𝟒𝟕. 𝐌𝐢𝐤𝐞 𝐓𝐲𝐬𝐨𝐧 𝐧'𝐚 𝐪𝐮'𝐚 𝐛𝐢𝐞𝐧 𝐬𝐞 𝐭𝐞𝐧𝐢𝐫 !


— Joshua ? Bébé ? Viens voir, m'appella Ha-joon d'une voix assez volumineuse pour que je puisse l'entendre depuis la salle de bain.

J'ai attrapé une serviette en sortant de la douche pour l'enrouler autour de ma taille, et une autre pour me sécher les cheveux, tout en sortant de la salle d'eau.

— Oui ? Qu'est-ce qu'il y a ? lui demandais-je, en le rejoignant dans le salon, une boule de nervosité se logeant directement dans ma gorge.

— Il y a un truc que j'aimerai te montrer. Je l'ai acheté aujourd'hui, pour toi, me répondit-il en détournant la tête vers moi. C'est la Saint-Valentin, alors je me suis dit que ce petit cadeau te ferait plaisir !

Ha-joon tenait dans ses mains un coffret rouge, emballé avec soin à l'aide d'un tissu de soie de couleur rouge, lui aussi, et un flot — presque trop parfait — enroulé autour de la boîte.

— Viens, assieds-toi à côté de moi pour l'ouvrir, me dit-il en tapotant la place de libre. Je suis impatient que tu découvres ce qu'il y a dedans.

Avec un sentiment d'appréhension, j'étais venu m'asseoir à côté de mon petit-ami et pris le cadeau de ses mains, en sentant mon cœur s'emballer ardemment dans ma poitrine. Ce n'était pas dans ses habitudes de m'offrir des cadeaux — ou du moins, plus maintenant, plus depuis qu'il m'avait montré son vrai visage et ses véritables intentions —, ce qui faisait qu'à chaque fois qu'il revenait avec une surprise qui m'était destinée, cela ne présageait rien de bon pour la suite.

— Eh bien ? Tu ne l'ouvres pas ? s'impatienta-t-il d'une voix qui me paraissait irritée. Il y a quelque chose qui te dérange, peut-être ?

— Non... tout va bien, réfutais-je en secouant vivement la tête pour reprendre mes esprits. Non, tout va très bien, ne t'inquiète pas.

Mes doigts jouaient nerveusement avec le flot que je vins défaire d'un geste lent et tremblant.

Ha-joon se mit à soupirer d'hérissement.

— Tu as peur de moi ? commenta-t-il, en penchant sa tête sur le côté. Regarde-moi quand je te parle. Tu as peur de moi ?

Une nouvelle fois, je secouais la tête en déviant mes yeux vers les siens.

— Non, bien sûr que non... Pourquoi est-ce que j'aurais peur de toi ? le questionnais-je d'une voix étranglée par cette boule d'anxiété au fond de ma gorge.

— Tu m'en donnes l'impression, chuchota-t-il, en dirigeant l'une de ses mains vers mon torse dénudé, trempé par les gouttes d'eau tombant de mes cheveux mouillés. Ça te fait encore mal ?

La pulpe de ses doigts chancelait sur les ecchymoses ornant l'intégralité de ma poitrine. À son toucher, j'avais réprimandé un hoquet de surprise, faisant inopinément ternir son regard.

— C'était quoi ça ? Je ne peux même pas te toucher sans que tu te mettes à sursauter à tout bout de champ, cracha-t-il sur un ton venimeux. Dépêche-toi, ouvre le cadeau que je t'ai acheté !

D'un souffle particulièrement craintif, j'étais venu retirer le tissu de soie, découvrant inscrit sur le haut de la boîte, le nom de la marque, gravé par des touches dorées, intitulées : « Palais des plaisirs ». Il n'y avait pas besoin d'être devin pour comprendre qu'il s'agissait d'une boutique de sextoys.

Seul Dieu sait à quel point j'en étais venu à détester ces objets.

— Putain, mais ce n'est pas vrai ! Si tu continues comme ça, demain on y sera encore, proféra-t-il d'un air furieux, en soulevant le couvercle de la boîte sous mes yeux.

Mon regard s'était mis à s'élargir à la vue d'une paire de menottes, d'un plug anal, et ce qui me semblait être une boule noire accrochée à des lanières.

— Qu'est-ce... que c'est, tout ça ? bégayais-je, en sentant mon cœur palpiter plus intensément contre ma cage thoracique, me suppliant de vouloir s'échapper. Et c'est quoi cette boule noire ? A quoi ça sert ?

Je ne voulais pas le savoir, car inconsciemment, je savais pertinemment comment on utilisait cette chose, ce qui me rendait encore plus nerveux à l'idée de devoir l'utiliser. J'essayais, en vain, de lui faire comprendre à travers une œillade désemparée que j'étais terrifié.

Qu'il me terrorisait.

À ma question, un sourire putride prit place sur le coin de ses lèvres.

— Ça, bébé, c'est pour que tu fermes enfin ta putain de jolie bouche quand je te baise, élucida-t-il, en se saisissant de mon menton pour m'empêcher de tourner la tête et de fuir son regard pervers. Et on va l'utiliser aujourd'hui.

— Non..., marmonnais-je dans ma barbe inexistante.

Il pouffa de rire.

— Ce n'était pas une putain de question, déblatéra-t-il, en sortant les objets de la boîte. Allonge-toi, avant que je ne m'énerve comme hier. Tu sais très bien que tout ça, c'est de ta faute, n'est-ce pas ?

Il vint insérer la clé dans les menottes pour les ouvrir, le petit « clic » qu'elles émirent me faisant tressaillir d'effroi. Mon cerveau me criait de fuir, mais mon corps se trouvait soudainement paralysé sur le canapé, incapable d'ordonner à mes jambes de se mouvoir.

— Tous ces bleus qui t'enlaidissent, tu aurais pu les éviter, si tu n'en faisais pas qu'à ta putain de tête ! Tu crois que ça me fait plaisir de te frapper ? s'énerva-t-il, en posant ses mains sur mes épaules pour m'allonger de force sur le sofa. Tout est entièrement de ta faute, Joshua ! Tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même. Tu ne te rends pas compte de tout ce que je fais pour toi, de ce que tu représentes à mes yeux !

Je n'osais pas me débattre. J'avais peur, terriblement peur de ses mains qui étaient posées sur mon corps.

— Je... je suis désolé, murmurais-je d'une expression accablée, tandis que mes yeux furent subitement submergés par une montée de larmes fulgurantes. Je te demande pardon, je ne voulais pas te décevoir... Je... s'il te plaît, ne me fais pas de mal, s'il te plaît...

Il sourit, en glissant l'une de ses mains sur ma joue.

— Mais bébé, tu sais très bien que je ne te fais pas de mal sans raison ? Tout dépendra de comment tu te comportes aujourd'hui. C'est la Saint-Valentin et je t'ai réservé une journée pleine de surprises et de plaisirs. Tu seras bon pour moi, n'est-ce pas ? Tu feras tout ce que je te demande ?

Avaler ma salive était devenu quelque chose d'impossible à réaliser, tout comme respirer. C'était comme si mon corps avait oublié ce qu'il devait faire pour vivre. Ce fut donc une violente gifle qui me fit ouvrir les lèvres et inspirer une profonde respiration par un réflexe de stupéfaction.

— Ne commence pas à faire tes putains de crises de panique, maugréa-t-il, en me dévisageant avec son aura pernicieuse. Je te jure, Joshua, que je vais sévèrement m'énerver si tu foires tous les plans que j'ai prévus pour toi. Prends un peu sur toi, merde, tu n'auras rien à faire à part savourer tout le plaisir que je vais te donner !

— Je suis désolé, je suis désolé ! paniquais-je. Je serais bon, je te promets que je serais bon. Merci ! Merci pour les cadeaux... merci beaucoup...

Soudain, son visage s'adoucit.

— De rien, mon amour, répondit-il d'une douce voix, en s'abaissant pour venir lier nos lèvres dans un baiser, me donnant des hauts-le-cœur, à tel point que son toucher me rendait malade. Avant de te mettre le bâillon, je vais te baiser la bouche. Mais je te préviens tout de suite, si tu me vomis dessus comme la dernière fois, tu sais comment ça va se finir ?

Je hochais vivement la tête en guise de réponse, malgré les hurlements de mon subconscient qui résonnèrent dans mon esprit.

— Parfait, bébé. Tu vois que ce n'est pas compliqué de te montrer docile ? fit-il remarquer, en lâchant mes épaules pour se redresser et défaire la boucle de sa ceinture.

Je me raidissais à mesure que je le voyais enlever chaque partie de ses vêtements.

Vous savez, il y a deux sortes de catégories de personnes dans le monde. Vous avez celles qui vont réussir à se démener au péril de leur vie, à se battre pour pouvoir s'enfuir et échapper à leurs bourreaux, coûte que coûte. Et vous avez celles où la peur est tellement écrasante et titanesque à l'intérieur de nous, que notre cerveau se met instinctivement en arrêt, en pause, pour nous « protéger » de ce qui va se produire, faisant de nous des poupées de chiffon, des pantins désarticulés et sans vie, à la merci de nos tyrans.

Dans la majorité des cas, nous ne nous souvenons pas de ce qui s'est produit sur le moment, totalement imprégnés d'un déni qui finit par éclater lorsqu'un élément déclencheur surgit et nous frappe de plein fouet au visage. Cela peut mettre des années à revenir dans nos esprits, tout comme ça peut ne jamais refaire surface.

Dans mon cas, j'aurais aimé ne jamais m'en souvenir. J'aurais tant aimé que ces souvenirs restent enfouis à jamais dans un coin de mon esprit...

— Allez, ouvre ta bouche... putain, gémit-il, en se branlant juste sous mes yeux pour faire durcir son pénis. Pas de dent, pas de vomi, compris ?

Je ne pouvais retenir les larmes qui dévalaient le long de mon visage. Mon corps était devenu aussi mou que de la guimauve, mes bras pendaient comme un corps en léthargie le long de mon buste, mes jambes étaient aussi flasques que du pudding. Je le vis se saisir de mes cheveux pour empêcher tout mouvement de réticence face à son pénis, qu'il vint introduire entre mes lèvres et enfoncer d'un coup de reins dans le fond de ma gorge, me faisant immédiatement tousser autour de sa verge, en me bloquant les voies respiratoires.

Les rejets étaient inévitables. Je bavais atrocement autour de son sexe, qui tapait violemment à chaque pénétration contre ma glotte sensible. Je sentais mon corps se crisper, mes muscles se contracter, tant je résistais pour ne pas lui vomir dessus, mais c'était tout bonnement impossible de contrôler les réflexes nauséeux de mon corps qui se sentait attaqué, persécuté.

Ce que je redoutais au plus profond de moi se produisit une nouvelle fois...

— Putain de merde ! hurla-t-il avec animosité, lorsque mon dégueulis s'était répandu le long de son pénis. Je t'avais dit quoi, putain ?! Qu'est-ce que tu ne comprends pas, espèce de salope ? Pas de vomi ! Tu vas le payer cher !

Je reprenais difficilement ma respiration — encore déboussolé par ce qui venait de m'arriver —, quand je vis le premier coup de poing se lever dans les airs, avant de...


Mes paupières s'ouvrent brusquement dans l'obscurité de la chambre. Je me redresse d'un mouvement vif, avant de retomber sèchement sur le matelas après avoir heurté contre le bras de mon amant qui m'entoure la taille. Je respire bruyamment et rapidement, en balayant mon regard, habitué à l'absence de lumière, dans chaque coin de la pièce, à la recherche de la présence de Ha-joon.

Cependant, aucune trace de son ombre n'est perceptible dans la chambre, puisque tout ceci n'était qu'un mauvais rêve. Qu'un mauvais souvenir.

Mh... bébé... Qu'est-ce qu'il y a ? me demande Jaekyung dans un murmure, l'intonation de voix démontrant qu'il est encore endormi, ne réalisant pas que j'essaie tant bien que mal de maîtriser une crise de panique.

Allez, respire, respire, ce n'était qu'un mauvais rêve, m'encouragé-je dans ma tête, en agrippant l'avant-bras de mon homme, comme pour me sentir en sécurité auprès de lui. Ça ne se produira plus, ça ne se reproduira plus jamais, c'est fini, fini, fini ! Tout va bien.

Mais même en essayant de me convaincre du contraire, mon cœur ne cesse de tambouriner comme un fou contre ma poitrine, me donnant l'impression qu'il va céder à tout instant.

— Jae... Jaekyung... chuchoté-je en commençant à percevoir la sensation d'un vertige, le plafond tournant dans le sens de l'aiguille d'une montre au-dessus de ma tête, ainsi que des bourdonnements incessants près de mes tympans. Réveille-toi, je ne me sens pas bien... Jaekyung !

— Hein ? Quoi ? finit-il par réagir, complètement pris au dépourvu de la situation. Qu'est-ce qui se passe ?

Jaekyung se lève subitement dans le lit pour se précipiter vers la table de chevet, et allumer la lampe d'une lueur tamisée pour mieux me voir dans cet obscurcissement.

— Bébé ! Qu'est-ce qui ne va pas ? s'enquiert-il rapidement, en voyant que j'ai du mal à respirer. Tu fais une crise de panique ? Attends, je vais ouvrir la fenêtre.

Il descend rapidement du lit, sans faire attention où il met les pieds, tellement il est dominé par un sentiment d'angoisse. Son petit orteil en fait la rencontre du pied du lit, et il se met à jurer plusieurs noms d'oiseaux — de toutes espèces différentes —, en s'approchant de la fenêtre qu'il ouvre pour faire pénétrer l'air glacial de l'hiver dans la chambre.

Ce changement soudain de température est un premier choc pour moi, me permettant de reprendre le contrôle sur ma propre respiration. Toutefois, ce n'est pas encore suffisant pour que je parvienne à canaliser les battements irréguliers de mon cœur contre ma poitrine.

— Hé, mon amour, je suis là, écoute ma voix, tout va bien, tu es en sécurité, tout va bien mon ange, me dit-il, en revenant à mes côtés.

— Prends-moi dans tes bras... S'il te plaît, prends-moi contre toi, lui murmuré-je en sanglotant, les bras tendus vers lui — comme un enfant qui réclame les bras de ses parents.

— Je suis là, bébé, tout va bien, ce n'était qu'un mauvais rêve, émet-il en esquissant un faible sourire, avant de prendre place à mes côtés, me permettant de me positionner à califourchon sur lui. Ton cœur va finir par se calmer. Respire profondément, mon amour, respire en suivant mon rythme.

Il chuchote ces mots, en caressant mon dos dans des mouvements circulaires. Je peux sentir, contre ma peau, le rythme de son organe thoracique battre à tout rompre contre sa poitrine, avant qu'il ne finisse par se calmer. Le visage enfoui dans le creux de son cou, je me laisse porter par ces douces et apaisantes câlineries le long de mon épiderme. Mes muscles se détendent, en me procurant un sentiment de soulagement. Ma respiration commence progressivement à se stabiliser, tout comme le rythme de mon cœur, qui s'harmonise avec celui de mon amant.

— Voilà, c'est parfait, mon ange, commente-t-il d'une voix soudainement ensommeillée, en déposant quelques baisers sur le lobe de mon oreille. Est-ce que tu veux me parler de ce mauvais rêve ?

Même en étant sur le point de se rendormir — exténué de sa longue journée après avoir enchaîné les rendez-vous extérieurs —, Jaekyung persiste à vouloir se montrer présent et attentif à mes besoins. Ce qui me fait encore plus culpabiliser de lui faire subir — sans le vouloir — mes crises d'angoisses quotidiennes.

— Pas maintenant, non, lui réponds-je dans un chuchotement, en glissant mes mains dans ses cheveux pour venir gratter son cuir chevelu à l'aide de mes ongles. Je... c'était encore par rapport à mon ex... Je crois que notre discussion avant d'aller nous coucher a beaucoup joué sur mon subconscient...

— Je suis désolé... rétorque mon homme sur une intonation de voix attristée. Je suis désolé de t'avoir poussé au-delà de tes limites...

— Non, non, ne t'excuse pas ! Ce n'est pas de ta faute, le contredis-je, en me redressant pour pouvoir croiser son regard, ou du moins, le voir batailler avec ses paupières pour les garder ouvertes. Tu... Si tu ne l'avais pas fait, je suis certain que je n'aurais jamais dit à voix haute ce qui est sorti de mon cœur... Je suis convaincu que c'est un mal pour un bien. Que cette souffrance finira par disparaître, un jour ou l'autre...

Jaekyung fait un léger mouvement de tête pour approuver mes paroles.

— J'aimerais tellement que tu puisses te voir comme moi je te vois, mon amour...

— C'est-à-dire ? veux-je savoir, en essuyant les quelques larmes qui continuaient de couler sur le long de mon visage.

Un sourire s'étire sur le coin de ses lèvres.

— Incroyable. Tu es incroyablement fort. Tu es l'une des personnes les plus fortes que je n'aie jamais rencontrée, dit-il malgré ses paupières qui se ferment, en gagnant le combat contre sa lutte. Tu te bats constamment, et demander de l'aide ne fait pas de toi un faiblard, bien au contraire. Demander de l'aide en mettant de côté ta fierté, ton ego, c'est l'une des preuves d'une véritable force mentale, mon amour. Je t'admire tellement pour ça...

— Mon amour... murmuré-je à fleur de peau. Je ne...

— Chut, me coupe-t-il, en écrasant sa grande main sur mon visage. J'aurais aimé être comme toi...

Il se laisse progressivement submergé par la fatigue.

— Peut-être que si je l'avais été, je n'aurais jamais fait ça...

De quoi parle-t-il ? Est-ce l'épuisement qui parle à sa place ? Lui faisant dire des choses qui n'ont ni queue ni tête ?

— Chéri ? Qu'est-ce que tu veux dire par là ? notifié-je, en venant poser l'une de mes mains contre sa joue, retenant de peu sa tête, tombant vers l'avant. Chéri...

Attendri, je contemple ses magnifiques traits endormis.

— Dors bien, mon amour, je t'aime, lui dis-je d'une voix apaisée, en revenant me blottir contre lui pour écouter les battements de son cœur, résonnant mélodieusement dans le creux de mon oreille.

Lui aussi, a besoin de se reposer. Car contrairement à moi, qui exprime mes sentiments en les extériorisant par des crises de tristesse ou de colère, Jaekyung lui, fait tout l'inverse, en les gardant bien au chaud au plus profond de son être. Il est rongé par des remords et des regrets. Envahi de « j'aurais dû » et « si j'avais su ». Bouffé par une adolescence meurtrie, qui l'a conduit à ce qu'il est devenu maintenant : un homme brisé intérieurement, ayant refoulé ses sentiments durant toutes ces années.

Faisant de lui une bombe à retardement.

Un adolescent, qui au lieu de profiter de sa jeunesse comme il aurait dû pouvoir le faire, de grandir entouré de l'amour de ses amis, a dû devenir un homme en l'espace de quelque temps, pour se créer un mur de pierre autour de son cœur, lui permettant de surmonter le rejet et la haine venimeuse de ses parents.

Il est un homme épuisé mentalement par les eaux troubles de son passé. Un passé que j'ignore dans sa globalité.

Jusqu'au jour où j'ai découvert la vérité...


❃ ❃ ❃ ❃


Le chant des oiseaux matinaux me sort de mon sommeil, réalisant, lorsque j'ouvre les yeux, que nous n'avons pas fermé la fenêtre de la chambre avant de nous rendormir, enlacés l'un contre l'autre comme des koalas inséparables. Autant vous dire que dès notre réveil, nous sommes immédiatement embarqués dans une fanfare d'éternuements, animant tout le voisinage de celui qui éternue le plus fort.

Sans grande surprise, je suis celui qui domine la partie.

— Putain, jure Jaekyung en reniflant pour faire passer les chatouillements persistants dans ses narines. Il a fallu qu'il fasse moins huit mille cette nuit. Temps de merde, fait chier.

Il grommelle en frottant le mouchoir sur sa peau irritée.

— Désolé, je n'ai pas pensé à fermer la fenêtre avant de m'endormir dans tes bras, m'excusé-je, en ayant des perles d'eau déboulant le long de mes joues.

Mais avant que vous ne vous fassiez de fausses idées, je « pleure » à cause des picotements dans mes yeux et dans mon pif. Je sais que je suis du genre très sensible, mais pas au point de pleurer parce que j'ai oublié de fermer une putain de fenêtre. Autrement dit, dans toute cette affaire de fenêtre non fermée, moi et mon petit-ami, avons chopé une magnifique crève conjugale.

— Ne t'excuse pas, bébé, relate-t-il avec un paquet de mouchoirs dans ses mains, qu'il ouvre pour en prendre un, tout en me regardant de ses yeux brumeux. C'est un mal pour un bien, n'est-ce pas ?

Je fredonne en guise de réponse.

— Oui... mais j'espère que ça ne se reproduira plus... lui confié-je, en recroquevillant mes jambes contre mon torse, avant d'ajuster le plaid sur mon corps.

— Hé, mon ange, ça arrive de faire des crises d'angoisse, spécifie mon amant, en prenant place à mes côtés sur le canapé. Et tu n'es pas tout seul, je suis là pour te réconforter, pour t'aider à te détendre et à reprendre le contrôle, hm ?

En le sentant s'installer près de moi, je me laisse tomber délicatement sur ses jambes, ma tête reposant sur le haut de ses cuisses.

— Et je ne te remercierai jamais assez pour tout ce que tu fais pour moi, réponds-je en fermant les yeux, quand l'une de ses mains se faufile dans ma chevelure pour me procurer des papouilles. Mais je veux que ça cesse au plus vite... Je ne veux pas qu'à la longue, ça finisse par t'affecter plus que ça ne l'est déjà...

— Ce serait mentir de te dire que ça ne me touche pas, rétorque-t-il d'une douce voix. Mais on est un couple, bébé, et on est censés s'aider mutuellement, se soutenir dans n'importe quelle situation. Je ne te laisserai plus jamais affronter seul les traumatismes de ton passé. Plus jamais, mon ange.

Il fait chanceler le bout de ses doigts sur mon cuir chevelu.

— Et d'ailleurs, pendant que tu étais encore endormi, je me suis permis d'appeler l'hôpital pour toi.

Je rouvre subitement mes yeux avec étonnement.

— Qu'ont-ils dit ? lui demandé-je avec hâte. Quand est-ce que j'aurais un rendez-vous ? Est-ce qu'ils... Est-ce que je risque de me faire interner ?

— Non, bébé, non, déclare-t-il en secouant faiblement la tête. Tu ne vas pas te faire hospitaliser pour ça, non. En premier lieu, ils t'ont donné un rendez-vous pour demain matin.

Mon regard s'agrandit, éberlué.

— Aussitôt ? Mais comment est-ce que c'est possible que j'aie pu avoir un rendez-vous avec un psychologue aussi rapidement ?

Ses traits prennent une expression de désolation.

— Eh bien... c'est... ton dossier qui a joué en ta « faveur », m'annonce-t-il, en m'adressant tout de même un sourire réconfortant, à travers lequel je perçois sa tristesse.

— Oh..., soufflé-je en empoignant le tissu de mon plaid entre mes doigts. Je suis donc un patient suicidaire à leurs yeux... Ils n'ont pas vraiment tort, en soi. Ils ont peur que j'essaie de me flinguer à nouveau ?

— Bébé...

— Est-ce que je me trompe ? le reprends-je, en ancrant mon regard dans ses prunelles crépusculaires. Je ne veux pas qu'ils pensent ça, de moi... Je... je regrette tellement ce que j'ai fait... Je culpabilise tous les jours d'avoir sauté de ce pont...

Je déglutis difficilement ma salive, en sentant des bras puissants m'emporter avec eux dans une forte étreinte.

— Tu n'as pas à culpabiliser pour le choix que tu as pensé juste pour toi, me murmure-t-il d'une voix touchée, en caressant mes cheveux, tandis que mes sanglots sont étouffés contre son sweat.

— Je veux... je veux juste qu'ils m'aident à trouver un moyen de m'en sortir... Je veux m'en sortir, je ne veux plus jamais retomber... plus jamais ! dis-je, en tâchant son vêtement de mes larmes et de ma morve. Je ne veux plus qu'on me voie comme un pauvre mec désespéré... Je ne veux plus qu'on me voie ainsi ! Et j'en ai ras-le-cul de pleurer ! J'en ai marre, marre ! Je ne fais que ça de la journée !

Sans m'en rendre compte sur le moment, mon homme se penche vers moi pour venir déposer quelques baisers sur mon visage, et embrasser par la même occasion mes larmes déboulant sans retenue le long de mes joues rougies.

— Tu es en droit de pleurer autant que tu le souhaites. D'autant plus qu'il est préférable d'évacuer tout ton mal-être via tes larmes, plutôt que de le laisser prendre en puissance dans ton cœur, souligne-t-il, en poursuivant ses baisers jusqu'à m'arracher un petit sourire contrastant avec mon regard larmoyant. Tu verras, mon amour, un jour, quand tu penseras à nouveau à tout ça, tu ne pleureras plus. Et tu sais pourquoi ?

— Non ? murmuré-je, en accompagnant mes mots d'un mouvement de tête.

— Tout simplement parce que tes plaies dans ton cœur se seront refermées. Que tu auras réussi à vaincre ces démons. Et je suis certain que tu y parviendras, m'assure-t-il, en séchant mes larmes. Ce rendez-vous demain matin avec le psychologue, c'est le début de la victoire, mon amour. Ça ne sera pas évident, mais nous sommes là pour t'accompagner et t'aider. Nous serons toujours là.

Un plus large sourire prend place sur le coin de mes lèvres.

— Pour moi, j'y parviendrai. Mais aussi, pour nous deux. Pour mon couple, je ferai tout pour y arriver, certifié-je avec détermination. Parce que... je...

— Qu'est-ce qu'il y a, mon ange ? demande-t-il, en me voyant hésiter. Dis-moi tout.

En humidifiant mes lèvres d'un coup de langue furtif, je rougis, en détournant mon regard vers la bague qui orne toujours mon annulaire de sa splendide beauté.

Je veux t'épouser. Quand tout ira mieux dans ma vie, je veux t'épouser, Jaekyung.

— Il y a... il y a quelque chose qui va certainement m'aider à me booster pour franchir la ligne d'arrivée, dis-je d'un air pensif, en faisant chanceler la pulpe de mon pouce sur la bague. Ce jour sera inoubliable, j'en suis certain.

Je revois les images de moi et de mon compagnon au bord de la plage, nous disant oui devant un magnifique coucher de soleil. Une union simple et idyllique.

J'ai vingt ans à ce moment-là, oui. C'était jeune pour déjà penser au mariage. Et pourtant, même au début de l'effervescence de l'âge adulte, je savais que je voulais dire oui à l'amour de ma vie.

— Vu comment tu restes vague vis-à-vis de ce sujet, j'en déduis que tu veux le garder secret pour le moment ? conclut mon amant, en arquant un sourcil.

— Oui. Pour le moment, je veux le garder pour moi. Mais tu le sauras au moment venu, je te le promets, affirmé-je, en me redressant pour venir lier mes lèvres aux siennes dans un doux baiser. Tout ce que je peux te dire, c'est que je nous vois déjà vieux, dans un petit chalet à la montagne, avec nos deux chiens !

Jaekyung rit contre mes lèvres.

— Tu nous vois déjà tous boiteux et ridés ? glousse-t-il, en caressant ma joue du bout de ses doigts, tandis que son bras de libre s'enroule plus fermement autour de ma taille pour me maintenir contre son corps. Cela dit, on pourra faire des combats de canne, à défaut de ne pas avoir de sabre-laser.

— Je te battrais à plate couture, Jeon Jaekyung, vu que j'aurais déjà des années d'expérience devant moi ! le taquiné-je, en sentant une agréable chaleur se répandre dans ma poitrine en imaginant ce potentiel futur.

Mon petit-ami esquisse un sourire goguenard, en haussant ses sourcils de manière suggestive.

— Alors, il va falloir que tu m'apprennes l'art de la manipulation de la canne céleste, maître Yoda.

Outré de cette comparaison, je pince, par esprit de vengeance, ce que j'ai sous la main. En conclusion : son téton droit. Il émet un faible cri de surprise, avant de partir dans un fou rire, en basculant sa tête en arrière sans relâcher son emprise autour de ma taille.

— Espèce de vicieux ! Tu veux me faire un piercing au téton ?

— Ça pourrait bien t'aller, réponds-je avec amusement et un brin de sincérité. En plus, maintenant, je connais un bon perceur, qui est très gentil aussi !

— Il est juste gentil ? Ou il est beau gosse et gentil ?

En faisant mine de réfléchir, je prends mon menton entre mon index et mon pouce pour accentuer mon air espiègle, sous le regard délassé de mon amant.

— Tu es en train de te foutre ouvertement de ma gueule.

Il m'allonge sur le canapé pour venir m'attaquer de ses mains, dans une lutte acharnée contre ses chatouilles, me faisant rire à gorge déployée en me tortillant dans tous les sens sur le canapé.

— Alors ? Il est comment ?

— A-arrête, s'il... s'il te plaît, m'esclaffé-je au bord des larmes, en tentant d'immobiliser ses mains, en vain.

Il est clairement plus fort que moi en terme de puissance.

— Tu... tu es le plus beau ! S'il te plaît... arrête ! le supplié-je, en me retournant sur le ventre pour risquer le tout pour le tout et échapper à son attaque de chatouilles. Le... le plus beau... le...

Je n'arrive pas à terminer ma phrase, tellement je ris.

— Le ? Je t'écoute ? Peut-être que j'arrêterai de te chatouiller si tu arrives à me convaincre de le faire, vient-il me chuchoter dans le creux de mon oreille, d'une voix particulièrement malicieuse.

— Tu.. tu es méchant ! protesté-je, en serrant mes mains autour des siennes pour l'arrêter dans sa lancée. J'ai... j'ai mal aux abdos, arrête !

— Mauvaise réponse, pouffe-t-il en glissant — sans encombre — ses mains sous mon pull pour me faire des guilis à même la peau.

— Non ! Non ! me suis-je mis à crier, en riant de plus en plus fort.

Je ne peux m'empêcher de me tordre dans tous les sens, faisant frotter mes fesses en toute conscience contre son bassin, jusqu'à l'entendre grommeler quelque chose de inaudible dans sa barbe inexistante, avant de sentir ses mains appuyer fermement sur mes hanches pour les immobiliser contre le canapé.

— Je sais parfaitement à quoi tu es en train de jouer, tricheur, susurre-t-il d'une voix basse contre le lobe de mon oreille.

En niant complètement les faits, je réponds :

— Je ne vois pas de quoi tu veux parler, me défends-je, en déviant le regard du coin de l'œil pour pouvoir l'observer par-dessus mon épaule. Je ne fais que me défendre contre un tyran qui me torture !

— Moi ? Un tyran ? s'exclame-t-il, en mimant une expression abasourdie. Tu vas voir, toi. Viens-là.

Il tire sur mes hanches pour me faire glisser sur le sofa et s'asseoir délicatement sur le bas de mon dos pour reprendre ses attaques de chatouilles, en m'empêchant totalement de bouger. Je ne peux désormais que subir en riant et en le suppliant à maintes reprises de s'arrêter.

— Non... non ! Tu n'es pas un tyran ! Tu... tu... tu es l'homme... le... le plus sexy de la... Terre, bégayé-je entre deux fous rires, proche de la crise d'asthme. Tu... tu es le plus drôle ! Le plus gentil, le plus a-atten-tio-tionné !

Face à mes difficultés de m'exprimer convenablement, mon homme se met à rire lui aussi, en diminuant la fréquence de ses chatouilles, ce qui me permet de reprendre ma respiration.

— S'il te plaît, chéri, arrête, s'il te plaît, l'imploré-je en lui faisant le regard du chat potté pour l'amadouer.

En contrepartie, Jaekyung enfonce sa langue contre sa joue, en laissant un sourire en coin prendre place sur ses lèvres.

— Je ne sais pas. J'aime beaucoup la position dans laquelle tu te trouves. Ça me plaît bien.

— Chéri, s'il te plaît, adjuré-je en prenant une mine plus triste et boudeuse. Embrasse-moi, s'il te plaît... Je veux sentir tes lèvres contre les miennes...

Durant le temps de quelques secondes, il semble faire mine de réfléchir à quelque chose pour contourner ma demande, me taquinant encore un peu plus sous ses airs de diablotin. Cependant, ses traits taquins s'adoucissent, en même temps qu'il se penche vers mon visage

Je souris en fermant les yeux pour savourer le baiser qu'il va m'offrir.

Toutefois, malgré le fait que je puisse percevoir la proximité de son visage près du mien, son souffle chaud s'écrasant contre ma peau, rien ne se pose contre mes lèvres, mis-à-part sa respiration.

— Jaekyung ! rouspété-je d'une voix contrariée, en fronçant les sourcils.

— Gourmand, murmure-t-il avec délassement face à mon impatience. Ne t'inquiètes pas, je vais te donner tous les baisers que tu mérites.

Il finit par lier enfin nos lèvres ensemble, me faisant soupirer de contentement à ce toucher divin. Pendant cet échange de baisers, aussi doux que du velours, aussi fondants qu'un coulis de chocolat, Jaekyung relâche la pression sur le bas de mon dos, me facilitant l'accès pour me tourner sur le dos et l'attirer contre mon corps, sans rompre une seule fois cette embrassade si délicate et passionnée de notre amour.

— Tu as des rendez-vous aujourd'hui ? chuchoté-je contre ses lèvres, en sentant par la même occasion sa langue se frayer un chemin dans ma bouche, après avoir terminé ma question.

Je gémis lorsque nos langues dansent, se caressent l'une contre l'autre dans un bal endiablé, jusqu'à ce que nous manquons d'oxygène, et nous rompons, à contrecœur, cette union pour reprendre notre souffle, aussi saccadé l'un que l'autre.

— Non. Je ne bouge pas aujourd'hui, sauf pour aller à la salle de boxe ce soir, me répond-il, en déposant de petits baisers tout autour de mes lèvres. Je suis entièrement à toi pour toute la journée, et la nuit aussi.

À sa dernière phrase, je rouler des yeux, en souriant de quiétude.

— Est-ce que je peux venir avec toi ce soir ? demandé-je, en enroulant mes bras autour de sa nuque.

— Putain, ouais, souffle-t-il, tandis qu'une lueur d'ivresse est perceptible dans ses pupilles dilatées. Je suis tellement content que tu me le demandes. Ça fait longtemps que tu n'es pas venu à la salle. Et puis, même si on ne sera pas tout seuls, je peux t'assurer que les gars avec qui je m'entraîne depuis le début sont super avenants ! Tu seras bien accueilli, bébé.

En glissant une main dans ses cheveux, j'écrase furtivement mes lèvres contre les siennes, en ne pouvant effacer ce large sourire illuminant mon visage d'exultation.

— Je ne me fais pas de soucis. Tant que tu es dans les parages, je me sentirai en sécurité, marmotté-je avec honnêteté. J'ai hâte de rencontrer tes amis de la salle ! Mais j'ai hâte aussi de pouvoir te regarder t'entraîner...

Tant que mon homme sera là avec moi, je ne risque rien.

— Tu es vraiment un coquin, toi, dit-il dans un faible gloussement. Tu n'as pas à t'inquiéter, mon amour, le premier qui fait un faux pas, je l'encastre dans le mur.

Oui. Même si mes démons continuent de me hanter dans mes rêves, plus rien ne peut me faire de mal, tant qu'il sera là, à mes côtés.


❃ ❃ ❃ ❃


— Jaek ! Bah alors ? Tu n'as pas l'air en forme aujourd'hui ? commente son entraîneur, en venant nous accueillir. Il faut penser à dormir la nuit, hein.

Il accompagne ses mots d'une tape sur son épaule, ainsi que d'un clin d'œil, me faisant immédiatement rougir, en ayant compris son allusion.

— Mais ferme-la, le vieux, grommelle-t-il dans un long soupir d'exaspération.

— Eh ! Parle mieux à ton hyung, sale dévergondé ! le reprend son entraîneur sur un ton amusé. Pour la peine, tu me feras trois séries de cent pompes avant de commencer la séance.

Cent pompes ? Avec étonnement, j'entrouvre la bouche, en regardant mon amant.

— T'inquiètes, mon cœur, me dit-il en levant le pouce en l'air. Je les fais les doigts dans le nez, ses trois séries de merde là.

— Ça t'en fera une quatrième supplémentaire pour être incapable de parler sans jurer, lui ordonne son coach d'un air satisfait, en repartant s'occuper des autres boxeurs.

Comment vous dire qu'il m'est impossible de ne pas rire face à cette punition, en cachant du mieux que je le peux derrière ma main, mon sourire facétieux.

— C'est ça, petit chenapan, moque-toi de moi, marmonne mon compagnon, après s'être penché pour rapprocher son visage du mien, en prenant appui de ses mains sur les accoudoirs de mon fauteuil roulant.

Il humidifie ses lèvres d'un coup de langue, avant de faire claquer cette dernière contre son palais.

— Regarde-moi bien réaliser ces quatre cent pompes, m'intime-t-il, en embrassant mon front.

Suite à cette première action dans un lieu public, à la vue de tous, je suis devenu aussi rouge qu'une pivoine, faisant rire mon amant, qui se met à réaliser la première série de pompes — après un petit échauffement — sous le regard attentif et consciencieux de son entraîneur.

— Lève la tête, Jeon ! le gronde-t-il. Et serre un peu plus les fesses. Tu es aussi flasque que du pudding aujourd'hui.

Si je n'avais pas vu ce sourire désopilé égayer les traits de mon homme face aux rires de ses camarades, je n'aurais jamais deviné que c'est de la taquinerie entre lui et son entraîneur.

J'en suis presque venu à prendre personnellement cette moquerie.

— Voilà, c'est bien, continue comme ça. Tu n'as fait que la moitié de la première série, alors ne te dégonfle pas maintenant, si tu ne veux pas que je t'en rajoute.

D'une expression émerveillée, mais surtout admirative, je contemple mon petit-ami exécuter les séries les unes après les autres, tout en prenant quelques secondes de repos pour s'hydrater et se dégourdir les muscles. Il est magnifique à détailler du regard — même s'il est déjà tout transpirant —, son corps d'Apollon me donne le tournis rien qu'à voir les muscles de ses biceps se contracter à chaque descente, ses mains supportant tout le poids de son corps.

Tout comme sa mâchoire, crispée par la concentration, ses sourcils froncés en se mordant la lèvre inférieure, lorsque les dernières pompes sont les plus douloureuses pour ses bras congestionnés, tremblant d'épuisement.

— Tu y es presque, ne lâche pas ! l'encouragé-je, en serrant mes mains en forme de petits poings, sans me rendre compte que je viens de dire mes pensées à voix haute.

C'est en remarquant le sourire des autres boxeurs à mon attention, ainsi que celui de l'entraîneur, que je m'enfonce dans mon fauteuil roulant, dans l'optique de disparaître à jamais, embrasé par un sentiment de timidité.

— Et si j'en donnais dix de plus à faire à Jeon ? Qu'est-ce tu en penses ? me propose-t-il en souriant allègrement, les mains posées sur ses hanches.

Encore une fois, sans en prendre conscience, je dévisage son entraîneur de la tête aux pieds.

— Je crois que mon petit-ami n'est pas du même avis, coach, glousse Jaekyung, en se mettant debout pour étirer ses bras et ses jambes. Il vaudrait mieux ne pas le contrarier.

Toujours d'une expression joviale, l'entraîneur hoche la tête, en venant tapoter le dos de mon amant.

— Tu as de la chance. Tu t'en sors bien aujourd'hui. Allez, va enfiler les gants, on va passer aux choses sérieuses.

— Yes ! répond Jaekyung, en épongeant son visage à l'aide de sa serviette. Bébé, tu peux me donner une nouvelle bouteille d'eau, s'il te plaît ?

Y a-t-il quelqu'un de présent dans le cerveau de Joshua qui pourrait traiter sa demande ?

Non ? Personne ?

En même temps, comment pourrais-je être concentré en ayant sous mes yeux, un homme qui a été favorisé par Aphrodite ? Son t-shirt blanc moule à la perfection ses pectoraux, ainsi que ses abdominaux qui ressortent en transparence à travers le tissu humidifié par sa sueur.

— Est-ce que mon amant est toujours présent avec moi ? me demande-t-il, en allant récupérer de lui-même la bouteille, l'ouvrant par la suite pour boire quelques gorgées, en profitant de la situation pour me rendre encore plus fébrile.

S'il vous plaît ! Que quelqu'un fasse fonctionner les capacités motrices de Joshua !

Jaekyung referme le capuchon de la bouteille, tout en faisant chanceler le bout de sa langue sur sa lèvre supérieure — sans me quitter une seule fois du regard.

Alerte générale, le loup est dans la bergerie !

— Bébé ? Tu as perdu ta langue ?

En reprenant mes esprits, je sens mon cœur s'emballer contre ma cage thoracique, ainsi qu'une vive chaleur étouffante — dûe à mon excitation — prendre de l'ampleur dans mon corps.

— Euh... je... je... je vais aller aux toilettes, m'exprimé-je aléatoirement, sous le regard amusé de mon homme. Je vais me rafraîchir, j'ai.. j'ai chaud soudainement.

— Mh-mh, « soudainement », souligne-t-il, en levant les yeux d'un air attendri.

Il est temps de s'échapper, allez, pensé-je en levant les freins pour pouvoir faire tourner les roues de mon fauteuil et me diriger à toute vitesse vers les vestiaires des hommes, où se trouvent aussi les toilettes.

Une fois à l'intérieur, j'expire un long soupir de soulagement, avant de me mettre à rire en repensant à la manière dont j'ai dévoré mon petit-ami du regard.

— Mais pourquoi tu fais ça en public ? m'interrogé-je tout seul, en me dirigeant vers les lavabos.

J'ouvre le mitigeur d'eau pour le positionner sur l'eau froide, sous laquelle je mets mes mains pour me rafraîchir le visage à plusieurs reprises.

— Putain, il est encore là, l'autre trou du cul. Casse les couilles, putain de merde ! rage une voix inconnue, en claquant sans ménagement la porte de son casier, contre laquelle il donne un coup de poing, illustrant parfaitement son état colérique.

Face à ce bruit assourdissant, je réprimande un hoquet de surprise en levant immédiatement le regard vers le miroir situé devant moi, pour y déceler une silhouette qui est de dos, face au reflet. Mais au moment où je regarde dans la glace, le jeune homme se tourne vers moi. Pris de peur à l'idée de voir ses prunelles assombries par la haine, je détourne les yeux vers le sol, en espérant qu'il ne vienne pas m'adresser la parole.

— Désolé si je t'ai fait peur, dit-il à mon attention. Je ne savais pas qu'il y avait quelqu'un, et encore moins que les handicapés pouvaient venir ici. C'est nouveau ça.

Que se passe-t-il ? Jaekyung ne m'a jamais dit que ses camarades de boxe sont aussi irrespectueux. Il m'a pourtant assuré un peu plus tôt, qu'ils sont tous avenants et que je serai bien accueilli.

Alors, qui est-ce ?

Mis-à-part un nouveau à la salle qui nous casse les couilles. La voix de mon compagnon résonne soudainement dans mon esprit, ayant complètement oublié qu'il m'a parlé d'un nouveau à la salle de boxe, perturbant et particulièrement gênant.

Est-ce qu'il s'agit de lui ?

— Tu es sourd ? Muet ? Ou peut-être les deux ? Ce qui ne serait pas étonnant, vu que tu es en fauteuil roulant.

Mais quel connard ! juré-je dans ma tête, en serrant mes mains sur le tissu de mon pantalon.

— Ni l'un, ni l'autre, réponds-je à travers un souffle tremblant, en prenant par la suite la décision de me tourner vers lui par politesse, car je déteste parler à des gens en leur tournant le dos.

Mais lorsque mon regard se pose sur ses traits, tout mon corps se paralyse d'effroi. Ce qui est la même chose pour lui, avant qu'il ne se mette à rire en me dévisageant.

— Putain, dites-moi que je rêve ! Ce n'est pas possible, c'est bien toi, Kim Joshua ?

Comment est-ce possible ? Comment l'univers peut-il me faire ça ? Après tout ce que j'ai vécu jusqu'à maintenant, comment ose-t-il le mettre à nouveau sur mon chemin ? Inconsciemment, mes yeux se gorgent de larmes, pas de tristesse, mais de colère, en repensant à ce qu'il m'a fait subir dans les vestiaires du lycée.

— Merde, tu es toujours le même. Toujours la même tête à claques, se moque-t-il, en faisant abstraction de la rage qui s'accumule en moi. Et tu es en fauteuil roulant ? Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ?

— Qu'est-ce que ça peut te faire ? prononcé-je, en serrant mes mains en forme de poings. Qu'est-ce que tu fais ici, Seo-jun ?

Ses traits se durcissent en m'adressant ce même regard de haine qu'il a éprouvé à mon égard, il y a quelques années en arrière. Rien n'a changé. C'est comme si je me retrouvais à l'âge de seize ans dans les couloirs du lycée.

— C'est plutôt moi qui devrait te demander ce qu'un putain d'handicapé fout dans une salle de boxe ? crache-t-il, en réduisant la distance qui nous séparait, pour empoigner quelques mèches de mes cheveux.

Il sourit. Il a ce putain de sourire malsain dessiné sur le coin de ses lèvres.

Fuir. Fuir. Fuir.

Enfuis-toi !

— Ça ne te rappelle rien ? Les vestiaires ? On dirait que tu aimes ça, en fait. Ça t'a manqué de te faire déshabiller ici ?

— Lâche-moi ! crié-je, en lui portant pas un, mais deux coups de poing au visage pour qu'il me lâche. Mais qu'est-ce que je t'ai fait pour mériter ça ?! Pourquoi tu continues de me détester autant, après toutes ces années ?

Seo-jun jure avec animosité en amenant une main à son visage lors du choc. Il ne s'est clairement pas attendu à ce que je me défende, ayant profité de cette ouverture pour tenter de m'enfuir, le cœur palpitant comme un fou contre ma poitrine, à l'idée de me faire frapper, ou même, d'être déshabillé dans ce vestiaire.

— Où est-ce que tu vas comme ça ? colère-t-il, en attrapant les poignets de mon fauteuil pour le faire basculer sur le côté et me faire tomber sur le carrelage des vestiaires. Tu sais, même après toutes ces années, je n'ai pas apprécié le fait que tu nous aies balancé au directeur et à tes parents. Tu as failli nous faire virer, si nos darons n'avaient pas supplié les tiens de ne rien dire.

Je me rattrape à l'aide de mes mains pour amortir ma chute, avant de me retourner pour lui faire, le regard rempli de haine.

— C'est pour ça que tu me détestes encore ? Vous pensiez vraiment que j'allais me taire ?

Je rampe sur mes fesses, contre le sol mouillé par les précédentes douches, pour m'éloigner au plus loin de lui.

— Ce que vous m'avez fait était inhumain ! Pourquoi ? Pourquoi ? Pour quelles raisons vous m'aviez humilié de la sorte devant tout le monde ? hurlé-je au bord des larmes. Je vous déteste ! Je te déteste espèce d'enfoiré !

— Il n'y en avait aucune, me répond-il, comme si c'était une évidence. Enfin, tu étais juste le plus faible et le plus vulnérable d'entre nous tous. Et tu sais ce qui arrive aux plus faibles, dans la loi de la nature ?

Il s'accroupit devant moi, une lueur néfaste s'installant dans ses pupilles dilatées par l'excitation.

— Ils se font traquer par les plus forts. C'est comme ça, la vie, Joshua. Les plus faibles se font bou...

Je l'ai vu arriver.

Mon petit-ami débarque en trombe dans les vestiaires — certainement alerté par mes cris — en possession de ses gants de boxe autour de ses mains. Il a un regard que je n'ai encore jamais vu dans ses yeux. Aussi sombre que le crépuscule. Aussi dense que les ténèbres. Ses traits sont déformés par la haine et une pulsion meurtrière parfaitement déchiffrable, m'arrachant un frisson d'effroi le long de mon épine dorsale.

Je n'ai pas eu le temps de crier son nom. Seo-jun n'a pas eu le temps non plus de terminer sa phrase, que le poing de mon homme s'écrase violemment contre son visage, propulsant son corps contre les parois de douches.

Une première giclée de sang se lève sous mes yeux. 

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