Chapitre 41 - Adélaïde
23 Aout 2012
Je me fige tandis que mon sang se glace dans mes veines. Réprimant un haut le coeur, je pose ma main sur ma bouche et me détourne un instant de la scène s'offrant à moi. Les larmes continuent d'affluer malgré moi et je dois faire un effort surhumain pour contrôler les sanglots qui menacent de sortir. Je suis pourtant censée être habituée aux scènes de violence, mais jamais je n'avais été confronté à une telle boucherie jusqu'à aujourd'hui.
Prenant mon courage à deux mains, je retourne d'une démarche tremblante sur les lieux du crime. La pièce est recouverte de traces de sang. Des corps démembrés recouvrent le sol répandant leur rougeur sur la moquette blanche. Une odeur métallique m'assaille les narines, me donnant la nausée. Je veux fuir. Fuir et ne plus jamais remettre les pieds ici, mais mon corps refuse de bouger. Je contemple le carnage à travers mes yeux embués, me remémorant de tragiques souvenirs.
Du coin de l'oeil, j'aperçois un mouvement dans le fond de la pièce. Les muscles tendus et la mâchoire crispée, je renifle. Ce n'est pas le moment de laisser place à mes émotions. Il faut que je me reprenne, je suis une auror accomplie, pas une débutante. Je dois me ressaisir afin de mener ma mission à bien. Prenant une grande inspiration, j'envoie un lumos balayer la salle tandis qu'un gémissement me parvient aux oreilles.
Au fond de la pièce, j'aperçois un sac de nœud posé négligemment à même le sol. Ce dernier ne semble rien avoir de particulier, mais alors que je m'apprête à reprendre mon observation, je vois deux cordes se soulever doucement avant de retomber. Le sang tambourinant dans mes oreilles, j'avance doucement, luttant pour ne pas m'évanouir. J'ai beau ne pas être chochotte, voir tout ce sang me fait malgré tout tourner de l'oeil. L'espace d'un instant, je m'en veux d'être aussi chochotte. Je dois absolument me reprendre et faire des efforts pour surmonter cette faiblesse. Il le faut si je veux devenir une aurore digne de mes parents.
Du bout de la baguette, je soulève le petit tas de cordes qui me paraît bien lourd. Écarquillant les yeux, je le laisse soudainement retomber avant de me précipiter dessus, laissant tomber ma baguette au sol. Mes mains tremblent tandis que j'essaye de démêler les nœuds. Au bout de quelques minutes, j'arrive à débarrasser le petit être de ses lianes et le serre contre moi d'un geste malhabile. Il faut dire que je n'ai pas beaucoup d'expérience avec les bébés. Je connais les bases : maintenir le cou, lui donner le biberon quand il a faim, le changer dés que la couche semble un peu remplie...mais le reste...
-Chut...chut...tout va bien petit coeur, c'est fini...là..là, murmuré-je en me redressant.
Le petit garçon se tourne vers moi, la bouche entreouverte, les yeux clos. Il enfouit son visage contre mon teeshirt, le tète tout en tirant sur le col. Il a certainement faim. Depuis combien de temps est-il ainsi caché ? Ce qui est sûr, c'est qu'il a eu beaucoup de chance de ne pas être trouvé. A moins que...à moins qu'il ait été laissé ici sciemment. Serait-ce un coup de Flint ? Je secoue la tête, trouvant cette hypothèse complètement tirée par les cheveux. Il n'est pas assez intelligent pour préparer un coup pareil. Et puis, rien ne pouvait présager que je viendrais ici. Non. C'est un pur hasard et Flint n'y est pour rien. Malheureusement, je suis bien incapable de chercher le moindre indice pour le moment.
Berçant doucement le bambin, je fais apparaître mon patronus et l'envoie au bureau des Aurors. Si je n'ai aucune piste concernant le coupable, je sais malgré tout que je ne pourrai gérer seule cette affaire. C'est bien trop grave et immonde pour que je me lance dedans tête baissée. Je sors de la pièce, fredonnant une berceuse parlant d'un paire de patronus inséparable cherchant sa moitié. J'adorais que ma mère me chante cette berceuse avant de m'endormir.
-Douce, douce, douce lumière,
Cherche, cherche, cherche ton être,
D'un coup de baguette tu te libères,
T'envole dans les airs, galope dans le ciel,
Luis ho luis, luis dans la nuit,
Embelli la terre, d'une douce promesse,
Il est tout prèt, ne t'évapore pas,
Toi ho toi, qui le cherche en vain,
Sa lueur rayonne en ton coeur,
Cherche, cherche, il viendra à toi,
Regarde, regarde, douce lumière,
Ne perds pas espoir, il n'est plus très loin
Toi ho toi, enfin te voila,
Mon double, mon coeur, la moitié de mon âme,
Viens oui viens et enveloppe moi,
Ta douce lumière éclairera ma voie...
-Adélaïde ?
Je me tourne vers les deux hommes qui me font face, leur faisant signe de se taire. Contre moi, le petit garçon s'est endormi. Loïc Turner s'avance doucement tandis que son binôme, Geoffrey Hopkins évalue déjà la scène de crime. Je me relève doucement, serrant l'enfant dans mes bras. Après avoir relevé des empruntes et identifiés les corps, Loïc s'approche de moi.
-On va prendre le relais, m'informe-t-il en passant une main dans ses cheveux l'air embêté, mais en ce qui concerne le gamin...C'est à toi de trouver une solution temporaire, le temps d'en savoir plus. Je te conseille de l'emmener à l'orphelinat des Licornes lumineuses. Vu la nature magique de ses parents, il ne serait pas judicieux de l'envoyer dans un orphelinat moldu. Quand on aura l'identité de ses parents, on pourra chercher de la famille proche, mais cela risque de prendre quelques jours.
-A...l'orphelinat ? Demandé-je effarée en resserrant ma prise sur le petit garçon.
-Heu, oui, me répond Loïc en fronçant les sourcils, je ne vois pas trop ce que l'on peut faire de plus à l'heure actuelle. A moins que tu ne veuille en prendre la garde mais je doute fort que...
Il ne m'en faut pas plus pour transplaner jusqu'à l'appartement. Il est hors de question que je laisse cet enfant livré à lui-même. Et puis, Loïc vient bien de me proposer d'en avoir la garde temporaire, non ? Bon, alors tout va bien, je ne suis pas dans l'illégalité...Enfin, question de point de vue, mais en cas de problème, il ne pourra pas nier ses propos. L'appartement est vide et je me dirige droit vers la salle de bain où je sors une bassine assez grande pour y mettre Matéo. Cet enfant n'ayant pas de nom, je me donne le droit de lui en trouver un. Après tout, on ne va pas l'appeler le bébé éternellement, ça en deviendrait vite compliqué. Laissant la bassine se remplir, je récupère un drap que je déchire avant de faire quelques moulinets avec ma baguette, les transformant en une petite robe. Cela sera suffisant le temps d'aller acheter des vêtements.
Une fois l'enfant propre, je fonce à la supérette du coin récupérer quelques biberons, du lait en poudre, des couches et quelques tenues plus adéquates, ignorant les regards suspects du voisinage. Je remonte rapidement chez moi avec le nécessaire et entreprend de changer Matéo.
-Ho non, non ne pleurs pas mon poussin, supplié-je tandis que ses cris me brisent les tympans, tu as faim c'est ça ?
Sans attendre, je prépare un biberon et m'installe sur le sol, adossée au lit. Mateo tête goulûment tandis que j'essaye de ralentir sa cadence.
-Doucement mon grand, tu vas régurgiter à force, le prévins-je en stoppant son repas de force quelques instants.
Une fois l'enfant propre et rassasié, je le place contre mon torse, la tête sur mon épaule afin de lui faire faire son rot. D'un mouvement lent, je le berce en bougeant d'avant en arrière. Une boule commence à gonfler dans ma gorge et je cligne plusieurs fois des yeux afin de m'empêcher de pleurer.
-Adélaïde ? Me demande une voix me faisant sursauter, qu'est-ce que tu fais ?
Je me tourne vers Percy et lui fait signe de se taire. Reportant mon regard vers l'enfant que je fais glisser au creux de mon coude, je constate qu'il est sur le point de s'endormir. Un élan d'amour me parcourt le corps et je resserre mes bras autour de son petit corps.
-Adélaïde...que...d'où vient ce bébé ? Me demande Percy, la voix tremblante.
-Je suis tombée sur une scène macabre tout à l'heure, les murs, le sol, tout était recouvert de sang...
Je lui explique alors les circonstances dans lesquelles j'ai découvert ce bébé, et comment Hopkins et Turner se sont déchargés de l'enfant sur moi...Enfin, j'omets toutefois certains détails, comme le fait qu'il m'ait demandé de base de l'emmener à l'orphelinat, ou qu'il ait proposé de façon ironique de m'en laisser la garde. Alors que je termine mon récit, quelqu'un frappe à la porte. Percy va ouvrir tandis que je le suis, gardant Matéo contre moi.
-Percy, Adélaïde, nous salue Harry en entrant, j'ai fais aussi vite que j'ai pu. J'espère ne pas avoir été trop long. Hopkins et Turner m'ont prévenus pour l'enfant que vous avez trouvé. Merci d'avoir fais la transition Adélaïde, Loïc et Geffrey sont d'excellents aurors, mais je suis persuadé qu'une catastrophe serait arrivée si tu leur avais laissé le petit. J'ai contacté l'orphelinat des Liornes Lumineuses, ils sont en train de préparer sa chambre pour le recevoir, nous explique Harry tout en s'approchant de moi les bras tendus.
Je recule, serrant Matéo contre moi. Harry me regarde, fronçant les sourcils avant de baisser doucement les bras. Son regard va de Percy à moi et je peux lire son incompréhension. Pour ma part, je continue de reculer doucement jusqu'à la chambre. Il est hors de question que mon petit ange se retrouve en orphelinat. Mon coeur se serre à l'idée de me retrouver séparer de ce bébé et je respire profondément afin de ne pas faire quelque chose d'irréfléchie.
-Adélaïde, tu...tu ne comptes pas garder cet enfant, n'est-ce pas ? me demande Harry se rapprochant de moi en tendant les bras vers l'enfant, tu ne peux pas garder cet enfant.Tu le sais. Le protocole exige...
Alors qu'il se trouve à quelques centimètres de moi, je mouline ma baguette d'un geste rapide. Harry se retrouve propulsé contre le mur et j'en profite pour m'enfuir dans la chambre que je ferme à double tour. Le coeur battant, je m'en éloigne et vais m'installer sur le lit. Toute cette agitation à réveillé Matéo qui se met à hurler dans mes bras. Je le berce doucement, reprenant ma chanson.
-Douce, douce, douce lumière,
Cherche, cherche, cherche ton être,
D'un coup de baguette tu te libères,
T'envole dans les airs, galope dans le ciel..
-Adélaïde ! Gronde la voix de Percy derrière la porte, Adélaïde ouvre nous !
-Non ! Crié-je tandis qu'il martèle le bois.
-Adélaïde tu es riddicule ! Enchaîne Harry en soupirant, cet enfant doit être mis à l'orphelinat, c'est le protocole. Si...Si tu souhaite l'adopter tu dois le faire dans les règles. Et ce n'est certainement pas de cette manière que tu seras autorisée à le garder !
-Je ne le laisserai pas ! Continué-je en appuyant chaque mot.
Je les entends murmurer derrière la porte mais je n'arrive pas à distinguer leurs paroles. Je me rapproche doucement afin d'en savoir plus et sursaute tandis qu'Harry reprend la parole.
-Adélaïde, j'ai été plus que patient je pense. Soit tu nous ouvres de ton plein gré, soit je déverrouille la porte. J'aurai pu le faire dés le départ mais j'espère encore que ma meilleure employée soit assez raisonnable pour faire les choses correctement.
-Ta meilleure employée ? Demandé-je en levant les yeux au ciel, sachant pertinemment qu'il essaye de m'acheter.
-Bon laisse moi faire Harry tu t'y prends comme un Brossedur d'occasion passé à tabac par le saule cogneur, entendé-je Percy râler, Adélaïde maintenant ça suffit !
-Vous ne comprenez pas, gémis-je en soupirant, cet enfant a besoin de moi !
-Tu en es sûre mon coeur ? Me demande Percy avec douceur, tu es sûre que ce n'est pas plutôt l'inverse ?
Je déglutis sentant mon coeur se briser un peu plus dans ma poitrine. Je baisse les yeux sur le petit garçon qui m'observe avec de grands yeux. Je me sens totalement fondre sous son regard innocent.
-Qu'est-ce-que ça change ? Finis-je par demander d'une voix tremblante.
-Tout, ça change tout, m'explique Percy la voix raucque, il...tu sais bien qu'il ne remplacera jamais...qu'il ne remplacera jamais notre fils. Peu importe les efforts que tu...que nous mettrions à faire comme si. De plus...notre train de vie actuelle ne nous permet pas d'élever un enfant dans de bonnes conditions. Nous risquons plus de le mettre en danger qu'autre chose. A moins que...
Le jeune homme laisse sa phrase en suspend. Il n'a pas tort je le sais, mais j'aimerai vraiment trouver une solution pour garder Matéo.
-A moins que quoi ? Soufflé-je, désireuse de trouver la solution miracle.
-A moins que tu ne quittes ton emploi d'Auror.
Sa réponse me fait l'effet d'une gifle. Quitter mon emploi ? Après tout les sacrifices que j'ai fais pour en arriver là ? Se serait comme déshonorer mes parents. Déshonorer leur mémoire. Je ne peux pas leur faire ça. N'y a-t-il vraiment aucune alternative ? Je regarde Matéo en imaginant notre vie. Je n'avais effectivement pas réalisé tous les enjeux se trouvant derrière. Je devrais quitter mon emploi et renoncer à ma vengeance....renoncer à retrouver Jacob et Marcus. Renoncer à leur faire payer pour leurs actes. Et je suis bien trop en colère pour me résoudre à tout abandonner. Mais si il arrivait quoi que se soit à Matéo par ma faute je...
-Il n y a vraiment aucune autre possibilité, n'est-ce pas ? Soufflé-je, me résignant malgré la douleur que cela m'apporte.
-Je crains que non, me répond Percy d'une voix neutre.
Déglutissant, je déverouille la porte. Aussitôt, les deux jeunes hommes entrent dans la pièce et je m'approche d'Harry, lui déposant Matéo dans les bras.
-Promets moi de...commencé-je tandis qu'un sanglot m'enserre la gorge, promets moi de lui trouver une famille de sorciers qui saura l'aimer et le rendre heureux.
-C'est promis Adélaïde, tu peux compter sur moi.
J'acquiesce tandis qu'il se tourne vers Percy. Quelques minutes après, j'entends la porte de l'appartement claquer et mes jambes se dérobent sous moi. Je sens les bras de Percy s'enrouler autour de ma taille avant que je ne touche terre tandis que mes larmes me brouillent la vue. J'ouvre la bouche, incapable de retenir plus longtemps ma détresse. Tout se mélange dans mon cœur. Ma fausse couche, Matéo, leur départ. On me les prend. On me les arrache. Je n'en suis pas digne. Je ne suis pas assez bien pour être mère. Je suis incapable de contrôler mes sanglots, incapable de maîtriser mes émotions. Je laisse sortir ma peine, hurlant à m'en déchirer les cordes vocales.
-Ca va aller mon coeur, je suis là, ça va aller.
Les paroles de Percy glissent sur moi sans m'atteindre. L'espace de quelques heures, j'avais réussi à entrevoir un fabuleux avenir. L'espace de quelques heures, j'avais l'impression que le trou en moi c'était enfin bouché. L'espace de quelques heures, j'étais enfin entière.
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