueule hier. Fais chier.

- Tu crois qu'un jour...on sera heureux ? elle demande d'une petite voix.

J'soupire. Qu'est-ce-que j'peux répondre à ça ? J'suis pas plus heureux qu'il y a dix ans. Et dans dix ou quinze ans, je le serais probablement pas plus. La vie, c'est la merde. J'veux dire vraiment la merde. Et cette môme la découvre à peine.

- J'en sais rien.

Autant être honnête. Toute façon, chieuse comme elle est, elle se contentera pas d'une phrase toute faite.

- Toi tu le seras sûrement, elle dit en s'asseyant en tailleurs pour me faire face. Hana et toi, j'suis sûre que vous allez vous marier...et vous aurez des enfants. J'vous imagine trop faire genre...un pique nique romantique au beau milieu des écureuils !

Un pique nique ? Au milieu des écureuils ? Putain mais d'où elle sort ça ?!

- Ouais et un chihuahua tant que t'y es.

- Quoi ? Tu veux pas épouser ma sœur ?

Je fréquente sa frangine depuis quoi...deux mois à tout casser. C'est pas suffisant pour savoir si j'veux faire ma vie avec.

- Le bonheur, ça se résume pas à un anneau et une tripotée de gamins.

- Bah dis donc t'es un vrai rayon de soleil ce matin !

Elle a décidé d'me casser les couilles aujourd'hui. Mais elle me fait marrer. J'adore cette gosse.

- Toi, tu seras sûrement mariée avec quatre marmots.

- Moi ? Tu rêves ! J'ai horreur des gamins ! Ça pue, ça braille...c'est l'horreur !

Elle me fait sa grimace de dégoût. Jamais vu quelqu'un d'aussi expressif. J'savais même pas que ça existait en fait. Faut dire que dans les endroits où j'zone avec Merle, à part des junkies et des putes y a pas grand chose.

- Tu vois, c'est bien c'que je disais. Le bonheur c'est pas ça Lola.

- Et c'est quoi alors, Grand Sage Dixon ?

- J'en sais rien.

- Tu sais pas grand chose, ellr remarque, un brin moqueuse avant de replonger dans la contemplation des nuages.

Elle me gonfle. J'écrase mon mégot et j'la regarde. Elle est tellement différente d'Hana. Hana c'est...la mélancolie. Lola...c'est une combinaison d'émotions. Lola, elle vous laisse pas indifférent. Parce que c'est elle.

- J'sais quand même un truc.

- Quoi ?

- Tu seras une putain de danseuse.

Elle tourne ses grands yeux rieurs vers moi, un sourire aux lèvres. Cette gosse est belle. Vraiment belle...et pas qu'à l'extérieur. Sauf qu'elle le sait pas.

***

Dès qu'je pose les yeux sur elle, j'comprends. Mes entrailles se tordent de douleur. Pour elle. Elle ose même pas me regarder. Et ça me bousille. Elle a honte...mais elle a pas à avoir honte, putain de merde ! J'veux pas qu'elle ait honte. Surtout pas bordel ! La rage me consume. Littéralement. J'ai l'impression de brûler de l'intérieur. Je m'approche de Lola. J'lâche mon arbalète. J'sais pas comment réagir. J'ai envie de hurler. De frapper tout ce que je trouve. De m'éclater les phalanges contre n'importe quoi...J'peux pas craquer. Pas maintenant. Parce qu'elle a besoin de moi. Parce qu'elle est tout ce qui compte...et parce que j'étais pas là, elle...s'est fait...j'ai la gerbe rien que d'y penser.

Elle tremble. Elle est gelée. J'retire ma veste et j'la couvre avec. Elle est bousillée. IL me l'a bousillé. Et j'vais le buter pour ça. Cette merde va rien comprendre à ce qui va lui tomber dessus. J'essaye de prendre son visage entre mes mains. Elle trésaille. Et j'ai mal. Putain...j'ai tellement mal. Elle refuse de me regarder. Elle garde les yeux baissés.

- Lola, regarde-moi.

- J'peux pas.

Elle s'effondre. C'est intolérable de la voir dans cet état. J'essaye de me calmer...au moins le temps qu'elle me parle. J'dois rester calme. Pour elle. Mais c'que j'ressens...c'est au delà de la haine. J'me maîtrise au prix d'un effort surhumain. J'veux pas l'effrayer.

- Il est où ?

Elle ferme les yeux. J'ai envie de la serrer dans mes bras. Mais, j'ose pas. J'ai peur de la brusquer...et de la perdre. J'suis foutu si j'la perds. Elle pose ses mains sur les miennes. La douceur de sa peau sur moi me submerge...Et la colère me dévore un peu plus.

- Il est parti, elle souffle. Par là.

Il a pris la direction de la route. Parfait. Ce sera plus simple pour lui mettre la main dessus.

- Barry, reste avec elle. J'vais chercher cet enfoiré.

J'me relève. Lola m'imite. Elle chancelle, se rattrape à mon bras. Et enfin, elle lève les yeux sur moi. Ce que j'y lis...ça me détruit...complètement...Elle me sert contre elle...j'peux plus la toucher. J'ai peur de la briser un peu plus.

J'attrape mon arbalète. J'ai envie de l'embrasser sur le front. Comme pour la rassurer. J'sais pas comment elle va réagir. Alors, j'le fais pas.

***

Je cours. Comme un cinglé. J'dégomme tout ce qui s'met en travers de ma route. J'ai plus conscience de grand chose. J'suis juste guidé par la rage. La haine. Et l'adrénaline dans mes veines. J'dois retrouver cette merde. Et quand ce sera fait...

Je m'arrête une seconde. Cet enfoiré n'est pas du genre discret. Tant mieux. J'lui exploserai la tronche plus rapidement. J'éclate la tête d'un rôdeur à coup de pompe. J'ai plus envie de faire dans la dentelle.

J'imagine ses mains sur son corps. J'la vois se débattre. Ça me révulse.

Si j'avais été là, ce serait jamais arrivé. Si je l'avais pas laissé partir chercher les gosses. Ce serait jamais arrivé. Si j'avais été plus rapide...ce serait jamais arrivé. J'aurais dû être là, putain de merde ! J'aurais dû la protéger. J'peux pas...m'empêcher d'me sentir responsable. Il a tué la seule belle chose qui existait encore dans ce monde de merde...parce que je l'ai laissé faire. J'aurais dû le buter avant.

J'me rapproche de la route. Il est pas loin. J'ralentis un peu l'allure. J'veux pas qu'il me voit arriver. J'me planque derrière une bagnole. Il est là. Il me tourne le dos. Mon estomac se tord violemment. J'garde mon calme. Il le faut si j'veux pas qu'il me repère. Il essaye de faire démarrer une moto. Il se doute de rien. Je m'approche. Lentement. Les yeux dans le viseur de mon arbalète. Et j'tire. Il hurle quand mon carreau se plante entre ses deux omoplates. C'est qu'le début, mon pote. Il s'retourne vers moi. Je lis de la terreur dans son regard. J'espère qu'il chie dans son froc.

- Fais pas le con, mec !

Que j'fasse pas le con ? Il est sérieux ? Ras le cul de me maîtriser. J'recharge. Il descend de moto. Il se met à courir. Gonzesse.

- J.C ! je gueule.

J'me déchire les cordes vocales. J'en ai plus rien à foutre. Une autre flèche l'atteint en plein dans la cuisse. Il tombe comme une merde. Et j'me rapproche. Je fulmine. J'suis au bord du point de rupture. J'lui file un coup de pied dans les côtes. Cette merde se tord de douleur comme un ver. Il me dégoûte. Il me fait gerber. Je l'attrape par le col de son t-shirt et j'le retourne pour qu'il me regarde pendant qu'je le buterai.

- Fais pas ça...Daryl je t'en supplie fais pas ça !

Il m'implore. Ça me révolte encore plus.

- Tu t'es arrêté quand elle t'a supplié ?!

Je craque. Je sens mes veines palpiter sur mon front, dans mon cou...elles sont sur le point d'exploser. Comme moi.

- Elle m'a pas supplié ! Elle le voulait ! Autant que moi !

Je vrille. Complètement. Je lui attrape les couilles. Et j'serre. Jusqu'à ce qu'il se tortille sous l'effet de la souffrance. Jusqu'à ce que je les sente éclater sous ma poigne. Il essaie de se débattre. Il pleure. Il me fait pitié.

- Je l'aime ! Et je sais qu'elle aussi...arrête putain !

- Ferme ta gueule !

J'me relève. Il a l'air soulagé. Il croit quoi ? Que j'en ai fini avec lui ? Il rêve. Il s'en sortira pas. Pas cette fois. J'lui latte les côtes à coup de pompe. J'sens ses os craquer à chacun de mes assauts. Il se tord. Se recroqueville. Je m'agenouille. Et je lui éclate la tête. Mes phalanges s'ouvrent sous les chocs répétés. Son visage se décompose à mesure que j'le cogne. Encore et encore. Toute ma rage, j'la déverse sur lui. Il ressemble plus à rien. Il bouge plus. Il respire peut-être encore. J'en sais rien. Je m'en tape. Ça n'a plus d'importance. Alors, j'le cogne. Sans relâche.

- Daryl...

J'entends à peine la voix de Casse-Noisette derrière moi. J'continue. J'arrêterai pas. J'veux qu'il crève. Faut qu'il crève !

- Daryl, elle murmure en posant une main sur mon bras pour interrompre mon geste. Il est mort..

J'regarde le tas de chair sanguinolente devant moi. J'suis révulsé. Lola s'agenouille près de moi.

- Il est mort, elle répète en prenant mon visage entre ses mains.

J'suis à bout de souffle. Épuisé.

J'refait surface. Lentement. J'la dévisage. J'sais plus quoi faire. J'dois faire quoi maintenant ? Elle tremble encore. J'sais pas si j'dois l'enlacer. J'sais plus. J'suis largué.

Elle enroule ses bras autour de mon cou et pose son front contre le mien. On reste comme ça. De longues minutes. J'vois même pas le colosse dégommer deux rôdeurs. Il fait ça dans la discrétion. Finalement, j'aime bien ce mec.

La nuit est bien avancée. Lola est frigorifiée. Faut qu'on trouve une planque. Faut qu'on la rafistole. Faut qu'elle se repose. Je l'aide à se lever. Elle tient à peine sur ses jambes. Elle est incapable de marcher.

- Barry, tu veux bien...

J'ai pas le temps de finir ma phrase qu'il la prend dans ses bras pour la porter. Ouais. J'aime bien ce mec.

***

LOLA

Assise sur le rebord de la baignoire d'une salle de bain au confort moderne, je grimaçai tandis que Daryl s'occupait de nettoyer mon visage contusionné. Il détaillait chaque entaille, chaque coupure avec un froncement de sourcils inquiet.

Après une heure de marche, nous étions finalement arrivés dans un lotissement plutôt coquet...du moins, il devait l'être...avant l'apocalypse. Je n'avais pas ouvert la bouche depuis que nous avions pénétré dans cette maison incroyablement luxueuse. Le contraste avec la prison était saisissant...la prison. La gorge nouée, je n'avais cessé de ressasser les événements de cette journée sordide. La mort de Beth et...je me remis à trembler, sentant encore les mains du biker sur moi.

- T'as froid ? s'enquit l'archer à voix basse en mordillant nerveusement sa lèvre inférieure.

- Un peu, soufflai-je d'une voix brisée.

Je n'avais pas froid. Je me sentais juste épuisée et...sale. Affreusement...sale.

- Je...voudrais prendre une douche.

Il acquiesça silencieusement, ne sachant pas s'il devait rester ou pas. Je voulais qu'il me serre dans ses bras. J'avais besoin de ce contact rassurant. De son odeur de tabac. De puiser un peu de sa force. Mais depuis que le latino m'avait...il était distant. C'était de ma faute. Entièrement ma faute. Il m'avait mise en garde contre J.C. A de nombreuses reprises...mais naïve et têtue comme j'étais, je n'avais rien écouté. Il avait raison. Je n'étais qu'un aimant à emmerdes. Finalement...ce qui m'était arrivé, je l'avais peut-être provoqué...sans même m'en rendre compte. Si je n'avais pas été aussi conne, le biker ne m'aurait jamais...il n'aurait jamais...la nausée. Encore.

Toute ma vie, malgré les épreuves, malgré les coups, je n'avais cessé de croire qu'il y avait du bon, en chacun de nous. Belle connerie. Barry frappa doucement, m'arrachant à ma séance d'auto flagellation.

- Adorable Lola, je t'ai trouvé des vêtements de rechange, dit-il depuis la pièce adjacente.

Daryl lui ouvrit, attrapa les fringues et me les tendit avant de sortir en silence. Avec pour seule compagnie ma solitude, je dévisageai la porte, anesthésiée. Est-ce-que ça allait toujours être comme ça à présent ?

Je posai le jogging noir et le pull assorti sur la petite commode blanche, puis me retournai pour observer mon regard dans le miroir installé au dessus du lavabo. L'image qu'il me renvoya me retourna l'estomac. Écœurée, meurtrie au plus profond de ma chair, je recrachai un filet de bile dans la porcelaine ivoire. Je fermai les yeux une seconde, mes mains fermement agrippées au rebord froid, tentant de calmer mes pulsations cardiaques. Je devais me reprendre. Ça me semblait insurmontable...mais il le fallait. Si je sombrais maintenant...je ne referais jamais surface.

Le corps secoué de spasmes nerveux, je retirai mes vêtements...seuls témoins de ce que m'avait fait subir mon bourreau. Je me glissai sous le jet d'eau glaciale en réprimant un frisson. Je restai comme ça, immobile, ruisselante. Et je commençai à frotter. Frotter. Frotter. Frotter. Encore et encore. Jusqu'à m'en rougir la peau. Jusqu'à ne plus en pouvoir. Jusqu'à m'écrouler dans le bac de douche. Je m'adossai contre la paroi, ramenai mes jambes contre ma poitrine. Ma tête posée sur mes genoux, je m'autorisai à craquer...enfin.

***

J'avais passé près de deux heures enfermée dans cette salle de bain. Lorsque j'ouvris la porte, je découvris l'archer et Barry assis dans le couloir. Ils...discutaient ? L'improbable de la situation m'arracha malgré moi un semblant de sourire. Voir que les deux hommes de ma vie arrivaient à plus ou moins communiquer, m'apporta un peu de douceur. Ils levèrent les yeux vers moi, soulagés visiblement, de me voir réapparaître.

- Cet endroit doit regorger de mets délicieux, déclara le colosse en se mettant debout avant de s'éclipser au rez de chaussée.

Vêtue de mon jogging deux fois trop grand, je m'installai près du chasseur, à même le sol. Je me rongeai les ongles nerveusement, en proie à une fatigue dévorante. Arriverais-je seulement à trouver le sommeil ?

- Noix de coco, le gel douche ? marmonna Daryl.

- Ouais...je suis poursuivie, murmurai-je.

Le silence reprit ses droits tandis que je détaillai l'état de ses mains. Elles étaient complètement défoncées...putain de merde ! Il devait souffrir le martyr.

- Viens, dis-je en me levant pour retourner dans la salle de bain.

- Qu'est-ce-que tu fabriques ? demanda-t-il alors que j'imbibais une compresse de désinfectant.

- Y a pas que moi qui ai besoin d'être rafistolé, chuchotai-je.

Les secondes défilèrent, silencieuses et apaisantes tandis que je m'occupais de panser ses plaies. Je les bandai avec douceur avant de river mes prunelles aux siennes. La détresse de son regard me bouleversa, me nouant un peu plus les entrailles. Je me mordis la lèvre inférieure, incapable de réprimer un nouveau déferlement lacrymal.

- Sers moi dans tes bras...je t'en supplie, Daryl, m'effondrai-je.

Il s'exécuta, comme s'il avait attendu ma permission pendant des heures. Je m'agrippai à ses épaules, presque désespérée, et nous nous écroulâmes, tous les deux, sur le carrelage immaculé.

- Loryl, marmonna-t-il dans mon cou.

- Quoi ? répliquai-je sans comprendre.

- Notre...surnom...Ok pour Loryl.

Je m'esclaffai entre deux sanglots, tandis qu'il me serrait un peu plus contre lui.

Cette épreuve, nous la surmonterions. Comme toutes les autres. Parce que c'était nous. Daryl et Lola...Loryl. Et parce que la vie, aussi implacable et brutale soit-elle, nous avait modelé à son image.

A suivre...

Voilà voilà

Qu'en avez-vous pensé ?

On se retrouve très vite pour la suite ! ❤❤

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