𝟑𝟕. 𝐓𝐨𝐧 𝐜𝐨𝐦𝐛𝐚𝐭 𝐞𝐬𝐭 𝐝𝐞𝐬𝐨𝐫𝐦𝐚𝐢𝐬 𝐥𝐞 𝐦𝐢𝐞𝐧


Mercredi 25 décembre, Séoul, Corée du Sud,

J'ai enfin pu goûter ce qu'est la définition d'une bonne grasse matinée bien méritée. Le contrecoup de l'hôpital — qui n'est pas un mensonge monté de toute pièce et les diverses émotions de la soirée — m'ont fait sombrer dans un sommeil particulièrement profond. Le lit est magistralement divin. Il n'a rien à envier à celui de mon ancienne chambre d'hôpital. Le matelas est certainement un dernier modèle de qualité à mémoire de forme, dans lequel on souhaite s'éterniser à jamais. Les draps sentent le doux parfum de la lavande, contrastant avec l'odeur de désinfectant et de stérilisation des hôpitaux.

Mais ce qui est encore plus agréable pour cette première nuit en dehors de ma chambre hospitalière, n'est autre que mon petit-ami, blotti dans mes bras et agrippé à moi tel un koala accroché à son arbre. Je souris en prenant conscience que c'est notre première nuit dans notre chambre, dans notre appartement, dans notre lit. Je souris, en le contemplant dormir, le visage parfaitement logé dans le creux de mon cou — comme si c'était sa place destinée depuis toujours — faisant répandre dans ma poitrine une chaleur indescriptible.

Mes cils battent dans la faible obscurité de la chambre, doucement éclairée par une forte lueur blanche provenant de l'extérieur, et partiellement diffusée dans l'entièreté de la pièce à travers les volets fermés, je ne peux me résoudre à admirer son visage angélique. Je n'ose pas bouger d'un millimètre, la chaleur de son corps s'étant imprégnée à la mienne, et même si je crève de chaud, je ne bronche pas une seule seconde.

J'aurais pu le dégager sans montrer la moindre gêne, me séparer de lui pour sentir l'air frais me rafraîchir le corps de cette ébullition qu'est son enveloppe charnelle, digne d'un radiateur ambulant. Mais je ne souhaite en aucun cas mettre un terme à cette scène, même si j'allais pouvoir la vivre, encore et encore, chaque matin aux côtés de l'homme de ma vie. Alors, pour combler l'attente de son réveil, j'ai récupéré mon téléphone, qui tient en équilibre sur le rebord de la table de chevet. J'ai ouvert ma messagerie, qui, à ma plus grande surprise, est chargée de SMS de mon frère, mais également de mes amis, qui sont partis de la maison au petit réveil.

Mais le message qui m'interpelle le plus, est celui de mon frère. Cela faisait tant d'années que je ne l'avais pas vu en chair et en os, que lorsqu'il est venu me rendre visite à l'hôpital je ne l'ai pas reconnu dans l'immédiat. Tant d'années que nous nous n'étions pas échangés un seul message, car il était parti comme un voleur du jour au lendemain, sans m'avoir dit au revoir, sans m'avoir dit qu'il m'aimait.

Si je suis au courant de sa situation sentimentale, de sa stabilité financière et de l'emploi qu'il tient à temps plein au sein d'un restaurant gastronomique, c'était tout simplement grâce à ma mère, qui avait réussi à rentrer à nouveau en contact avec lui, malgré la distance qui les séparait. Depuis son départ, il n'y avait pas un seul jour où je ne pensais pas à lui, où je me demandais s'il aimait réellement sa vie à Paris, avec sa femme. Et surtout, si je lui manquais, comme il me manquait à moi.

Ma tension monte, et je me décide enfin à ouvrir son message après quelques minutes de réflexion.

Asaël : Salut frangin, j'espère que tu vas bien ? Je sais que je ne t'ai pas envoyé beaucoup de messages depuis que je t'ai rendu visite à l'hôpital. La mort de maman, ta tentative de suicide, m'ont bouleversé, et je me suis dit que tu devais certainement m'en vouloir pour tout ce qui s'est passé depuis mon départ.

Cependant, je tiens à t'adresser ces derniers mots depuis l'aéroport, en attendant mon vol pour rentrer en France. Je me suis dit que c'était le moment ou jamais de te dire ce que j'ai sur le cœur. De te dire ce que je suis incapable de te prononcer à voix haute.

Pardonne-moi petit-frère. Pardonne-moi de ne t'avoir rien dit. Pardonne-moi de t'être réveillé un matin, sans que ton frère adoré ne soit là à tes côtés.

Après tout, n'est-ce pas légitime de ta part de m'en vouloir ? N'est-ce pas légitime de ta part de me détester ? Tu m'as dit que je n'avais pas à culpabiliser, et pourtant je ne peux m'en empêcher.

Tu as toujours eu le cœur sur la main, Joshua. Même quand les gens te veulent du mal, tu persistes à chercher en eux cette part de lumière à travers l'obscurité. Tu es une personne extraordinaire et tu es devenu un homme incroyablement fort.

Je veux simplement que tu saches que je t'aime plus que tout au monde, petit frère. Qu'il n'y a pas un jour où je ne pense pas à toi, que je ne me demande pas comment tu vas, et ce que tu fais de tes journées.

Pour ce qui est de maman, ne t'inquiète pas, je lui ai choisi un emplacement idéal, là où le ciel n'est jamais caché par les nuages. Là où elle peut contempler les étoiles pour l'éternité. Je l'ai couverte de fleurs, pour qu'elle n'attrape pas froid. Des lys, celles qu'elle adorait tant.

Et ce garçon qui était avec toi... Jaekyung, si je ne me trompe pas ? Est-ce qu'il est gentil avec toi ? Est-ce qu'il prend soin de toi ? Je l'espère de tout cœur petit-frère, parce que tu mérites d'être entouré de belles personnes. Les gens beaux à l'intérieur d'eux, ne peuvent être accompagnés de ceux qui ont une aura colorée. Et tu fais partie de ceux qui brillent tel un arc-en-ciel dans le ciel.

C'est peut-être un peu culotté de ma part, mais sache que malgré la distance qui nous sépare, je serai toujours là pour t'épauler. Je ne cesserai de penser à toi malgré les kilomètres que j'aurai à parcourir pour te rendre visite.

Tu vas me manquer.

Tu me manques déjà...

Je te souhaite un bon rétablissement et un Joyeux Noël, Joshua.

Ton frère qui n'a jamais cessé de t'aimer.

Je ne me suis pas rendu compte, qu'à mesure que je lis ses messages, mon autre main s'est resserrée avec force autour du bras de Jaekyung, agissant comme un garrot sur sa circulation sanguine. Je n'ai pas non plus entendu l'une de ses plaintes, qui n'est autre qu'un gémissement de gêne, sans pour autant le sortir de son sommeil. Ce n'est que lorsque je sens une main s'enrouler autour de la mienne, que je relâche la pression exercée autour de son bras.

— Tu voulais me l'amputer, bébé ? me demande-t-il d'une voix endormie, avec un brin d'humour.

Ses yeux sont fermés mais il parvient tout de même à sourire. Ses cheveux sont en bataille sur le haut de son crâne, comme si une bombe avait explosé durant son sommeil.

— Ou bien, tu as rêvé de moi ? Mais je ne sais pas comment je dois le prendre, vu que tu as voulu m'arracher le bras.

Il ne se doute pas que je suis en train de pleurer. C'est sûrement en m'entendant renifler à plusieurs reprises, avec le peu de dignité que je possède, qu'il finit par ouvrir complètement les yeux pour me regarder.

— Mon ange ? Ça ne va pas ? fit-il avec une soudaine poussée d'inquiétude dans le timbre de sa voix, tout en se redressant dans le lit, faisant glisser la couverture le long de son corps à moitié dénudé. Qu'est-ce qui se passe ? Tu as mal quelque part ?

Je secoue faiblement la tête, reposant le téléphone sur la table de chevet. Je frotte mes yeux avec la paume de mes mains, essuyant les larmes qui se sont mises à couler les unes après les autres.

— C'est mon frère, murmuré-je d'une manière assez audible pour qu'il puisse me comprendre, à travers mes sanglots. Il m'a envoyé un message...

Un soupir de soulagement s'échappe d'entre ses lèvres.

— Que t'a-t-il dit ? demande-t-il avec une pointe d'hésitation dans le ton de sa voix, après être revenu se coucher à mes côtés, m'enveloppant dans son amas de muscles.

Je me laisse entraîner contre son torse athlétique, aussi bouillant qu'une chaudière en action. Ma tête se pose contre son épaule, et de ma main libre, je viens tracer sur sa poitrine, du bout de mes ongles, des mouvements circulaires le faisant frissonner.

— Qu'il est désolé d'être parti du jour au lendemain, de m'avoir laissé derrière lui. Qu'il m'aime encore et qu'il n'arrête pas de penser à moi, tous les jours, lui réponds-je avec émotion, en récitant les grandes lignes pour ne pas m'éterniser dessus.

— Et c'est bien, non ? commente-t-il avec appréhension, de peur de marcher là où il ne faut pas. Enfin, je veux dire, tu m'avais brièvement parlé de ton frère, comme quoi il te manquait terriblement.

— Ça l'est, dis-je en relevant le visage vers le sien. Je suis heureux qu'il m'ait envoyé un message, mais...

— Mais ?

— Je suis incapable d'y répondre dans l'immédiat, réfuté-je, suivi d'un pincement de lèvres. Ça fait cinq ans qu'on ne s'est pas parlé... Enfin, avant qu'il ne vienne me voir à l'hôpital...

Jaekyung fait glisser sa main dans mon dos pour le caresser, son autre main chancelant sur le haut de ma cuisse, qu'il a fait passer sur l'une des siennes, pour me blottir plus confortablement contre lui. C'est agréable de sentir cette tendre douceur émaner à travers ses mains puissantes.

— Il vous faut du temps à tous les deux. La situation est délicate, et seul le temps vous permettra de vous rapprocher, élucide-t-il en venant embrasser mon front. C'est une nouvelle page qui s'offre à vous deux.

Jaekyung trouve toujours les bons mots pour me réconforter et me rassurer dans ces moments de doutes et de questionnements. Je ne saurais comment vous dire à quel point c'est satisfaisant de se sentir écouté, et surtout, compris.

— Tu as raison. Je lui répondrais quand je me sentirai prêt à l'appeler. On a tellement de choses à se dire... gloussé-je, en ressentant de la culpabilité au fond de moi. Et peut-être qu'un jour, on pourra aller le voir à Paris, ensemble. Qu'est-ce que tu en penses ?

Un sourire éclatant illumine ses traits.

— Ce sera avec grand plaisir de t'accompagner dans cette aventure parisienne, dit-il, en faisant glisser sa main sous le haut de mon pyjama.

Je frissonne au contact de sa peau contre la mienne, ce geste ne me dérange plus autant qu'avant, même si je ne me sentais pas encore prêt à dormir en caleçon avec lui. C'est un tout autre niveau, une nouvelle étape à franchir, et il me faut encore un peu de temps pour que j'apprenne à être entièrement à l'aise à ses côtés.

Mais je découvre, au fur et à mesure, grâce à lui, ce qu'est une relation saine, et surtout, consentie.

— En tout cas, je suis heureux pour toi, mon ange, ajoute-t-il, en faisant frotter son nez contre le mien, avant de venir embrasser mes lèvres dans un petit baiser furtif, qui ne me laisse pas indifférent.

Dans un plissement des sourcils et un gémissement de plainte de contrariété, j'ai tendu mes lèvres vers les siennes pour quémander un peu plus qu'un simple petit baiser volé. Jaekyung glousse d'attendrissement, en nous faisant délicatement basculer sur le côté pour m'allonger complètement sur le dos, et se retrouver au-dessus de moi, entre mes jambes écartées.

Cette position réveille en moi une certaine excitation que je me suis interdite, et mon regard descend inconsciemment jusqu'à son entrejambe, là où son érection matinale est fièrement dressée, coincée par le tissu de son boxer. Mais cela m'est largement suffisant pour me faire une idée de la taille de son pénis, en long et en large, me coupant la respiration, alors que je sens une flamme naissante dans le creux de mon estomac.

Elle s'embrase à mesure que mes yeux mémorisent la forme de son attribut.

Certainement pris en flagrant délit, il ne fait rien pour m'empêcher de l'admirer plus qu'il ne m'est permis de le faire, faisant sûrement accroître son égo et sa fierté à son paroxysme, au plus profond de lui. Au bout de quelques minutes, il met un terme à ma contemplation, en se penchant près de mon visage pour prendre possession de mes lèvres dans un tendre baiser. A ce contact désiré, je ne peux m'empêcher de gémir contre sa bouche dans un soupir de contentement, le faisant sourire de satisfaction.

Mes mains s'agrippent à ses épaules, alors que je réponds aux mouvements de ses lèvres contre les miennes, les ouvrant pour lui permettre de plonger dans mon intimité et de caresser ma langue de la sienne avec lenteur, puis, avec ardeur. Tout est devenu hors de contrôle, comme si mon corps n'était plus lié à mon cerveau. Notre baiser s'est enflammé, s'embrassant à pleine bouche dans des bruits de succions qui brisent le silence de la chambre, lorsqu'il s'amuse à attraper ma langue entre ses lèvres pour la sucer et me faire gémir à nouveau, comme s'il aimait savoir que je perds la raison sous ses baisers.

Hier, c'était doux et réconfortant.

Aujourd'hui, c'est sauvage.

Je peux la sentir, cette excitation pulsant dans son boxer. La pointe de son érection se frotte lentement contre mon pénis, toujours aux abonnés absents, malgré le plaisir que je ressens à travers ses gestes, à travers ses caresses sur mon torse, presque dénudé de tout tissu. Ce détail ne le fait pas réagir, trop occupé à me dévorer les lèvres, pour ensuite venir s'attarder sur ma mâchoire, puis ma gorge, qu'il vient parsemer de baisers humides et affamés. Il remonte le haut de mon pyjama jusqu'à mon visage, l'aidant à me le retirer, en levant les bras, avant de les faire retomber sur le lit et de cambrer le dos, lorsque sa bouche vient s'écraser sur ma poitrine.

Je bascule mon visage en arrière, le regard brumeux, fixant le mur décoré de diverses affiches de groupes et d'animés qu'il affectionne. Je suis incapable de les lire, mon cerveau cessant tout fonctionnement, me laissant porter par le désir que ressent mon corps à se faire découvrir et autopsié par ses lèvres et sa langue, ma peau réagissant à chaque fois que sa repousse de barbe la griffonne.

Ma respiration se fait de plus en plus saccadée, tout comme mon cœur qui ne sait plus où donner de la tête.

Ah ! Non, pas là... murmuré-je dans un petit gémissement.

Son souffle chaud chatouille l'un de mes tétons, faisant goûter le bout de sa langue contre mon mamelon pour le savourer et le faire durcir sous les coups de son muscle chaud et humide.

C'est sensible et terriblement bon à la fois. Cependant, rien ne se dresse dans le bas de mon pyjama, qui reste inexistant, contrairement à Jaekyung, qui arrive petit à petit à un point de non-retour. Je n'ai pas conscience de ce qui est en train de se passer et, vous vous direz sûrement que je suis trop con pour ne pas le savoir. Mais quand on est dans le feu de l'action, chamboulé par toutes les émotions qui nous submergent les unes après les autres, nous avons du mal à nous rendre compte de ce qu'il se passe autour de nous.

L'adrénaline mélangée à l'excitation, nous fait littéralement perdre la raison et nos sens.

Toutefois, il y a une différence entre le désir physique et psychique. Mon corps le désire terriblement. Il me le fait comprendre lorsque je me retrouve à proximité de lui et que je ressens cette terrible envie de sentir ses mains caresser et exploiter chaque parcelle de mon épiderme. Mon cerveau, lui, le désire également. Il me le fait savoir par des rêves et des pensées érotiques. Cependant, quelque part logés dans un coin de ma tête, des souvenirs gravés de mes traumatismes sont encore bien présentes dans mon subconscient.

Mais il suffisait d'une seule chose, d'une seule action pour les faire sortir de leur sommeil...

Sa main s'aventure un peu plus bas sur mon ventre, caressant mon duvet, partant de mon nombril, qu'il suit du bout de ses doigts, pour se faufiler sous l'élastique de mon pyjama. Et lorsque sa main effleure mon pénis, lui aussi dans un état de léthargie, je reprends subitement le contrôle sur mon corps dans un cri de terreur. Tous mes sens sont en alerte et je me suis brusquement redressé dans le lit, après l'avoir repoussé par les épaules pour l'éloigner de moi.

Ma respiration est lourde et pesante. Mon rythme cardiaque est complètement perdu et affolé. Mes yeux sont écarquillés et gorgés de larmes, brouillent ma vue. Je ne le vois plus, plongé dans l'un de mes innombrables souvenirs. Je ne l'entends pas non plus appeler mon nom et s'être rapproché de moi pour s'assurer que je vais bien.

Tu es nul.

Personne ne voudra de toi, si tu es aussi nul au sexe !

Personne ne t'aimera.

Sa voix.

Ha-joon est revenu des profondeurs de mon passé.

— Bébé ? Tu m'entends ?

Fais un effort, putain ! Ce n'est pas compliqué pourtant ! Surtout que je fais tout le travail, et toi tu as juste à recevoir !

— Joshua ? Reviens avec moi, mon ange, s'il te plaît.

Mais arrête de chialer ! Prends sur toi, j'ai bientôt fini. En plus, tu ne bandes même...

Mon regard s'agrandit brusquement, alors que j'inspire bruyamment une nouvelle bouffée d'oxygène. Je parviens à reprendre mes esprits. Jaekyung est là, devant moi, avec une inquiétude sans nom inscrite sur ses traits. Son érection a disparu. Son pénis s'est complètement ramolli par la panique et l'angoisse qui l'ont, elles aussi, submergé.

Il n'ose pas me toucher, ni avancer plus près de moi, laissant une certaine distance entre nous.

Une distance qui me brise le cœur.

Une montée de larmes fait tomber celles logées et coincées dans le coin de mes yeux. Je m'effondre en sanglots, tout en cherchant désespérément le contact vers lui, qui me prend dans ses bras, sans une once d'hésitation, pour me réconforter dans un silence qui se veut prévenant et quelque peu apaisant.

— Je suis là, mon ange, je suis là... chuchote-t-il dans le creux de mon oreille, alors que je sens ses mains rester immobiles sur mon dos, comme s'il avait peur de me caresser.

— Je suis désolé... Je suis désolé !

Je tremble. Je tremble tellement dans ses bras, que même moi je n'arrive pas à savoir si j'ai froid ou si ce sont mes émotions qui sont en train de redescendre progressivement dans ma conscience. Sans que je n'ai besoin de dire quoique ce soit, Jaekyung s'est détaché de moi, le temps de quelques secondes, pour récupérer le haut de mon pyjama.

Il m'aide à le remettre, avant de me reprendre dans ses bras et de me bercer dans une douce étreinte.

— Bébé ? me murmure-t-il, en s'asseyant sur le lit pour m'attirer sur ses cuisses, le visage caché dans le creux de son cou, inondant sa peau de mes larmes. Est-ce que j'ai fait quelque chose de mal ? Est-ce que je t'ai fait mal ? Putain, je suis désolé, j'aurais dû te demander comme je l'ai toujours fait, mais je ne sais pas ce qui m'a pris... Je suis désolé, de t'avoir effrayé...

Je secoue la tête avec véhémence pour contredire ses questionnements, me mettant à trembler une nouvelle fois dans ses bras. Il resserre plus fermement son emprise autour de ma taille.

— Non ! Tu n'as rien fait ! Tu n'as rien fait ! répliqué-je dans la foulée d'une voix étranglée par l'angoisse.

Je le convoite. Je désire tellement mon amant sexuellement. Je veux qu'il me touche, je rêve tant de faire l'amour avec lui, mais... Il est encore là.

Ha-joon.

— D'accord, d'accord, poursuit-il, toujours dans un murmure de compréhension, en caressant cette fois-ci la ligne de ma colonne vertébrale dans de lents et tendres mouvements de consolation. Tu voudras bien me dire ce qui t'a effrayé, mon amour ? Je ne veux pas refaire la même erreur une nouvelle fois, même si tu me dis que je n'ai rien fait.

Je suis impuissant.

Et je suis terrifié par le sexe.

Voilà les mots que je dois prononcer et qui sont impossibles à sortir de ma bouche. Je viens tout juste de quitter l'hôpital et je pensais que plus rien ne pourrait venir gâcher ma douce relation avec Jaekyung. Toutefois, mon ex faisait partie des choses auxquelles je ne pensais plus, en étant en présence de mon petit-ami. Et j'ai peur. Je suis si effrayé par la réaction que pourrait avoir Jaekyung en apprenant que je suis devenu impuissant et que le sexe me fait peur, associant la pénétration à la douleur et au sang.

J'ai peur qu'il ne veuille plus de moi, si j'en viens à me confier à ce sujet, après m'avoir clairement fait comprendre qu'il me désire et qu'il a terriblement envie de moi, de mon corps.

— Je ne me sens pas encore prêt, pas encore... pas encore... pas maintenant... bégayé-je, en reprenant petit à petit le pouvoir sur mon corps. Pas maintenant... s'il te plaît, Jaekyung, pas maintenant...

J'espère qu'il ne le prenne pas mal. J'espère qu'il comprenne que c'est un sujet délicat et qu'il me faut du temps et beaucoup de courage pour que je puisse lui en parler librement.

— D'accord, bébé, me dit-il, en interrompant mes pensées. Je ne te forcerais pas à m'en parler dans l'immédiat. Par contre, je ne veux pas non plus que tu gardes ça pour toi. Je ne sais pas ce qui t'a fait autant paniquer, mais tu sais que tu peux m'en parler, je ne te jugerai jamais, mon ange.

Je relève le visage vers le sien pour pouvoir ancrer mon regard dans ses yeux, toujours dominés par cette lueur d'inquiétude, répandant un sentiment de culpabilité dans ma poitrine. Il faut que je lui en parle. Il faut que je pose des mots sur ces souvenirs, sur ce qui me hante.

— Je te promets de t'en parler quand je me sentirai prêt. Je te le promets, Jaekyung, réponds-je d'une voix tremblante en rapprochant, avec hésitation, mes lèvres des siennes. En attendant, est-ce que... est-ce que tu veux bien m'embrasser ? Je veux sentir tes lèvres contre les miennes... J'ai besoin de te sentir contre moi...

Jaekyung fait glisser l'une de ses mains contre ma joue, la caressant prudemment à l'aide de son pouce.

— Tout ce que tu veux, mon ange, dit-il en venant sceller ses lèvres aux miennes dans un lent et tendre baiser, qui n'a plus rien à voir avec la flamme de désir qui nous a submergé un peu plus tôt.

C'est un baiser de réconfort. Un baiser à travers lequel j'essaie du mieux que je peux de lui faire comprendre ma reconnaissance et mes sentiments à son égard. De lui faire comprendre que je l'aime comme un fou, à défaut de ne pas réussir à le lui dire à voix haute.


❃ ❃ ❃ ❃


La neige s'est arrêtée de tomber. Nous avançons, ou plutôt, Jaekyung pousse mon fauteuil roulant à travers les allées du cimetière enneigé. Cet endroit qui peut en terrifier plus d'un, se trouve figé dans un monde hors du temps. Les tombes sont sublimées par cette épaisse couche duveteuse, les fleurs déposées à proximité de la sépulture ne sont plus que l'ombre d'elles-mêmes, à peine méconnaissable. Nous nous approchons de l'endroit où repose ma mère, et Azaël ne m'avait pas menti. Il a recouvert l'entièreté de son lit, d'une cinquantaine de bouquets de fleurs de lys, se mélangeant parfaitement à la neige, qui ressemble à s'y méprendre à un drap de soie, sous lequel elle dort paisiblement.

Je l'observe, silencieux. Je n'arrive toujours pas à croire qu'elle est morte. Je n'arrive toujours pas à croire qu'elle nous a quittés, dans d'atroces souffrances. Je n'arrive toujours pas...

— Bonjour, madame, je m'appelle Jaekyung. Jeon Jaekyung.

La voix de mon petit-ami brise le mutisme dans lequel je me suis plongé. Un frisson parcourt mon échine, malgré le plaid épais qui recouvre mon corps, déjà emmitouflé par des vêtements chauds.

— Je suis honoré de pouvoir vous rencontrer. Joshua m'a beaucoup parlé de vous, ajoute-t-il, sa main glissant sur ma joue glacée, pour la caresser. Votre fils est une personne extraordinaire, et incroyablement beau. J'ose imaginer qu'il tient toutes ces qualités de vous. J'aurais aimé pouvoir vous le dire de votre vivant, mais je vous promets de prendre soin de lui. Je vous promets de le rendre heureux et de faire chaque jour de sa vie, un souvenir qu'il n'oubliera jamais.

Ma gorge se noue à mesure qu'il prononce ces mots. Sa main, elle, continue de me caresser, comme pour me rassurer, comme pour me garder, conscient, auprès de lui. Je réalise peu à peu que c'est réel. Qu'elle est vraiment morte. Qu'elle n'est désormais plus qu'un souvenir, une mémoire que je dois honorer.

Ma mère a été victime de violence conjugale. Une femme plongée sous l'emprise de l'homme qu'elle a aimé. Une femme réduite sous silence, se retrouvant isolée de toute civilité, sans aucun espoir d'échappatoire. Une femme que l'on a pas cru, ignoré. Une femme que j'ai détesté, parce qu'elle n'osait pas prendre la parole lorsque mon père m'humiliait. Une femme que je n'ai pas cherché à comprendre, malgré les souffrances qu'elle exprimait en silence, seule dans sa chambre, à prier pour ses enfants.

J'ai longtemps cru que ma mère était faible, mais je me suis trompé. Elle a été incroyablement forte et s'est battue jusqu'au bout, pour nous offrir à moi et mon frère un avenir meilleur que le sien. Elle s'est battue pour me sauver, au péril de sa vie.

Ma mère était à l'image de toutes ces femmes battues... Une guerrière. Une héroïne que j'aurais aimé apprendre à connaître, à aimer. Ma mère est devenue la raison de ma détermination. Elle est devenue mon booster pour ma rééducation, ma force, ma rage de me battre à mon tour pour mon futur.

Je renifle. Je tremble. Mais le contact de la peau de Jaekyung contre la mienne me réchauffe, me soulage. Je suis vivant. Un survivant de mon passé. Un survivant de mes douleurs, mais je suis encore loin d'être un guerrier.

Mes larmes coulent sur mon visage, mes lèvres vacillent, j'en suis conscient à présent...

— Je t'aime, maman. Ne t'inquiète pas, Jaekyung prend soin de moi. Il est tellement parfait, parviens-je à prononcer. J'aurais aimé que tu puisses le rencontrer, je suis certain que tu l'aurais aimé... Je ne te décevrai pas maman... Je vais me battre, je te le promets. Je n'ai pas été le fils parfait mais je vais me rattraper, j'honorerais ta mémoire comme il le faut. Il y a tellement de choses que j'ai à te dire, mais on aura l'occasion de se parler dans mes rêves. Je t'aime maman. Je te souhaite un Joyeux Noël... Je...

Mes sanglots m'emportent, m'empêchant de terminer ma phrase. Jaekyung m'enlace dans une douce étreinte, silencieux. Il n'a pas besoin de parler pour me réconforter, ses bras suffisent pour m'apaiser. Je ferme les yeux et une vision de ma mère apparaît. Elle sourit, rayonnante comme un soleil.

Mon cœur se sent plus léger. Il est en paix avec elle. Maman, je ne t'oublierai jamais. Regarde-moi, un jour je remarcherai. Regarde-moi, un jour, on se reverra, mais pas maintenant, il est encore trop tôt. Regarde-moi, j'écrirai aussi ton histoire. J'écrirai tes larmes, tes souffrances.

Ton combat est désormais le mien.

— Dors bien maman. Les étoiles ne cesseront jamais de briller pour toi. 

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