L'escapade des amants
C'est un logis ancien loué pour la semaine.
Ils se cherchent d'abord en tendre hésitation,
N'ayant jamais vécu cette situation :
Être libre en s'aimant ? L'impression d'une scène.
La maison un peu vaste est pour eux un domaine
Élevé sur la Creuse où des générations
Ont veillé et grandi – un goût de transmission
Les attire hors du temps de familles lointaines.
Le premier soir unis, en ce pays de Brenne
Déserté par le siècle, ils font conversation
Et défigent leur rôle et leur fascination,
Retrouvant la douceur de leur confiance pleine.
Puis les marches, les jeux de leurs mains, les fontaines,
Exercent sur leur corps d'allantes suggestions ;
Les dîners à l'auberge en fine distinction
Convertissent leurs nuits en des désirs obscènes.
***
Ils ont enfin compris que leur isolement
Est le lieu idéal d'un grand dévergondage :
Sur un vieux lit d'alcôve, il la prend avec rage,
Elle consent à tout, se donne entièrement.
En promenant elle a, sous des arbres charmants,
De féroces visions, de cette ardeur sauvage
Qui lui monte en chaleurs, réclamant des outrages,
Et qui fait les plaisirs de son puissant amant.
Comme un jour le Berry les retient un moment
À la fenêtre ouverte au tout dernier étage,
Elle lève sa jupe et, devant le village,
Il la baise avec force silencieusement.
***
Ainsi s'écoule l'heure, en bonheurs, par myriades,
En appétits violents et en sérénités ;
Ils connaissent en couple une ample intimité
Dans les voix de leur sexe et de leurs promenades.
Tantôt vifs ou profonds, comme Sand, comme Sade,
Confondant leurs passions, debout ou alités,
Ils pressentent la fin d'une réalité
Qui ne devait durer qu'une brève escapade.
***
Alors vient l'adieu : ne pas s'appesantir,
– Un pareil alibi n'est pas renouvelable –
Essuyer les regrets qui gouttent sur la table ;
Un baiser. Un aveu. Il est temps de partir.
Écrit le 21 juillet 2020. Publié le 27 septembre 2020.
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