Brève complainte du temps des professionnels - making of
Le vice de notre temps est sans aucun doute le contentement : chacun se médiocrise à la mesure commune. On prend pour référence un être normal qui est en-dessous d'un homme, bien en-deçà de la capacité humaine, et on se limite à son imitation, sans excès pour ne pas se reprocher d'avoir été la dupe de ces gens pour qui on aurait travaillé : « Surtout pas d'heures supplémentaires ! Ne laisser personne avoir des privilèges sur moi en termes de labeur ! S'en tenir à la portion congrue ! Pas davantage que n'importe qui ! c'est mon droit ! » Se contracter ainsi sur ses acquis, qu'on défend comme un service rendu à soi-même. N'accorder ses efforts qu'à continuer de n'en pas rendre. En rester, pour toute réflexion, à des proverbes sociaux. L'absence d'idéal prévaut, le refus d'envisager un au-delà. Tout est planté là comme un destin trivial. On ne se compare jamais avec des possibles. On est au milieu d'une foule à laquelle on tâche à ressembler. On veille à ne pas déparer ; on n'a nulle parure. Le présent est enfermement et conformité. Respect pour une vision parcellaire du réel, le réel du confort et de l'adhésion. Valeurs unanimes : ne point chercher de valeurs alternatives. Être banal représentant du temps, adapté à l'époque, et s'en féliciter. Un Contemporain comme les autres, avec d'infinitésimales différences pour se vanter in petto de son originalité. Une personnalité infime, avec de simples et superficielles nuances au modèle, au standard. Tout cela se justifie par le « contexte » : l'environnement fait l'homme. Une copie. Pas d'individu. Fin de l'identité : le citoyen moderne comme un rôle passablement économe. Ne jamais véritablement réfléchir en-dehors du constat.
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