État second - making of

Toute la passion subjugante de la sexualité pour l'homme consiste, selon moi, à observer comme une femme peut radicalement quitter son rôle social et devenir, n'en déplaisen à ces « féministes » qui y voient une dégradation, une sorte d'objet irrationnel de plaisir, un abandon aux instincts les plus violents, un oublieux et béant appel de jouissance et d'orgasme.

L'électrique montée pulsionnelle sur sa peau et dans ses reins, l'affolement délicieux de son souffle comprimé où reste d'abord un reste de crainte, la progression fiévreuse et entêtante d'idées perverses, les représentations épanouies en sa pensée de certains outrages où elle est psychiquement active, notamment l'idée ardente, furieuse, obsessionnelle, d'être multiplement prise, employée et remplie, jusqu'à l'annulation presque totale du contrôle de ses réactions où elle aspire à n'être plus que docile et à suivre les incitations qu'on lui présente, constituent un chavirement profond de ses retenues ordinaires vers un plein épanouissement de lubricité. C'est un gonflement charnel intérieur qui s'empare d'elle, bourgeonnant d'impudeur, qui l'incite à tous les frottements, à toutes les exhibitions, à toutes les soumissions où elle peut, cependant, indiquer par quantité de poses exaltées comme elle consent et s'induit en quelque sorte fertile et féconde. Ses effets de cambrures alors, ses provocations buccales, ses incitations de main à des poussées dures et lointaines, sans compter tout ce qu'elle dissimule ou ignore de luxures auxquelles elle adhèrera sous l'initiative mâle, poignets, chevilles, cheveux et gorge, tout ce qu'on peut rougir en elle au-delà de l'effort naturel mêlé de honte rosissant ses joues, ainsi que les dominations de corps et d'invectives qui contribuent à la complétude d'un total abandon de tête, participent à fasciner l'homme d'altérité et d'indécence surprenantes et à motiver ses gestes en une sorte de compétition quasi sportive qui entretient et accroît le désir de contempler cela : l'animale.

Il ne peut entièrement savoir, pourtant, tout ce que contient de féminine extase cette pure libération de mœurs, ne se doutant pas des effets irrésistibles d'un organisme interne lubrifié et enflé, bien préparé et avide de contacts réitérés, obstinés et d'une submissive dureté, ne sachant rien au juste des interconnections bizarrement galvaniques, physiologiques presque, en tous cas largement fantasmatiques, entre les orifices ourlés par lesquels on peut l'investir, ni n'anticipant avec psychologie, en général, la façon férocement cruelle, et d'une injustice mêlée de rancune, dont les agacements et écrasements, longs et variés, que le mâle impitoyable a alors la puissance de lui infliger, provoque en toutes ses ouvertures une gratitude qui tient presque de la vengeance inassouvie. Il est en effet un haut période de folie monstrueux où rien que le contact des genoux sur un support, que le maintien des membres en tel étirement contraint, que la masse d'un torse pesant sur les seins ou d'un corps appuyé en soi, multiplie les appels à combler impossiblement une frénésie effrénée, et si l'amant, non seulement régulier et solide mais observateur et vicieux, parvient à accompagner cette sensation d'emballement infini et à nourrir cette moiteur exotique d'une volonté d'activité excitée, énervée et transpirante, alors il obtient tout ce qu'il désire, la fait agir exactement à sa guise, elle n'est plus qu'un pantin épuisable et possédée entre ses mains et sous ses mots, il n'a tout simplement qu'à ne pas la laisser en torpeur et à l'imbriquer sans cesse d'une manière nouvelle qui l'oblige à être à sa merci sans demeurer en repos. Le plaisir qu'elle trouvera à la multiplicité d'emboîtements vertigineux lui fera concevoir la satisfaction simultanée d'une farouche multiplicité d'amants, et renouvellera, par quelque esprit ardent de prostitution, les plaisirs de corps maltraité. Elle constatera enfin que la sexualité est une espèce de compétition de performance, que les plaquements rigoureux et les corrections fermes qu'on apporte à la forme de son corps contribuent à la mouler et à la diriger selon une gymnastique extrême qui a ses règles viriles ainsi que ses prouesses palpables et mesurables.

Il n'est d'ailleurs pas tant nécessaire que l'homme ait envers elle des « égards » : il suffit de garder de méticuleuses et froides attentions aux endroits réactifs des stimulantes positions de l'éprise, de l'examiner comme une créature qu'on allume par gestes et désirs dominateurs, de conserver l'attitude fiablement scientifique du forgeron expert à chauffer à blanc à certaines températures efficacement calculées et corrigées, sans pourtant se départir de son regard d'acier, inflexible d'intentions supérieures, conscient de son pouvoir et sûr de sa maîtrise finale sur ce matériau ductile – plutôt que de s'en remettre à l'inspiration du moment selon celle qu'il croit détenir et tout ce que l'amour individuel peut lui inspirer. Car c'est pour lui-même qu'il affole et pénètre, car c'est ce spectacle d'un fléchissement qui excite sa puissance, sans quoi tout acte sexuel est une misère pas même d'une certaine beauté. L'unique profit de cet effort corporel, si l'on excepte la procréation, c'est l'entretien d'une mentalité de surhomme et de surfemme que réveille le sentiment orgueilleux d'un contrôle, ce contrôle issu de la perte même, momentanée et étourdissante, de contrôle au sens émotionnel et social.

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