Supérieur et intelligible - making of

Innover ou transmettre ? la question du langage se pose.

Pour prévenir une objection que l'esprit moderne de conciliation pourrait vouloir encore faire (notre société n'objecte plus que par « fédération de valeurs » : on ne contrarie un auteur ou n'importe quel penseur qu'au nom du collectif, et c'est à peine si, en objectant ainsi, il est besoin pour celui qui objecte de réfléchir) : les deux ne sont guère compatibles dès lors que l'innovation prend pour objet le langage lui-même, comme c'est le cas pour toute littérature qui se moque à peu près du sujet – à quoi se reconnaît certainement une littérature supérieure. Fabriquer des concepts, cela implique tôt ou tard de les nommer, et ces appellations neuves supposent des néologismes.

Parce que le mot créé implique la naissance d'une pensée propre et débarrassée de tout antécédent rétrograde, on ne peut éternellement recourir à d'anciens outils langagiers pour fabriquer une matière inédite : l'original a sa substance intègre que rien de connu ne remplace tout à fait congrument, et ce n'est pas seulement un mot ici ou là qu'il faudrait induire et admettre, mais toute une syntaxe, avec ses rythmes, ses transitions, son souffle, et les moindres idiosyncrasies traduisant les indices particuliers de son fonctionnement cognitif...

Or, la tentation est grande de faire littérairement dans « l'au-delà de l'humain » et d'impressionner d'emblée par l'effet d'une manière inhumaine et inaccessible – cela fait certes « poète maudit », mais pas seulement. J'ai bien conscience qu'en réfléchissant longtemps avant d'écrire, le moindre mot quintessencié, densifié de connotations multiples et de pénétrations, peut devenir un cryptogramme extrêmement profond aussi bien que totalement hermétique au commun. Tout vocable, toute phrase et tout texte sur quoi un auteur revient sans cesse avec l'intention d'une exactitude rigoureuse et maniaque finit inévitablement par prendre la couleur et la forme de l'incompréhensible étrangeté.

L'alchimiste n'est jamais accessible à l'entendement ordinaire. Il parle seulement pour lui et pour d'autres alchimistes, et nul profane ne se préoccupe de ses découvertes. S'il crie ses trouvailles par-dessus la foule, on dirait un fou et on ne le croit pas, comme Cassandre du mythe.

C'est pourtant un langage, aussi, que celui du juste mot. L'auteur sait de quoi il retourne, il a dit son fait pur en son idiome exclusif ; il s'entend très justement – il n'a rien déformé, rien vulgarisé, rien corrompu, rien trahi : il est fidèle à sa pensée unique, et les termes qu'il utilise sont exactement comme lui, ne se comparent à rien, diffèrent et désarçonnent. En se relisant, il s'émeut, seul, de la justesse de son langage que personne à part lui ne peut percevoir, chacun ne disposant pour comprendre le monde que de ses outils intérieurs, inapte d'emblée à toute réalité étrangère et inconnue. Il écrit comme il est : son fond rend une signification propre et indécelable, un son que des oreilles stylées par les bruits ordinaires, uniquement accoutumées à eux, ne peuvent recevoir – comme nous tous, en nos tréfonds, en admettant que nous soyons des individus comme lui. Bien parler du nouveau, c'est, en un certain sens, au sens où notre langage serait strictement fidèle à cette nouveauté, en parler pour tout autre incompréhensiblement. Toute transmission d'une idée inédite en un esprit qui ne la soupçonnait pas, toute initiation totale, est, de quelque façon, une trahison, une approximation, une simplification : on réfère alors au connu, on triche, on ne se contente pas de dire la chose telle qu'elle est mais on fait des images, on l'altère, on la moule en la forme de l'esprit qu'on veut atteindre, pour qu'elle y « prenne », qu'elle y « trouve sa place » dans un ensemble donné, qu'elle s'y « insère ». On transige alors, c'est un compromis, ce n'est pas la vérité pure du concept qu'on exprime : ce concept, s'il était inaccessible, doit le demeurer pour rester strictement ce même concept. Mais en l'expliquant, on le pourvoit d'un chausse-pied qui n'est pas le concept ; c'est, tout au mieux, l'idée-plus-le-chausse-pied-moins-la-place-que-prend-le-chausse-pied.

Fort logiquement, si nous étions des individus, au sens de « singularités indivisibles », notre essence particulière ne serait pas communicable. Nous parlerions une langue que personne à part nous ne connaît, et nous devrions abâtardir cette langue, c'est-à-dire nous rendre normal en nous « mettant à portée », nous aliéner et cesser de nous dire, nous uniquement, pour pouvoir être entendus. Et tout ce que nous communiquerions de compréhensible à d'autres ne serait que le « lot commun », la part non individuelle de ce que nous sommes, le banal et le proverbe : on ne communique que l'impur et l'inessentiel, ou bien l'idée était déjà là et sa communication n'est alors qu'un rappel superflu ; c'est pourquoi, quand on a vraiment envie de parler de soi, très souvent, démuni, on – cesse de parler, on se tait résolument. Avec les mots de tous, on ne peut entrer au cœur de ce qu'est chacun : on recourrait par trop aux usages, au dialecte, qui sont des moyens inappropriés pour révéler le personnel, le noyau différencié en nous – à condition, encore une fois, que la nature de ce chacun soit individuelle, ce dont, à notre époque, on peut raisonnablement douter.

Mais est-ce cela qu'il faut, cela que je veux : renoncer à partager et à transmettre toutes choses, par impossibilité de faire entendre leur essence comme celle de moi-même ? Et pour cela, m'enfoncer dans les jungles épaisses et luxuriantes de mes arts obscurs pour m'efforcer d'y récolter le diamant impubliable et accepter de devenir, à tout autre que moi-même, enfin invisible ? Cette progression dans l'enchevêtrement des pensées singulières et nouvelles : pour moi seul, et délaisser tout le reste, tous ?

Pas encore, non, bien qu'une voix lointaine, une voix que je connais, me murmure : « Ça viendra ». Cette voix a le caractère et l'inflexion familiers de la prophétie et de l'inexorable, le timbre d'une vérité immanente, et c'est uniquement ma résolution aveuglée qui s'y oppose, résolution tout spirituelle qui, chez moi, prend en son essence la forme d'un entêtement dont je devine qu'il finira aussi par plier. J'avais autrefois, en cette même sorte d'appel trop conscient, l'obstination d'accorder à tous mon bénéfice du doute – mais la voix m'a repris cela, ou plutôt la vie elle-même, et j'y ai succombé. Elle avait raison : il n'y a qu'un maléfice du doute, ou un bénéfice du soupçon. Je l'avais senti bien avant que d'en faire l'expérience, et j'ai nié l'appel, avant d'y revenir comme fatidiquement : j'ai lutté en vain, et ce n'est pas la première fois que je remarque que la vérité prend un caractère d'évidence que l'on ne réfute que parce qu'on s'y refuse déraisonnablement. Je crois que les arguties ne valent jamais, chez un esprit sain c'est-à-dire désentravé largement des préjugés, la force de ce qui apparaît d'emblée comme juste – mais c'est bien souvent un prétexte, il est vrai, pour se contenter de justifier le préjugé et ses seules apparences de clarté.

Néanmoins pour l'heure, je vais laisser parler le moi enthousiaste, le moi sociable, le moi qui n'a pas encore abandonné toute espérance, pas trop longtemps tout de même car tout ce qui vient sera à réécrire, à désavouer, à discréditer, je le sens, et j'aurai tôt ou tard à regretter cet épanchement qui n'est qu'une négation de l'inéluctable ; il me faut faire court, puisque ce que je vais exprimer ici est un mensonge de l'après : j'ai seulement conscience qu'à présent je ne veux pas avoir tort. Mais est-ce qu'un homme qui se sait mortel doit cesser d'en appeler à sa vitalité ? La mort viendra fatalement le prendre, il le devine, il en a la prescience, mais son corps continue de nier la mort qu'il reconnaît évidente et son maître ; et moi aussi je vais taire pour l'instant ce soupçon inexorable, cette « mort », qui me poussera finalement à l'isolement. À quoi il faut conclure que je n'ai pas tout à fait renoncé à être humain, n'ayant pas encore renié, comme on le voit, mon désir naïf de « communiquer ».

Il « faut » dire et donner : je ne puis l'exprimer autrement, c'est seulement un impératif provisoire en moi, je perçois l'évidente faiblesse de cette tournure qui n'explique rien – c'est que je ne me sais pas raison, et ce que je veux n'est pas ce qui est – ; qu'on me pardonne de ne pas argumenter et convaincre. Je pourrais, pourtant, être aisément semblable au vieil homme très sage et très solitaire qui collectionne des images et qui, obstiné à ne pas les montrer, les regarde patiemment, les cache et en fabrique d'autres pour lui seul. J'écrirai un jour peut-être cet autre récit d'un homme de génie qui inventa une machine à user du temps à sa guise, et qui, après avoir été chassé de son université sous un prétexte minuscule, conserva son invention par devers lui jusqu'à ce qu'on vînt le chercher dans sa retraite où les policiers virent... bien des choses, pour ceux qui ont pu revenir les raconter. Il aurait fallu que le savant s'efforçât de pardonner, qu'il parvînt du moins à trouver le recul de ne pas tenir compte des jalousies ridicules, des médisances si banalement dues aux malentendus de ceux qui s'en tiennent toujours à de vagues approximations et ne demandent jamais à être éclaircis, et des critiques méprisables du monde qui complote et conspue, ne sachant rien des efforts qu'il faut pour porter une vision, ayant abdiqué tout effort dont il ne perçoit que l'effet pour la carrière et pas même pour la gloire. Il aurait fallu que ce savant eût la force de se considérer supérieur sans outrepasser seulement ce désir de découverte et cette connaissance de lui-même, qu'il dédaignât assez, certes, tout avis extérieur. Un tel esprit ne devrait pas avoir besoin qu'on le félicite, il ne lui faudrait sentir que la nécessité pour lui de pouvoir continuer à chercher. C'est la seule satisfaction qui lui permette de n'être jamais déçu : ne compter que sur soi, pour le plaisir aussi.

« C'est fort bien, écrivais-je tout récemment à ce sujet, que je n'aie jamais rencontré le succès : cela me libère du bon-marché des quêtes de sympathie, ainsi que de toutes formes de dépendances et d'accoutumances à autrui. » J'ai ainsi, je trouve, bien creusé le fond à ne pas me contenter d'écumer la surface (c'est peut-être justement que mon premier verre était déjà trop dense : il ne faut pour le triomphe d'aujourd'hui que des mousses aussi vides qu'aérées c'est-à-dire pleines de bulles sans matière – et qu'importe même si ma substance ne valait pas encore assez et pour des raisons que j'ignore : c'est toujours si bon de pouvoir cracher, sans le moindre scrupule, dans mon propre tonneau !).

Chercher donc, découvrir un peu – il y a un sens humain, mais largement ignoré des hommes je le crains, pour s'apercevoir qu'on découvre : je cultive et affine ce sens pour sentir quand j'approche d'une révélation et ainsi m'attarder sur ce seuil jusqu'à ce que je trouve –, et aussi « rendre compte » : car, au fond, exposer ses inventions est un acte facile, ça ne prend guère de temps et ça permet de les synthétiser – on fait même parfois de nouvelles découvertes à tel exercice. Il ne s'agit que d'un peu « rétrograder à portée » en recouvrant provisoirement le langage des profanes qu'un esprit bien savant ne saurait tout à fait oublier ; tous les trucs d'aujourd'hui sont dépassés, certes, toutes les modes actuelles ne reposent que sur des lenteurs d'esprit et des paralysies plus ou moins volontaires de facultés (quand paradoxalement le vieux langage précis que nous utilisons, nous autres, semble devenu obsolète alors qu'il énonce avec fulgurance l'avenir), mais il n'est pas impossible, même quand nous disposerions mentalement d'une sorte de « connexion wifi », de communiquer encore la même quantité d'idées en Morse et par télégraphe : c'est seulement plus long et impatientant. Certes, c'est sans doute à chaque fois un retour en arrière cuisant et dont le progrès pénible est exaspérant, et j'éprouve, toutes les fois que je communique avec mes contemporains, cette sensation d'inertie et de pesanteur étrangères : c'est que j'oublie toujours quelque peu comme on « pense » de nos jours, c'est-à-dire comme on ne pense pas en individu et en raison. Il me faut longtemps pour retrouver la langue des hommes de mon temps, je m'efforce alors d'être efficace à être entendu, mais c'est une patience qui ne touche que rarement son but, à savoir : transmettre quelque chose, parce que je parle toujours un peu la langue de mon pays avec un accent étranger, et comme cet accent se perçoit et que les usages sont réduits à s'accommoder de son compatriote, on se méfie de moi et me cherche des objections ridicules, et tout se termine bientôt d'un « brisons là » où mes tentatives n'ont pas accouché de l'ombre d'une reconsidération d'idées préconçues : j'espérais des raisons pour m'éclairer un peu, aucune n'est venue, notre siècle n'étant pas même capable d'identifier et de produire des arguments, et je n'ai finalement rien appris – ce n'est pas faute de bonne volonté, pourtant.

Mais il n'y a peut-être pas lieu de s'inquiéter que des avancées même majeures soient incomprises, même de beaucoup d'hommes, même de la plupart : voilà ce qui doit faire toute la consolation du chercheur qui aurait tort de se donner pour mission, après tout, de réformer tous les esprits de son époque. Mais du moins, que de pareilles publications de réflexions soient produites selon un mode qui vérifie que chacun, avec un certain effort, peut les comprendre ; car enfin, il existe des malentendus qui paraissent provoqués par le fait même de ne pas vouloir être entendu, et par exemple la littérature de Mallarmé à quoi toute mon expertise pourtant assez éprouvée, pour ne pas dire étendue, me rend toujours incompétent. Qu'un don, qu'un échange, qu'un partage, pour se faire proprement dépendît intrinsèquement de la qualité du receveur, voici qui ne saurait souffrir aucune contradiction, mais qu'un tel cadeau fût rendu indécelable par la façon dont le donneur se présente et s'exprime, c'est une maladresse et peut-être une faute dont celui qui agit pourrait au préalable rien qu'un peu s'inquiéter ! Je veux dire que quand on s'adresse à quelqu'un, même avec un accent ou une expression étrangère, on peut veiller tout de même à se renseigner sur la langue de son interlocuteur et lui indiquer les traductions par lesquelles on sera entendu.

C'est cet effort harassant qui constitue peut-être, en vérité, tout le mérite de l'écrivain et particulièrement de son parangon le poète : que chacun au monde « se sente » une « idée », c'est-à-dire un semblant de génie, ne signifie pas qu'il soit pourvu de la moindre chose ni même d'une individualité, et la plupart se croient singuliers sans être en mesure d'expliquer pourquoi et par où ; ceci ne vaut rien : vantardise. La littérature consiste justement à parvenir à expliciter l'individu ou ses idées, c'est-à-dire à donner naissance, à « mettre au monde » le réel unique ; se savoir un génie muet ne signifie rien en tant que le génie ne se situe exactement qu'à savoir l'exprimer – d'où les éternelles questions de « mode » de la transmission, de style, de sonorités, de figures propres à rendre non seulement une identité d'écrivain mais aussi la compréhension de ses découvertes. Un grand auteur aussi bien qu'un savant admirable est quelqu'un qui place des mots sur des phénomènes qui n'en avaient point jusque-là, phénomènes qui échappent peut-être à notre perception ou à notre mémoire faute de mots justement pour les cristalliser : c'est peut-être à peine, selon ce processus, si la découverte vaut mieux que sa conscientisation (qu'on me pardonne ce mot), et même en l'explorateur, par le langage ; j'entends par là que si toute nouveauté est déjà dans le réel et qu'il ne suffit que d'y « jeter et appuyer l'esprit », alors c'est la façon dont on se forme cette nouveauté en son esprit – par le langage, donc – qui constitue la trouvaille et le génie, l'objet, au fond, étant à disposition de tous depuis l'éternité.

C'est pourquoi le génie n'existe qu'à l'état de preuves : c'est si triste, après avoir écrit cela, de penser que les preuves qu'on s'efforce de fournir peuvent fort ne jamais être entendues, particulièrement dans un environnement de sottise et de légèreté ! Voilà en quoi une société démocratique n'obtient que les génies qu'elle mérite, c'est-à-dire : uniquement ceux qu'elle est capable de comprendre et de plébisciter. Il y faut une majorité capable de distinguer, ainsi que cette intuition diffuse mêlée de curiosité que j'ai déjà mentionnée et qui fait reconnaître l'abord d'une pensée de grandeur et vraiment neuve, même incomprise : cette faculté ne se rencontre plus, ou du moins insuffisamment pour répandre la « bonne nouvelle » et la « légende », sans parler encore de cette ambition impersonnelle en faveur de l'homme, de cette préoccupation vaste et généreuse, nécessaire, et consistant à désirer le progrès des connaissances humaines et à y contribuer avec ardeur.

Ah ! il faut bien de l'obstination à un alchimiste – qu'il s'agisse de sympathie ou de condescendance –, compte tenu de l'ouverture actuelle de la société dans son ensemble et de sa si faible assiduité à l'effort, pour tâcher de se mettre à sa portée : jamais sans doute les génies, si rares, n'auront été simultanément aussi grands, du moins aussi épuisés de tentatives vaines ! Et s'imaginer encore la désespérance que c'est pour eux de constater combien sots sont ceux qui passent pour des guides et qu'on loue, étant seuls acceptés par la si piètre compréhension contemporaine ?

Mais alors, vraiment ? se mettre à la portée des sots ? et même du plus sot peut-être, en toute logique ? Et écrire sottement, alors, pour en être accessible ?

Non pas, mais il faut, du moins, aller vers l'autre autant qu'il le mérite par sa disposition à venir vers vous, et s'il ne vaut généralement pas grand-chose, ne point le décourager par vice ou par principe, ne point l'estimer d'office incapable d'entendement, lui offrir une chance (c'est un bon moyen ensuite pour mépriser à bon droit celui qui n'a pas essayé) – et lui laisser toutes les clés. Et ces clés, qui n'ont pas nécessité à paraître de médiocres pis-aller de vulgarisation (c'est qu'il faut aussi avoir le recul de percevoir en toutes sciences combien terminologies et verbiages sont volontiers pompeux et ésotériques : un jargon, au fond, est toujours une façon de raccourci... souvent même de la pensée !), se fabriquent ni plus ni moins à l'aune des facultés de l'esprit humain qu'on devine en soi-même : ainsi, se juger serrure soi-même, et puis s'arranger de telle sorte que l'outil puisse coulisser dans n'importe quel trou possédant les propriétés d'une serrure. Ne pas forger, par exemple, des clés-disques ou des clés-pieds de chaise à dessein de feindre ensuite la mauvaise facture des serrures de son temps qui ne s'adaptent pas à cet instrument bizarre ! Il faut des mots qui s'insèrent, en somme, qui soient d'une matérialité reconnaissable, qui réfèrent au connu suivant une manière qui correspond encore au système d'une pensée préexistante – autrement dit d'une serrure normale –, et ne pas jouer à tout prix les aliens incompris ! Une acclimatation tout au plus, un biais universel qui vient à bout de toutes les portes, et, peut-être, un procédé de fonctionnement insidieusement forcé, à la façon d'une clé capable de chauffer à blanc et qui pourrait faire fondre toute serrure où on la met assez longtemps pour ouvrir des panneaux qu'on croyait seulement expugnables par des disques ou des pieds de chaise. C'est – qui sait ? – le remède ultime pour venir à bout de toutes les forteresses de l'intelligence, de tous les cadenas de la conformité et du confort : proposer un trousseau qui, utilisé avec juste de l'intérêt et de l'assiduité, déverrouille peu à peu tous les loquets paralysants de l'esprit.

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