Tu n'es plus là où tu étais, mais tu es partout là où je suis

Parce qu'un auteur n'a généralement pas qu'une façon d'écrire, j'ai décidé de vous dévoiler cette partie de ma plume bien plus travaillée que sur mes autres projets.

J'ai mis plus de six mois à écrire cet OS, entre recherche d'idées et manque de temps, mais j'en suis enfin venue à bout.

"À nos Soupirs sous la Lune" n'est pas une histoire dans laquelle vous devez vous attendre à trouver une leçon de morale, elle est simplement une histoire d'amour inventée qui, je l'espère, saura vous faire voyager. Et à celles et ceux qui le voudrons, je vous laisserai jouer la playlist des musiques qui m'ont accompagnée tout au long de l'écriture que vous pouvez retrouver juste ici :

https://open.spotify.com/playlist/3da1w8zc1f5py6zjr6rxJU?si=M5ruAh6yRL-Y4SQ56q5QTA&utm_source=copy-link

En vous remerciant par avance de me lire ♡

Aujourd'hui, un oiseau s'est posé à côté de moi, sur ce vieux banc fait d’un grand tronc d’arbre sur lequel j’avais l’habitude de me reposer depuis mon plus jeune âge, après avoir joué pendant des heures dans la rivière qui trace son chemin, le long de la forêt en face de chez moi. Cette fois-ci, je m’étais seulement assis sur la berge en laissant mes pieds meurtris par mes chaussures abîmées flotter dans l’onde glacée. Il faisait chaud, la chaleur de la belle saison dans le sud de la péninsule pouvait être réellement handicapante par moments. Je venais tout juste de terminer ma journée de travail aux champs, et, la sueur faisant coller mes vêtements à ma peau tannée par le soleil d'été, j'observais avec attention la nature qui me faisait face dans un silence apaisant. 

J'y étais resté jusqu'à ce que les rayons finissent de lécher mon épiderme bouillant, et que le ciel ne se teinte de pourpre et d'orangé, accompagnant l’arrivée des nuages, qui avaient rendu l'atmosphère étrange et pourtant si agréable en cette période de l'année. J'aurais voulu m'assoupir et passer la nuit sous les étoiles comme je l'avais fait de nombreuses fois, mais il s'était tout à coup mis à pleuvoir ; vous savez, ces fameux orages diluviens qui font trembler les cieux et nourrissent la terre asséchée. Il avait fallu que je rentre en courant, manquant plusieurs fois de glisser alors que mes pieds dénudés s'enfonçaient dans la boue.

Mes parents avaient toujours trouvé étrange le fait que j'aime la sensation de la terre mouillée sur ma peau. Moi, j’y avais constamment vu un moyen de rester en contact avec l’essence même de la vie, et par la même occasion, d’avoir moins mal aux pieds qu’avec des souliers troués. 

L'averse avait duré une heure entière, je m'étais réfugié à la maison et c'est sous le regard amusé de ma mère que je m’étais installé devant la fenêtre pour poursuivre ma contemplation de ce paysage à présent déchaîné. 

— Tu as l'air d'un enfant, m'avait-elle dit d'un ton doux.

J'avais souris, enroulé dans ma serviette, les cheveux goûtant sur mon visage déformé par un sourire peut-être un peu trop grand. 

Lorsque la pluie avait enfin cessé, les millions d'astres peuplant la voûte céleste s’étaient révélés pour éclairer la nuit, et c'est seulement là que j'avais pu t'apercevoir. 

Tu portais cette veste bleue trop grande pour toi et te protégeais des dernières larmes du ciel sous un parapluie fatigué, t'amusant à attraper les hautes herbes qui bordaient la route et ployaient sous le poids des gouttes d'eau. Je te voyais rire lorsque tu cueillais l'une d'elles et que le petit chien qui t'accompagnait tentait de l'attraper, sans succès. J'avais ri avec toi sous les regards curieux de ma famille qui préparait le dîner dans la cuisine. Et je ne sais si c'est parce que j'avais ri trop fort, ou que tu avais senti le poids de mon regard sur toi, mais tu avais tourné la tête à ce moment-là.

Il faisait bien trop sombre pour que je puisse discerner la couleur exacte de tes yeux ou même les traits de ton visage, mais j'avais su que les émotions qui traversaient tes prunelles d’ocre étaient les mêmes que celles qui secouaient mon corps à cet instant.

Ce fut bref, aussi rapide qu'un battement d'ailes, mais j'étais sûr qu'à partir de cet instant nos routes se recroiseraient. 

Tu avais ensuite repris ton chemin pour t'évanouir dans la pénombre alors que j'imaginais le bruit de tes pas sur l'asphalte, et gravais l'image de ton regard dans ma mémoire. 

Depuis cet instant, chaque jour qui passait semblait être une éternité à présent.

Sans même le savoir, tu avais chamboulé mon quotidien. Lorsque je prenais le chemin du retour, au crépuscule, toutes mes pensées restaient tournées vers toi. Vers ton regard indiscernable et ton sourire de ce soir-là.  J'espérais te croiser au milieu de la brousse de notre petite campagne, mon regard cherchant la moindre trace de ton passage. Sur l'herbe grasse et verte, dans la terre meuble après le passage d'une averse ; j'attendais que tu daignes à nouveau te montrer.

Une rumeur s’était mise à circuler, selon laquelle des gens de la ville ayant perdu leur travail s'étaient installés dans le village voisin, une poignée de semaines plus tôt. Mon cœur avait battu la chamade à l’entente de cette nouvelle, et je me doutais qu'il ne pouvait s'agir que de toi. 

Malgré tes vêtements usés, tu m’avais donné cette impression que tu ne venais pas d’ici. Ton aura dégageait quelque chose de particulier que je n’aurais su expliquer. Alors je tendais l'oreille pour saisir des bribes de conversations, lorsque je me rendais au marché pour aider ma mère à vendre les légumes, chaque mercredi, dans l’espoir d’en apprendre plus sur ce citadin au sourire particulier que tu étais.

Mais je n’avais jamais été aussi surpris de ne rien entendre de plus que ce groupe de mots vous désignant, toi et ta famille. 

"Les gens de la ville”.

Nous, les paysans, ne voyions pas les citadins d’un bon œil. Et même si le bonheur était souvent à portée de main ici, notre niveau de vie n’égalait en rien celui de ceux vivant dans les hautes tours et les beaux quartiers résidentiels des grandes villes, alors la jalousie était souvent de mise.

— Jungkook, tu veux bien aller remplir un seau d’eau s’il te plait ? 

— J’y vais !

Le gravier crissait sous mes pas lents, tandis que je me saisissais d'un seau en bois afin d'aller le remplir à la source qui coulait non loin de là.

J'avais seulement dix-neuf ans, mais mon corps appelait souvent à l'aide. Ayant aidé d'aussi loin que je me souvienne ma famille dans les champs, mon dos craquait quand je me baissais pour plonger le récipient dans le petit courant à la fraîcheur appréciable. M'arrachant une grimace douloureuse la plupart du temps.

Puis les jours avaient encore passé.

Je n’avais jamais été pessimiste, mais avancer dans le vide me rendait patraque. Il m’avait semblé que te voir passer devant chez moi avait été une chance, un coup de pouce du destin, et que c'était maintenant à moi de le provoquer et de venir à ta rencontre.

Je me demandais si ta voix était aussi mélodieuse que les fragments de ton rire que j’avais tenté d’imaginer, et ta peau aussi douce qu'elle était pâle.

Un mois s'était écoulé sans avoir plus d’informations, alors j’avais décidé de me rendre dans le village qui se situait à quelques kilomètres d’ici. La chaleur était suffocante, je portais ce vieux sac sur le dos, rempli seulement d'une gourde cabossée et de boules de riz fourrées à la pâte de haricots rouges ; mes préférées. Il m'avait fallu deux heures entières pour arriver sur la place où trônait une fontaine érodée, qui continuait de faire couler un mince filet d'eau. Des enfants se chamaillaient en se lançant ce même liquide glacé, et un chien somnolait à l'ombre d'un arbre, peu gêné par le brouhaha ambiant. 

Et puis, je m’étais rendu compte que ce petit chien aux longs poils était le même que le tien. J'avais longuement souri en le regardant dormir et m'étais finalement approché pour lui offrir quelques caresses ; il était d'une douceur qui m'était inconnue. Lorsqu'il avait redressé la tête, ses petites billes noires et pétillantes m'avaient fixé avec calme ; j'aurais juré qu'il avait compris la raison de ma présence ici. Le vent s'était alors levé, aussi brûlant que l'atmosphère, rendant l'air presque irrespirable. Puis une ombre s'était allongée devant moi, le chien s'était levé en jappant de bonheur.

Et je m’étais noyé dans ton regard.

Tu avais ce sourire collé sur les lèvres alors que tes mèches couleur de jai volaient au vent capricieux qui fouettait nos visages, et ta peau à présent tannée par le soleil. Je me souviens que tu m'avais salué sans dire un mot, te contentant de me fixer avec cette pointe de curiosité qui se baladait au fond de tes grands yeux sombres, presque aussi noirs que la nuit. La fin du monde même n'aurait pu séparer nos regards en cet instant. Suspendu dans le temps, comme une scène de film qu'on aurait stoppée, trop irréelle, si touchante qu'on aurait peur que la suite soit moins belle que ces doux instants construits sur le fil de nos vies.

Sans aucune raison, j'avais eu envie de te serrer au creux de mes bras. L'expression si douce de ton visage m'apparaissait comme un songe, une image doucereuse qui n'attendait que d'être saisie pour qu'on lui insuffle la vie.

Je me fichais à présent de l'astre qui brûlait mon épiderme ; les bouffées de chaleur qui m'assaillaient à cause de tes prunelles explorant les miennes étaient bien plus puissantes qu'un passage au cœur de l'enfer. Il me semble qu'à ce moment, nous nous cherchions sans vraiment réussir à nous trouver, n'esquissant pas le moindre geste, hésitants à l'idée que tout pouvait prendre fin si rapidement. Sûrement avions-nous peur de faire fuir celui qu'on avait tant espéré revoir. 

Je ne croyais pas forcément au destin, ni au coup de foudre. Mais je devais admettre que tu étais l’exception à la règle. Celui qui brisait les codes que j’avais établis et mes croyances forgées depuis des années. Je n’étais même pas sûr que ce que j’étais en train de vivre était réel ; tout semblait bien trop onirique.

Et tu paraissais irréel.

Tu m’avais souri, te baissant pour prendre la boule de poils contre toi avant d'esquisser un léger mouvement de tête pour m'indiquer de te suivre. Alors tu avais tourné les talons dans la direction opposée, là où les champs s'étendaient à perte de vue sur l'horizon brouillé.

Tu m’avais emmené jusqu'à une vieille balançoire, accrochée aux branches d'un grand chêne solitaire. Ses feuilles étaient magnifiques, ondulant sous les caresses du vent. J'avais senti que tu m'observais tranquillement alors que je m'émerveillais de pouvoir me tenir dans son ombre, qui nous épargnait le supplice du cagnard environnant. Je m’étais imaginé grimper à son sommet pour pouvoir contempler les vastes étendues alentour, et je t'avais entendu glousser dans mon dos, comme si tu avais deviné le fond de ma pensée.

J'avais souris bêtement, puis je m’étais tourné vers toi pour constater que tu t’étais assis sur la planche en bois usée retenue par deux cordes, tout aussi ternies par les éléments.

— Je pense que tu pourrais le faire, avais-tu murmuré en commençant à te balancer doucement.

Mon sourire s'était encore agrandi ; tu m'avais offert ton timbre de voix pour la première fois.

J'avais alors enfoncé mes mains dans les poches de mon short et m'étais adossé d'un air nonchalant contre le tronc rugueux du maître des lieux, sans te quitter un instant du regard.

Je ne le montrais pas, mais mon cœur dansait dans ma poitrine, prêt à s'échapper. 

— Je suis un trouillard.

Tes orbes couleur charbon s'étaient alors agrandis sous la surprise - comme si c'était surprenant, avant que tu ne reprennes l'expression indéchiffrable dont toi seul avait le secret.

— Pourtant tu es venu me trouver.

Ç'avait été à mon tour d'être surpris. J'avais senti mes joues se teinter d'une couleur qu'elles n'avaient pas l'habitude d'arborer, et j’avais eu envie de m'enfoncer six pieds sous terre pour me soustraire à ton rictus amusé. Depuis ce moment, ce petit coin secret était devenu nôtre refuge, un endroit qui rassemblerait bien plus de souvenirs que nous n'aurions pu l'imaginer. Souvent, nos sorties se résumaient à des balades silencieuses, des siestes en plein air et de longues conversations ponctuées de rires gais. Un soir de fin d'été, alors que je rentrais couvert de terre séchée et que le soleil dardait encore quelques timides rayons sur la campagne, tes mains s’étaient posées sur mes yeux et tu avais pris une voix d'enfant en susurrant à mon oreille :

— Devine qui c'est ?

Tu avais ensuite gloussé et tes mains avaient quitté mon visage alors qu'un sourire étirait mes lèvres gercées. Yeontan te suivait de près. Ce petit poméranien me fascinait, parce qu'on aurait toujours dit qu'il était heureux. En fait, je crois que je pouvais le comprendre, t'avoir comme ami était comme un remède aux mauvaises humeurs. 

— Qu'est-ce que tu fais là ? t'avais-je répondu.

Tu avais plissé les yeux, retroussant ton nez aux proportions aussi agréables que les traits de ton visage, et un brin de malice s'était glissé au fond de tes iris obscurs. Tu t’étais mis face à moi, marchant à reculons, et lorsque j'avais aperçu ton vélo sur lequel étaient accrochés négligemment deux grands bouts de tissus, j'avais immédiatement compris.

— Il faut d'abord que j'aille me laver, t'avais-je dit en pointant au loin la maison de campagne où m'attendait ma famille. 

— Une douche naturelle avec cette chaleur, ça ne te tente pas plus ?

Sans attendre ma réponse, tu t'étais saisi de ma main, entremêlant nos doigts de façon à ce que je ne sois pas en mesure de te fausser compagnie. Et tu avais trottiné jusqu'à ta bicyclette, faisant onduler tes mèches charbon qui avaient bien poussé depuis notre première rencontre. Je m’étais de nouveau surpris à vouloir y glisser la main pour pouvoir me rendre compte de leur douceur, et pour la première fois de ma vie, j'avais rougi. Mon organe vital avait battu un peu plus vite dans ma poitrine.

Pour un homme.

Mais pas n'importe lequel.

— Où puis-je vous emmener, Monsieur Jeon ?

Après m'avoir lâché, c'est en m'offrant ta plus belle révérence, tout en indiquant ton vélo flambant neuf de la main, que je m’étais installé juste derrière toi et que le paysage à la tombée de la nuit avait commencé à défiler sous mes yeux de grand enfant. Je ne me serais jamais lassé de la beauté de la nature, et l'observer à tes côtés y ajoutait une touche encore plus douce qui enveloppait délicieusement mon cœur. 

J’avais doucement souris ; cette scène avait tout d'une de celles qu'on retrouve dans les romans d'amour : deux jeunes gens profitant de la vie sans se demander ce qu'il adviendrait du lendemain. 

Les bras enroulés autour de ta taille, que je pouvais sentir et deviner tout contre moi, j'avais un instant fermé les yeux pour me délecter de ce moment de répit total. J'avais tendu l'oreille et écouté avec attention la symphonie de sons qui me parvenaient ; du crissement des roues sur le chemin de gravier négligé, aux chants des oiseaux se préparant, pour certains pour la nuit, aux hululements lointains des chouettes. 

— Jungkook, on est arrivés.

Je m’étais frotté les yeux et c'est là que j'avais remarqué que je m'étais endormi - à présent couché dans l'herbe grasse qui formait un coussin agréable sous mon corps délassé, et dont la fraîcheur était appréciable. Tu avais à nouveau ri, penché au-dessus de moi tandis que je me redressais et observais les alentours baignés dans la pénombre environnante. 

J'aurais reconnu ce chêne entre mille. 

— Il faut accrocher les hamacs et allumer un feu de bois, viens m'aider.

C'est donc la tête encore embrumée que je m’étais levé et t'avais suivi. Nous avions tant bien que mal déplié ce qui nous servirait de lit et rassemblé du bois sec après avoir formé un cercle de pierres assez maladroit. Il faisait à présent nuit noire, et les étoiles semblaient bien plus abondantes qu'à l'ordinaire. 

Lorsque tout cela fût fini, tu avais sorti de ton sac une vieille lampe à huile et m'avait à nouveau demandé de te suivre, un petit sac sur le dos. 

Après quelques minutes de marche, un cours d'eau dans lequel se reflétait la lune s'était offert à nous. Sans une seconde d'hésitation, tu avais retiré tes vêtements et t’étais jeté dans l'eau. Je t’avais vu disparaître un instant sous la surface troublée, puis réapparaître avec un sourire tapageur.

— Viens, qu'est-ce que tu attends ?

Comme hypnotisé par ta voix, j'en avais alors fait de même et t'avais rejoint. Le liquide n'était pas glacial lorsqu'il avait accueilli mon corps, mais pas extrêmement chaud non plus. Il m'avait fallu quelques secondes pour m'en accommoder, et tu étais resté à un ou deux mètres de là pour m'observer.

Je me sentais mis à nu sous ton regard, et heureusement que l'obscurité empêchait de discerner clairement la couleur qu'avait pris mon visage. Lorsque je m’étais retourné vers toi, tu n'étais plus qu'à quelques centimètres de ma silhouette.  Et quand tu avais reculé, j'avais juré voir la voûte stellaire se refléter dans ton regard. Je t'avais souri timidement, puis tu avais continué de m'observer en gardant cet air indéchiffrable avant de lancer dans un souffle :

— Tu es magnifique, Jungkook, je peine à croire que j'aie la chance de pouvoir passer ce moment à tes côtés.

Tes mots avaient résonné mystérieusement, et mon cœur avait tambouriné dans ma poitrine quand tes mains étaient venues s'accrocher autour de ma taille, juste avant de murmurer cette phrase au creux de mon oreille :

— Ce soir est à nous.

L'instant d'après, tu avais resserré ta prise autour de mon corps et d’un élégant croche-pied, m'avait fait plonger la tête la première dans l’eau noire. Je m’étais rapidement vengé en attrapant tes chevilles et en te tirant vers l’avant sans te laisser aucune chance de te rattraper.  

Étrangement, lorsque tu avais ressorti la tête de l’eau, nous nous étions contentés de nous fixer sans rien dire de plus durant de longues minutes, avant de finalement recommencer à jouer comme des enfants, faisant s'envoler des gerbes d'eau sous le clair de lune dans une mélodieuse cacophonie composée de nos rires. Nos cheveux nous barrant la vue et dégoulinant sur nos peaux frissonnantes après plusieurs dizaines de minutes dans le courant, nous étions sortis pour nous sécher au coin du feu et nous raconter des histoires, sous le regard bienveillant des étoiles. Nous n’avions fermé les yeux qu’au levé du soleil, confortablement installés dans nos hamacs. 

Puis septembre était arrivé, et avec lui ses nuits rafraîchissantes.

L'été était terminé, emportant au loin nos balades nocturnes, les moments passés autour du feu à écouter la douce mélodie de ta voix grave. Je ne m'en étais aperçu que peu de temps après t'avoir quitté, mais je m’étais attaché à toi bien plus que ce qui ne m'était permis de le faire. Mais pour la première fois de ma vie, j'avais évité de me poser trop de questions intempestives, celles qui entravent notre bonheur et nous font passer à côté de bien trop de belles choses. J’avais encore la sensation de ton toucher, ce soir-là, sur ma peau humide. Des frissons qui m'avaient parcourus et avaient fait dresser les poils de mes avant-bras couverts de gouttelettes d’eau.

Tu me rendais fou.

Silencieusement, je perdais la tête quand ta peau frôlait la mienne. Que tu me souriais et m'accordait ton attention.

En deux mois, tu m’avais fait vivre l’équivalent de deux vies ; deux vies extraordinaires. Et j’avais terriblement peur que ce ne soit pas réciproque.  Je me posais donc la question, allongé sur les draps froissés de mon lit ; comment faire comprendre à quelqu’un qu’on éprouve ce genre de sentiments sans l’effrayer ? 

Je ne voulais pas t'effrayer, Taehyung.  Je ne voulais pas te perdre.

Parce que si jamais j'en venais à ne plus t'avoir à mes côtés, la vie n'aurait plus ce goût sucré que tu m'avais fait goûter cet été. Elle serait aussi amère qu'un jour de pluie sans tonnerre. Aussi glaciale qu'une bise hivernale. Sans toi, il n'y aurait plus de vie telle que je l'avais connue sous les feuilles du vieux chêne aux couleurs écrues.

Tu ne t’en irais pas, n’est-ce pas ? 

Je crois que mon cœur débordant d’émotions ne le supporterait pas. Il se briserait en des milliers de morceaux tranchants, impossibles à recoller. Tu étais la meilleure chose qui me soit arrivée depuis des années. Tout était trop banal ici, et bien que la vie n'était point pénible, je sentais que j’avais besoin de quelqu’un pour faire voler en éclat ce voile de tranquillité.

J’avais besoin de t’aimer. 

J’avais besoin de frissonner à nouveau contre toi. D’entendre ta voix me chuchoter les histoires les plus exaltantes que tu aies vécues, là-bas, lorsque tu étais encore loin de moi. 

Je ne voulais plus connaître les saisons en ton absence. 

C’est toi qui m’avais fait découvrir tous ces endroits sauvages dans lesquels nous nous étions épanouis, mais je n’avais pas eu le temps de te rendre la pareille. 

M’en laisserais-tu le choix ? 

Je crois que je n’avais jamais été égoïste, mais pour toi, je m’en laissais le droit. Tu me l’avais même dit, que la vie s’écoulait bien trop vite et qu’il fallait parfois être plein de soi. 

Le bruit d’un coup sur la fenêtre de ma chambre me tira de mes pensées emmêlées. Il faisait nuit noire, et même la lune ne nous honorait pas de sa présence, dissimulée derrière l’épais tapis céleste occultant qui était apparu bien avant la tombée du jour.  

Un sourire discret se forma sur mes lippes quand je me redressais lentement, sans faire de bruit, et que je venais ouvrir la fenêtre pour te voir t’y reposer et me fixer silencieusement de tes miroirs scintillants. La flamme de ma lampe à huile semblait y brûler, s’y refléter, danser avec l’oxygène qui la maintenait en vie. 

Ta main s’était tendue vers moi, et pas un instant je n’avais hésité avant de m’en saisir. La plante de mes pieds dénudés foulant le sol parsemé de rosée nocturne, l’air pur irriguant mes poumons et la brise léchant nos épidermes, nous nous étions enfoncés dans les ténèbres. Même aveugle, je pouvais te suivre sans craindre de me blesser ou d’avoir peur.

— Où est-ce qu’on va ?

— Là où les lumières s’envolent vers le ciel, m’avais-tu répondu d’un ton profond, nos doigts toujours étroitement enlacés. 
 
J'aimais cette façon que tu avais de tout mystifier sans forcément le vouloir, d'illuminer tes alentours même au cœur de nuits d'encre comme celle-ci. De faire ressurgir l'espoir dans ma poitrine tremblante et cette étincelle dans mes prunelles claires.

Solaire était l'adjectif qui te décrivait. De la pointe de tes cheveux d'obsidienne au bout de tes orteils chatouilleux. Tu rayonnais, et c'était beau. Si beau que j'en avais du baume au cœur. L'âme et le corps que tu m'avais dévoilés sans pudeur ne faisant que l'appuyer. 

Il était sûrement imprudent de dire que cette âme qui faisait vivre ton être était pure, mais je me risquais à le penser. Parce qu'à mes yeux, tu étais parfait. Tous tes petits défauts devenaient des qualités, puisque l'amour change le regard que l'on porte sur les autres. On en vient à devenir aveugles volontairement, pour parfaire une réalité déjà bien trop belle pour ne pas l'être encore plus.

Celle-ci était même si splendide que c’en était douloureux. 

J’avais l’impression que si je devais finir par me précipiter dans le vide, ma chute serait infinie et que je ne pourrais rien faire pour y remédier. Est-ce que j’allais finir par perdre la tête à tes côtés à cause du bonheur que tu me faisais ressentir ? Si c’était le cas, j'espérais égoïstement que je t’entrainerais avec moi pour pouvoir vivre la déraison en la meilleure des compagnies.  

Nos pas nous menèrent rapidement à travers la forêt et ses sols d’humus à l’odeur humide. Les cigales chantaient encore tant que le temps était agréable, masquant tous les autres sons alentour. Leur cacophonie était douce à mes oreilles, elle m’apaisait et me rappelait la chance que j’avais de pouvoir vivre entouré d’une nature en ébullition tout au long de l’année, des premières chutes de neige à l’éclosion des bourgeons habillant les feuillus. 

Nous paraissions minuscules au cœur de ce bois, tellement insignifiants qu’une bouffée d’adrénaline monta en moi, lorsque je me rendis compte que j’ignorais bien à quel point le monde était grand, et toutes les merveilles qu’il pouvait abriter. L’idée de m’enfuir à tes côtés pour les découvrir me frôla brièvement l’esprit avant que je ne secoue la tête.  

C’était complètement fou, mais si tu me le proposais je plongerais volontiers dans la démence de ce projet. 

Après une longue course, le souffle court, tu te stoppais devant moi.

— Ferme les yeux à partir de maintenant.

Sans me brusquer, tu me contournais pour poser tes mains délicates sur mes paupières d’ores et déjà closes - comme tu aimais tant le faire, et m’invitais à faire quelques mètres supplémentaires. Ton souffle brûlant se répercutait contre mon oreille, et j’aurais juré que tu souriais. 

— Fais attention, il y a une racine.

Je t’écoutais attentivement, levant davantage un pied après l’autre pour ne pas me faire faucher. 

— Ne les ouvre pas, attends que je te le dise. D’accord ? susurras-tu en t’éloignant, tes pas légers glissant sur le tapis de verdure qui avait remplacé la terre et la mousse des sous-bois à l’allure parfois inquiétante. 

Ici, l’air était moins saturé. La brise du début de l’arrière-saison faisait trembler mes lèvres tandis que je luttais contre l’envie dévorante de rouvrir les yeux, pour les poser sur ce que tu souhaitais tant me montrer. Un temps passa, et je ne t’entendis plus te mouvoir. 

— Maintenant.

Ta voix granuleuse et profonde m’avait fait sursauter et avait fait s’envoler des papillons dans mon bas-ventre. 

Ces papillons s’étaient transformés en lucioles scintillantes, qui s'élançaient vers le ciel par dizaines autour de toi. Formant un tourbillon de lumière, elles étaient comme de minuscules étoiles filantes à la trajectoire indécise. Et ton sourire, il était encore plus étincelant que ces centaines d'insectes bioluminescents. Je ne voulais pas qu'il disparaisse, tu étais si beau lorsque tu adoptais cette expression.

La froide réalité de ce monde finissait malheureusement toujours par nous rattraper, et elle avait agrippé tendrement de ses doigts osseux mon corps, pour le lester à nouveau de ses tourments, lorsque tes doux croissants de chair s'étaient mués en une ligne droite et inquiétante. Je m'agitais intérieurement, préoccupé à l'idée d'avoir fait quelque chose de travers. Maintenant que seule la lumière astrale nous couvrait de ses faibles faisceaux d'une pureté sans égale, je peinais à distinguer les traits de ton faciès qui s'assombrissait, telle cette clairière démunie de ses étoiles.

— Je redoutais ce moment, m'avouas-tu du bout des lèvres sans chercher à te rapprocher, me fixant de l'endroit où tu te trouvais, bien trop éloigné à mon goût.

Cette distance que tu avais créée entre nous m'effrayait, et j'avais peur de ce qu'elle pouvait signifier. Il était encore bien trop tôt pour les adieux, je craignais de t'en vouloir si tu partais trop précipitamment. Parce qu'il n'y avait qu'un pas qui dissociait l'amour de la haine. Ces sentiments coexistaient et ne pouvaient survivre l'un sans l'autre, comme la Lune avait besoin de la Terre comme repère.

— Je ne veux pas t'écouter, t'avais-je avoué à mon tour, à demi-mot.

— Sais-tu pourquoi je suis arrivé ici, il y a deux mois ?

Je détournais la tête, tes mots brisant mon cœur palpitant de douleur. Je savais la raison qui avait amené ta famille jusqu'à ma campagne reculée, tu n'avais nul besoin de me le rappeler.

— Les rumeurs sont vite colportées et la vérité souvent délaissée à leur profit. J'entendis un soupir s'échapper de tes lippes rosées avant que tu ne continues en cherchant mon regard fuyant. Alors peut-être ne l'as-tu jamais entendue, puisque c'est tellement plus facile d'écouter ce dont tout le monde est persuadé.

— Taehyung… 

— Mes parents n'ont jamais perdu leur travail. C'est eux qui ont décidé de venir ici. Je suis malade, Jungkook.

La nouvelle me fit irrémédiablement plonger dans tes yeux d'ocre, la peur y brillant trop puissamment. J'avais l'impression de sentir mes jambes vaciller presque imperceptiblement, comme si le vent balayait trop brusquement mon corps. Mais il n'y avait qu'une fine brise, à peine capable de soulever mes mèches tout aussi noires que les tiennes. Il m'était impossible de réagir, de savoir quoi faire ni les mots justes à t'adresser. Je n'avais jamais remarqué que tu souffrais, et c'est la culpabilité qui me cueillit après le passage de l'anxiété. Mes pieds dénudés ancrés dans le sol, je luttais contre l'envie de courir te prendre dans mes bras. De te serrer de toutes mes forces jusqu'à moi-même m'oublier.

— Pourquoi tu ne me l'as jamais dit ? t'avais-je lancé d'un ton si bas que je crus que tu ne m'avais pas entendu.

— Parce que je ne suis pas certain que les choses se seraient passées telles qu'elles l'ont été. J'avais peur de t'effrayer et que tu disparaisses d'un jour à l'autre

Contre toute attente, c'est toi qui amorças un pas dans ma direction. Incertain et maladroit, comme si je t'effrayais ou que j'étais une bête effarouchée. Nos actions se reflétaient, et peut-être même nos pensées. Nous voulions trop nous préserver, ce besoin coulant dans nos veines comme le sang nous maintenant en vie.

— De quoi souffres-tu ? 

Je te vis hésiter, te stopper et revenir vers moi en l'espace de quelques instants. Je ne te connaissais pas ainsi, hésitant et apeuré. Je redoutais ce que tu me dirais par la suite, ta façon d'être trahissant la même peur qui m'enveloppait à l'idée de te voir t'effacer. D'un autre côté, j'étais rassuré de savoir que toi aussi, le fait d'imaginer me perdre te faisait quelque chose. 

C'est seulement à de maigres centimètres de mon corps déboussolé que tu décidas de t'arrêter, créant volontairement la proximité qui faisait s'échouer mon souffle sur tes lèvres tremblantes. 

Ta beauté me frappa une fois de plus quand je m'autorisais à te dévorer du regard, ne dissimulant pas cette passion que j'avais acquise. Celle de détailler la moindre parcelle de ce faciès qui me plaisait tant, et que j'aurais voulu connaître encore plus près du mien. Tu étais magnifique dans ta faiblesse, encore plus que lorsque tu débordais de confiance. Involontairement, tu m'offrais une part de toi que peu avaient dû entrevoir, et cela me toucha profondément. Se montrer sous sa forme la plus vulnérable n'était pas mince affaire, et tu n'avais pourtant jamais hésité à le faire.

— C'est une maladie qui court de nos jours, qui s'en va et qui revient sans crier gare, soufflas-tu de ta voix profonde. Mais je crois que je l'ai définitivement attrapée. 

— Je ne comprends pas. Pourquoi est-ce que je m'en irais en le sachant ? dis-le-moi.

— Les gens en sont effrayés et la méprisent plus que le cancer ou le Sida, alors j'ai peur que tu t'enfuies loin de moi comme les autres.

Mes doigts vinrent s'accrocher à ta chemise, mes prunelles se noyant désespérément au fond de tes miroirs troublés par les perles salées qui y naissaient. 

— Je ne suis pas les autres, je suis Jungkook, tout autant que tu es Taehyung. Je ne m'en irais pas, parce que j'ai peur de ce qui pourrait m'arriver sans ta présence. La paume de ma main s'écrasa à l'emplacement de mon cœur qui s'agitait follement dans ma cage thoracique. J'ai peur de ce qui pourrait lui arriver, tu comprends ? Je m'en fiche de l'attraper cette foutue maladie, tant que je suis à tes côtés.

Je pus observer l'espoir se raviver en toi suite à mes mots. L'émoi revitalisant la flamme que j'aimais voir brûler dans tes yeux si grands, bordés de longs cils couleur de jai. 

— Tu es sûr ? C'est ce que tu veux réellement ? 

Un sanglot m'échappa, et ma joue se pressa contre ton torse.

— Je l'ai voulu dès l'instant où j'ai croisé ton regard pour la première fois. Je serais un idiot de vouloir m'en aller alors que tu souffres.

— Mais je n'en ai jamais souffert, elle est même agréablement douce à vivre, cette maladie, m'avouas-tu tandis que ton souffle caressait le haut de ma tête. Surtout depuis que je t'ai rencontré.

— Je ne comprends pas ce que c'est. Si elle n'est pas dangereuse pour ta santé, pourquoi est-ce que je devrais en être effrayé ?

Un sourire léger étira tes lippes pleines et tu portas ton regard à l'horizon.

— L'amour. C'est effrayant, Jungkook.

C'est là que je compris le message que tu voulais me faire passer, que mon être tout entier fut consumé par le brasier, qui n'était autrefois qu'une étincelle que j'avais voulu étouffer. Si tu savais combien j'avais attendu ce moment et cru qu'il n'arriverait jamais. Toutes ces heures passées à me torturer s'annulaient, ne laissant place qu'à une drôle de sensation qui courait dans mon corps et rendait ma poitrine légère et délestée.

— Je l'ai sûrement contractée cette maladie, tu sais. Mais elle ne me fait pas peur, j'ai même envie d'en apprendre plus sur elle.

Le sourire que tu m'offris à cet instant retourna mon cœur, l'envoya s'écraser quelque part au creux de ma poitrine et le priva de battre en rythme, faisant s'accélérer mon pouls et se dilater mes pupilles, qui ne juraient que par toi et ta silhouette se découpant sur le ciel parsemé de milliard d'astres lointains. Je frissonnais, et un hoquet me saisit lorsque tes mains s'invitèrent sur la chute de mes reins. 

Je discernais la chaleur de ta peau à travers la fine couche de la chemise qui me servait de pyjama, et d'autant plus de frissons me recouvrirent quand ton torse se pressa contre le mien, que nos souffles ne formèrent plus qu'un et que tu me fixas, serein. Le temps était calme, mais la tempête grondait à l'intérieur de ma tête, dispersant une étrange déferlante de bien-être et de chaleur à travers mes veines. Il était agréable, ce sentiment. Doux comme une cuillère de miel qui apaise un fâcheux mal de gorge, il glissa jusqu'au creux de mon ventre.

De nos prunelles, liées d'une telle façon qu'il nous était désormais impossible de nous défaire l'un de l'autre, nous sondions les tréfonds de ces puits sans fin de noirceur qui nous servaient à nous exprimer dans ces moments. Ceux où les mots mêmes ne pouvaient transmettre tout ce que nous aurions voulu nous dire. L'homme était un amas d'émotions souvent impossibles à cerner. Mais c'est ce que j'aimais tout particulièrement chez toi, ton caractère insaisissable. 

— Je t'en supplie Jungkook… 

D'une voix brisée, tu m'avais si doucement prié d'être égoïste avec toi que j'en avais senti les larmes me monter aux yeux. Brutalement, elles m'avaient brouillé la vue quand j'avais anéanti la distance ridicule qui empêchait nos lèvres de se trouver, nos souffles de se taire et nos nez de se cajoler.

Il y avait sûrement derrière cette demande, quelque chose dont tu ne m'avais averti. Car les perles salées qui inondaient tes joues ne pouvaient être liées qu'à la joie sans fin d'enfin nous unir. Les tressauts de ta poitrine et de tes épaules, eux aussi, tandis que je m'accrochais à toi comme à la vie, étaient dus à une cause externe. Et je te détestais de ne pas m'en parler, mais je t'aimais tellement que j'en oubliais les doutes amers qui se mélangeaient à la félicité de notre baiser. J'allais sombrer, dans l'abîme de ton étreinte, bouleversé par tout ce que la danse de nos lèvres délicates me faisait ressentir.

Comment un corps était-il en mesure de retenir les remous d'une âme aussi éprise que la mienne ? Je savais que je finirais par me perdre avec toi, mais pas de cette façon. 

Un souffle court m’échappa à la sensation de ta main remontant la ligne droite de mon échine, effleurant mes omoplates et la naissance de mon cou pour se glisser dans mes cheveux. Tu m’invitas à approfondir notre échange en exerçant une légère pression à l’arrière de ma tête, et le baiser auparavant d’une douceur sans précédent se mua en une valse plus rythmée, ponctuée de soupirs désireux et de regards brûlants. 

Si ce moment signifiait que j’étais malade, alors je le serais avec plaisir. L’amour pouvait être effrayant, oui, mais dans ce cas il était tout aussi superbe. Je crois que tu avais voulu dire qu’aimer un homme était considéré par tes parents, et sûrement la majorité de la population, comme étant contre-nature. Je ne comprenais pas ce raisonnement, il était absurde. Y penser me mettait en colère, et tu le remarquas sans doute puisque tu t’éloignas, l’air préoccupé. 

— Arrête de penser à tout ça, il n’y a que nous, c’est nôtre moment. Ne laisse rien venir entraver ton bonheur. 

Pas un mot ne sortit de ma bouche. J'étais hypnotisé, et le grain de ta voix avait chassé toutes ces pensées troublantes. Tu me fis reculer, lentement, et je me sentis si insignifiant quand tu agrippas mes hanches d'un geste naturel pour me coller à toi sans le moindre effort. De mes mains tremblantes, je parcourais ton torse, effleurant ton épiderme effervescent par-dessus ton t-shirt blanc. Un cri m'échappait – bien vite étouffé par la caresse de tes lèvres qui s'emparaient sans scrupules de leurs jumelles, lorsque je perdais contact avec le sol et que tu m’invitais à enrouler mes jambes nues autour de ta taille finement sculptée. Tu te mis à tourner sur toi-même, m'emportant au gré de tes pas assurés. Le vent dérangeait nos coiffures d'ors et déjà désordonnées, et quelques gloussements graves brisèrent le silence qui s'était imposé. 

J'avais décidé de te suivre aveuglément, tu en avais profité pour voler mon cœur. Si on m'avait dit que c'était un rêve, je n'y aurais sûrement pas cru. Parce qu'il était impossible de me sentir plus vivant qu'en cet instant. À ta Mercie sous le regard de la lune bienveillante, j'aurais aimé arrêter le cours du temps pour que cette nuit dure encore plus longtemps.

Mais c’est toi qui stoppa la chute du sable fin, qui s’écoulait perpétuellement dans le sablier au verre transparent. Au même titre que la course des étoiles, tout là-haut dans le ciel abyssal. Parce que de tes doigts habiles, tu traçais des formes invisibles sur mon corps fébrile, avide de tes avances audacieuses. De ta peau me parvenaient par centaines ces décharges électriques qui faisaient s’agiter en moi des envies interdites. Quelle hardiesse tu avais, de graver à jamais tes empreintes sur l’ardoise vierge de mon être. 

De tes mains en passant par tes lèvres, ce fut au tour de ta langue de venir me cajoler, me combler à m’en ôter la lucidité. Silencieusement, je te suppliais à mon tour d’abréger la souffrance de la lenteur de tes mouvements. Tu te baissais alors pour nous allonger contre le duvet d’herbe grasse, qui nous accueillit avec délicatesse. Tes baisers osés quittèrent mes lèvres pour découvrir le reste de mon corps. Tu traça une ligne humide le long de ma mâchoire, sans négliger le grain de beauté niché quelque part du côté gauche de mon cou.

Tes complaintes fébrilement expirées me faisaient perdre la tête. Me voir me tordre sous tes violentes caresses semblait d’autant plus te plaire lorsque je te rendais maladroitement chaque effleurement. Du bout des doigts, tu t’emparas de ma chemise pour la relever dans le but d’exposer la peau tendre de mon ventre, puis de glisser entre mes jambes afin de pouvoir l’atteindre et la gâter à son tour. Chacun de tes mouvements me donnait d’autant plus envie de me laisser aller au gré de mes envies, de succomber à l’appel fiévreux du péché de la chair. 

Si tu le désirais, je te laisserais tout. Mon corps, mon cœur et bien plus encore ; jusqu’à la virginité que j’avais tant préservée. Plus rien ne m’importait que de te combler, de m’unir à toi, qu’importe la façon employée. Agrippant sans m’en rendre compte la couverture verdoyante qui me soutenait, une de mes jambes tressauta sous l’assaut de tes dents qui descendaient dangereusement jusqu’à mon aine, seulement dissimulée par un bermuda gris à la maille ancienne. Tu l’avais abaissé juste assez pour me faire sombrer davantage, me forçant à plonger les mains dans ta chevelure couleur d’orage.

De mes yeux larmoyants, je peinais à te contempler. Il faisait déjà si sombre que j’arrivais de peu à percevoir ton visage aux traits harmonieux sous les rayons malicieux de l’astre nocturne. 

— Jungkook, j’ai très envie de toi. Est-ce que tu m’autorises à continuer ? 

Ta question me fit l’effet d’une gifle, tu me l’avais demandé avec tant de profondeur que j’en étais admiratif. La confiance que tu dégageais me rassurait et me donnait d’autant plus de raisons de te l’autoriser. Un simple hochement de tête vif te suffit pour repartir de plus belle, glissant tes avant-bras puissants sous mon bassin pour le surélever. 

Si j’avais su que tu n'hésiterais pas un instant à faire glisser mon bas pour m’en priver et te saisir de ma virilité gonflée de plaisir, j’aurais sûrement hésité. Le rouge me monta rapidement aux joues et tu arrivas à faire décrocher des aigus dans ma voix que je ne pensais pas pouvoir atteindre jusque-là. La sensation de tes phalanges m’entourant dans mon entièreté, s’activant dans d’amples mouvements de poignets, me faisait trembler tout entier. Dieu que c’était bon, et je m'insultais intérieurement de déjà te vouloir plus que de raison. Je perdais ma rationalité, tout se mélangeait, ma respiration dors et déjà saccadée s’emballait et mon corps s’échauffait. Une boule de bien-être grandissait dans mon bas-ventre secoué de spasmes de volupté. 

Ce fut lorsque ta langue glissa sur ma longueur et que ta bouche l’emprisonna que je me cambrais violemment vers toi. Chacun de tes élans était contrôlé, cadencé de façon à encadrer mes tressauts qui te forçaient parfois à t'arrêter pour reprendre de plus belle dans les secondes qui suivaient. 

Je les enviais, ceux qui t’avaient permis d’apprendre à connaître ton corps et à procurer du plaisir à celui des autres. J’avais peur que mon inexpérience ne te lasse, que je sois trop brusque si j’essayais de faire les choses par moi-même. Mais tu n’étais pas comme ça, je le savais. Tu prendrais tout le temps dont nous avions besoin pour m’apprendre à te déchiffrer, et à m’apprivoiser par la même occasion. C’était étrange, d’avoir l’impression que quelqu’un qui nous voyait nu pour la première fois soit capable de nous comprendre sans même avoir besoin de réfléchir. J’aurais voulu être capable de te rendre la pareille, d’échanger les rôles sans aucune appréhension. C’était malheureusement loin d’être le cas, je me découvrais au rythme de tes gâteries et des chemins invisibles que tu traçais un peu partout sur mes cuisses. 

—  Ralentis s’il te plait… 

Les muscles de mes jambes avaient commencé à se contracter contre mon gré, et si tu ne cessais pas, tout serait fini. Je ne voulais pas que ce moment prenne fin, nous étions bien, là, à assouvir la soif que nous avions de chacun. Silencieusement, tu m'écoutas, attentif. Tes lèvres quittant mon bâton de chair, tu m'offris un bref moment de répit. Me prenant dans tes bras, tu déposas quelques baisers à la commissure de mes lèvres, soupirant d'aise contre celles-ci. Rapidement, je t'en volais un, avec audace et envie, ce qui t'arracha un rire attendri.

Notre complicité était telle que nous ne faisions qu'un, alors que nous roulions ensemble sur le sol froid, jusqu'à ce que tu me déplaces sur le tapis de vêtements que tu avais préparé minutieusement. Je te sentais tendu contre moi, ton entrejambe pressé contre sa jumelle. 

— À mon tour, soupirais-je en échangeant les rôles, te tournant le dos et offrant à ta vue la peau opaline et la courbure ronde de mes fesses. 

Il m'avait fallu un temps pour me décider à retirer tes habits, et découvrir cette partie intime que je m'étais empressé d'assaillir de douces caresses. Mes doigts avaient imité la danse des tiens et après m'être humecté les lèvres, je t'avais pris en bouche. C'était jouissif, de t'entendre lutter contre l'envie de gémir quelques insultes lorsque je remontais gâter l'extrémité de ton sexe, découvrant cette pratique dont je ne me lasserai plus à tes côtés. 

J'avais depuis longtemps fermé les yeux, incapable de fixer la pénombre et ses ombres silencieuses. Mais je les avais écarquillés contre mon gré en sentant ton souffle, suivi d'un contact humide contre mon anneau de chair tendre. J'avais failli m'étouffer quand ta langue y avait tracé des cercles gourmands et que tes mains s’étaient ancrées sur mes hanches. J'avais fini par m'effondrer, le souffle court, lorsque l'un de tes doigts s'y était aventuré. J'avais soupiré ton nom dans l'espoir d'atténuer la douleur, sans y parvenir. 

— Reviens-la, m’avais-tu demandé en te retirant avec douceur, te redressant dans l'attente que je me tourne vers toi. 

Tu me dévorais du regard, et je te voulais. Je te redoutais. Mais l'envie finissait toujours par mettre au tapis ses ennemies. Il fallait que je me noie dans ton regard pour apaiser ma ferveur et respirer à nouveau convenablement. Et tu avais raison, l'amour, c'était effrayant, douloureux aussi, et pourtant je n'en avais encore vu qu'une infime partie. 

— Si c'est trop douloureux on peut s'arrêter là, ce n'est pas un problème tu sais ?

— Je veux que tu me fasses voir les étoiles, peu importe à quel point ça fait mal, t'avais-je avoué, les joues empourprées de par la proximité que nous partagions. 

J'avais ensuite posé mon front contre le tien, nos nez se chatouillant. Je tentais tant bien que mal de faire abstraction de nos bassins qui subissaient de légères frictions, faisant remonter des frissons dans mon corps incandescent. Tu soufflais, parfois imperceptiblement, laissant l'air s'échapper d'entre tes lèvres – dont le goût sucré m'envoutais, quelques filets d'air. Ainsi assis à califourchon, je sentais nos cœurs battre à l'unisson. Leur symphonie rythmique s'intensifia ensuite, comme s'ils pouvaient exploser dans nos poitrines. Plus je te fixais, moins la force de m'éloigner me possédait ; l'amour me liait à toi de ses chaînes invisibles, celles qui formaient un pont entre nos âmes sensibles.

Et puisque tu mourrais toi aussi de nous voir nous lier, que la pensée impudique de me faire l'amour te hantait, ton étreinte se fit davantage lubrique. Tes mains découvrirent pour la énième fois mon corps. S'abreuvèrent de mes frissons. M'arrachèrent des tremblements. Tu sursautas lorsque je vins de moi-même glisser un doigt dans ta bouche, autour duquel tu enroulas ta langue en me lançant ce regard d'une profondeur sans nom. 

D'un geste maladroit, je le fis glisser entre mes chairs étroites. Mon souffle se bloqua, et tu me rassuras. Tu semblais détenir tous les mots capables de m'apaiser. Je ne m'étais jamais adonné à ce genre de plaisir, mais à travers les tiraillements que mes mouvements provoquaient, j'entrevoyais des sensations nouvelles et agréables. Bientôt, j'en voulu plus, plus de toi. Plus de nous.

— Taehyung… 

Tu m'embrassas à en perdre haleine. Nos bouches se confondirent comme jamais elles ne l'avaient fait. Je perdais patience, tout s'accélérait, se mouvait en gestes désordonnés. J'aimais ce moment, je me délectais de chaque instant. Lorsque je te sentis en moi pour la première fois, quelque chose se déversa dans l'entièreté de mon corps, comme un doux venin qui décupla mes sens. C'était effroyablement dérangeant, parce que la douleur dépassait de loin le plaisir, et des larmes de douleur s'invitèrent au coin de mes paupières. Tu les embrassas pour m'en débarrasser alors que je souffrais. Je voyais mon reflet dans tes prunelles, je l'observais autant que je le pouvais. 

— Je suis désolé, je suis désolé… ne cessais-tu de répéter en me serrant contre toi de toutes tes forces. 

Je te rassurais à mon tour en te souriant à travers mes larmes. Je savais qu'il fallait parfois trouver le bonheur dans la douleur, alors je te faisais confiance. Je savais que le meilleur nous surprendrait par la suite, qu'il ne fallait point être pressés maintenant que nous avions passé l'attente interminable de nous trouver. Une grimace déforma mon visage, et le gémissement de douleur qui l’accompagna se mua en un soupir de bien-être. Tes coups de reins qui étaient au départ un supplice, devinrent plus doux lorsque j'atteins l'hédonisme. Mon dos fut accueilli par les brins d'herbe gelés par l'obscurité, mon corps secoué de ta lascivité.

Partout autour de nous, le monde semblait s'être stoppé pour laisser résonner nos complaintes murmurées, et le bruit de nos peaux s'entrechoquer. De la naissance de tes hanches aux rondeurs de tes épaules fut tracée une carte du bout de mes ongles, façonnée au gré de nos ébats assurés. Si quelqu'un nous avait vus à ce moment, il aurait compris la force de nos sentiments. Parce qu'au-delà de l'acte, il y avait toutes ces choses que nous nous disions d'un échange de regards profonds.

Ce que j'entrevoyais avait tendance à m'effrayer, car tu semblais me dévoiler jusqu'à la moindre de tes pensées. Le doute m'avait assailli, et je t'avais supplié de me faire tien jusqu'au matin. Nous avions fait l'amour, encore et toujours. Et j'ai le souvenir de mes lèvres gonflées et de ce corps ecchymosé qui s'était dévoilé sous l'aube bleutée. 

Nous avions formé ce que l'homme était capable de faire de plus beau, une toile éphémère aux mille couleurs vermeilles. 

Cependant, j'avais ouvert les yeux sur un monde que ton absence avait rendu immonde. Sur mes draps froissés par le passage de mon corps délassé, ne restait qu'un vide béant à mes côtés. Dieu, ce que je m'en étais douté quand j'avais vu ces perles salées dévaler ta peau basanée. Je n'avais pourtant rien fait pour empêcher ton départ d'arriver, et je ne sus que penser de ce stupide enfant que j'étais, à croire que la vie pouvait nous sourire de ses dents acérées. 

J'avais pleuré, hurlé, prié pour que tu reviennes, mais toutes mes demandes avaient été vaines. 

Il y avait cette lettre, déposée à mon chevet. Sûrement l'avais-tu préparée depuis longtemps. Je ne l'avais pas ouverte, je crois que je n'en avais pas eu la force après la violence de cette découverte. Je m'étais laissé dépérir, longtemps, sous le regard inquiet de mes parents qui n'avaient découvert la raison de ce chamboulement qu'après de longues années de tourments. Tu m'aurais détesté de m'être infligé cette torture aussi pénible que ton départ, mais je n'avais aucune idée de la façon dont il fallait vivre. Je n'avais pas pu te souffler ces trois mots, ceux-là même que tu aurais mérité d'entendre par milliers.

Et je me détestais.

Ton absence était la pire des souffrances. J'avais mis un temps à réaliser la raison pour laquelle tu n'avais pas voulu me dire adieu, avant que je ne m'endorme au creux tes bras sous les cieux. J'avais mis un temps à comprendre pourquoi tu ne m'avais pas dit de t'attendre, lorsque tu m'avais porté dans tes bras tendres. 

Et surtout, j'avais souhaité oublier que tu m'avais supplié de toujours t'aimer après notre dernier baiser.

La lettre avait pris la poussière, quelque part sur l'une de mes étagères. Elle avait passé les saisons tandis que moi, je les passais sans toi. Au fil du temps, j'avais appris à te détester, parce que c'était le seul moyen que j'avais de me protéger. Peut-être que t'oublier aurait été moins pénible, mais même à travers la haine, nos souvenirs restaient indélébiles. Mes larmes avaient coulé, nombreuses, chaque soir qui passait, et si j'avais pu les compter, ç'aurait été par milliers. Mon corps s'était vidé, année après année, jusqu'à ce qu'il ne reste de cette dernière nuit à tes côtés qu'un sentiment léger. 

Non, je n'avais jamais cessé de t'aimer. 

La vie avait simplement suivi son cours, parce qu'une histoire d'été n'est pas capable d'arrêter sa course effrénée. Mais elle peut tout de même la marquer, la graver quelque part dans un coin de mémoire. 

C'est Seokjin – ton meilleur ami depuis toujours, qui m'avait contacté des années après ton départ. Il m'avait demandé si j'avais lu la lettre que tu m'avais écrite, je lui avais répondu qu'elle n'avait pas bougé depuis cette soirée-là, que même à ce jour, je n'avais pas eu la force de laisser mes doigts courir sur le papier jauni par le temps. Il m'avait dit à quel point tu m'avais aimé, mais ça, je le savais déjà. Il m'avait répété que je devais l'ouvrir, que c'était ton dernier souhait avant de t'en aller, que dedans y résidait la vérité. 

Je ne voulais pas la connaître, tu l'avais déjà compris sans que j'aie besoin de te le dire. Mais tu étais quelqu'un d'obstiné, et je savais déjà ce que tu avais gravé à l'encre sur ce bout de papier plié. Je savais qu'au-delà de ton homosexualité, il y avait la maladie, et que j'avais vécu avec toi les derniers mois de ta vie. Ce constat m'avait brisé au moment même où ma pensée l'avait effleuré. La douleur avait été plus vive, ravivée par les souvenirs que nous avions partagés, ceux de nos cris, nos rires et nos soupirs.

J'en étais venu à me demander comment deux petits mois avaient suffi à nous faire nous aimer, à quel point l'univers pouvait être bien fait. Parce qu'il avait seulement fallu que nos regards se croisent pour que nos destins se scellent.

C'était fou, mais c'était aussi notre histoire.

Et lorsque Seokjin était parti, j'avais senti un poids supplémentaire s'envoler.

Ce soir-là, seule la lune et ses étoiles me tenaient compagnie. Je me plaisais à me dire que tu faisais partie de cette immensité qui nous avait veillés dans nos moments les plus vulnérables. Un verre de vin à la main, nos courses dans les champs et nos baignades dans la rivière sous un soleil brûlant me revinrent par flashs. Elles étaient loin, ces années insouciantes. Mais j'y pensais souvent, presque chaque jour à vrai dire. 

Et il y avait ce vieux morceau de papier, dernier vestige qu'il me restait comme souvenir de nos jours heureux. Je n'avais jamais été aussi tiraillé, luttant contre l'envie de le parcourir de mes yeux fatigués. Mais j'avais fidèlement cédé, courant  jusqu'à mon ancienne chambre, me saisissant de l'enveloppe pour la dépoussiérer. Combien de temps avait passé ? Je n'avais plus compté. A nouveau assis devant cette fenêtre à observer le paysage d'une nouvelle nuit d'été, le bruit de la matière qui se déchire brisa le silence et je retins mon souffle lorsque ton écriture soignée apparut à ma vue.

Seules quelques lignes y figuraient, écrites d'une encre légèrement effacée. Je les avais lues à plusieurs reprises, et plus je les parcourais, moins ma vision était claire. Si seulement. Si seulement je n'avais pas été si stupide, je n'aurais pas eu aussi mal qu'en cet instant, alors que mon regard se portait sur l'horizon distant. Sur ce chemin où je t'avais vu pour la première fois et sur lequel j'aurais aimé te voir apparaître, vêtu de ce blouson bleu et de ce vieux parapluie sous un temps capricieux. 

Les larmes traçaient des sillons le long de mes pommettes, tombant lourdement sur mes doigts tremblants, mes lèvres s'étirant en un sourire confiant.

Mes prunelles montèrent ainsi vers le ciel, et j'espérais que toi aussi, tu pensais à moi chaque fois que tu admirais la Terre.

« Si mon cœur avait été plus fort, il t'aurait appartenu bien des années encore. Et parce qu'un premier amour dure toujours, je le dédie à nos soupirs sous la lune pour que tu penses à moi chaque fois que tu la contempleras. »

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