Chapitre 44-Percy
27 Aout 2012
-Tu n'es pas obligé de venir, tu sais ?
Je me tourne vers Adélaïde et la détaille de haut en bas. La jeune femme a revêtu une robe noire légère mi-longue et a remonté ses cheveux en un chignon soigné. Elle s'approche de moi en soupirant et récupère ma cravate qu'elle noue, les mains tremblantes.
-Je sais, lui réponds-je doucement, mais je veux être là pour toi.
La jeune femme m'adresse un petit sourire tout en réajustant ma chemise. Une fois prêts, nous transplanons jusqu'au cimetière où la famille de Geoffrey se recueille déjà devant la tombe. Nous avançons doucement jusqu'à eux et je constate que la mise en terre a déjà commencé. Je me tends contre Adélaïde, cette scène me rappelant l'enterrement de Fred, de Tonk, de Lupin...et de tant d'autres sorciers morts pour la liberté. La jeune femme, sentant mon mal aise, glisse sa main dans la mienne en m'adressant un sourire d'encouragement.
Une fois la cérémonie terminée, Adélaïde m'entraîne à sa suite à travers la foule qui pleure et se console mutuellement. Nous nous dirigeons vers deux personnes âgées qui s'enlacent tristement.
-Monsieur et madame Hopkins, je vous présente mes condoléances, je...Adélaïde Bercley, j'étais une collègue et amie de votre fils. C'était une personne qui...
-Toi ! Vocifère une voix tremblante, coupant la parole à Adélaïde, c'est de ta faute !
Une jeune femme blonde, les traits tirés par la colère et la tristesse fonce vers nous. Je n'ai toutefois pas le temps de réagir que sa main s'abat sur le visage de ma bien aimée. D'un geste, je me place entre les deux femmes, refoulant la colère qui monte en moi. Je ne sais pas vraiment comment gérer cette situation sans créer d'esclandre, mais je sais que je ne dois pas laisser libre cours à mes émotions.
-C'est de ta faute si mon Geoffrey est mort ! Continue d'hurler la veuve en larmes, tu n'es qu'une inconsciente ! Tu es fière de toi j'espère ? Si tu ne tiens pas à la vie libre à toi de la bousiller ! Mais tu n'avais pas le droit de l'entraîner avec toi ! Dégage !
-Enid calme toi, souffle le père Geoffrey en prenant la jeune femme dans les bras, calme toi. Je suis désolé, il vaut mieux que vous vous en alliez. Ma belle fille...
-Non ! C'est de sa faute si ton fils est mort Edouardo ! Comment peux-tu...Geoffrey il...il n'était pas en sécurité avec...avec elle ! Elle l'a tué Edouardo ! Elle l'a tué et elle ose venir ici ! Plantant son regard dans celui de ma compagne, Enid continue, c'est entièrement de ta faute si Lukas a perdu son père ! Assassin !
-Enid enfin, tu ne peux pas dire ça, la rabroue doucement le dénommé Edouardo avant de se tourner vers nous, je vous demande de l'excuser. Elle est malheureuse et...viens Enid, on va...on va retourner avec les autres.
Le vieil homme entraîne sa belle-fille au loin. Les bras ballants, ne sachant comment réagir face à une telle scène, je me tourne vers Adélaïde. La jeune femme regarde droit devant elle, le visage fermé, la marque des doigts de la veuve sur la joue. Elle se tourne vers moi et son regard me donne des frissons. L'indifférence que j'y lis me glace le sang, comme si rien de tout ce qui venait de se passer n'avait d'importance à ses yeux.
-Rentrons, m'annonce-t-elle avec détachement avant de me tourner le dos et commencer à avancer à travers les pierres tombales.
Je la regarde s'éloigner un instant, me demandant comment elle arrive à rester si détachée. Le fait est que je ne l'ai pas vu pleurer une seule fois depuis la mort de son collègue. Je secoue la tête avant de la suivre. C'est certainement le contre-coup. Elle ne réalise pas encore ce qu'il se passe, et quand se sera le cas, il faudra que je sois présent. Elle aura besoin de moi.
Nous transplanons jusqu'à notre appartement sans un mot. Adélaïde enlève ses chaussures et se dirige vers la chambre. Je la suis, de peur de la voir s'effondrer à chaque instant, mais ce n'est pas le cas. La jeune femme se glisse sous les draps.
-Je vais me reposer un peu maintenant, m'annonce-t-elle.
-D'accord, je serai dans le salon.
Doucement, je dépose un tendre baiser sur ses lèvres avant de quitter la pièce. Elle a simplement besoin d'être un peu seule voilà tout. Rien de plus. Il faut que j'arrête de m'inquiéter pour tout. La scène de tout à l'heure a dus la retourner bien plus qu'elle ne le montre et elle a besoin de faire le point, de faire son deuil. Je m'installe sur le canapé et ferme un instant les yeux. Moi aussi j'ai besoin de me remettre les idées en place. Ce n'était pas l'enterrement de Fred. D'ailleurs, cet enterrement était totalement différent de celui pour mon frère. Alors pourquoi est-ce que ça m'a autant retourné ? Combien d'autres enterrements me faudra-t-il vivre pour enfin ne plus les assimiler à lui ? Est-ce qu'un jour je cesserai de tout ramener à sa mort et à la culpabilité qui me ronge ?
J'ouvre les yeux et me redresse péniblement. La bouche pâteuse, je me rends compte que je me suis endormi. La luminosité a énormément baissé et en jetant un œil vers la fenêtre, je constate que le soleil se couche. Je me dirige vers la chambre à pas de loup de peur de réveiller Adélaïde. Ouvrant la porte, je me fige tandis qu'un étau se resserre sur mon coeur. Le lit est défait et Adélaïde n'y est plus. A la place, une lettre est posée en évidence sur l'oreiller. Ravalant la boule qui me bouche la trachée, je déplie le papier, tremblant et en parcours les quelques lignes. Soupirant, je me laisse tomber sur le lit. Elle ne m'a pas quitté. Elle va revenir. Elle m'explique qu'elle a besoin de se retrouver, d'être seule mais que je ne dois pas m'inquiéter. Qu'elle revient dés qu'elle se sent mieux. Mais quand ? Est-ce dans quelques heures ? Jours ? Mois ? Années ? Elle ne me le précise pas. Et si je ne la revoyais jamais ? Et si il lui était arrivé quelque chose ?
Je me redresse et secoue la tête. Elle m'a dit qu'elle revenait alors elle reviendra. Je dois absolument lui faire confiance et arrêter d'angoisser comme ça. Je vais finir par me rendre malade à force ! Retournant au salon, je récupère quelques dossiers et m'installe à mon bureau. Travailler m'occupera l'esprit et m'empêchera d'imaginer mille et un scénarios catastrophiques. Mes yeux me brûlent malgré ma petite sieste, mais je dois lutter contre la fatigue. Je dois rester éveiller jusqu'à ce qu'elle rentre. Si je m'endors, si elle ne rentre pas et que je ne m'en rends même pas compte...J'ai mal à la tête et n'arrive plus à lutter. Bon, une petite sieste rapide ne me fera pas de mal. Posant ma tête entre mes bras, je ferme un instant les yeux, accueillant avec soulagement le sommeil qui m'emporte.
Je sursaute en sentant une main se poser sur mon épaule. J'ouvre les yeux et mon regard se pose sur deux billes bleues bordées de rouges.
-Adélaïde...murmuré-je en l'attirant contre moi, où étais-tu passé ? Je me suis inquiéter...
-J'avais besoin de prendre l'air, seule, me répond-elle en passant une main dans mes cheveux.
Des millions de questions se bousculent dans ma tête, mais je suis bien trop fatigué et heureux de la savoir prés de moi pour l'inonder avec mes angoisses. Passant un bras sous ses jambes et l'autre derrière son dos, je la soulève et l'entraîne jusqu'à la chambre. Je la dépose délicatement sur le lit et me dépêche de me débarrasser de mes vêtements. En caleçon, je me glisse dans le lit tandis qu'elle termine de se dévêtir. La jeune femme s'installe à mes côtés et je colle son dos contre mon torse, l'enveloppant entre mes bras, la retenant fermement contre moi.
-Je ne vais pas m'enfuir tu sais, glousse-t-elle en se serrant un peu plus contre moi.
-Vraiment ? Soufflé-je avec une pointe de reproche, parce que ce n'est pas l'impression que tu m'as donné.
Un silence s'installe entre nous et j'en profite pour effleurer doucement son cou avec mes lèvres, le mordillant doucement l'oreille.
-Est-ce que je perds mon âme ?
Je stoppe instantanément mes caresses et me redresse, m'écartant légèrement d'elle. Qu'est-ce que c'est encore que ces bêtises ? Doucement, je la tourne vers moi afin qu'elle me fasse face et la scrute en fronçant des sourcils. Sa mine grave me fait comprendre que ce n'est pas une plaisanterie.
-Qu'est ce que tu racontes ? C'est complètement stupide ! Pourquoi est-ce que tu crois perdre ton âme? Lui demandé-je en essayant de garder mon sérieux face à cette situation plus qu'étrange.
-Je...Je ne ressens pas de chagrin, m'explique-t-elle en fronçant les sourcils, Geoffrey...c'était mon ami, et il est mort. Je me sens triste dans ma tête mais...mais mon coeur ne souffre pas. Je ne ressens aucune forme de chagrin. En fait je...je ne ressens rien du tout.
Je la regarde un instant sans rien dire. Elle semble sincèrement préoccupée mais la vérité, c'est que je ne sais pas quoi lui répondre non plus.
-C'est...commencé-je tandis qu'une phrase s'impose à mon esprit, je pense que chacun gère son deuil à sa manière. Il n y a pas de...de mode d'emploi. Peut-être...peut-être est-ce le seul moyen que ton esprit a trouvé pour se protéger de la souffrance ?
Je ne sais comment cela m'est venu, mais je suis assez satisfait de ma supposition. D'ailleurs, elle semble également convenir à Adélaïde qui acquiesce pensivement. Semblant considérer la discussion terminée, la jeune femme m'embrasse avant de se tourner dos à moi. Je m'installe confortablement sur le dos et observe le plafond. Fermant les yeux, je me rends bien vite compte que je n'arriverai pas à me rendormir de si tôt. Les paroles d'Adélaïde me préoccupent. Elles révèlent quelque chose qui m'angoisse, qui m'effraie. Ses épreuves ? Tout ce qu'elle a vécu. Est-ce possible que cela ait affecté sa sensibilité au point de la détruire entièrement ? Pourtant, elle a beaucoup pleuré en nous racontant ce qu'elle a vécu, c'est bien la preuve que ses sentiments sont encore présents. Alors est-ce son empathie qui en a pris un coup ? N'ait-elle plus capable d'avoir de la compassion pour qui que se soit ? Pour quoi que se soit qui ne touche pas à sa personne ? A sa vie ? Non, impossible. Cela ne lui ressemble tellement pas. Pourtant...
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