'PROLOGUE'
Tu t'étais souvent dit que si tu avais été une fille, tu aurais eu tes chances.
Une fille au Blue Lock ...
Rien qu'y penser te faisait sourire ; c'était risible, presque ridicule, presque sexiste.
Une fille au Blue Lock.
Tu avais presque envie d'éclater de rire.
Il aurait fallu être stupide pour souffrir d'une telle demande. Peut-être que tu étais stupide.
Après tout, si tu avais été une fille, tu n'en aurais pas été là. Tu n'aurais jamais pu finir sur la touche, sur ce banc remplaçant, à l'observer jouer de si près. Si tu avais été une fille, tu ne l'aurais jamais connu. Tu ne l'aurais jamais côtoyé, tu n'aurais jamais pu souffrir des affres de sa présence à côté de la tienne, dans les plus longues heures de la nuit.
Si tu avais été une fille, tu n'aurais jamais connu cette soirée où, le ballon, ordinairement protagoniste de votre monde, avait fini abandonné entre les brins de pelouse alors qu'avec lui et Bachira, vous aviez tenté de tuer cette mouche qui avait virevolté trop près de tes oreilles, elle qui avait faussé tes instincts et réflexes, à bourdonner contre tes tympans. Elle avait vacillé, fredonné, pas si étrangère qu'elle aurait dû l'être ; tes pensées avaient fini par être similaires au bourdonnement des mouches. Intrusives, indésirées et perturbatrices.
Les nuits, où, resté seul dans les douches, traînant du pied en pure conscience d'âme, tu les avais laissées gagner, laissées t'envahir. Les nuits où, sous l'eau chaude, elles t'avaient tenu compagnie là où il n'avait pas pu. Contre ton corps, contre tes membres ; tu t'étais laissé aller à ton imagination, à la hâte et au désir solitaire. Tout ça pour amèrement regretter le crime une fois redescendu de ton nuage embrumé de plaisir éphémère. Risible. Pathétique. Les nuits où, finalement, tu étais retourné te coucher dans le futon à côté du sien, une boule coinçant ta respiration, te tenant aux lèvres, te criant que c'était insensé.
Mais oui, si tu avais été une fille, peut-être aurait-ce été possible.
Peut-être qu'il ne t'aurait pas vu comme un simple partenaire de terrain, le plus sain d'esprit à ses côtés.
Mais après tout, peut-être qu'être une fille n'aurait rien changé. Peut-être t'aurait-il vu de la même manière, ou peut-être aurait-il alors préféré te voir avec un torse plat et une mâchoire bien définie, coupante.
Pendant des mois, tu avais spiralé, marmonné avec tes pensées, accepté l'idée que des cuisses plus tendres et une poitrine existante l'auraient attiré vers toi. Tu avais accepté l'idée que les blagues qui le faisaient rougir profusément, c'étaient celles qui touchaient au fessier de ces mesdames. Les blagues sexy de Raichi, les rires échangés alors que vous aviez exposé vos types de filles avant d'aller dormir après un entraînement éprouvant. C'était seulement dans ces moments que l'érubescence avait atteint son visage et attaqué le haut de ses oreilles, mal dissimulée derrière ses quelques mèches ébènes.
Seulement, si tu avais tenté des blagues un peu plus osées, si tu n'avais pas eu trop peur de sa réaction pour le faire, peut-être aurait-il rougi là aussi ? Peut-être aurait-il détourné le regard, incapable de te faire face plus longtemps. Peut-être aurait-il bafouillé, perdu ses mots, lui qui était toujours si logique et rationnel. Peut-être aurait-il perdu tous ses repères, tous ses moyens, pour se noyer dans tes mots, pour se noyer avec toi, comme tu t'étais noyé dans son monde, dans ses yeux.
Peut-être que tu aurais dû oser ; aurais dû ouvrir ta bouche, et laisser s'échapper les remarques salaces et un tantinet ambiguës qui avaient picoté tes lèvres lorsque les occasions s'étaient présentées.
Parceque rire de ça avec un autre garçon que soi, ce n'était peut-être pas aussi tabou que tu l'avais pensé.
Alors, sur ton banc remplaçant, tandis qu'il s'était agacé, tu l'avais bien remarqué. Lui qui avait osé. Lui qui n'avait pas eu l'air de penser qu'il fallait être une fille pour faire tourner la tête aux autres garçons.
« On dirait que je suis ta petite princesse ! Mon petit cœur chavire ! »
Il t'avait sonné, avec ses remarques absurdes.
« Vas-y, file moi ton insta, beauté ! »
Après tout, elles avait été absurdes, ses remarques. Illogiques, idiotes, ça avait été une certitude qu'un homme n'allait pas se laisser aller à ses bêtises ! Encore moins un homme comme Itoshi Sae !
« Si tu mets un triplé, pourquoi pas. »
L'euphorie du moment, la joie d'un but. Ça n'avait pas expliqué la nonchalance avec laquelle les deux avaient discuté. Tu n'étais pas ignare, ni novice en football ; tu savais à quel point le frère de Rin était inexpressif et désintéressé. Dans tous ses matchs, toutes ses interviews, pas un sourire de lancé ou d'esquissé. Pourtant, il s'était permis d'accepter les avances de Shidou comme si ça avait été normal.
Alors, peut-être qu'être une fille n'était pas nécessaire. Peut-être que tu avais été encore plus stupide que ce que tu croyais.
Peut-être que les simples moments silencieux que vous aviez partagé, les nuits où la quiétude de l'autre avait été apaisante, étaient suffisants. Peut-être qu'ils avaient été suffisants pour que tu n'aies pas à avoir de longs cils et des hanches plus larges pour qu'il tienne à toi plus qu'à un simple ami.
Peut-être que Shidou était un exemple à suivre.
Non sans une certaine amertume, cette simple réflexion te fit finalement grimacer. Shidou ? Un exemple ?
Tu secouas lassement la tête, les bras croisés contre ton torse. Shidou était loin d'être un exemple. Il était obscène et ne pensait qu'avec son pénis.
La simple idée qu'Itoshi Sae se laisse aller avec un barbare comme Shidou Ryusei manqua de te faire éclater de rire. Tu aurais donné cher pour voir la tête de Rin en apprenant que son frère se faisait défoncer au lit par quelqu'un qu'il méprisait. C'était dommage que ça ne relève que de l'imagination, et un soupir quitta tes lèvres, qui étaient elles incapables de ne pas sourire.
Le dos de ta tête froid contre le mur bétonné, imaginer ce genre de situation ne te paraissait pas une si mauvaise idée. C'était après tout une excellente manière de passer le temps, surtout compte tenu de ton état. Fébrile, la bouche sèche et pâteuse, le cœur battant trop aléatoirement pour que ça soit naturel.
Isagi était encore dans les vestiaires avec Rin, et tu le maudissais d'être toujours le dernier à quitter la pièce.
À cause de ses fioritures et discussions de rivaux, tu étais forcé de l'attendre, forcé de rester seul avec toi-même, forcé de confronter tes propres sentiments, ta propre angoisse.
L'embarras, les remords, les futurs regrets. Ils s'entrechoquaient dans ta tête comme dans ton ventre, et entre mal de crâne et envie de vomir, tu ne savais pas ce que tu préférais.
Un grognement agacé quitta le fond de ta gorge, guttural, alors que tu baissais la tête et tapait du pied.
La peur. Différente de ta peur du ballon, de la peur de la fin, elle commençait à prendre le pas sur l'euphorie de la victoire.
Si seulement Isagi ne prenait pas autant de temps, peut-être que tu n'aurais pas eu à ressasser autant le moment. Tu aurais pu balbutier ce que tu avais à lui dire d'une traite, sans réfléchir. Seulement, il prenait son temps ; et la solitude te forçait à trop réfléchir.
Tu avais toujours préféré te fier à tes réflexes, à ton instinct, parceque tu savais que trop analyser les situations te menait à ta perte, qu'importe le domaine.
À trop réfléchir, tu juras sous ton souffle. Tu n'étais même plus capable d'imaginer quelle grimace aurait pu tirer Rin si Shidou lui expliquait en détail comment son cher frère s'était abandonné contre lui. C'était rageant, cette incapacité nouvelle à ne plus pouvoir te laisser aller à tes rêveries. Visiblement, dans une situation aussi angoissante que celle-ci, les élucubrations cocasses devraient attendre.
C'était fâcheux.
C'est à ce moment précis qu'Isagi Yoichi ouvrit brusquement la porte, un sourire fébrile sur les lèvres, les yeux visiblement fixés vers le futur, une détermination nouvelle s'emparant déjà de lui, ne lui laissant pas le temps de se reposer sur ses lauriers fraîchement acquis.
Il te fit sursauter. Au bout d'une dizaine de minutes à l'attendre, l'anticipation manquait de te faire craquer. Il eut l'air de sursauter lui aussi.
« T/p ! s'étonna-t-il. Il avait l'air perdu, confus, Tu m'attendais ? Qu'est-ce que tu fais encore là ?
Sa détermination vacillait dans son regard. Te voir ici semblait vraiment le déstabiliser.
- J'avais quelque chose à te dire, réussis-tu à prononcer. Les mots étaient difficiles à sortir. Tes cordes vocales allaient contre ton gré, obéissant bêtement à ton cerveau qui te criait de prendre la fuite tant que tu le pouvais encore, tant que tu n'avais encore rien prononcé de trop regrettable, de trop irréparable. »
Il y avait visiblement guerre entre ton cœur et ta conscience, et, abattu, tu restas silencieux le temps de quelques secondes.
Elles étaient longues ces secondes. Comme elles étaient douloureuses et dures à supporter !
Isagi ne dit rien.
Il n'enfonça pas ses mains dans ses poches, ne jeta pas de coup d'œil confus aux alentours, et n'haussa pas les sourcils en attente de ce que tu tenais à lui annoncer.
Isagi attendit.
Ta bouche était sèche, signe de l'état encore conflictuel de ton corps tout entier.
Mais si tu ne te prononçais pas, c'était ta vie amoureuse qui resterait sèche, déserte, aussi florissante que la verdure saharienne.
Isagi attendait.
Ses iris étaient neutres, ni trop inquiètes, ni trop impatientes.
Tu te noyais encore dans sa mer céruléenne. Tu t'y noierais probablement pour le restant de ton expérience au Blue Lock, pour ne pas trop t'avancer et dire ta vie. Tu n'étais encore qu'un adolescent stupide, s'approchant certes de la majorité, mais loin de la maturité. La vie, c'était beaucoup, c'était peut-être trop.
C'était aussi risible. Tu aimais ses yeux, le bleu de ses océans, alors que tu détestais pourtant tellement la mer, ses profondeurs, et les horreurs cachées qu'elle attendait de te dévoiler, une fois que tu y plongeais les pieds. Pourtant, étrangement, te noyer dans les yeux d'Isagi, pourtant si similaires aux fonds abyssaux que tu craignais tant, tu aimais le faire.
Et Isagi attendait encore.
Il ne dit toujours rien.
Il laissa son regard être porté par le tien, ou ton regard être porté par le sien. Il n'appréhendait rien. Comme s'il savait.
« Isagi, l'appelas-tu. Ça ne servait pourtant à rien, il était là. Il ne bougeait pas. Il ne bougerait probablement pas.
Isagi resterait là, face à toi, à attendre que tu oses le lui dire. Il ne partirait pas. Son attention était portée sur toi, et cela ne changerait pas.
- Isagi, répétas-tu pourtant. La boule au fond de ta gorge ne te quittait plus.
Ta voix n'était plus aussi certaine que quand vous vous étiez entraîné à parler anglais tous les deux. Elle tremblait, faisait fi de ton envie de laisser les vagues de ton attirance s'écraser contre lui. Elle était signe de ta faiblesse, de toutes tes faiblesses.
- Isagi. »
Il ne répondit rien, tout aussi calme qu'avant. C'était étrange. Ordinairement, il se serait inquiété, aurait paniqué, t'aurait pressé de lui dire ce qui n'allait pas. Pas là.
Il te laissa poser ta tête contre son épaule, le souffle défaillant. Il te laissa te détacher de son regard, te laissa te reposer contre son corps, et laissa sa main droite enlacer tes mèches de cheveux, te caresser l'arrière du crâne, pour te tenir, te retenir.
Comme s'il savait.
« Je t'aime Isagi. »
NDA :
Vous en voyant que vous balancez un gros je t'aime dans le prologue
Je compte en effet balancer quelques memes sur le chapitre à la fin de chaque chapitre, c'est pour mon plaisir personnel, ça me fait beaucoup rire.
En espérant que ça vous ait plus, et je vous retrouve la semaine prochaine !
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