𝟐𝟒. 𝐕𝐢𝐯𝐫𝐞 𝐚𝐮 𝐩𝐚𝐬𝐬𝐞 𝐞𝐭 𝐚𝐮 𝐩𝐫𝐞𝐬𝐞𝐧𝐭

Chapitre pouvant heurter la sensibilité des lecteurs.


Interlude,

Il est temps que je me confesse auprès de vous. Pas uniquement parce que Jaekyung me donne la force de le faire, mais parce qu'il est temps que j'accepte la réalité. Je ne peux plus l'ignorer. Je ne peux plus faire abstraction de tous ces signes qui m'entourent. Jusqu'à maintenant, je vous ai brièvement parlé de lui, me voilant la face, en me contentant de vous montrer les souvenirs de mon harcèlement scolaire, et le climat familial dans lequel je vis. Pourtant, le sujet principal de cette histoire concerne les viols à répétitions, et les conséquences que cet acte traumatique a laissé sur ma conscience.

Cependant, il était important pour moi d'énumérer les événements par ordre chronologique, car chaque épreuve est un fragment de ma vie, de ce que je suis devenu, aujourd'hui. Mes bourreaux, mes parents, Ha-joon, ont détruit mon passé, comme ils détruisent encore mon présent. J'ai beau me sentir aimé et entouré, ses marques indélébiles ne veulent plus me quitter.

Tout ça, à cause de lui.

Ha-joon a été mon premier béguin du lycée, mais pas mon premier coup de foudre. Il a également été le point final dans ma chute aux Enfers. Tout a commencé lors de ma dernière année de lycée, ma dernière année de harcèlement scolaire. J'étais assis sur l'un des bancs de la cour centrale de l'établissement, à étudier mes livres dans mon coin pour rester à l'écart des autres élèves qui me regardaient d'un air déplaisant, avec dégoût. J'étais encore quelque peu rondouillet, avec des bonnes petites joues bien rondes et rosées, qu'on aimerait, en temps normal, toucher et taquiner.

Gabriel n'était pas présent ce jour-là, il était malade, cloué au lit, à mon plus grand désarroi. C'était triste à dire, mais sans lui, j'étais perdu. Sans lui, je me sentais incapable de faire quoi que ce soit, incapable de me défendre par mes propres moyens.

J'avais le regard rivé sur mes bouquins, lorsqu'une silhouette me fit de l'ombre, m'obligeant à relever la tête pour mieux voir de qui il s'agissait. Mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine, craignant que ce ne soit l'un de mes bourreaux. Au détriment de toute attente, je ne voyais là qu'un simple garçon qui m'était drôlement inconnu. Il me regardait avec l'un de ces sourires que je vous décrirai comme charmeur, et des yeux — que j'aurais dû déchiffrer à ce moment-là — qui n'attendaient que de pouvoir me dévorer.

Ce fut là notre première rencontre, que vous avez pu voir à travers l'un de mes précédents souvenirs. Il désirait apprendre à me connaître, en soulignant le fait que plus personne ne me ferait de mal, qu'il me protégerait de tout danger, parce que je lui plaisais. J'aspirais tant à pouvoir aller de l'avant, à ne plus me reposer désespérément sur les épaules de Gabriel. J'ai accepté. Parce que je le trouvais mignon, et que je m'étais convaincu que quelque chose pourrait se créer entre nous. Ce n'était donc pas sur un coup de foudre que notre histoire a débuté, ni par de quelconque sentiments, mais plus comme une lueur d'espoir. Une porte de sortie, me soulageant de tout cet enfer que je vivais au quotidien.

J'ai vu en lui, une possibilité de panser mes plaies.

Au départ, Gabriel ne l'aimait pas plus que ça, et trouvait cette situation assez étrange, que ce garçon débarque dans ma vie du jour au lendemain, me déclarant sa flamme comme dans les contes de fées, tel un brave chevalier à l'amure scintillante et clincante, cavalant au dos de son majestueux cheval blanc, à la rescousse de sa princesse en détresse.

Quel cliché monstrueux, mais c'est bien ce qui s'est passé.

Lorsque je lui ai fait la remarque, en lui disant qu'il était lui aussi apparu tel un super-héros dans ma vie, il n'a pas nié, me disant qu'il ferait des efforts pour l'apprécier, parce qu'il me voyait de plus en plus sourire, et rire, chose qu'il considérait comme un précieux cadeau qu'il ne voulait plus jamais voir disparaître sous ses yeux.

Le premier mois de notre relation a été « les plus beaux jours de ma vie ». Plus personne n'était venu m'embêter, ni me faire du mal. Je pouvais traverser les couloirs du lycée sans qu'un élève ne vienne me pousser dans les escaliers, et encore moins me vider une poubelle usagée sur la tête lorsque j'allais m'enfermer dans les toilettes, pour échapper à une potentielle crise d'angoisse.

Tout s'est arrêté du jour au lendemain, comme il me l'avait promis.

Nous n'avions encore jamais eu de relation sexuelle lors de ce premier mois, même si cela m'arrivait très souvent d'aller chez lui quand ses parents n'étaient pas là. Nous dormions dans le même lit sans que rien de sexuel ne se produise. Pourtant, ce n'était pas l'envie qui me manquait, mais je voulais tout simplement attendre le bon moment, où je me sentirais vraiment prêt à sauter le pas. Oui je serais prêt à lui dire : Oui, je veux le faire.

Je n'ai jamais eu l'occasion de le dire.

C'est lors du deuxième mois, que les choses commencèrent à changer. Pas tout en même temps, non. C'était subtile, mais je remarquais tout de même ces changements dans notre relation ; il y avait moins de « tendresse », moins de « caresses », moins de « douceur ». Tous ses gestes étaient tout, sauf délicats. Ils étaient brusques, malsains et pourtant, mon cerveau me faisait croire le contraire, parce que je pensais l'aimer.

Quand je cherchais un peu de réconfort dans ses bras, il s'éloignait de moi, sans m'expliquer la raison du pourquoi. De même lorsque nous dormions ensemble, il se mettait à l'écart, avant de revenir vers moi.

Je sentais qu'il bandait, qu'il en avait envie.

Nous en avions pourtant discuté à maintes reprises, que je voulais attendre d'être prêt, que je ne voulais pas me précipiter, que cela me faisait peur, peur d'avoir mal et de souffrir atrocement lors de la pénétration. Qui plus est, je n'aimais pas mon corps, de par le harcèlement que j'ai subi, me donnant une vision dégoûtante de mon enveloppe corporelle, ce qui n'arrangeait pas les fois où il voulait qu'on dorme nus, ou qu'on prenne notre douche ensemble.

C'est à ce moment-là, que j'aurais dû comprendre que notre relation était vouée à l'échec, me reprochant de parler de mes traumatismes, que selon lui, je prenais comme excuse pour ne pas m'offrir à lui comme sur un plateau d'argent. A chaque occasion, il me rabâchait que je devais lui être reconnaissant de m'avoir « sauvé la vie ». Or, ce n'était là que de la manipulation psychologique et morale dont j'ai été victime par mon aveuglement, dans l'espoir d'être sauvé, d'être aimé par quelqu'un d'autre que mon meilleur ami.

Ha-joon le savait. Il avait vu les fissures de mon âme. Ma faiblesse, mon ignorance, mais surtout cette flamme d'espoir qui continuait de brûler en moi. Il s'était mis dans la tête, au point de me l'avouer à voix haute, que s'il devenait gentil avec moi, doux et attentionné, me disant les mots que je voulais entendre, j'allais finir par écarter les cuisses en guise de remerciement.

Lui donner ma virginité, en guise de monnaie d'échange.

Alors, quand j'eus le malheur de refuser pour la première fois de coucher avec lui, ce soir-là, fut l'hécatombe. Car, dans son esprit, il s'était persuadé que j'allais dire oui, que j'étais suffisamment anéanti par mes traumatismes pour le laisser faire, sans monter la moindre résistance.

Il n'a pas supporté le refus.

Je demanderai aux personnes sensibles de sauter ces prochaines lignes si vous ne vous sentez pas capable de les lire, car nous allons parler de mon viol. De mon premier viol conjugal.

Ha-joon m'a giflé pour la première fois. Nous étions allongés dans son lit, lui au-dessus de moi. Une deuxième gifle s'est abattue sur ma joue. Sa main s'était enroulée autour de ma gorge, qu'il serra pour m'étrangler, son visage à quelques centimètres du mien. Sa respiration était lourde et bruyante. Ses yeux ressemblant à ceux d'un démon. Aucune âme ne s'y reflétait, seulement la haine et la perversité s'y trouvaient. J'étais terrorisé. Je ne reconnaissais plus cet homme en qui j'avais placé tout espoir de guérison.

Je n'étais plus que l'ombre de moi-même, impuissant face à la mort. Mon corps refusait de bouger lorsqu'il baissa mon bas de pyjama. Pourtant, je sentais ses mains glaciales sur ma peau. Je sentais qu'il écartait mes cuisses, avant de cracher dans sa main pour étaler la salive sur son pénis, et me pénétrer avec brutalité. Aucun son n'était sorti de ma bouche, contrairement à mon âme, qui hurlait en écho dans tout mon être. Tous mes muscles s'étaient contractées à cette subite intrusion, tétanisé par ce déferlement de violence. Chaque pénétration était un supplice, chaque coup de rein un abattoir.

J'ai été sacrifié, souillé par l'homme qui partageait ma vie.

Je l'entendais gémir contre mon oreille. J'entendais le bruit de nos corps s'entrechoquer emplir les murs de sa chambre. Le grincement du lit, ses râles de plaisir, ses baisers sur ma gorge, marquée de ses doigts réduisirent en cendres la flamme de mon cœur. Je n'étais plus rien, je ne suis plus rien. Je n'étais plus qu'une poupée, qu'un jouet avec lequel il pouvait réaliser tous ses désirs.

Même une fois terminé, après avoir craché son venin dans mes entrailles et s'être retiré, satisfait, j'avais toujours cette sensation entre mes jambes de me faire violer. Je n'ai pas cligné des yeux une seule fois durant l'acte. Je n'ai pas gémis une seule fois, comme si la douleur n'existait pas. J'étais là, sans être là, à fixer silencieusement le plafond, le corps couvert de ses fluides, me demandant ce qui venait de m'arriver. Car même si au fond de moi je le savais, je ne voulais pas y croire.

Les hommes qui se font violer, ça n'existe pas ! Il n'y a que les PD et les femmes qui se font agresser, violer et tuer ! Tu sais pourquoi ? Parce qu'ils sont plus faibles, plus vulnérables, et facilement manipulables, contrairement à nous, les hommes, les vrais ! Ces paroles ont été prononcé par mon père, le lendemain de mon viol, lorsqu'une affaire d'aggression sexuelles, dont la victime était un homme, passait à la télévision.

Mon père est avocat, oui.

Par la suite, j'ai encore été violé. Ha-joon me prenait sans préparation, car d'après lui, je n'en avais pas besoin. Les scènes commençaient à se ressembler, jusqu'à ce que je pleure pour la première fois. La douleur était irradiante, m'envoyant des chocs électriques le long de mon épine dorsale, sans savoir que cette souffrance était la cause d'un déchirement anal. Mais il ne s'arrêta pas. Même si le sang coulait entre mes cuisses, même si je le suppliais de s'arrêter, il continuait en me disant de prendre sur moi, que je finirais par aimer ça.

En dehors de mes viols, il me répétait sans cesse que j'étais le pire des partenaires, que personne ne voudrait de moi si je ne faisais que me plaindre pour si peu, et que je devais m'estimer heureux que lui, m'accepte comme j'étais.

Il décidait de tout. De la manière dont je devais m'habiller, et de me comporter quand j'étais chez lui, en présence de ses amis. Il m'avait peu à peu endoctriné dans son mode de vie, me faisant croire que c'était normal, que c'était ainsi la vie de couple. Qu'il devait forcément y avoir l'un de nous deux qui doit se plier aux désirs de son partenaire, et c'était tombé sur moi.

Ce calvaire psychologique et physique a duré un an. Un an où je cachais mes craintes, mes peurs quand je me trouvais en compagnie de Gabriel.

Jamais seul.

Ha-joon était toujours là, avec moi. Même quand j'étais avec mon meilleur ami, certainement pour s'assurer que je ne dise rien. Il avait le contrôle sur mon téléphone, surveillant les messages que j'échangeais avec mon seul ami. Je n'étais jamais libre de faire quoi que ce soit sans avoir son approbation. Condamné à vivre à jamais sous son emprise, jusqu'à ce qu'un jour, il décide de me quitter, pour un autre.

Pour une autre personne encore plus instable psychologiquement que moi.

Ce jour-là, je me suis effondré en larmes. Pas de joie, non, mais de terreur. J'étais terrorisé à l'idée que ce cauchemar ne recommence, qu'il continue de me hanter après m'avoir abandonné avec des traumatismes une vision de « l'amour » funeste.

Au fil du temps, mon cerveau a fait quelque chose d'incroyable, en jouant un rôle important dans mon subconscient, me faisant peu à peu oublier les événements tragiques que j'ai subis, ainsi qu'une partie de mon passé. Que ce soit mon harcèlement scolaire, les violences psychologiques et physiques. Ce rôle a un nom, et il s'appelle l'amnésie dissociative. Parfois, les souvenirs ne reviennent jamais, tout comme ils peuvent resurgir du jour au lendemain, lorsque nous sommes confrontés à des éléments nous rapprochant, ou ayant une signification particulière avec ce que l'on a vécu par le passé.

Pour ma part, comme vous l'aurez compris, mes souvenirs ont refait surface lorsque j'ai visionné, pour la première fois, le live de cet homme masqué. Le sujet de sexe, ayant fait remonter à la surface mes traumatismes, expliquant mon impuissance face au désir. Cependant, je ne veux toujours pas y croire. Même si j'en ai conscience, une partie de moi refuse de l'entendre. Mon moi intérieur est encore effrayé par l'amour, par la peur de retomber dans les toiles d'une araignée, et de s'y voir dépérir à tout jamais.

Il faut beaucoup, beaucoup de temps pour pouvoir se reconstruire, beaucoup de temps pour pouvoir redonner une totale confiance à un être cher.

A aimer à nouveau sans crainte.

Mais un jour, tu es entré dans ma vie, mon amour.

Et cette histoire est notre histoire

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